Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CE QUI BLESSE LA CONSCIENCE

suite

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IV

QUELQUES FAITS INDIVIDUELS

 

Les rois sont des individus, admirablement placés, convenons-en, pour sauvegarder ou blesser la conscience.
Quand les Valois, quand un Louis XIV étalent leurs adultères au plein éclat du jour; lorsqu'ils entourent cette fange de la considération publique; lorsque la position de maîtresse en titre, de fils adultérin devient un état, j'allais dire une vocation reconnue, brillante, rayonnante, proclamée, respectée; lorsque, sans scrupule et sans vergogne, avec une impudence qui n'a d'égale que l'orgueil, l'individu roi légitime son vice et le déploye en haut; l'individu peuple profite de la leçon, et la répète en bas. Lisez l'histoire!

Tout écrivain est un professeur, tout artiste est, a sa manière, un créateur.
Quand le théâtre et les livres prennent à tâche de remuer les lies du coeur; quand l'impureté, sous tous ses aspects, en fait l'éternel fond; quand le vice, à toutes les sauces: tantôt frivole et grotesque, tantôt sérieux et gourmé, forme l'unique plat du menu; lorsque les expositions de peinture, sous prétexte de retour au vrai, lorsque les expositions de sculpture, sous prétexte de retour à l'antique, placent devant nos regards, c'est-à-dire devant nos âmes, des images vicieuses, provocatrices au mal; quand la musique se fait ignoble, quand ses phrases moqueuses, triviales et débauchées, je n'ai pas d'autre mot, vont rabattant l'esprit au lieu de l'élever; pensez- vous, dites-le moi, que ces discours-là restent sans action sur un peuple? Ne voyez-vous pas que chacun entend, que chacun comprend et que la vie nationale en est empoisonnée parce que le sens national en est perverti (1)?

L'industrie et les industriels ont blessé la conscience.
Ces fortunes immodérées, bâclées. en un tour de main sous l'étouffante, sous l'impure atmosphère des manufactures n'étalent point leur luxe, sans que, par un juste retour, le spectacle des misères qui en ont favorisé la monstrueuse rapidité : travail forcé des enfants (2), travail forcé des femmes, destruction de la famille, dépravation de l'âme et délabrement du corps, ne sautent aux yeux.
Plus de foyer, plus d'éducation, plus de saines tendresses! L'enfant, ce libre oiseau, encagé au sortir de l'oeuf, loin du soleil, du grand air, des buissons et de la liberté, s'atrophie et se corrompt. La femme séparée du mari, la fille de la mère; le logis froid, désert, répugnant; l'homme au cabaret, parce qu'il n'a plus d'intérieur; des rapprochements longs et fâcheux imposés par les exigences d'un même labeur, tandis que la différence des aptitudes et des branches opère la division entre les membres d'une même famille. tout cela constitue un état de choses vicieux; et l'argent qui en sort, les grosses prospérités bruyantes qui émergent tout à coup de ces marais, ne contribuent pas, tenez-vous en pour certains, à rassainir la conscience publique.
Dieu merci, toutes les fabriques et tous les fabricants n'en sont pas là. On rencontre des industriels préoccupés du bien-être, de la moralité, de l'avenir de leurs ouvriers. Ceux-là, parce qu'ils respectent la conscience, respectent l'homme; ceux-là, plus pères que maîtres, protègent les familles; ils instruisent les enfants, ils organisent des intérieurs gracieux, ils ménagent au travailleur des moments où il est roi chez lui. Mais on les compte; et le sens moral ne vit pas d'exceptions.

L'argent - il faut, hélas ! y revenir sans cesse aujourd'hui - l'argent, par ses origines, attaque la conscience et la laisse blessée.

Nous assistons à des tripotages honteux. Nous voyons des spéculations véreuses enrichir ceux qui les ont lancées et d'effrénés jeux de Bourse réussir. Tout à côté de ces fortunes scandaleuses, nous voyons des banqueroutes scandaleuses aussi, qui n'empêchent ni les jouissances ni la vie à fracas. On a trompé, on a infligé des pertes, on a jeté nombre de familles dans le désespoir; et l'on va grandes guides, sans tomber sous les coups de la justice - qui s'abattent dru comme grêle sur le voleur d'un pain - on va grandes guides, menant la grande existence des grands faiseurs!
Et la société accepte cela, et l'opinion ne se formalise point, et, une fois que le tour est fait, bien fait - n'oublions pas ce détail - le monde passe condamnation; tout sourit à ces gens-là!
Croyez-vous l'enseignement bon? Votre moralité, pour le recevoir chaque jour, s'en porte-t-elle mieux? Et, sans parler du socialisme, qui profite de la leçon, sans parler du discrédit que jettent de pareils hasards sur la propriété; un trouble profond ne va-t-il point saisir au plus secret de nos consciences, ces fermes notions du bien et du mal que rien ne semblait pouvoir ébranler?


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V

LA VITALITÉ DE LA CONSCIENCE


Lorsqu'on voit tout ce qui fait la guerre à la conscience : philosophies, religions, gouvernements, justices pénales, conflits entre nations, scandales donnés par les rois, vices pratiqués par les peuples, corruption dans les lettres, dans les arts, dans les moeurs; une pensée vient à l'esprit ; il faut que la conscience soit bien fortement constituée, bien indestructible, bien divine, il faut qu' elle ait la vie bien dure pour subsister encore, en dépit de tant d'ennemis!
Et souvent même, elle dicte à ceux qui la blessent des actes par lesquels elle prouve son impérissable autorité.
Ces pasteurs libéraux qui donnent leur démission parce qu'ils ne croient plus, ces laïques douteurs qui cessent de s'associer au culte parée qu'ils n'ont plus de convictions, ce pape et ces ultramontains qui vont droit devant eux, en plein abîme d'obscurité, mal-. gré-les avertissements des habiles; cette-Église libérale, à Londres, l'Église du Progrès, qui, n'admettant plus la Bible, ne la lit pas; qui, ne croyant plus en Jésus-Christ, ne célèbre ni le baptême ni la cène; qui', n'ayant plus foi dans l'intervention surnaturelle de Dieu, ne prie pas; remplaçant des dévotions menteuses par -quelques discours politiques ou sociaux entremêlés de concerts; tous ces actes, tous ces hommes obéissent à la conscience, car ils -obéissent à la vérité.
Déplorons les tendances, je le veux; honorons l'intégrité, suprême triomphe du sens moral.
Par là, par ce retour au vrai, notre siècle se montre supérieur aux siècles précédents.
Chaque chose, aujourd'hui, prend sa forme et sa couleur. Les positions se font tranchées; le catholicisme rompt nettement avec la lumière; le scepticisme se déclare franchement irréligieux; on voit des gens qui, ayant perdu la foi, ne font pas à Dieu l'injure de conserver l'adoration.

Le réveil du christianisme a produit ce réveil de la conscience.
Avant l'Évangile, tous les genoux fléchissaient, sans exception, devant les dieux du pays. Les plus incrédules, parmi les Romains et les Grecs, exerçaient sans scrupule les fonctions du sacerdoce. Il y avait au fond de l'âme humaine un mensonge permanent, un mépris, universel à l'endroit de la religion. C'était le principe, païen (3).
L'Évangile, révélation du Dieu de vérité, nous ramène forcément au vrai. Nous sommes, dans la proportion où nous croyons à l'Évangile, des hommes de vérité. Les nations, dans la mesure où elles acceptent l'Évangile, sont des peuples de vérité; c'est-à-dire de lumière, c'est-à-dire dé liberté.
Chez celles-là, non chez d'autres, naissent les progrès; chez celles-la, non chez d'autres, s'accomplissent des réformes qui ne sont pas. des révolutions; chez celles-là, non chez d'autres, l'esprit de famille s'est développé, la littérature n'a pas sombré dans la boue, les arts ne se sont pas avilis; Celles-là, non d'autres, ont retrouvé le principe chrétien par excellence : l'Église indépendante, l'Église séparée de l'État et du monde; ce sel de l'Évangile, ce puissant, ce magnifique triomphe de sincérité qui nous restitue la croyance individuelle, qui nous rend l'accord entre les actes et les convictions; qui est, à lui seul, une résurrection de la conscience!

La conscience, relevée, délivrée par l'Église libre, a librement déployé sa force. Missions, évangélisation, écoles du dimanche, écoles des déguenillés; guerre aux infamies sociales, guerre aux oppresseurs, charité collective, charité privée, tout a pris l'essor!
On nous déclare que le christianisme va mourir, qu'il est mort, que l'impiété a gagné la bataille., que les revues et les journaux démolissent à qui mieux mieux l'Évangile, que les savants lui ont dit son fait, qu'il n'y a plus qu'à l'enterrer!
J'aurais envie de répondre :
Les gens que vous tuez se portent à merveille!
Mais non; je renvoie juges et sentences au XVIIIe siècle, à l'Angleterre et à Montesquieu.
La foi semblait si parfaitement détruite alors, qu'un observateur tel que Montesquieu pouvait s'écrier: En Angleterre, il n'y a point de religion!

Et c'était le moment où Wesley, où Withefield, saisissant la Bible, donnaient le signal du réveil qui a secoué le monde protestant, galvanisé la monde catholique, produit l'élan vers toutes les libertés. C'était l'heure du réveil qui a créé toutes les oeuvres, du réveil qui va partout briser la monstrueuse union du spirituel et du temporel, partout régénérer l'individu, transformer partout les sociétés !

« Je suis vivant. J'ai été mort. Mais voici, je suis vivant au siècle des siècles (4)! »

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1. Visitez le musée de Madrid; rappelez-vous le temps des Poussin, des Lesueur; écoutez les Handel, les Beethoven; ils vous diront d'où nous sommes tombés. 
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2. Ce travail, jusqu'à seize ou dix-sept ans, devrait être absolument interdit.
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3. L'extrême Orient soupçonnait seul autre chose. - Voyez le Bouddhisme.
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4. Apocalypse, I, 18. 
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