Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



CONTRE LE COURANT

TROISIÈME PARTIE


V

(Pour combler le néant)

 

En effet, la bataille fut rude, pendant plusieurs jours. Mais elle se livra dans les sphères invisibles, plus que sur la terre. Car une âme immortelle en était l'enjeu.
- Oh ! Dieu, criait Roseline, à tout instant, ne le laisse pas glisser dans l'éternité des ténèbres, avant qu'un rayon de ta miséricorde l'ait éclairé !

Enfin, un matin, le docteur déclara le danger écarté, félicita l'infirmière de ses capacités professionnelles et de son dévouement.
- Il vous devra la vie plus qu'à moi, dit-il loyalement, devant le malade lui-même.

Lorsqu'il fut sorti, M. Barrett se tourna vers Mlle Duclavel et d'une voix ferme, qu'elle ne lui connaissait pas :
- Mademoiselle, je désire vous parler. Veuillez vous asseoir tout près de moi. je veux tout d'abord, vous remercier du fond du coeur, de vos soins, qui, probablement, comme le dit le docteur Ducret, m'ont conservé l'existence. Mais je vous remercie plus encore de m'avoir inspiré la volonté de vivre... pour ma fille.
Il avait prononcé ces derniers mots avec une infinie tendresse et en joignant ses mains amaigries, comme en une inconsciente prière.
- M. Barrett, dit Roseline, de - sa voix cordiale, je n'ai fait que mon devoir et ce devoir, croyez-le, eût été tout à fait impuissant à opérer le miracle de votre guérison. Dieu seul en est l'Auteur.

Le malade détourna la tête avec un demi-sourire plein d'amertume :
- Quel dommage qu'une femme comme vous croie en de pareils enfantillages !
- Des enfantillages dont la valeur ne m'a jamais fait défaut, dit l'infirmière très calmement. C'est plus que vous ne pouvez dire de vos théories négatives, lorsque vous vouliez mourir, en laissant seule et sans protection, votre pauvre petite Daphné. Si vous aviez cru en Dieu et en sa Parole, M. Barrett, vous n'auriez pas eu cette pensée.

Il la regarda avec un étonnement mêlé d'admiration.
- By Jove, vous savez vous défendre ! C'est vrai, je n'ai plus de ressort... mais si vous saviez combien j'ai souffert ! je m'en vais vous le raconter. J'ai fait la guerre et j'ai été sérieusement « gazé ». On a cru que j'en mourrais. J'étais fiancé à une jeune fille que j'adorais et qui a rompu notre engagement, parce qu'elle ne croyait pas à ma guérison complète et qu'elle craignait de devoir faire la garde-malade toute sa vie. je ne la blâme pas, mais elle avait de la religion et sa religion ne lui a pas donné le dévouement à la hauteur de l'amour qu'elle prétendait avoir pour moi, ou la patience d'attendre. Elle en a épousé un autre. Après deux ans de souffrances indicibles, je me suis marié à mon tour... mais de dépit. Hélas ! qu'ai-je fait ? je suis riche, très riche même, car depuis la guerre, mon père (dont j'étais le fils unique) est mort et j'ai hérité d'une grosse fortune, faim dans l'industrie. Une jeune fille, pauvre, mais de la vieille noblesse, m'a épousé pour mon argent... et...

Il s'arrêta, eut un sourire amer et poursuivit :
- Étrange à dire, mais aussi... pour ma santé précaire ... je ne devais pas vivre bien, bien longtemps ...

Roseline eut un geste de protestation
- Taisez-vous ! cria-t-elle. C'est trop de cynisme...
- C'est bien le mot, dit-il, fermement, mais je puis vous dire cela, car les circonstances vous ont permis de pénétrer dans notre intimité, et vous savez certainement ce que, d'ailleurs, il est bien inutile de vouloir cacher : sa passion pour le jeu, son esclavage de la morphine.

Une ombre passa sur le visage du malade, puis, d'une voix basse :
- Nous ne nous sommes jamais aimés, et si ce n'était le luxe qui l'entoure, et dont elle ne peut se passer, il y a longtemps qu'elle m'aurait quitté... Le divorce est pourtant fait en faveur des gens comme nous...
Il s'arrêta, fatigué de cette longue conversation et mit sur ses yeux, sa main diaphane.
Roseline le regardait, de plus en plus envahie par une pitié immense.
Que dire à cet homme malade et déprimé

- Vous comprenez, continua-t-il, d'une voix sourde, pourquoi je voulais disparaître. Car tout espoir est mort dans ma vie et je me sentais incapable de lutter... même pour Daphné. Elle est si jeune et je puis si mal la protéger contre tous les dangers qui la menacent !
- Alors, dit Roseline, gravement, pourquoi lui empêchez-vous de connaître Celui qui, seul, peut la protéger et la secourir ? Celui auquel vous devez la vie ?
- Comment savez-vous que je lui en empêche ? demanda-t-il, surpris.
- Miss Duncan me l'a avoué. Permettez-moi de vous dire, Monsieur Barrett, que cela est injuste et cruel !
- C'est exactement le contraire, fit-il vivement. je veux lui éviter les déceptions que j'ai eues ; car, il fut un temps où je croyais en un Dieu d'amour, comme les chrétiens le proclament... et je n'ai trouvé que le néant ! ...
- Et pour combler ce néant, qu'avez-vous demandé à Miss Duncan de lui enseigner ?
- L'accomplissement du devoir, répondit-il avec une fierté qui donna à son visage amaigri un air de noblesse qu'elle ne lui avait jamais vu.
- Pauvre petite Daphné ! soupira Mlle Duclavel. Elle a un père qui, si je le juge bien, a toujours essayé de faire son devoir, jusqu'au jour où il lui a paru impossible de le faire vis-à-vis d'elle. Est-ce l'exemple du devoir que vous alliez lui laisser, M. Barrett ? Est-ce là l'idéal des gens qui ne croient plus en Dieu ?

De nouveau, il la considéra avec admiration.
- Vous devriez être conférencière et non infirmière, dit-il (quoique j'aie personnellement à me féliciter de votre profession ! ). Vous êtes terriblement habile !

C'était encore le mot qu'avait employé Miss Duncan. Était-ce là la seule impression qu'elle faisait ? Elle en ressentit une profonde humiliation.
- Non pas « habile », dit-elle, en souriant un peu tristement. Nous causerons de nouveau, une autre fois. Maintenant, je vais vous lever un peu et vous déjeunerez devant la fenêtre ouverte.


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