La conversion et la sanctification sont des
expériences distinctes l'une de l'autre, dans presque
tous les cas. Il est extrêmement rare que lors de la
conversion, l'âme ait suffisamment de lumières
pour que Dieu puisse lui accorder, en même temps que
le pardon de ses péchés passés, la
délivrance du péché en tant que
principe.
Le pardon des péchés est reçu
par la foi. « Le juste vit par la foi »,
c'est-à-dire, qu'il commence et qu'il continue
à vivre par la foi. La sanctification est
également obtenue par la foi. C'est un don, et tout
don n'est obtenu qu'à un moment précis et par
un acte de foi. Et comme Dieu ne peut pardonner et enlever
que le péché que nous avons vu et reconnu, le
péché pour lequel nous nous sommes
jugés, devant lui, il faut généralement
au nouveau converti un certain temps et certaines
expériences, avant de reconnaître nettement
qu'il existe un fonds de péché qui doit
être enlevé, - le vieil homme qui doit
être crucifié, - en un mot, avant que la
sanctification commence à se détacher
nettement devant ses yeux spirituels comme la grâce
précise qu'il est, dès lors, appelé
à chercher (1). Il
sait qu'il est enfant de Dieu, mais il est obligé de
reconnaître qu'il est, souvent, très souvent,
un enfant désobéissant. Il sait que tout son
terrible passé est effacé, que l'immense
fardeau de péché qui pesait sur son âme,
et qui de jour en jour était devenu plus lourd, a
été ôté par son Sauveur, et en un
clin d'oeil jeté dans l'abîme; mais il a
conscience que le Saint-Esprit n'a pas encore pu saisir
complètement les rênes intérieures de sa
vie; il y a encore là certains vieux plis, pour ainsi
dire, des habitudes d'insoumission, des racines d'amertume,
le péché comme tendance, comme fonds, et bien
que, peut-être, la plupart du temps, vainqueur de ce
péché, le maîtrisant, et le gardant pour
ainsi dire comprimé, il est obligé de
reconnaître, à sa grande douleur, que ce
péché persiste et souvent triomphe de lui. Il
a souvent conscience que cette nature dépravée
penche fortement dans une direction opposée à
la volonté de Dieu, de sorte qu'il y a encore en lui
lutte continuelle entre la chair et l'esprit, chacun
travaillant à avoir le dessus et l'esprit se trouvant
souvent vaincu par le monde et le diable aidé de la
chair. Et quand bien même elles n'auraient lieu que
dans le secret de son propre coeur, ces manifestations le
troublent profondément.
Il sent instinctivement que le péché, sous n'importe quelle forme, veut toujours dire : angoisse, trouble, condamnation. Il sent que le péché seul peut troubler ceux qui sont nés de nouveau du Saint-Esprit.
À moins d'avoir été aveuglé
dès l'abord par quelque fausse doctrine, son instinct
spirituel lui dit qu'il n'y a aucune nécessité
à ce que le péché demeure en lui; mais,
bien au contraire, que « Dieu l'a
prédestiné à être conforme
à l'image de son Fils », à être
sauvé « du péché »,
entièrement sanctifié et rempli de l'amour de
Dieu à tel point qu'au milieu des plus terribles
épreuves, et des persécutions les plus
cruelles, il peut demeurer, en toutes choses, « plus
que vainqueur » par Celui qui l'a aimé. En un
mot, l'Esprit de Dieu ne cesse de travailler en lui pour le
pousser à rechercher l'entière
sanctification.
Il est évident que le démon, aussi, de
son côté, fera tout ce qui est en son pouvoir
et se servira de tous les moyens, fût-ce même en
citant à tort les Saintes-Écritures, pour lui
persuader qu'il doit accepter un niveau inférieur de
grâce et de vie, un salut incomplet.
« Tous ceux qui veulent vivre SAINTEMENT, en Jésus-Christ, seront persécutés. » Ils auront à subir ces persécutions spéciales et particulières du démon, du monde et même de certaines personnes religieuses - persécutions qui deviennent le partage inévitable de ceux qui sont décidés à posséder et à proclamer « la sainteté. »
Je vais indiquer ici rapidement quelques-uns des principaux caractères de cette grâce que la Bible désigne sous tant de noms divers: la sainteté, un coeur pur, une vie sans reproche, la perfection dans l'amour, la mort au péché, l'accomplissement de la loi, la séparation du mal, le sabbat de l'âme, le repos, /a paix parfaite, être gardé irrépréhensible, marcher dans la lumière, avoir une bonne conscience, la vie où il n'y a aucune condamnation.
Je ne veux nullement ici entrer dans une discussion théologique. Le but de ce livre, comme je l'ai dit dans la préface, est essentiellement pratique. On trouvera dans la liste des publications des ouvrages petits et grands, traitant cette question plus amplement (2).
Notre Seigneur nous a assuré une vie de
liberté et de victoire. La liberté est
nécessaire à celui qui veut exécuter
son ordre d'aller en libérer d'autres.
Une vie « d'amour, de joie et de paix »
nous est promise. Nous pouvons être au large, jouir du
repos intérieur, posséder un coeur qui ne nous
condamne pas, où rien n'intervient pour nous cacher
la face de notre Dieu, ou altérer la
sérénité du ciel de notre âme.
Mon âme est remplie d'une sainte joie, au moment
même où j'écris ces lignes, à la
pensée qu'il ne peut y avoir une tâche plus
belle que celle d'annoncer la délivrance aux captifs
et de dire par expérience qu'il est possible de
posséder la glorieuse liberté des enfants de
Dieu.
Je suis souvent saisi d'étonnement en voyant combien de temps, de peine et de travaux certains chrétiens dépensent à chercher à limiter l'étendue de l'oeuvre de Jésus-Christ, combattant à outrance pour prouver que le péché a nécessairement « droit de cité » dans le coeur de l'homme. Ils semblent même avoir une certaine aversion pour tout passage de l'Écriture qui parle de triomphe, de victoire et de liberté, et se complaire plutôt dans ceux qui leur paraissent assurer à l'humanité une vie de défaite perpétuelle.
Il est inutile de chercher à rendre bon le fruit
d'un arbre par des moyens extérieurs aussi longtemps
qu'il y a dans la nature de l'arbre un mélange qui
lui fait produire des fruits de deux genres
opposés.
Le seul système rationnel, c'est celui
indiqué par Jésus-Christ, de rendre l'arbre tel que nous
désirons que soient ses fruits.
« Rendez l'arbre bon, a-t-il dit, et son fruit
sera bon. »
Les fruits de la chair et de l'esprit sont
opposés, et Dieu demande aussi absolument que les
fruits de la chair cessent d'être produits, qu'il
demande la production des fruits de l'esprit. Le langage de
Dieu est si catégorique qu'il fait comprendre que ce
serait contre nature pour l'homme sanctifié de
produire de mauvais fruits.
Le trouble, l'angoisse, la honte, qui remplissent l'âme, lorsque les fruits de la chair se manifestent, lui montrent clairement qu'il n'y aura jamais une vie vraiment heureuse, une paix permanente. aussi longtemps que la production de ces fruits n'a pas complètement cessé, et que seul ceux de l'esprit n'apparaissent. Chacun désire ardemment vivre en paix au-dedans, et tant que le coeur est partagé, la lutte est si violente et provoque de tels désordres, un tel malaise, qu'il ne peut que désirer le soulagement, et aspirer à parvenir enfin à la paix et au repos.
C'est précisément ce désir intense,
cette douleur profonde qui expose l'âme à
être la victime du premier charlatan spirituel qui lui
donnera des calmants sans enlever le mal.
Le monde est rempli de systèmes religieux des
plus fallacieux, des plus antibibliques ayant pour base le
principe anti-scientifique de chercher à
enlever les effets, sans chercher à enlever la cause.
C'est le mal lui-même qu'il faut enlever, alors le
malaise disparaîtra. C'est la guerre intérieure
qu'il faut abolir par la victoire absolue du roi
légitime, et alors la paix qui surpasse toute
intelligence régnera au-dedans. Il est évident
qu'aucune paix durable ne pourra exister jusqu'à ce
que toute puissance intérieure, toute force qui
s'oppose au règne de Dieu soit absolument
détruite et anéantie de manière
à laisser la pauvre âme enfin libre de jouir de
l'Éternel son Dieu, de le suivre en tout et
partout.
Il est même nécessaire afin que cette
paix soit complète, que tout effort laborieux pour
continuer à se confier en Jésus, pour
maintenir son regard fixé sur lui ou pour se
cramponner à lui, soit remplacé par la vie de
Jésus elle-même, de telle sorte que ce sera Lui
qui produira en nous le vouloir et le faire, et nous
affranchira de tout souci, même pour notre propre
âme. Nous serons alors « véritablement
libres » - libres pour penser aux autres, pour servir
notre maître dans le monde sans avoir à nous
préoccuper de la question de notre propre salut.
Dans cette vie de liberté, notre confiance ne se basera pas intérieurement sur notre foi persévérante; notre âme ne se reposera pas sur sa propre foi, sur sa propre fidélité à demeurer dans l'abandon à Dieu, mais sur Dieu lui-même, sur Celui qui soutient l'univers. - Ce ne sera pas nous qui tiendrons la main de Jésus, ce sera plutôt lui qui nous soutiendra par sa main; c'est ainsi que notre confiance ne reposera pas sur notre effort, mais elle reposera sur sa fidélité.
La sainteté, la justice selon Dieu, c'est la
conformité volontaire, immédiate, constante,
complète à sa volonté dans toutes ses
manifestations; c'est ce qui constitue à la fois le
service parfait et la liberté parfaite. Notre
volonté doit être soumise ici-bas à la
volonté de Dieu aussi réellement qu'elle le
sera après cette vie, et nous ne pouvons pas nous
faire d'autre loi que celle que Dieu nous a donnée:
faire sa volonté ici-bas comme nous la ferons pendant
l'éternité.
En même temps, il est évident qu'un tel
état de choses ne peut être créé
ni continué dans un coeur qu'à la condition
d'y laisser Jésus-Christ établir son
trône comme le Roi absolu et sans rival.
Il découle de ce principe que l'état de
dépravation du coeur qui offre encore une
résistance au gouvernement absolu du Roi
légitime, est une oeuvre du diable, et «
Jésus-Christ est venu pour détruire les
oeuvres du diable. »
N'est-il pas étrange qu'il soit même
nécessaire d'arguer pour un instant que Dieu ne
puisse accepter que ses enfants demeurent en un état
de séparation partielle de lui, ou d'opposition
partielle à sa volonté.
Comment pourrait-il avoir une communion parfaite avec ceux qui vivent dans cet état? « Mais si nous marchons dans la lumière comme il est lui-même dans la lumière, alors nous sommes mutuellement en communion, et le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché. » (l Jean, 1, 7.)
L'âme sait fort bien que dans cet état, elle ne sera pas à l'abri de la tentation, mais en même temps, elle ne s'attend pas à y céder, et elle ne voit aucune nécessité de le faire et d'être infidèle à son Dieu. Elle sait que plus elle est avancée, et plus elle sera tentée et éprouvée; elle sait qu'il lui serait possible de céder à la tentation, de tomber, de laisser reparaître en elle quelque racine d'amertume, quelque mauvais sentiment, et c'est pour cela même qu'elle demeure dans un abandon absolu à Dieu, sachant que Lui seul peut la garder et que la justice qu'elle possède ne vient pas d'elle-même mais de lui. Elle sait que si, d'un côté, les imperfections physiques et intellectuelles dont elle a hérité comme membre d'une race dégénérée ne lui permettent pas de rendre à Dieu un service aussi entier qu'aurait pu le faire un homme physiquement et intellectuellement parfait, et que dans ce sens, son service sera toujours incomplet, et aura besoin jusqu'à la fin du sang de Jésus-Christ pour le rendre acceptable à Dieu, d'un autre côté, dis-je, elle sait que ce que Dieu demande d'elle lui est possible et que, par la vie de Jésus-Christ, elle peut accomplir toute la loi divine (3).
La loi de Dieu dit à chaque individu : « Tu
aimeras ton Dieu de tout TON coeur »,
c'est-à-dire selon la capacité du coeur que
nous avons et non pas du coeur que nous aurions eu, si Adam
n'était pas tombé. Un homme à qui il
manque un bras ne peut pas servir Dieu avec deux, et pour
lui, la loi divine sera : Tu serviras ton Dieu avec ton bras
et non pas avec tes bras.
Mais en même temps s'il sert Dieu « de
TOUT son coeur, de TOUTE son âme, de
TOUTES ses forces,
» que
reste-t-il alors pour le diable et le péché?
Énumérons quelques-unes des formes sous
lesquelles se manifeste le péché et mettons en
regard quelques-unes des formes sous lesquelles se manifeste
la sainteté.
Dans le coeur non sanctifié, il y a toujours
des restes, - quelque petits qu'ils soient ou quelque
rarement qu'ils apparaissent, - des péchés
suivants: l'orgueil, l'impureté, l'ambition, la
vanité, l'envie, la jalousie, l'injustice,
l'impatience, l'intempérance, la mauvaise humeur, la
malice, la rancune ou l'esprit de vengeance, la haine, la
convoitise, la paresse, l'amour du plaisir ou des richesses
de ce monde, la dissimulation, le manque d'une
véracité foncière du coeur, la
curiosité, l'incrédulité, la
colère, la vantardise, l'ingratitude, la
prodigalité et enfin, comme fond essentiel : l'égoïsme.
Naturellement quelques-uns de ces péchés s'identifient plus ou moins et le principe de tout péché est tout simplement de chercher sous une forme ou une autre sa satisfaction personnelle, indépendamment du bien universel et de la gloire de Dieu. Je les ai énumérés au courant de la plume sans suivre de système, simplement comme un répertoire et dans un but pratique.
Le péché ne consiste nullement à posséder les désirs, penchants, ou appétits naturels que Dieu a mis en l'homme en le créant, mais il réside dans l'acte (intellectuel ou matériel) de satisfaire un désir ou un sentiment quelconque en dehors de l'intérêt universel et du contrôle du Saint-Esprit; de même que la sainteté consiste en l'assujettissement complet et constant de tous les désirs naturels à la loi du bien universel, autrement dit à la loi de l'amour de Dieu et de l'humanité; en un mot, le péché consiste exclusivement dans l'égoïsme et sa satisfaction sous une forme ou sous une autre. C'est suivre la loi des caprices, des préférences, des répugnances, au lieu de la loi divine qui exige que chacun vive pour le bien universel. Lorsque Dieu gouverne une volonté il la fait poursuivre le bien de toutes ses créatures indépendamment des préférences naturelles de l'individu sur lequel il règne.
Quand le Dieu-amour règne en un homme, cet homme est maître de lui-même, il tient son corps assujetti, il sait faire une distinction entre ce qui est humain, innocent, en lui et le péché qui, agissant du dehors, voudrait amorcer ses instincts naturels, et seule, la lumière divine permet à qui que ce soit de faire cette distinction si nécessaire et de discerner entre la tentation et le péché, entre la fausse accusation du démon et la voix du Saint-Esprit.
Le péché, au fond, c'est vouloir plaire à soi en dehors des intérêts de Dieu et de l'humanité.
La sainteté, c'est plaire à Dieu en dehors
des désirs propres, en dehors de la question de
plaisir ou de souffrance, en dehors de l'opinion des hommes.
C'est cette vie qui est la seule véritablement
facile, la seule véritablement agréable, car
elle est la seule véritablement naturelle. La
sainteté est l'état normal de l'homme dans
l'économie de la rédemption, comme l'innocence
était son état normal dans l'économie
primitive de la création.
La sainteté, c'est un don gratuit de
Jésus-Christ comme le pardon des
péchés. C'est un fruit de la rédemption
- cueilli par un simple acte de foi. Mais de même
qu'un homme ne songe pas à étendre la main
pour cueillir un fruit qu'il croit hors de sa portée,
de même il est rationnellement impossible à un
chrétien de faire acte de foi pour obtenir la
sainteté s'il n'y a pas au fond de son coeur la
croyance nette et ferme que cette grâce est à
sa portée.
(1)
Il n'est pas nécessaire, pour obtenir la
sanctification par la foi, de dépenser des
années à chercher à sonder jusqu'au
fond l'abîme du péché qui est dans le
coeur, ou chercher à connaître les innombrables
formes que peut prendre le péché. Ce serait
perte de temps, et l'effort charnel pour sonder cet
abîme ne ferait que cultiver, provoquer et multiplier
le mal. Ce qui est nécessaire, c'est de
connaître une fois pour toutes qu'il y a là un
fonds inépuisable de mal, qui, tant qu'il n'est pas
enlevé, ne cessera d'envoyer à la surface ses
produits et ses exhalaisons mortels. Pour faire abattre un
arbre, c'est assez de constater que sa nature, sa
sève et ses fruits sont mauvais.
Quiconque s'attend à pécher,
péchera toujours. La foi n'est en dernier lieu que
J'attente ferme de ne pas pécher. Il nous sera
toujours fait selon notre foi, ou selon notre doute. C'est
pourquoi, fixer ses yeux sur son propre coeur dans le but de
sonder le mal, d'examiner le péché afin de
bien le connaître avant d'en être
délivré, est une forme très subtile
d'incrédulité. Cette forme en vaut une autre
pour le démon, pourvu qu'elle remplisse et occupe une
vie d'homme au point de la paralyser et d'empêcher
tout travail spirituel fécond.
La foi détourne le regard spirituel du coeur
pour le diriger sur le Rédempteur; et, par un seul
regard de foi, nous pouvons être purifiés
à fond et l'abîme insondable de notre coeur
rempli d'amour au lieu d'être rempli du
péché.
(2) Voir entr'autres: La Vie sainte; La guerre est déclarée; Réflexions et expériences d'un Salutiste; Comment être sanctifié; Vainqueur.
(3) La perfection absolue (je ne parle pas de l'amour parfait) est une chose qui appartient 'i Dieu seul ; les anges même tout en étant parfaits dans leur sphère ne répondent pas à la plénitude de la perfection.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |