SECTION Il. - Esquisse du contenu des livres historiques.

 

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§ 36. De Josué à la mort de Salomon. - Au point de vue chronologique, on peut diviser en deux parties bien distinctes les livres historiques de l'Ancien -Testament. Les uns vont de l'établissement des Israélites en Canaan jusqu'à l'établissement de la monarchie ; les autres vont jusqu'à la mort de Salomon. La première période contient l'histoire de la conquête et de la prise de possession du pays, le déclin de la foi et de l'obéissance après la mort de Josué, les chutes, les châtiments et les relèvements successifs du peuple. La seconde raconte le réveil de l'esprit religieux sous Samuel et David. Les livres de Josué, des Juges, de Ruth, et 1 Sam., I, 1-10 , comprennent un intervalle de trois cent soixante-cinq ans. Les deux livres de Samuel , les deux des Rois, le premier livre des Chroniques et le second jusqu'au chapitre IX, comprennent la fin de cette période environ l'espace de cent vingt ans. Sur les difficultés chronologiques du commencement de cette période, voyez § 101.

Josué se divise en trois parties principales :

I-XII Récit de la conquête. La circoncision est remise en vigueur. Camp de Guilgal. Guerre de sept ans ; destruction de trente et un rois.

XIII-XXII. Le territoire partagé par le sort; chaque tribu obtient un héritage en accord avec les prophéties de Jacob et de Moïse. Le tabernacle à Silo. Les deux tribus et demie. L'autel du témoignage.

XXIII, XXIV. Dernières paroles et mort de Josué. - Vingt-cinq ans.

Les Juges racontent diverses conquêtes de détail imparfaitement achevées, aboutissant parfois à des mariages mixtes avec les Cananéens, et par conséquent à l'idolâtrie ; l'histoire de sept servitudes et de treize juges , dont quelques-uns, Ehud et Samgar, Barak et Débora, furent peut-être contemporains (Ussérius).

Les chapitres XVII à XXI appartiennent à la première partie de cette période. - Trois cent neuf ans.

Ruth est un épisode qui se place vers le milieu de l'époque des juges, peut-être même plus tôt, Obed , fils de Ruth, ayant été le grand-père de David; il descendait de Juda (IV, 18. Cf. Gen. , XXXVIII, 29. Matth., I, 3).

Samuel. Les dix premiers chapitres du premier livre racontent la judicature d'Héli et celle de Samuel, ainsi que divers faits relatifs a la désignation de Saül comme roi. - Vingt et un ans.

1 Sam. , X à 2 Sam., I, 27 (et 1 Chron., X-XII) racontent l'histoire de Saül, son règne , ses guerres, son infidélité , sa réjection. Quarante ans.

2 Sam., II, 1 à 1 Rois, II, 14 (et 1 Chron., XI, 1 à XXIX, 30), le règne de David, ses victoires , ses afflictions, la cause de ses épreuves, sa repentance et son pardon. - Quarante ans.

1 Rois, II, 12 à XI, 43 (2 Chron., I, 1 à IX, 31), le règne de Salomon, sa gloire, la prospérité et l'extension du royaume. - Quarante ans.

Psaumes. Cantiques. Proverbes. Ecclésiaste.

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SECTION III - Les livres de Josué, des Juges et de Ruth.

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§ 37. Josué. - On pense généralement que le livre qui porte le nom de Josué a été composé par lui-même ou d'après des matériaux fournis par lui, à l'exception de deux ou trois fragments ajoutés par un écrivain postérieur. En tout cas, le premier fait qui frappe, c'est qu'il a été écrit par un contemporain, témoin oculaire des événements qu'il rapporte (V, 1; VI, 25).

La teneur générale du livre, le caractère de Josué comme chef du peuple et comme prophète, enfin la tradition unanime des Juifs , ne laissent aucun doute sur la personne de l'auteur (cf. Josué , VI, 26. 1 Rois, XVI, 34). Il ressort d'ailleurs de la comparaison de XV, 63 avec 2 Sam., V, 7-9, et de XVI, 10 avec 1 Rois, IX, 16, que le livre de Josué a dû être écrit avant l'époque de David et de Salomon. Les faits qu'il rapporte sont rappelés en divers autres livres (1 Chron., Il, 7; XII, 18. Ps. XLIV et CXIV, 3, 5. Esaïe, XXVIII, 21. Hab., III, 2), et il contient plusieurs prophéties dont l'accomplissement est constaté ailleurs: I, 9, III, 13 (voyez IV, 18); VI , 26. Cf. 1 Rois, XVI, 34, etc.

On peut regarder comme ayant été ajoutés plus tard : XIX, 47 (Juges, XVIII, 27-29; XV, 13, 19. Cf. I, 11-16) et XXIV, 29-33.

Josué était éphraïmite (1536 avant Christ) , l'un des douze espions qui visitèrent Canaan, et pendant de longues années il fut le fidèle serviteur et compagnon de Moïse. Il lui fut accordé de monter avec lui sur le Sinaï, avant la promulgation de la loi. Il semble avoir été revêtu de la garde spéciale du tabernacle (Exode, XXXIII, 11). Après la mort de Moïse, il prit en mains les rênes du gouvernement, ayant été depuis longtemps expressément désigné par Dieu même pour remplir ces difficiles fonctions. Son nom était primitivement Osée, sauveur; Moïse lui donna plus tard le nom de Josué , l'Eternel est le Sauveur, ou le salut est de l'Eternel, et ce nouveau nom , qui se rapportait à l'oeuvre dont il devait être l'instrument, en fait en même temps un type de notre Sauveur.

Son caractère et son histoire renferment des enseignements de la plus grande importance. L'Esprit était en lui (Nomb. , XXVII, 18). Bien qu'il eût la promesse assurée du succès (chap. I) , on ne le vit jamais négliger aucun des moyens humains qui pouvaient contribuer à le garantir. Il envoie des espions, il discipline son armée, et cependant ce n'est pas en ces moyens, mais en Dieu seul qu'il se confie. Avant d'attaquer les Cananéens, il se consacre de nouveau solennellement à Dieu, lui et son peuple (chap. V), et dans les moments de crise il demande à Dieu, par une prière spéciale, son aide et son secours (X, 12-14). Des efforts personnels et la prière, le zèle et une confiance pleine de soumission, voilà sa ligne de conduite. Les sentiments de foi et de piété qui le remplissent se montrent dans leur plénitude dans ses derniers appels , et l'esprit d'affectueuse déférence avec lequel le peuple reçoit ses touchants et sérieux adieux prouve l'heureuse influence qu'il avait su exercer sur la nation (XXIII, 8). La discipline du désert avait porté ses fruits.

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§ 38, Leçons pratiques. - Rahab est un exemple vivant du pouvoir de la foi, et des bénédictions qu'elle apporte avec elle. Elle fut sauvée, elle et toute sa maison , et bien que Cananéenne, elle compte parmi les ancêtres de David et de Jésus-Christ (Héb. , XI, 31).

L'histoire de Jérico et de Hacan (chap. VII) nous rappelle que toutes nos victoires viennent de Dieu, et que nous devons lui obéir sans contester; elle nous montre que le péché est découvert et puni, et que Dieu n'a point d'égard à l'apparence des personnes.

Les divers renouvellements de l'alliance avec Dieu, qu'on lit aux chapitres V, XXIII et XXIV, sont également instructifs. Les Israélites étaient le peuple choisi de Dieu; ils lui appartenaient par une consécration spéciale , et néanmoins à plusieurs reprises, pendant le cours de leur histoire, ils renouvelèrent solennellement leur alliance pour se la rappeler à eux-mêmes, et comme s'ils voulaient aussi la rappeler à Dieu.

La destruction des Cananéens est une proclamation terrible des conséquences du péché. Comparés aux Israélites, ils étaient certainement un peuple vaillant, aguerri, discipliné, et néanmoins ils furent vaincus. Ils ne paraissent même pas avoir fait de grands efforts pour repousser un ennemi en apparence si peu redoutable. Ils comptaient peut-être sur les débordements du Jourdain, qui , à l'époque où Josué entra en Canaan, vers l'équinoxe du printemps, grossi par la fonte des neiges , ne devait pas être praticable. Peut-être aussi, comme le dit l'un d'entre eux , la terreur du Dieu des Hébreux les avait-elle paralysés et moralement découragés. Ils étaient un peuple cruel , féroce, désespérément corrompu (Lév., XVIII, 24-30. Deut. , IX, 4 ; XVIII , 10-12). L'idolâtrie avait augmenté, comme elle le fait toujours, leur esprit de licence et de cruauté. Ils avaient connu la volonté de Dieu, car ils descendaient de Noé, et pendant plusieurs siècles la lumière des premières révélations, bien qu'affaiblie, avait brillé pour eux (Gen., XIV). Ils avaient été avertis par les scènes du déluge, par la destruction des villes de la plaine, par la catastrophe de Pharaon et de son armée, par les défaites récentes de leurs voisins les Amorrhéens , par le Passage du Jourdain , par la chute de Jérico, par la délivrance de Rahab, par le témoignage intérieur de leur propre conscience. Ils devaient disparaître de la Palestine, pour que les Israélites ne fussent pas exposés à l'influence corruptrice de leur idolâtrie, et ils avaient la ressource de la fuite. De fait , beaucoup d'entre eux émigrèrent et allèrent sur les côtes plus éloignées de la Méditerranée fonder des colonies florissantes, monuments vivants, pour les siècles qui suivirent, de la puissance du Dieu qui combattit contre eux.

On pourra objecter, soit que la guerre d'extermination qui leur fut faite avait un caractère terrible de cruauté, soit aussi que Dieu aurait pu les exterminer par la famine ou par la peste. A ta première objection, l'on répond que la cruauté était le caractère général des guerres de cette époque, et qu'il n'y a rien d'extraordinaire à ce que Dieu n'ait pas jugé à propos de recommander des moeurs et une douceur exceptionnelles, quand il s'agissait d'une nation plus coupable que d'autres et condamnée par ses vices à l'extermination (Josué, VIII). A la seconde objection l'on peut répondre par ce fait, que, de tous les plans et moyens, celui qui fut choisi de Dieu était le plus propre à faire comprendre et sentir la puissance et la justice divines, la supériorité de Dieu sur les idoles des nations, et sa juste colère contre les crimes dont elles s'étaient rendues coupables. Ajoutons que la même discipline pesait sur les Israélites pour les gouverner, au besoin pour les châtier, et que le système général qu'on peut reconnaître dans ces événements est tout-à-fait conforme à ce que Von voit encore aujourd'hui, à cela près que les hommes sont maintenant les fléaux de Dieu par son consentement tacite, tandis qu'alors les Israélites l'étaient par son ordre positif.

De même que les Israélites , triomphant par la foi, nous offrent un type du triomphe final de l'Eglise et du triomphe de tout chrétien par Jésus, le capitaine de notre salut, le chef et le consommateur de notre foi (Héb. , II, 10; XII, 2), la destruction des Cananéens se place à côté du déluge et de la ruine de Jérusalem , comme une preuve manifeste de la colère de Dieu contre le péché , et peut être considérée comme un emblème du jugement dernier (Ps. CIX. Luc, XIX).

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§ 39. La prophétie accomplie. -Les promesses de Dieu à Abraham sont maintenant en partie réalisées. Les Juifs sont entrés en Canaan. Le tabernacle de Dieu est élevé à Silo. La loi a été promulguée et acceptée. Dans sa moralité, elle est éminemment sainte; dans ses institutions civiles, elle est parfaitement propre à isoler le peuple, à le préserver du contact des nations voisines, et à rappeler la réalité du gouvernement personnel de Dieu dans ses cérémonies , elle est un symbole prophétique de l'Evangile, mais en partie seulement. La promesse première d'une bénédiction pour toutes les nations, ratifiée à Abraham et renouvelée aux autres patriarches, bien qu'elle renfermât la possession de Canaan, est trop vaste pour pouvoir s'arrêter là. La prophétie concernant la dignité future de la tribu de Juda, la prophétie de Balaam, Moïse annonçant comme devant venir après lui un prophète plus grand que lui, et particulièrement les prophéties de Deut., XXXI (cf. Lév., XXVI. Deut., XXVIII) annonçant les péchés du peuple, et la dispersion de leur postérité qui en serait la conséquence, tout tendait à faire pressentir aux Israélites une nouvelle dispensation plus grande et plus générale. Elles n'autorisaient, ni la perspective d'un séjour perpétuel en Canaan, ni même la pensée que la loi fût le dernier mot de Dieu. Chacune de ces prophéties impliquait des bénédictions universelles, un royaume plus grand, une révélation nouvelle dans un temps éloigné, un prophète choisi parmi le peuple, une contrée dont les habitants demeureraient à toujours. Ces prophéties étaient quelquefois assez obscures; mais elles étaient toujours assez claires pour stimuler l'esprit de recherche et pour justifier la foi. La position d'un Israélite pieux n'était pas sans de nombreuses analogies avec la nôtre. De Canaan, il regardait en arrière vers les prophéties accomplies, ou en avant, et il entrevoyait un glorieux avenir. Une partie de cet avenir est maintenant notre passé; nous pouvons y trouver de glorieuses promesses accomplies; d'autres, et dans un sens presque toutes, l'avenir nous en réserve encore la réalisation. Toutes les nations ne sont pas encore bénies; mais , pour le chrétien , comme alors pour le Juif pieux, l'accomplissement des prophéties anciennes est un Sage assuré de l'accomplissement de celles qui restent.

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§ 40. Josué et les Juges comparés au Pentateuque. - Si nous comparons les livres de Josué et des Juges avec le Pentateuque , avec lequel ils ont d'ailleurs beaucoup plus de rapports qu'avec Samuel, l'intelligence que nous en aurons ne fera que croître. On peut dire qu'il y a entre eux les mêmes rapports qu'entre les Evangiles et les Actes.

Le Pentateuque raconte les oeuvres du grand législateur et les lois sur lesquelles devait reposer toute l'ancienne économie. Josué raconte l'histoire de l'établissement du peuple de Dieu, conformément aux promesses qui lui ont été faites. Le livre des Juges montre la corruption faisant de bonne heure irruption dans le sein de l'ancienne Eglise.

Les Evangiles, de même, sont l'histoire du grand Prophète et des principes sur lesquels devra reposer son Eglise. Les Actes racontent l'établissement de cette Eglise, conformément aux promesses de son Fondateur. Les Epîtres nous montrent , comme le livre des Juges, l'infidélité se faisant jour dans l'Eglise. En étudiant et en comparant ces différents livres à ce point de vue, les rapports des deux dispensations et les différences qui les séparent apparaîtront plus clairement. Qu'on étudie le rituel de la loi dans l'incarnation et dans la mort de Christ, que l'on compare les luttes et les victoires des Juifs avec celles de l'Eglise, ces dernières seront toujours relevées par le contraste. Le génie et l'esprit de l'Evangile, le caractère et la dignité du Sauveur apparaîtront plus glorieux. Il résuma en sa personne les triples fonctions de législateur, de prêtre, et de chef, qui furent remplies par Moïse, Aaron et Josué, chacun de ces hommes ayant été dans son temps , et pour sa part, un type de celui qui devait venir.

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§ 41. Le livre des Juges. - La tradition juive attribue ce livre à Samuel; mais elle ne saurait décider entièrement la question qui reste incertaine. On peut conclure de différents passages du livre même qu'il fut écrit depuis l'établissement de la monarchie (XIX, 1 ; XXI, 25) et avant le règne de David (I, 21. 2 Sam., V, 6-8). La maison de Dieu (XX , 18 ) , comme dans Josué, IX , 23, désigne donc simplement le tabernacle , et la captivité, dont il est parlé XVIII, 30, désigne quelqu'une des servitudes contemporaines ; voyez Ps. LXXVIII , 60, 61, où la même expression est employée.

Le livre des Juges est cité directement ou indirectement par plusieurs des écrivains sacrés (1 Sam., XII, 9-11. 2 Sam., XI, 21. Ps. LXXXIII, 11; LXVIII, LXXXIX, etc. Esaïe, IX, 4; X, 26).

Les juges, qui, pendant trois siècles environ, gouvernèrent le pays, ne se succédèrent pas régulièrement; ils étaient occasionnellement suscités de Dieu dans des circonstances extraordinaires pour délivrer Israël de ses oppresseurs et pour rendre la justice. Sans être revêtus de l'autorité royale, ils agissaient, pendant un temps indéterminé, comme les représentants de Dieu , le roi invisible.

Leurs pouvoirs et leurs fonctions semblent avoir été les mêmes que celles des suffètes (shophtim, juges) à Carthage et à Tyr, ou des archontes d'Athènes. Quant au gouvernement proprement dit du peuple , c'était une espèce de république fédérative, les anciens ou chefs ayant toute autorité dans leurs tribus respectives.

Le caractère des Israélites, tel qu'il ressort de ce livre , semble s'être amoindri. La génération contemporaine de Josué était à la fois courageuse et fidèle, exempte de cette obstination et de cette faiblesse qui avait déshonoré la génération du désert (Juges, II, 7). Néanmoins leur première ardeur s'était refroidie, et plus d'une fois Josué avait dû intervenir et leur reprocher l'indifférence dont ils se rendaient coupables. Peut-être le territoire entier de la Palestine était-il trop considérable pour leurs besoins, trop étendu pour qu'ils pussent utilement l'occuper. Chaque tribu ayant reçu la part de son héritage, ils s'attachèrent au sol ; ils s'alourdirent en le cultivant, et, préférant leurs aises aux périls de la guerre, ils refusèrent de se venir en aide les uns aux autres quand ils étaient attaqués isolément. Chacun pour soi. Ils aimèrent mieux aussi réduire en esclavage les nations dépossédées que de les chasser du pays. Cette politique fut imprudente; elle était coupable. Les suites ne tardèrent pas à se faire sentir. Une autre génération s'éleva. Vivant dans le voisinage immédiat des idolâtres, ayant des idolâtres au milieu d'eux, les Israélites ne tardèrent pas à se laisser gagner par leur exemple; ils formèrent des alliances avec eux , et se souillèrent de leur idolâtrie (Juges, II, 13). De leur côté , les Cananéens se relevaient; ils se comptèrent, et furent bientôt assez forts pour tenir tête à la race élue, d'autant plus que celle-ci , corrompue par la débauche, la mollesse et l'idolâtrie, avait perdu l'énergie et la foi de ses pères. C'est ainsi que le péché se multiplie dans le monde; c'est ainsi que dans cette circonstance, comme toujours, le péché porta avec lui son châtiment. Les pécheurs trouvent la mort dans leurs voies, et Dieu, en les punissant, manifeste sa justice et sa fidélité (Juges, Il, 14-18). La leçon morale de toute cette histoire se trouve dans la dernière moitié du second chapitre.

On aurait tort cependant de croire que cette période tout entière ne fut qu'une suite non interrompue d'idolâtries. Quelques-uns de ces désordres n'affectaient souvent qu'une partie du pays, taudis que le reste était dans un meilleur état moral et spirituel. Les péchés qui furent châtiés de Dieu et les délivrances qui furent accordées à la repentance sont rapportés tout au long, tandis que parfois un seul verset suffit à mentionner une longue période pendant laquelle les juges gouvernèrent un peuple fidèle et soumis aux commandements de Dieu. Parmi ceux qui , sans aucun doute en assez grand nombre, résistèrent à la contagion générale saint Paul rappelle quelques illustres exemples d'une courageuse fidélité (Héb., XI, 32).

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§ 42. Le livre de Ruth. - On peut considérer ce livre comme un épisode de celui des Juges et comme une introduction à ceux qui vont suivre. Il contient des détails sur la famille d'Elimélec , et nous montre comment Ruth la Moabite, devenue Israélite par la foi, épousa Booz, et fut ainsi l'une des ancêtres de David, et, par conséquent, de Christ. L'auteur est incertain; on pense généralement que ce fut Samuel; il y a du moins , dans l'original (I, 17 ; IV, 6) des tournures de phrases qui ne se trouvent nulle part ailleurs, si ce n'est dans Samuel et dans les Rois. Le livre de Ruth donne à David une généalogie qui ne devait pas être flatteuse pour un si puissant monarque ; c'est une preuve de plus de la sincérité du récit. Cette notice généalogique est reproduite Matth., I, 5. Luc, III, 32.

Les événements auxquels se lie l'histoire de Ruth eurent lieu pendant la période des juges (I, 1); mais le livre ne fut évidemment rédigé que beaucoup plus tard (IV, 7).

Si bref qu'il soit, le livre de Ruth est remarquablement riche en exemples de foi , de patience, de sagesse, d'amour, non moins qu'en preuves des soins paternels d'un Dieu qui protège ceux qui sont siens et qui sait tirer le bien du mal. Les malheurs d'Elimélec, les péchés de ses fils qui épousèrent des Moabites, la mort de ses fils, le veuvage de Nahomi, puis celui de Ruth elle-même, tout aboutit à la conversion de l'étrangère et à l'honneur de sa famille adoptive. Que de changements en dix ans ! Nahomi est devenue Mara (I , 20). Elle s'en était allée pleine de biens, l'Eternel l'a ramenée à vide; mais elle est pleine de courage et de foi. Dans son épreuve, elle montre autant de sagesse que de tendresse. Quand elle dit à ses filles tout ce qui les attend si elles la suivent en Canaan, Horpa pleure, l'embrasse et retourne à ses idoles; Ruth , au contraire, s'attache à ses pas et montre tout ensemble la profondeur de son affection et la fermeté de ses convictions religieuses (I, 16; II, 12). Aussi reçut-elle sa récompense de la part du Dieu d'Israël, sous les ailes duquel elle était venue se retirer.

Il avait été annoncé aux Juifs que le Messie sortirait de la tribu de Juda; plus tard, il leur fut dit qu'il naîtrait de la famille de David. Il était donc nécessaire que l'histoire de cette famille fût écrite et conservée avant le jour où les promesses s'accompliraient.

Ruth , la païenne, la Moabite, adoptée et reçue dans l'Eglise de Dieu, dans la république d'Israël, est comme un rayon d'espérance qui perce les ténèbres de l'ancien monde pour luire sur les Gentils. Bien plus, elle est reçue dans la famille des ascendants du Messie, comme si Dieu voulait annoncer, par avance, le grand mystère des païens admis dans son alliance, sanctifiés par lui, réunis à son peuple , et proclamant qu'il n'y aura plus qu'un seul troupeau et un seul berger.

Le contenu du livre se divise comme suit : chap. 1, histoire de Nahomi, son départ pour Moab, son retour en Canaan avec Ruth, sa belle-fille. - Entretiens de Booz avec Ruth ; leur mariage (II, 1 à IV, 12). - Naissance d'Obed et généalogie de David (IV , 13-22).


Table des matières

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