SECTION IV. - Samuel, les rois et les Chroniques.

.

§ 43. Les deux livres de Samuel. - On vient de voir que l'histoire de Ruth est une digression au milieu de l'histoire générale, mais une digression ayant un but spécial ; c'est un fil conducteur qui relie les diverses parties de l'ensemble du récit. Les livres de Samuel nous donnent l'histoire des deux derniers juges Héli et Samuel (qui ne furent pas comme leurs prédécesseurs des hommes de guerre , mais des prêtres et des magistrats civils) , et des deux premiers rois Saül et David.

Les deux livres n'en formaient primitivement qu'un seul, la division actuelle ayant été introduite par les Septante et la Vulgate : ces deux versions leur donnent le nom de premier et second livre des Rois , parce qu'ils racontent en effet le commencement de l'histoire des rois d'Israël et de Juda.

On ne saurait trancher avec certitude la question relative à l'auteur de ces livres ; mais les plus grandes probabilités sont en faveur de l'ancienne tradition qui attribue I Sam. , I-XXIV, à Samuel lui-même, et le reste à Gad et à Nathan. Ce fut probablement dans les dernières années de sa vie que Samuel écrivit son histoire (V, 5; VI, 18). Dans tous les cas , la place de ces livres dans le canon, les prophéties qu'ils renferment (1 Sam., II, 30. 2 Sam., XII, 10-12), les citations qui en sont faites dans les livres suivants et dans le Nouveau-Testament (1 Rois, XI, 26. 2 Rois, II, 4-11. 1 Chron., XVII, 21, 25. Voyez Actes, XIII, 22. Matth. , XII, 3), disent assez quelle est l'autorité dont ils jouissent.

Gad était contemporain de David , probablement l'un de ses compagnons dans le désert (1 Sam. , XXII, 5). Il est appelé voyant. Nathan fut un des principaux conseillers de David ; il reçut à diverses reprises les ordres et les communications que Dieu le chargeait de transmettre à son roi (2 Sam., VII, 2 ; XII, 1. Ps. LI). Son nom est cité Zach. , XII, 12 , comme représentant la famille des prophètes. - On trouve aussi dans les livres de Samuel des odes ou cantiques de différents auteurs. Le cantique d'Anne est remarquable par ses nombreux rapports avec celui de Marie (1 Sam., II, 10. Luc, I, 46-55) ; il renferme une prophétie très-claire du Christ, qui y est appelé pour la première fois le Messie (l'oint) et le roi.

Samuel était, comme son nom l'indique, une réponse de Dieu aux prières de sa mère; il fut consacré à Dieu dès son enfance. Revêtu du pouvoir suprême dans l'Etat, il gouverna sans ambition, il remplit ses fonctions avec une intégrité irréprochable, il les résigna sans hésitation ni résistance. Il était à la fois craint et respecté par Saül, qui lui conserva le titre et les fonctions de juge jusqu'à sa mort ( 1 Sam. , VII , 15). Les révélations qu'il reçut , l'esprit qui l'animait, étaient tels que tout Israël, depuis Dan jusqu'à Béersébah, reconnaissait que Samuel avait été établi prophète par l'Eternel.

Il est très-important, quand on étudie Samuel et les livres historiques en général, de faire attention à l'ordre chronologique.

.

§ 44. L'alliance de Dieu avec David. - Pour bien comprendre l'alliance de Dieu faite par David , Dieu assurant à sa postérité une domination éternelle, il faut lire et comparer 2 Sam., VII, et XXIII, 5. 1 Chron., XVII. Ps. LXXXIX et CXXXII.

On voit par 1 Chron., XXVIII, 1-7, 1 Rois, VIII, 15-26, XI, 9-13, que ces promesses trouvèrent en Salomon un accomplissement partiel.

Quand la grandeur temporelle de la maison de David commença à décliner, Dieu envoya ses prophètes pour confirmer la stabilité de son alliance, et garantir à Juda pour l'un de ses descendants une gloire sans pareille sur la terre (Amos, IX, 11-15. Esaïe, IX, 6, 7, 11. Jér., XXIII, 5, 6 ; XXXIII, 14-26). Ces promesses se rapportent au règne universel et permanent du Messie, à ce règne éternel qui est maintenant commencé, et qui ne sera établi définitivement que quand tous ses ennemis seront mis au-dessous de lui comme son marchepied (Luc, I, 31-33, 39. Actes, II, 25-36; XIII, 32-37).

On peut voir par Esaïe , LV, 3. Héb., I, 5. Actes , Il, 30 , que David lui-même avait bien compris que l'alliance et les promesses de Dieu se rapportaient à notre Seigneur et aux bénédictions spirituelles qu'il répandrait sur le monde.

.

§ 45. Les mouvements de la prophétie. - Sous Samuel nous avons un réveil de l'esprit prophétique. Depuis Josué jusqu'à Héli il semble qu'il n'y ait guère eu « d'apparitions de visions » ( 1 Sam., III, 1. Jér., XV, 1. Actes, XIII, 20 ; III, 24). Sous les juges la première alliance continua de subsister sans modifications ; le sacerdoce et l'administration civile demeurèrent ce qu'ils étaient. La loi donnée par Moïse fut maintenue dans toute sa vigueur, et donna , par l'accomplissement de quelques prédictions, des preuves évidentes de son origine divine et de son autorité. Mais aux jours de Samuel des changements considérables eurent lieu dans le pays; de grandes calamités l'humilièrent dans ce qu'il avait de plus cher ; des succès extraordinaires mais passagers le relevèrent par moments ; le sacerdoce allait être transféré dans une autre branche, la monarchie allait s'établir. Bientôt encore l'unité nationale sera brisée, le royaume sera divisé. L'idolâtrie sera publiquement professée et nécessitera une répression publique et vigoureuse. Puis viendront une longue série de douleurs nationales qui se termineront par l'exil et la captivité.

Des changements intérieurs aussi profonds rendaient nécessaire une intervention spéciale de Jéhovah. Il fallait que la révélation prophétique fût réveillée et que son horizon s'agrandit. Comme Moïse avait demandé des pouvoirs extraordinaires qui fissent accepter sa mission, il en fut de même pour Samuel. Il apparaît comme prophète et commence une ère prophétique qui se poursuit sans notable interruption jusqu'aux jours de Malachie.

Une vocation surnaturelle et une vision prophétique lui sont accordées dès le commencement de son ministère. A peine au sortir de l'enfance , il fut chargé de répéter à Héli une prédiction qu'un homme de Dieu lui avait déjà faite une première fois, et le rapide accomplissement de cet oracle, ainsi que d'autres circonstances encore, établirent de bonne heure son autorité. Bientôt le peuple demanda un roi ; comme ce caprice impliquait une défiance de la protection et de l'amour de celui qui avait fait d'Israël une théocratie, Samuel le combattit au nom de l'Eternel. Cependant Dieu finit par accorder au peuple ce qu'il demandait, et le prophète fut chargé de veiller à tout ce qui pouvait se rapporter à ce changement dans la forme du gouvernement, de tracer les limites des droits de la royauté, de désigner le roi choisi de Dieu, puis plus tard de transporter la couronne sur une autre tête et dans une autre famille. Jusqu'ici les oracles et les fonctions du prophète sont essentiellement civiles et administratives.

Mais la prophétie revêt sous David un autre et plus grand caractère. Le royaume lui est de nouveau confirmé (2 Sam., VII, 12-17. Ps. LXXXIX). Le glorieux règne de Salomon est annoncé, mais en des termes qui laissent entrevoir un autre roi, plus saint et plus élevé. La promesse faite à Abraham était à la fois temporelle et évangélique; il en est de même de celle qui est faite à David. A Abraham, le Messie avait été annoncé, plus ou moins clairement, comme la semence promise; à Moïse, comme le prophète qui devait venir ; à tous ceux de cette époque, comme prêtre ; à David il l'est en outre comme roi. C'est pour cela qu'il insiste sur l'autorité du Messie , qu'il parle de l'hostilité des rois de la terre, du sceptre d'équité qu'il a dans les mains, de sa sacrificature immuable , de l'excellence de sa nature, de sa mort, de sa victoire sur la mort, de sa domination tant sur les Juifs que sur les Gentils (voyez Ps. II, XVI, XLV, CX, etc.). Moins de cent ans après, les tribus opprimées règnent d'une mer à l'autre, et les ténèbres des siècles passés, éclairées tout-à-coup par de nouvelles révélations, introduisent l'aurore d'un jour qui semble devoir être sans nuages.

Il vaut la peine de remarquer que , tandis que Samuel et Nathan promettent, à David la durée de son royaume, c'est, David lui-même qui reçoit de Dieu, par révélation, l'intelligence de cette promesse, et son regard aperçoit à travers les gloires terrestres de son royaume les gloires plus grandes et éternelles du royaume de Jésus. Les prophètes révèlent et magnifient le type, mais lui , il en célèbre la réalisation ; il appelle le Christ son Seigneur et il rend partout hommage à sa personne et à son oeuvre (voyez Ps. CX).

A mesure que le royaume et le caractère de Christ sont ainsi mis en évidence , l'Esprit de Dieu veille à ce que ces prophéties toutes chrétiennes soient reçues dans les coeurs de tous, et fassent faire de nouveaux progrès dans la foi et dans la piété. Elles se traduisent en saints cantiques et se mêlent aux dévotions et à tous les actes religieux de l'Eglise. Les Psaumes sont dès cette époque la plus importante de toutes les révélations qui sont venues s'ajouter à la révélation de Moïse ; ils sont parfaitement appropriés à leur but, qui est d'inspirer (les espérances évangéliques aux fidèles de l'ancienne économie. Il y a une vraie beauté dans cette clarté progressive de la prophétie, dans cette gradation de la lumière. A Abraham c'est la semence qui est révélée. Quand ses descendants sont devenus des tribus , c'est dans la famille de Juda que la promesse est circonscrite. Quand la monarchie paraît, c'est à la postérité de David. Et ces prédictions ne sauraient être attribuées à la flatterie ou à l'égoïsme. D'abord ce n'est pas à David qu'elles sont primitivement adressées. Ensuite ce n'est pas à lui qu'elles s'appliquent dans toute leur plénitude. C'est à un autre; et celui qui parle c'est Nathan, le prophète inflexible qui ne ménage ni David après sa chute, ni Salomon dans son apostasie. La fidélité des serviteurs de Dieu, de Nathan en particulier, a eu d'autres conséquences encore, mais elle prouve incidemment l'indépendance et la vérité de ses prophéties.

.

§ 46. Les livres des Rois. - Dans les anciens manuscrits des Bibles hébraïques les deux livres des Rois n'en formaient qu'un seul ; ils renferment l'histoire d'Israël et de Juda depuis la fin du règne de David jusqu'à la captivité de Babylone. La division actuelle date des Septante et de la Vulgate, qui en font les troisième et quatrième livres des Rois, les deux premiers étant les livres de Samuel.

On ne connaît rien de certain sur l'auteur de ces deux livres l'opinion la plus probable, c'est que plusieurs des prophètes ayant écrit les mémoires de l'histoire contemporaine, ces mémoires auront été compilés et coordonnés par Jérémie ou par Esdras. La tradition juive est en faveur de Jérémie, et Haevernick s'est récemment encore déclaré le partisan de cette opinion. - Les événements qui sont racontés vont jusqu'à la délivrance de Jéhojachin qui était en prison à Babylone, vingt-six ou vingt-huit ans seulement après la destruction de Jérusalem. De nombreux caldaïsmes dans l'expression semblent à De Wette prouver un auteur des derniers temps, et Haevernick établit entre le style des Rois et celui de Jérémie de nombreuses et remarquables affinités. A la simple lecture on reconnaît aisément d'une part des documents divers, contemporains des événements; de l'autre un rédacteur unique. La vivacité de la narration trahit un témoin oculaire. On renvoie fréquemment à des documents officiels, tels que les chroniques des rois de Juda et d'Israël , titre qui ne peut se rapporter qu'aux annales nationales (Ester, II, 23; VI, 1). Enfin l'égalité du style, la similitude d'expressions, là même où les mots n'ont aucune importance, démontre la révision du tout par une seule et même main.

Les deux livres contiennent des prophéties et d'autres preuves intérieures de leur inspiration; l'un et Vautre sont cités comme authentiques et canoniques par notre Seigneur et ses apôtres (Luc, IV, 25, 27. Jacq., V, 17).

Les dates différentes des Rois et des Chroniques expliquent les différences du style. Dans les Chroniques on trouve en abondance des formes araméennes (2 Chron., X, 18), des termes et des expressions postérieures, des noms plus récents (1 Chron., XIV, 2; XIX, 12; XXI, 2. 2 Chron., XVI, 4) et des mots synonymes employés pour d'autres qui pourraient donner lieu à des malentendus (1 Chron., XIX, 4. 2 Chron., XXII, 12).

La différence dans l'ordre des événements s'explique par le fait que ni l'un ni Vautre des écrivains ne prétend vouloir suivre la succession régulière et l'ordre des temps (voyez plus loin les tableaux.)

1 Chron., XIV et 2 Chron., I, 14-17; IX, 25 , ne sont évidemment pas à leur place). On explique de même des additions, des omissions, des abréviations, par le but particulier des auteurs.

On trouve encore d'autres différences d'où semblent résulter d'apparentes contradictions, mais elles ne portent guère que sur des noms propres ou sur des chiffres. Il est bien reconnu que le texte de Samuel, des Rois et des Chroniques nous est parvenu dans un plus mauvais état de conservation que celui d'aucun des autres écrits de l'Ancien-Testament, et l'on ne saurait attribuer à l'auteur ce qui n'est en réalité que le fait des copistes (cf. 2 Chron., VIII, 18 et 1 Rois, IX , 28. - 1 Chron., XI, 11 et 2 Sam., XXIII, 8 ; - XXI, 5 et 2 Sam., XXIV, 9; - XVIII, 4 et 2 Sam., VIII, 4 ; - XIX, 8 et 2 Sam., X, 18). - Ces inexactitudes de transcription ne touchent, du reste, à aucun article de foi ou de vie religieuse, et jusqu'à ce qu'elles puissent être rectifiées , il faut se contenter de les reconnaître et de les constater.

Ces deux livres renferment plusieurs prédictions inspirées , et ils sont cités plus ou moins directement dans le Nouveau-Testament (2 Chron., Il, 5 , 6; cf. Actes, VII, 48, 49. - 2 Chron., XIX, 7; cf. 1 Pierre, I, 17). Il est digne de remarque que le cantique de bénédiction, que David adresse à l'Eternel (1 Chron., XXIX, 10, 11), soit reproduit plus 'tard en substance par notre Seigneur (Matth., VI, 13), et que Jean le place dans la bouche des esprits bienheureux qui louent Dieu dans le ciel (Apoc., V, 12, 13).

.

§ 47. Les deux livres des Chroniques. - Comme les précédents, ces deux livres n'en forment qu'un dans l'ancien canon des Juifs, et ils portent le nom de paroles des jours, c'est-à-dire journal , par allusion probablement aux anciennes annales, d'après lesquelles on peut croire qu'ils ont été composés. Les Septante leur ont donné le titre de livres des choses omises (Paralipomènes) , les considérant comme une espèce de supplément aux livres qui précèdent, avec les indications et explications que pouvaient avoir rendu nécessaires les immenses changements amenés par la captivité. - Le nom actuel de ces livres leur vient de saint Jérôme.

.

§48. L'auteur. - On est en général d'accord à considérer Esdras comme l'auteur ou le rédacteur des Chroniques. Ces livres sont relativement plus modernes que ceux des Rois; ils racontent la restauration qui eut lieu sous Cyrus (2 Chron., XXXVI , 21, 22), et ils citent les écrits de Jérémie (XXV). Le style d'Esdras a d'ailleurs une ressemblance frappante avec celui des Chroniques, et le livre qui porte son nom s'unit de la manière la plus intime, comme s'il en était la suite, à celui que lui attribue la tradition (2 Chron., XXXVI, 23. Esdras, I , 1-3). Si cette manière de voir est exacte, on doit regarder comme une addition postérieure le fragment 1 Chron., III, 19-24, qui donne la généalogie de Zorobabel jusqu'au temps d'Alexandre.

.

§ 49. Observations. - Il ressort des livres eux-mêmes que les histoires qu'ils racontent sont extraites d'autres ouvrages, également écrits par des prophètes. Ces documents semblent être en général cités littéralement, même lorsque le fait rapporté s'applique plutôt à l'époque de l'auteur qu'à celle du rédacteur (voyez, par exemple, 2 Chron., V, 9; VIII, 8), ce dernier se préoccupant moins de modifier les documents qu'il emploie que de les rattacher à son propre récit. Plusieurs passages sont identiquement les mêmes, ou à peu près, dans les Chroniques et dans les Rois, probablement parce qu'ils ont été puisés à une source commune. Les documents cités sont au nombre de douze environ, mais trois ou quatre d'entre eux sont peut-être le même écrit sous d'autres titres.

Les livres de Samuel, des Rois et des Chroniques, avec beaucoup de traits communs, ont cependant des différences caractéristiques. Ils racontent à peu près la même histoire , et il est bon de les étudier et de les comparer. C'est ainsi seulement qu'on peut se faire une idée exacte de l'histoire juive, et expliquer souvent des expressions trop concises et obscures. Les différences dans leur plan sont aussi remarquables que leur accord et leur unité quant au fond. Samuel raconte la fondation de la monarchie, et il donne la biographie plutôt que l'histoire des premiers rois. Les livres des Rois racontent l'histoire de la théocratie sous le gouvernement royal; ils sont riches en aperçus rapides sur le caractère, les péchés et les châtiments des chefs et du peuple. Les Chroniques s'occupent davantage du culte public et de tout ce qui s'y rapporte, des cérémonies, des prêtres, des généalogies , des tribus, des familles et des questions de propriété qui ne devaient pas manquer de surgir au retour de la captivité. De là ces nombreuses chronologies; de là aussi le relief donné à ces rois, à David, Salomon, Ezéchias, Josias, qui ont relevé, restauré, agrandi le culte public.

Les tableaux généalogiques de ces livres, bien moins intéressants pour nous, étaient de la plus haute importance pour les Juifs, des promesses se rattachant pour plusieurs, et des propriétés pour tous, à la preuve de leur filiation. Ces tableaux poursuivent la généalogie de la famille à laquelle ont été faite les promesses, pendant l'espace de trois mille cinq cents ans , un fait certainement sans exemple dans les annales de l'humanité.

.

§ 50. Caractère théocratique des livres historiques. - Le trait le plus remarquable des livres historiques de l'Ecriture, et spécialement des Rois et des Chroniques, c'est leur caractère religieux et théocratique. L'histoire profane raconte les changements officiels et publics qui se font dans la destinée des peuples , avec leurs causes et leurs effets. L'histoire de l'Eglise constate les développements de la foi, les progrès de la vie morale, tout ce qui concerne la société ecclésiastique. Mais ici le roi, le peuple, l'Eglise, tout est représenté comme placé sous la direction immédiate de Dieu. Le caractère de chaque roi est déterminé par le degré de sa fidélité dans l'accomplissement religieux de sa charge. De Josaphat il est dit : Il suivit la voie d'Asa son père , et ne s'en détourna point , faisant ce qui est droit devant l'Eternel. D'Ezéchias : Il fit ce qui est bon, et droit et véritable, en la présence de l'Eternel son Dieu ;... et il prospéra. Jéroboam est dépeint en deux mots : Il a péché et fait pécher Israël. - Ces livres racontent l'histoire de Dieu et de sa loi dans une nation, et cette nation est une monarchie ; Josué et les Juges racontent la même histoire, Dieu et sa loi, dans la même nation, républicaine, tantôt aristocratique, tantôt démocratique; les livres de Moïse développaient la même pensée, mais la nation n'était encore qu'une grande famille. Partout on retrouve le même caractère; c'est le gouvernement de Dieu qui est mis en saillie.

Dans les prophètes et dans les Actes nous voyons, comme par une échappée, ce que doit être un jour, et pour le monde tout entier, l'histoire de Dieu et de sa loi. Ce n'est qu'à ce point de vue qu'on peut bien comprendre toute l'importance donnée dans l'Ecriture à l'érection du temple, les appels fréquents à la loi ancienne, surtout au moment où les deux royaumes touchaient à leur fin, comme si l'Esprit de Dieu voulait se dégager ostensiblement de toute responsabilité, en faisant retomber ce désastre national sur ceux qui l'avaient provoqué par leur désobéissance ; l'intervention toujours plus active des prophètes qui tour-à-tour bravent la colère du peuple et celle du souverain ; la déposition et la succession des rois; et le rapport intime, qui est toujours mis en évidence, entre les événements politiques d'une part et la fidélité ou l'idolâtrie; - voyez 2 Rois, V à VIII; X, 31 ; XVII, 13, 15, 37; XVIII, 4-6, et toute l'histoire d'Elie. 1 Rois, XV, 3-5. 2 Rois, XI, 17. Si des nations avaient la vraie sagesse, les récits de l'Ecriture seraient leurs meilleurs guides, car ils sont écrits de manière à instruire et le monde et l'Eglise.

.

§ 51. David et Salomon. - On peut dire que les règnes de David et de Salomon sont l'âge d'or de la nationalité juive. David se montra, dès le commencement, extrêmement scrupuleux à ne faire, pour parvenir au trône, aucune démarche qui ne fût dirigée de Dieu (2 Sam., II, 1. 1 Sam., XXIII, 2, 4). Il agit toujours comme « son serviteur. » Et quand il fut arrivé au pouvoir, son premier soin fut toujours de travailler à la gloire de Dieu et au bien-être religieux de son peuple (2 Sam., VI, 1 -5; VII, 1 , 2). Pendant une guerre de sept années, il ne tira jamais l'épée contre un seul de ses sujets, et quand elle fut terminée il ne châtia pas les rebelles, et ne punit qu'un seul crime, le meurtrier de son rival (2 Sam., IV, 10-12). Comme roi il travailla à la prospérité et à la grandeur matérielle de son pays; comme représentant visible de l'Eternel, il se rappela toujours sa dépendance, ne cherchant point à s'élever, et il se conforma strictement à l'esprit de la théocratie. C'est probablement à ce caractère de son administration, bien plus qu'à ses vertus privées, qu'il dut d'être appelé de Dieu « un homme selon son coeur (1 Sam., XIII, 14) , » et « qui fera toute sa volonté (Actes, XIII , 22). » Il est impossible en effet de justifier toutes ses actions et de le regarder comme un caractère accompli. Mais quand on pense à la piété de sa jeunesse, à la profondeur de sa repentance, à l'énergie de sa foi, à la ferveur de sa dévotion, à la souplesse et à la variété de son génie, à sa grandeur d'âme, à sa chaleur de coeur, à son courage militaire dans un siècle de guerriers, à sa sagesse et à sa justice comme administrateur, et surtout à son adhésion franche et sans réserve au culte et à la volonté de Dieu, on le regardera certainement comme un modèle d'autorité royale et de soumission spirituelle.

Salomon continua la politique de son père , et en recueillit les mêmes bénédictions. Sa domination s'étendait depuis la Méditerranée jusqu'à l'Euphrate, depuis la mer Rouge et les déserts de l'Arabie jusqu'aux frontières les plus septentrionales du Liban ( 1 Rois , IV, 21). Les états tributaires qui formaient la plus grande partie de son royaume vivaient tranquilles et soumis; et comme ils continuaient d'être régis par leurs propres rois , Salomon pouvait S'appeler le roi des rois. Les Cananéens qui restaient encore en Palestine étaient devenus , soit des sujets paisibles, soit d'utiles serviteurs. Les trésors de Salomon étaient immenses, se composant en majeure partie des dépouilles conquises par son père sur les nations vaincues, et mises à part, les unes pour pourvoir aux frais de la construction d'un temple solennel à l'Eternel, les autres pour affermir la majesté royale et rehausser l'éclat du trône. La sagesse de Salomon était plus célèbre encore et plus incontestée que ses trésors. Ce n'est pas l'Ecriture seulement , c'est encore toute la littérature orientale qui lui rend hommage. Trois mille proverbes , dont quelques-uns nous ont été conservés, témoignent de ses vertus et de sa sagacité. Mille et cinq cantiques, dont le Cantique des cantiques et le psaume CXXVII seuls nous restent , le placent au premier rang des prophètes hébreux ; ses ouvrages sur l'histoire naturelle enfin, qui tous ont péri, après avoir été longtemps admirés, prouvent qu'il n'était pas moins savant que poète et philosophe.

Mais trop d'éclat le perdit; il fut trahi par sa propre grandeur. Ses trésors, ses femmes , ses chariots, tout était contraire à l'esprit et aux préceptes de la loi (Deut. , XVII , 16, 17). Ses exactions lui aliénèrent le coeur de son peuple , et, par-dessus tout, ses femmes le séduisirent et le firent égarer ; il bâtit des temples à Kémos, ou Péhor, l'obscène idole de Moab; à Moloc, le dieu des Hammonites; et à Hastaroth , la déesse des Sidoniens. Ses dernières années , par conséquent , furent troublées par des « adversaires » de divers genres. Jéroboam conspira contre lui ; de même Hadad, en Edom ; Damas se déclara indépendante sous la direction de Rézon; et Abija fut chargé d'annoncer à Salomon lui-même que, comme il avait brisé l'alliance de laquelle il tenait la couronne, son royaume serait divisé, déchiré, et la plus grande partie donnée à l'un de ses serviteurs. On peut croire que des châtiments aussi mérités lui ouvrirent les yeux sur l'énormité de ses péchés, et qu'il passa la fin de sa vie, dans la repentance. L'ensemble de son règne fut prospère : Juda et Israël « étaient en grand nombre comme le sable qui est sur le bord de la mer;... ils mangeaient, buvaient et se réjouissaient... Ils habitaient en assurance, chacun sous sa vigne et sous son figuier, depuis Dan jusqu'à Béersébah (1 Rois, IV, 20, 25). »

Le grand événement de la vie de Salomon fut l'érection du temple. De même que ce monument était l'accomplissement d'une prophétie, et qu'il était le symbole de l'habitation de Dieu au milieu de son peuple (2 Sam. , VII, 13, 6, 10) , il devenait lui-même une prophétie et un type; le type du peuple juif et de l'Eglise, la prophétie de l'habitation éternelle de Dieu au milieu des siens et de l'envoi du Saint-Esprit (Jér. , VII). Son histoire est à cet égard en quelque sorte l'histoire du peuple juif lui-même. Lorsqu'il tomba , la nation fut dispersée ; quand il se releva de ses ruines , les exilés se rassemblèrent de nouveau. L'histoire peut également dater la captivité de la destruction du temple, ou du premier départ pour la terre de l'exil (voyez § 124) (Il Rois, IX, 8, 7. 2 Chron., VII, 20. Jér., VII. Esaïe, XLIV, 28).


Table des matières

Page précédente: SECTION Il. - Esquisse du contenu des livres historiques. SECTION III - Les livres de Josué, des Juges et de Ruth.

Page suivante: SECTION Ve. - Les livres poétiques ( Psaumes, Cantique des cantiques, Ecclésiaste).