SECTION VII. - De l'interprétation de la prophétie. (Suite 4)

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§ 124. Le temps dans le langage prophétique. - Il est assez généralement reconnu que dans le langage prophétique, lorsqu'il n'est pas parlé d'années, les jours comptent pour des années. Cette règle, fondée sur de nombreuses analogies, peut être considérée au moins comme très-probable (voyez Nomb., XIV, 34. Ezéch., IV, 5, 6 , où Dieu dit lui-même : « un an pour un jour ). »

L'expression « un temps, deux temps, et la moitié d'un temps » est comprise dans le sens de trois temps et demi ou trois années prophétiques et demie , chaque année comptant trois cent soixante jours prophétiques , c'est-à-dire douze cent soixante ans en tout; c'est la durée assignée à l'Antichrist pour s'élever, triompher et tomber (Dan., VII, 25. Voyez aussi Apoc. , XI, 2 , 3, où il semble qu'il soit parlé de la même période comme devant durer douze cent soixante jours ou quarante-deux mois).

Cependant quelques-unes des prédictions les plus remarquables de l'Ecriture énoncent et spécifient clairement des années. Ainsi les quatre cent trente et les quatre cents ans de l'histoire des descendants d'Abraham (Gen., XV, 13. Exode, XII, 40), les soixante-cinq ans annoncés par Esaïe comme terme de la puissance d'Israël (Esaïe, VII, 8) , les soixante-dix années de la captivité de Juda , et les soixante-dix semaines d'années (car le mot jour ne se trouve pas dans ce passage) au bout desquelles le Messie sera retranché (Dan., IX, 26).

Il reste évident, du reste, que Dieu n'a pas voulu nous donner une connaissance exacte et précise de tous les temps annoncés dans les Ecritures. Il se les est réservés, et la vraie spiritualité chrétienne et sainte s'abstiendra de recherches indiscrètes qui , d'ailleurs, ne sauraient aboutir. La prophétie est destinée à soutenir nos espérances, à relever nos coeurs vers les choses qui sont en haut. Elle nous garantit le résultat final et met devant nous certains pronostics assurés qui peuvent faciliter l'étude morale et spirituelle des desseins de Dieu, sans se plier aux procédés matériels et mécaniques d'une divination humaine de l'avenir. Même dans les prophéties déjà accomplies, la question des dates reste difficile, le point de départ et le point d'arrivée étant indéterminés et confus pour nos intelligences terrestres; à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'un avenir dont presque tous les éléments de détail nous échappent.

Ainsi , la captivité dura soixante-dix ans ; mais on peut lui donner au moins deux dates différentes quant à son commencement et à sa fin : - depuis le départ de Daniel jusqu'au décret de Cyrus (2 Chron., XXXVI, 5-7, 22) ; - ou bien depuis la destruction du temple, sous Sédécias, jusqu'au décret de Darius qui en ordonne la reconstruction (2 Chron., XXXVI, 14-21. Ezéch., VI). - Prideaux en ajoute un troisième, depuis la dernière déportation qui fut faite par Nébuzaradan jusqu'à la dédicace du temple (Jér., LII, 30. Ezéch., VI). - Les soixante-dix semaines de Daniel donnent lieu à des difficultés du même genre. Des volumes ont été écrits sur la date exacte à laquelle elles ont dû. commencer ; et quoique aujourd'hui l'on soit arrivé à quelques résultats plausibles, il est clair que, pour les anciens Juifs, cette date ne devait leur donner qu'une idée bien vague et bien générale de l'époque à laquelle devait venir le Messie.

Dieu nous a donné ses oracles pour relever notre courage moral et non pour satisfaire notre curiosité - c'est sa sagesse et non la nôtre qui doit être révélée au monde.

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§ 125. Leçons morales de la prophétie. - Au milieu des difficultés que l'on rencontre dans cette étude, deux faits bien consolants demeurent pour le lecteur simple et pieux.

On distinguera toujours dans les livres prophétiques la prophétie proprement dite, et des portions purement historiques et morales. Ces fragments sont nombreux et riches en enseignements divers. Ils dépeignent avec énergie les péchés et la dégradation successive du peuple de Dieu; ils renferment de pressants appels à la conversion, des manifestations frappantes de la grandeur et de la sainteté (le Dieu, de son amour et de sa justice; et quelque mystérieuse que puisse être la prophétie, la leçon morale qu'on en retire n'en ressort pas moins tout entière (Voyez, par exemple, Jér., IX, 11 -14).

Souvent aussi, quand le sens précis d'un oracle ne peut pas être déterminé, le sens général reste clair et suffit à l'édification du fidèle comme à celle de l'Eglise. Il est évident, par exemple, que, quoi qu'il en soit du cheval blanc (Apoc., VI, 1 , 2), l'ère ou l'époque dont parle le prophète sera une période de paix et de prospérité, tandis que l'ère qui suivra (versets 3 et 4) sera une période de sang et de persécution ; les versets 5 et 6 décrivent une époque d'un gouvernement équitable et paisible, mais désolée par la famine; les versets 7 et 8, une ère de maladies et de ruine; les versets 9-11, des persécutions cruelles et prolongées; les versets 12-17, une époque de bouleversements universels, des empires détruits, des institutions séculaires renversées. On peut différer d'opinion sur les faits particuliers auxquels il est fait allusion , mais non sur la portée générale et caractéristique de ces prophéties.

Il en est de même de tout le livre de la révélation; quel que soit le sens qu'on attache à certaines figures et à certains mots, l'ensemble nous annonce clairement la venue de notre Rédempteur en puissance et en gloire; jusqu'alors l'Eglise doit s'attendre à des souffrances et a des afflictions de toute nature; mais après, elle peut compter sur le triomphe et sur toutes sortes de bénédictions. Ces vérités sont de grandes consolations pour toutes les époques, et elles ressortent pleines de clarté des oracles même les plus mystérieux.

Les leçons morales et spirituelles de la prophétie demeurent donc inaltérées, toujours propres à soutenir la foi et à stimuler les efforts du croyant. La docilité à recevoir ces leçons est la meilleure préparation à l'intelligence plus complète de ce qui est encore obscur, des bénédictions spéciales étant promises à ceux qui « lisent , écoutent et gardent » les choses qui sont écrites au livre de la prophétie.

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§ 126. La prophétie en dehors des livres prophétiques. - Il est important de remarquer combien, en dehors des prophéties relatives à la venue de notre Seigneur et de celles qui sont rapportées dans les prophètes, les prédictions sont nombreuses et fréquentes dans presque tous les livres de l'Ancien-Testament. La plupart des événements principaux de l'histoire juive ont été annoncés à l'avance, ainsi que l'a fort bien remarqué Davison. On compte depuis la Genèse jusqu'au second livre des Chroniques plus de cent prophéties, avec les détails concernant leur accomplissement , qui toutes sont des preuves de l'authenticité des Ecritures, et toutes peuvent servir de règle pour l'interprétation des prophéties : le déluge, Gen. , VI , 17 (VII, 21 , 23); Canaan et Sem, Gen., IX, 25, 26 (Josué, IX, 23. 1 Rois, IX, 20 , 21) ; Ismaël, XVI , 12 (Job, XXXIX, 5, dans l'hébreu); XXI, 20 (Esaïe, XXI, 17); XVII, 20 (Gen., XXV; 18); la reconstruction de Jérico, Josué, VI, 26 (1 Rois, XVI, 34); la maison d'Héli, 1 Sam., Il, 30; IV, 14, 17; XXII, 9-23 (1 Sam., IV, 11 ; II, 27. Voyez Ezéch., XLIV, 15); le nom et la conduite de Josias, 1 Rois, XIII, 1-3 (2 Rois, XXIII, 15-20, trois cent cinquante ans après).


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