HISTOIRE DES VAUDOIS.
APPENDICE
A L'HISTOIRE DES
VAUDOIS.
Dans cet Appendice, nous publions
quelques pièces importantes qui, à cause de
leur étendue, n'ont pu être
insérées dans le texte ou dans les notes ;
savoir:
- I. Une courte description
géographique et statistique des Vallées
Vaudoises du Piémont.
Il. A) Trois catalogues des
anciens écrits des Vaudois.
- ....B) Quelques-uns des principaux de ces
écrits; savoir:
1° La Noble
Leçon, de l'an 1100.
- 2° Quelques extraits d'autres
poésies religieuses vaudoises, sans date, mais
réputées aussi anciennes.
- 3° Le Catéchisme des
Vaudois, de l'an 1100.
- 4° Leur Confession de foi, de
l'an 1120.
- 5° Le Traité de
l'Antéchrist, de l'an 1120.
- 6° Quelques extraits du
Traité du Purgatoire, de l'an 1126.
- 7° Le Formulaire de leur
confession des péchés, sans date et en
français, n'ayant pas eu sous la main le manuscrit
en langue romane, dialecte vaudois.
-
I.
DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE ET
STATISTIQUE DES VALLÉES VAUDOISES DU
PIÉMONT.
.
GÉOGRAPHIE.
Les Vallées Vaudoises
sont situées dans les Alpes, sur le versant oriental
de la grande arête des montagnes de ce nom, qui
séparent le haut Dauphiné du Piémont,
au nord du Mont-Viso et des sources du Pô, au midi du
Genèvre, et à l'occident de la ville de
Pignerol.
Elles sont formées par
les chaînons qui, de la grande chaîne des Alpes,
leur limite à I'ouest, descendent sur la plaine du
Piémont à l'est. Les cimes qui les
séparent de la France atteignent à la hauteur
de plus de cinq mille mètres au-dessus de la mer, et
dans leurs déchirures ne laissent que deux passages,
celui d'Abries le plus au nord, et le col de la Croix plus
au sud. Le chaînon qui les limite au nord les
sépare de la vallée de Pragela (ou de Cluson).
Celui qui les ferme au sud, et qui est plus
élevé que le précédent, descend
du Viso, et touche à la haute vallée du
Pô, dans la province de Saluces. À l'orient,
elles n'ont pour barrière que le
rétrécissement formé par la courbure ou
l'aplatissement des montagnes, à la rencontre de la
plaine, et que les eaux du Cluson, affluent du
Pô.
Les Vallées Vaudoises
sont elles-mêmes séparées entre elles
par des arêtes assez élevées.
Considérées toutes ensemble, elles forment un
triangle tronqué, dont la base est l'arête des
hautes Alpes, du nord au midi, et dont les
côtés se dirigent vers Pignerol sans
l'atteindre.
On peut aussi les
considérer comme une suite de vallons en
éventail, adossés aux géants des Alpes
et se réunissant dans deux grandes vallées qui
convergent vers Pignerol, mais qui sont brisées par
la plaine avant d'atteindre celle-ci, contre laquelle les
deux dernières pentes de deux de leurs arêtes
courbées forment une demi-vallée entre ces
monts et la rivière du Cluson.
Cette demi-vallée
vaudoise, appelée la vallée de Pérouse,
n'est, à proprement parler, que l'extrême flanc
occidental (de droite) de la vallée de Pragela, qui
entoure les Vallées Vaudoises du. nord-ouest au
sud-est. Elle comprend aussi un vallon intérieur,
celui de Pramol, se dirigeant des bords du Cluson,
près de Saint-Germain, vers l'ouest, entre la
vallée de Saint-Martin au nord, et d'Angrogne au
midi.
Les deux autres grandes
Vallées Vaudoises sont : la vallée de
Saint-Martin au nord, traversée par le torrent dit la
Germanasque, qui se jette dans le Cluson, vis-à-vis
de la petite ville de la Pérouse, au
débouché du val Pragela, et ornée par
la réunion des vallons latéraux de Rioclaret
et de Faèt à celui du Perrier, formé
lui-même par la réunion des vallons
supérieurs alpestres, de Macel ou Balsille, de
Rodoret et de Prali, du nord au sud.
La vallée de Luserne,
au midi de celle de Saint-Martin, arrosée par la
petite rivière du Pélice, grossi des torrents
de l'Angrogne, de la Luserne et de plusieurs autres moins
considérables. Cette vallée, la plus large et
la plus étendue, est flanquée vers son issue
sur la plaine à l'orient par deux vallons, l'un au
sud plus petit, c'est celui de Rora, traversé par la
Luserne; l'autre au nord, assez considérable pour
avoir souvent été compté comme formant
une vallée particulière; c'est le vallon
d'Angrogne, baigné par les eaux mugissantes du
torrent de ce nom. Il est enclavé entre les
vallées de Saint-Martin à l'ouest et au nord,
de Pérouse par le vallon de Pramol au nord-est et par
la côte de Prarustia à l'est, et enfin, par la
vallée de Luserne au midi. Celle-ci s'étend en
plaine d'orient en occident, et se termine par le haut
passage du col de la Croix qui débouche en France, en
suivant la même direction; par les pâturages et
le col Julien (Giulian), qui la séparent du val
Saint-Martin au nord, et par la Combe des Charbonniers ou
val Guichard, dans la direction du Viso au
sud-ouest.
Il serait superflu de
répéter ici la description des
localités particulières, théâtre
des faits racontés dans l'histoire ci-jointe. Nous
nous bornons donc à indiquer la distribution des
paroisses que comprennent les Vallées. Un
coup-d'oeil. jeté sur la carte suppléera
à l'absence de développements plus
étendus. Nous commençons par :
A - LA VALLÉE DE
SAINT-MARTIN,
La vallée de Saint-Martin a
cinq églises, ou paroisses vaudoises, : Prali,
Rodoret et Macel dans les vallons montagneux à
l'occident, rangées dans cet ordre du sud au
nord.
Les deux dernières ont
été érigées en paroisses,
d'annexes qu'elles étaient, il y a une vingtaine
d'années. Elles ont été
détachées, l'une de Prali, et la
dernière de Maneille, quatrième paroisse qui
appartient à la partie orientale de la Vallée.
Celle-ci n'est séparée de son ancienne annexe
que par un défilé très-dangereux en
hiver. La cinquième est Villesèche à
l'entrée de la vallée, à l'est, avec
deux annexes ; savoir, Rioclaret et Faèt. Cette
paroisse s'étend sur les deux côtés de
la rivière.
Les Vaudois de quelques
communes, où les catholiques sont en plus grand
nombre, telles que le, Perrier, Ciabrans, Saint-Martin,
etc., fréquentent les églises de Maneille et
de Villesèche, suivant qu'elles sont le plus à
leur portée.
B - LA DEMI-VALLÉE DE
PÉROUSE.
La demi-vallée de
Pérouse comprend quatre paroisses : celle de,
Pomaret, au sortir du défilé qui sépare
cette demi-vallée de la vallée de Saint-Martin
; les habitants vaudois de l'envers de Pinache, au sud,
dépendent de cette église. il existe au
Pomaret une école latine et un hôpital vaudois.
La paroisse de Saint-Germain dont font partie les
Chenevières et la Turina ou Envers-les-Portes. Celle
de Pramol et Peumian, au nord de Saint-Germain,
contrée alpestre: enfin, celle de Prarustin avec
Rocheplatte pour annexe. Le temple paroissial est à
Saint-Barthélémi.
C - LA VALLÉE DE
LUSERNE.
La vallée de Luserne a
six grandes paroisses qui sont autant de communes
populeuses. Ce sont : Angrogne, a l'ouest de Prarustin et de
Rocheplatte : cette paroisse a deux temples, celui de
Saint-Laurent, près duquel habite le pasteur, et
celui de l'annexe du Serre. Saint-Jean au sud d'Angrogne ;
le temple est aux Blonats au contre de la paroisse; il
était autrefois au Ciabas sur Angrogne.
L'église de la Tour à l'ouest de Saint-Jean -
le temple est au hameau dit les Coppiers; près de
là est l'hôpital. Les Vaudois possèdent
au sortir du bourg de la Tour, à l'ouest, deux
établissements intéressants, un collège
et un pensionnat de demoiselles. En suivant à
l'occident, on trouve d'abord la paroisse du Villar, avec un
bourg du même nom, où est l'église; puis
celle de Bobbi, qui occupe tout le fond de la vallée:
le temple paroissial est dans le village de ce nom. Deux
chapelles dépendent de cette paroisse; l'une dans la
Combe des Charbonniers, l'autre dans la Combe de la
Ferrière. Enfin, la paroisse de Rora, la plus petite
de celles de la vallée de Luserne : elle est au sud
de celle de la Tour dont elle est séparée par
une arête de rochers escarpés et
nus.
.
STATISTIQUE.
A - POPULATION.
La population vaudoise des
Vallées s'élevait déjà, en 1839,
à plus de vingt mille âmes, non compris quatre
ou cinq mille catholiques, nombre beaucoup trop
considérable pour l'étendue du territoire, eu
égard à la nature du sol.
Nous donnons ici l'état
du recensement fait par ordre du Gouvernement, à la
date sus-indiquée de 1839.
Communes
|
Vaudois
|
Catholiques
|
Prali
Rodoret
Macel
Salsa
Maneille
Ciabrans
Perrier
Boville (Villesèche)
Saint-Martin
Traverse
Rioclaret
Fayet, ou Faèt
Pomaret
Envers-de-Pinache
Saint-Germain
Envers-les-Portes
Pramol
Prarustin
Rocheplatte
Angrogne
Saint-Jean
La Tour.
Villar
Bobbi
Rora
Sur les confins, Saint-Second,
Lusernette, Luserne.
|
817
261
733
421
268
48
21
151
50
95
613
626
658
659
857
350
1257
1525
267
2083
1797
2182
1988
1553
651
463
|
29
88
88
193
100
51
437
90
127
106
131
232
81
151
154
199
157
150
17
632
111
712
415
65
43
|
.
|
|
|
|
20394
|
4589
|
(Extrait du Tableau de
Recensement, etc. ; Torino, stamperia reales,
1839.)
B - CLIMAT ET
PRODUCTIONS.
Les Vallées
Vaudoises, par leur situation méridionale et leur
issue sur la plaine du Piémont, participeraient
à la nature plus chaude du midi, si leurs hautes
montagnes et l'élévation
considérable de la majeure partie du sol au-dessus
de la mer ne contrebalançaient pas cet
effet.
L'air est
généralement pur et sain dans ces
Vallées. Abritées contre les vents du nord
par les montagnes, le climat y est doux et
tempéré, mais il varie selon la hauteur des
localités. La neige y tombe avec grande abondance
dans toute la partie alpestre, et les avalanches y
causent fréquemment des accidents.
Le sol dans le bas des
Vallées et sur les collines voisines bien
exposées est fertile. La vigne y prospère
ainsi que le froment, le mais, le mûrier et de bons
arbres fruitiers, même le figuier en pleine
campagne.
La région moyenne a
toutes les productions qui appartiennent à cette
élévation : le froment, le seigle, le
maïs, l'avoine, l'orge, les pommes de terre, etc.,
comme aussi les arbres fruitiers ordinaires et les
châtaigniers en nombre
considérable.
Telles sont les riches
productions de la partie avantagée de ces
Vallées. Un tiers, peut-être, ou du moins un
quart de leur étendue, qui est d'environ vingt
à vingt-quatre lieues carrées est ainsi
favorisé. Mais les deux tiers, ou même les
trois quarts de cette étendue, n'offrent que
pentes raides, ravins, rochers nus et contrées
alpestres ou tournées au nord. Les travaux de la
campagne sont en général fort
pénibles et peu productifs. Les habitants, en
divers lieux, sont réduits à cultiver parmi
les rochers quelques lambeaux de terrain de quelques
mètres, où il faut encore souvent porter de
la terre à dos d'hommes. Une grande partie de la
population ne vit que des produits qu'elle tire de
quelques rares pièces de bétail, vaches,
chèvres et brebis.
Aucun genre d'industrie un
peu étendue, autre que les travaux des champs et
les soins du bétail, n'a pu s'établir parmi
cette population, d'ailleurs active, mais mal vue de ses
voisins, Même le commerce de consommation est entre
les mains des catholiques, à Pignerol, et dans les
autres petites villes du voisinage, où se tiennent
tous les marchés.
Les Vallées
Vaudoises ne produisent pas en suffisance pour leur
population, il s'en faut de beaucoup, les denrées
de première nécessité qu'il faut
donc acheter. Si elles ont quelques produits
surabondants, tels que beurre, fromages, pommes de terre,
fruits, etc., les habitants n'en trouvent pas un
écoulement favorable faute de
débouchés. Le seul marché un peu
considérable serait celui de Pignerol ; mais,
outre qu'il n'est pas à portée de toutes
les localités des Vallées, les provisions y
abondent de tous côtés.
C - ADMINISTRATION
RELIGIEUSE DES ÉGLISES VAUDOISES.
Tout ce qui est relatif au
soulagement des pauvres, aux hôpitaux, à
l'instruction et aux affaires religieuses des Vaudois,
est du ressort «une administration tirée de
leur sein, à la nomination de laquelle prennent
part toutes les Églises des Vallées. Cette
administration est particulière ou
générale. Chaque Église a son
administration de paroisse. Les chefs de famille
réunis à leur pasteur forment
l'Église. La population généralement
dispersée est divisée en quartiers. Les
particuliers d'un quartier élisent, avec le
concours du consistoire, un ancien ou inspecteur, qui
jouit de certaines attributions. Lorsque le choix en est
arrêté, le nom de l'élu est
proclamé du haut de la chaire. S'il ne survient
pas d'opposition il est publiquement installé dans
sa charge, consacré par la prière, et
devient membre du consistoire, qui administre la
paroisse, sous la présidence du pasteur, et qui y
exerce la discipline.
L'administration
générale est composée d'un synode et
d'une table.
Le synode se compose des
pasteurs et ministres résidant aux Vallées
(le chapelain des ambassadeurs à Turin y est aussi
admis), et d'une délégation laïque de
chacune des quinze paroisses. Ces
délégations peuvent se composer de plus
d'un député, mais chacune d'elles n'a
qu'une voix. - Le synode s'assemble extraordinairement
lorsque quelque besoin l'exige, et
régulièrement au bout de quatre ou cinq
ans, avec la permission du souverain qui s'y fait
représenter par Entendant de la province. Les
membres du synode, dont les séances durent deux ou
trois jours, sont défrayés par les
paroisses ou communes ainsi que la
délégation du roi. Le synode élabore
et arrête tous les règlements
administratifs, nomme les membres de l'administration,
appelée la table, examine sa gestion, passe les
comptes qu'elle rend, et décide de toutes les
affaires importantes.
La table est
composée de cinq membres : trois
ecclésiastiques et deux laïques. Ils sont
choisis d'après certaines règles, au
commencement de chaque synode, et restent en fonction
jusqu'à l'ouverture du synode suivant. Les membres
ecclésiastiques remplissent les fonctions de
modérateur ou président, de
modérateur-adjoint ou vice-président, et de
secrétaire.
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