HISTOIRE DES VAUDOIS.
CHAPITRE
V.
MANIFESTATIONS RELIGIEUSES DU XIe
SIÈCLE.
Activité tendant à
propager la pure doctrine.- Elle part peut-être des
Vallées Vaudoises des Alpes - Faits à l'appui.
- Manifestation d'Orléans, - d'Arras, - de Turin et
du château de Montfort, à
Châlons-sur-Marne. - Hérétiques en
France, - à Agen, - à Goslar. Doute sur leurs
doctrines. - Accusations absurdes réfutées. -
Hérésies. - Leur appréciation. -
Sources de ce mouvement religieux. - Bérenger de
Tours. - Missionnaires vaudois
signalés.
Nous devons maintenant citer certains
faits accomplis dans le Xle siècle et
démontrant» déjà une certaine
activité religieuse pour la propagation des saines
doctrines évangéliques. Avant
d'énumérer ceux qui sont venus à notre
connaissance, il convient de rappeler que toute
manifestation a une origine et que tout acte a sa cause; que
par conséquent les manifestations religieuses du Xle
siècle, comme celles des siècles suivants, si
remarquables par leur caractère
évangélique, ont aussi eu la
leur.
Sans doute que la Parole de
Dieu, lue et méditée en divers lieux par des
hommes sincères, humbles et croyants, a pu produire
en ces temps de ténèbres des effets analogues
à ceux qu'elle produisit, plus tard, dans l'âme
et dans la vie d'un Luther, d'un Lefèvre, d'un
Zwingli ; mais si, dans ces manifestations religieuses du
Xle siècle, nous trouvons des indications conduisant
à supposer ou à reconnaître que
plusieurs d'entre elles ont leur source, leur origine dans
les Alpes qui séparent l'Italie de la France, nous
aurons une prouve nouvelle de l'existence continue d'une
Eglise évangélique, fidèle, dans ces
contrées.
Sans doute, tous les faits
cités n'auront pas la même force, ne seront pas
également convaincants mais, réunis et
rapprochés de ce qui vient d'être dit, ils
ajouteront une nouvelle preuve aux
précédentes.
Qu'on se souvienne aussi que
ces faits ne sont parvenus jusqu'à nous que par les
écrits des adversaires de ces manifestations, que par
l'intermédiaire d'hommes qui les ont mal compris, qui
souvent les ont défigurés, et qui ont tû
ce qu'il leur importait d'en cacher, pour atténuer le
péché de leur Eglise
dégénérée et
oppressive.
Voici quelques-uns de ces
faits :
L'an 1017 selon les uns, ou
1022 selon les autres, une manifestation religieuse attira
l'attention. Des hommes, distingués par leur vie
régulière, leurs connaissances et leur
position sociale, furent accusés
d'hérésie à Orléans. Ils
étaient au nombre de quatorze, en comptant une
religieuse. Le clergé y était fortement
représenté, car six d'entre eux étaient
chanoines de Sainte-Croix, entre lesquels on a nommé
un Lisoïus, un Héribert, un Etienne. L'un d'eux
avait été confesseur de la reine Constance. Il
fut constaté que leur entente datait
déjà de quelque temps, et que, tout en restant
attachés extérieurement à l'Eglise, ils
célébraient un service religieux à
part. On est «accord aussi pour dire qu'ils avaient
été gagnés à
l'hérésie par une femme venue d'Italie.
Jugés par un synode assemblé à ce
sujet, ils furent condamnés à être
brûlés, parce qu'ils ne voulurent pas se
rétracter ni abjurer leurs prétendues erreurs.
(USSERIUS, Gravissiae Quaestionis, p. 279 à 280. -
Histoire générale du Languedoc... t. II, p.
155, 156.)
Fleury, auteur catholique,
après avoir parlé en détail de ces
sectaires, ajoute : « On brûla de, même
ceux de cette secte qui furent trouvés ailleurs,
particulièrement à Toulouse, comme
témoigne Ademar, moine d'Angoulême auteur du
temps. »
Ce même Ademar,
contemporain de ces prétendus
hérétiques, s'exprime encore comme suit :
« Ces émissaires de l'Antéchrist
étaient répandus en différentes parties
de l'Occident, et se cachaient avec soin, séduisant
tous ceux qu'ils pouvaient, hommes et femmes. »
(FLEURY, Histoire Ecclésiastique, t. XIII, p. 416,
etc. )
A l'appui de ces faits,
Usserius, archevêque d'Armagh en Irlande, au XVIle
siècle, cite un passage de P. Pitheus, tiré de
son histoire d'Aquitaine, en ces mots : «
Tout-à-coup des manichéens se
montrèrent dans l'Aquitaine (Gascogne),
séduisant le peuple indistinctement et
l'entraînant de la vérité dans l'erreur,
... en sorte qu'ils détournaient de la foi beaucoup
de simples. » Après avoir mentionné les
hérétiques d'Orléans et de Toulouse, il
répète ce qu'on vient de citer d'Ademar. (
USSERIUS, etc., p. 279. )
Presque à la même
époque, l'an 1025, on découvrit d'autres
sectaires à Arras, à l'extrémité
septentrionale de la France, dans la Flandre. D'après
Dupin, docteur catholique du XVIle siècle, on fit
rapport à Gérard, évêque de
Cambrai et d'Arras, qui se trouvait dans cette
dernière ville: « Qu'il était venu
d'Italie quelques personnes qui introduisaient une nouvelle
hérésie. Ils étaient, selon leur dire,
disciples de Candulphe ou Gandulphe, qui les avait instruits
des commandements de l'Evangile et des apôtres,
ajoutant qu'ils ne recevaient aucune autre écriture,
mais qu'ils observaient celle-là exactement. » -
Un synode fut assemblé. Il n'eut pas à
condamner au feu, parce que les accusés
abjurèrent leur nouvelle croyance et
rentrèrent dans le sein de l'Eglise. (DUPIN, Nouvelle
Biblioth., t. VIII, part. II, p. 127.)
Turin eut aussi ses
hérétiques, en 1030, selon que le rapporte
Pierre de Vaux-Cernay, cité par M. Charles-Victor
Goguel, dans la dissertation qu'il a présentée
à la faculté de théologie de
Strasbourg, en 1840, sur les Albigeois.
Radulphe Glaber, auteur du XIe
siècle, raconte que, l'an 1028, il s'était
introduit dans le château de Monteforte, du
diocèse d'Asti, en Piémont, une secte qui
renouvelait les rites païens et juifs, ou plutôt
manichéens, selon Muratori. L'évêque
d'Asti et son frère, le marquis de Suse,
réunis à d'autres prélats ou seigneurs
de la province, leur avaient livré inutilement
plusieurs assauts. Mais Landolfo l'aîné raconte
que Eribert ou Aribert, archevêque de Milan, se
trouvant à Turin, fit prendre un de ces
hérétiques, nommé Gérard, et
ayant su par lui qu'il s'agissait de dogmes
manichéens, il envoya des troupes contre le
château et le prit. Un petit nombre
d'hérétiques abjura, les autres furent
brûlés vivants sur la place du Dôme.
(Bossi, Storia d'Italia, t. XIV, p. 187 et sui.
)
D'autres
hérétiques furent découverts dans le
diocèse de Châlons-sur-Marne, vers l'an 1046,
comme on le voit par une lettre de Rogerius Il,
évêque de Châlons, à Wazo,
évêque de Liège. Il les accuse de suivre
le dogme pervers des manichéens et d'avoir des
conventicules secrets. Il assurait que si des hommes
grossiers et ignorants entraient dans cette secte, ils
devenaient aussitôt plus habiles à parler que
les catholiques les plus instruits, au point qu'il semblait
que leur babil l'emportait sur la vraie éloquence des
sages. Il observe aussi qu'on reconnaît les
hérétiques à leur pâleur.
(Recueil Des Historiens des Gaules, t. XI, p. 11, ANSELMO
autore.)
Dans le synode assemblé
à Rheims, en 1049, sous le pape Léon IX, les
nouveaux hérétiques qui se montraient dans les
Gaules furent excommuniés.
Radulphe Ardens rapporte aussi
que des hérétiques, manichéens
souillèrent le territoire «Agen, vers la fin du
XII, siècle, mais il nous laisse ignorer les
caractères et les circonstances de cette
manifestation religieuse. (USSERIUS, déjà
cité, P. 281. )
Nous aurions pu signaler
quelques autres mouvements religieux, par exemple, celui qui
eut lieu à Goslar, en Allemagne, en 1052, à la
suite duquel l'empereur Henri IV, qui se trouvait dans cette
ville pour les fêtes de Noël, fit pendre ceux qui
furent convaincus d'hérésie, afin, disait-il,
d'épouvanter et de détourner les gens
d'adopter leurs erreurs. Mais il suffit, pour le but que
nous nous sommes proposé, d'avoir cité les
faits précédents. (Centuriateurs de
Maydebourg, centurie XI, col. 246. - Recueil des Historiens
des Gaules, t. XI, P. 20. )
Il serait désirable de
connaître exactement les doctrines professées
par ces hommes que l'Eglise du temps a flétris du nom
d'hérétiques, et qu'elle a fait mourir
ignominieusement. Elles jetteraient bien du jour sur la
question qui nous occupe maintenant ; savoir : sur la
parenté spirituelle qui peut avoir existé
entre les manifestations religieuses que nous venons
«énumérer et ces chrétiens du nord
de l'Italie, des montagnes du diocèse de Turin, dont
il a été et dont il sera surtout fait mention.
Les auteurs contemporains ont, il est vrai, essayé de
rendre compte des croyances de ces hérétiques
; mais, à ne juger de ces temps que par les
nôtres, et à voir la manière dont
l'Eglise romaine parle des réformateurs du XVIe
siècle, de leur vie et de leurs doctrines, quoique
les Eglises protestantes soient là présentes,
et par conséquent en mesure de rectifier les faits
dénaturés, que peut-on attendre de ces
mêmes partisans des erreurs romaines, lorsqu'ils nous
rapportent les croyances et la vie de martyrs qui n'ont eu
personne pour défendre leur mémoire et pour
protester contre les jugements injustes qui les ont
flétris ? Auront-ils compris le caractère
propre de ces manifestations ? Nous initieront-ils à
la foi et aux oeuvres de leurs victimes? C'est ce dont nous
doutons fort.
Que le lecteur en juge par ce
fragment qui nous est communiqué par un auteur
catholique sincère, Fleury. Il cite un contemporain
des hérétiques d'Orléans et des autres
sectaires de l'époque, qu'il désigne tous.
sous le nom de manichéens. « Ceux-ci, dit-il,
s'assemblaient certaines nuits dans une maison
marquée, chacun une lampe à la main, et
récitaient les noms des démons, en forme de
litanies, jusqu'à ce qu'ils vissent un démon
descendre tout d'un coup sous la forme d'une petite
bête. Aussitôt ils éteignaient toutes les
lumières, et chacun prenait la femme qui se trouvait
sous sa main pour en abuser, et l'enfant né d'une
telle conjonction était porté au milieu d'eux
huit jours après sa naissance, mis dans un grand feu
et réduit en cendres. Ils recueillaient cette cendre
et la gardaient avec autant de vénération que
les chrétiens gardent le corps de Jésus-Christ
pour le viatique des malades. Cette cendre avait une telle
vertu qu'il était presque impossible de convertir
quiconque en avait avalé aussi peu que ce
fût.
Ce récit, ajoute
Fleury, a tant de rapport avec les calomnies dont on
chargeait les premiers chrétiens, qu'il semble en
être imité; mais la chose est rapportée
ainsi par un auteur du temps. Un autre dit seulement que ces
hérétiques portaient avec eux de la poudre
d'enfants morts, et que, s'ils pouvaient en faire prendre
à quelqu'un, ils le rendaient aussitôt
manichéen comme eux. » ( FLEURY, etc., t. XIII,
p. 416, etc.)
Cet aveu de l'historien
catholique, Fleury, nous donne la mesure du peu d'exactitude
qu'on doit attendre de documents dans lesquels la
vérité historique est si grossièrement
dénaturée. Ajouterons-nous foi à
l'exposé des doctrines qu'on leur attribue? Non ! ce
serait consentir à la calomnie et à
l'injustice qui ont frappé ces hommes dignes d'un
meilleur souvenir. On les a flétris du nom de
manichéens, mais nous ne croyons pas qu'ils le
fussent. La force d'expression, l'énergie des
discours avec laquelle ils dépeignaient l'opposition
que fait à Dieu et à l'oeuvre de Christ le
prince des ténèbres, le prince de ce
siècle, le prince de la puissance de l'air, Satan,
chef des anges rebelles, qui agit dans les enfants de
rébellion, qui rôde comme un lion rugissant
autour des enfants de Dieu pour les dévorer, qui
essaie de séduire les élus; oui! cette
tendance de prétendus hérétiques
à montrer la guerre que le malin fait au Dieu vivant
et vrai, au Seigneur, au Sauveur, peut avoir
été désignée comme un dualisme,
un manichéisme, pair des hommes plongés dans
un culte matériel et idolâtre de Dieu, des
anges et des saints. Que d'hommes qui, de nos jours encore,
rejettent la doctrine de l'existence de Satan et de son
opposition à l'oeuvre de Jésus-Christ, parce
qu'ils croient y voir une négation de la puissance de
Dieu, un dualisme, un manichéisme, et surtout parce
qu'ils ne croient pas ou ne connaissent pas même la
Parole de Dieu qui révèle cette affligeante
vérité.
Nous croyons donc que ces
prétendus hérétiques étaient des
amis de l'Evangile, qui, éclairés par la
lumière cachée presque partout sous le
boisseau, essayèrent de la replacer sur le
chandelier, et succombèrent sous les efforts de la
puissance ténébreuse qui enveloppait l'Europe.
Voici quelques fragments de leur doctrine, d'après
l'auteur contemporain cité par Fleury. L'enfant de
Dieu y reconnaîtra les leçons de l'Evangile,
malgré la forme défavorable sous laquelle
elles nous sont présentées. « Ils
disaient encore que le baptême ne lavait point le
péché, que le corps et le sang de
Jésus-Christ ne se faisaient point par la
consécration du prêtre, qu'il était
inutile de prier les saints, soit martyrs, soit confesseurs;
enfin que les oeuvres de piété étaient
un travail inutile dont il n'y avait aucune
récompense à espérer, ni aucune peine
à craindre pour les voluptés les plus
criminelles.» (FLEURY, etc.; même citation que
plus haut.)
Un fragment d'histoire
«Aquitaine, publié par Pistorius, et cité
par Usserins, attribue les erreurs suivantes aux
hérétiques du temps du roi Robert et du pape
Benoît VIII.
Ils niaient le baptême,
le signe de la sainte croix, l'Eglise et le
Rédempteur du monde lui-même, l'honneur des
saints de Dieu,, les mariages légitimes, l'usage des
viandes. » Les hérétiques
d'Orléans, de Toulouse et autres lieux, sont aussi
appelés manichéens dans cet écrit. (
USSERIUS, Gravissiae Quaestionis, p. 9.79.)
Natalis résume les
erreurs des hérétiques «Arras dans ce peu
de mots : « Les hérétiques niaient le
mystère du saint baptême, les sacrements de
l'eucharistie, de la pénitence, de l'ordre et du
mariage.ils n'accordaient aucun culte aux confesseurs,
aucune vénération à la croix du
Seigneur, aux images des saints, aux temples et aux autels.
Ils niaient le purgatoire, et disaient qu'une
sépulture chrétienne n'était d'aucune
utilité aux défunts. » (Il. P. NATALIS
ALEXANDRI, etc. y T. VII, p.'82.)
Nous avons encore
trouvé dans Dupin : « Qu'ils ne faisaient pas
cas des cloches, de l'onction, ni de l'exorcisme. » (
DUPIN, etc., t. VIII, 1). 127 à 128.)
Radulphe Ardens,
d'après Usserius, parle ainsi des manichéens
de l'Agenois: «Ils prétendaient faussement de
suivre la vie des apôtres, disant qu'ils ne mentent
pas, qu'ils ne jurent du tout point. » (USSERIUS, etc.,
p. 281.)
Il reste maintenant à
déduire quelques conséquences des faits qu'on
vient de mentionner.
Nous suivons les traces de
l'Eglise fidèle aux doctrines
évangéliques. Nous les cherchons dans des
siècles d'obscurité; et aussitôt nous
trouvons des manifestations religieuses qui, bien que
défigurées par les rapports de leurs
adversaires victorieux, nous paraissent une opposition au
culte superstitieux de l'Eglise déchue, un retour aux
doctrines évangéliques, à la vie de
renoncement, de charité, de vérité et
de pureté, à l'exemple des apôtres
qu'ils disent vouloir imiter. Bien que stigmatisés
par la prévention, l'ignorance et la haine, ces
mouvements religieux nous paraissent de bon aloi. Nous
croyons y découvrir, sous des immondices dont on les
a couverts, plus que du foin et du chaume, plus que du bois,
matières à brûler ; nous y entrevoyons,
bâtis sur le vrai fondement, de l'or, de l'argent, des
pierres précieuses. ( 1 Corinthiens, III,
12.)
Si maintenant, nous essayons
de remonter aux sources de ces manifestations religieuses,
nous reconnaissons que s'il en est d'indigènes, que
si l'on en voit sortir du sol même sur lequel leur
cours se déroula, il en est d'autres qu'il faut aller
découvrir dans des vallées
étrangères et solitaires, où ces eaux
jaillissantes qui vont ensuite arroser la plaine,
déploient leur beauté quelquefois sauvage,
à l'ombre, séculaire des hautes Alpes, et loin
du regard du monde.
Sans nul doute, Dieu avait
conservé en tous lieux, dans son Eglise, envahie par
l'erreur et l'idolâtrie, quelques fidèles qui
ne fléchissaient point entièrement le genou
devant Baal. Tel fuit en France, au Xle siècle,
l'illustre Bérenger, principal de l'école de
Tours, dont Théoduin, évêque de
Liège, parle dans une lettre adressée au roi
Henri : « Le bruit s'est répandu au-delà
des Gaules et dans toute la Germanie, écrit-il, que
Bruno, évêque d'Angers, et Bérenger, de
Tours, renouvellent les anciennes hérésies,
soutiennent que le corps du Seigneur n'est pas tant son
corps que l'ombre et la figure de son corps,
détruisant les mariages légitimes et
renversant autant qu'il dépend d'eux le baptême
des enfants. » (FLEURY, etc., t. XII, p.
575.)
Mais sans nul doute aussi, la
vérité évangélique qui tendait
à se faire jour était colportée en
divers lieux par des hommes que les lieux mêmes, dans
lesquels ils la propageaient, n'avaient pas vus
naître.
En effet, cette
hérésie, à peu près la
même partout ou elle parait, est souvent
attribuée aux séductions de nombreux
émissaires de l'Antéchrist, répandus en
diverses parties de l'Occident, à des hommes actifs
et insinuants, qui séduisent le peuple
indistinctement, etc. (Voir les citations
précédentes.)
D'après ces
données, on croit reconnaître que cette
hérésie, dans beaucoup de lieux où elle
est constatée, est l'oeuvre d'émissaires
particuliers, disons le mot propre, de missionnaires. Or,
nous voyous par les écrits des Vaudois, dont il sera
amplement question ci-après, que l'oeuvre
missionnaire était en honneur parmi eux, et meule une
de celles dont leurs synodes s'occupaient, puisqu'ils
assignaient de l'argent pour ceux d'entre eux que l'on
destinait aux voyages. Ce fait, confirmé par divers
autres témoignages des adversaires, serait
déjà en faveur de la thèse que nous
soutenons. Mais il y a plus. L'Italie est signalée
deux fois comme la patrie de ces fauteurs
d'hérésie. Nous venons de lire, en effet,
qu'il est constaté que les hérétiques
d'Orléans avaient été gagnés
à l'hérésie par une femme venue
d'Italie, et que le mouvement d'Arras était dû
aux enseignements de quelques personnes attachées
à la sainte Écriture et venues aussi d'Italie.
( Ecrits des Vaudois, livre de la discipline, chap. IV,
second alinéa. - LÉGER, etc., 1re part., p.
192. - PERRIN, Hist. des Vaudois, chap. IV. )
Il ne serait donc point
impossible, et selon nous il est vraisemblable, que le
mouvement religieux *qui eut lieu au Xle siècle, et
qu'on a injustement qualifié de manichéen, a
été en grande partie un rayonnement de la
lumière conservée dans le diocèse de
Claude de Turin, sur le versant italien des Alpes. Nous
croyons donc que les manifestations religieuses que nous
venons de mentionner peuvent servir de preuve en faveur de
la conservation d'une Eglise fidèle, au sein des
Alpes italiennes. Mais nous allons bientôt en mettre
de nouvelles et de plus concluantes sous les yeux du
lecteur.
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