HISTOIRE DES
VAUDOIS.
CHAPITRE
I.
ÉTAT DE
L'ÉGLISE CHRÉTIENNE A L'AVÈNEMENT DE
CONSTANTIN AU TRÔNE IMPÉRIAL.
Grands progrès de l'Evangile
durant les trois premiers siècles de l'Eglise. -
Obstacles que sa prédication rencontre. - Foi pure et
vivante des disciples de ce temps. - La constitution
primitive de l'Eglise commence à présenter
quelque altération dans l'épiscopat. -
Commencement de hiérarchie. - Lieux et nature du
service divin. - Altération concernant le
baptême et la sainte cène. - Luttes
engagées dans l'Eglise. - Hérésies. -
La pure croyance de l'Eglise triomphe. -
Sectes.
Trois siècles ne
s'étaient pas écoulés depuis la mort et
la résurrection du Sauveur des hommes, que
déjà la bonne nouvelle du salut qu'il nous a
acquis avait été annoncée dans toutes
les provinces de l'empire romain, et reçue avec joie
par une partie considérable des populations. La foi
en Jésus, Fils du Dieu vivant, était
proclamée des rivages de la mer Rouge à ceux
de l'Océan, des bords du Nil à ceux de l'Ebre,
du Rhône, du Rhin, du Danube et de l'Euphrate, dans
toutes les contrées que baignent les eaux de la
Méditerranée, jusqu'au fond des vallées
reculées des monts Ibériens, des Alpes, de
l'Hémus et de l'Atlas, et surtout dans toutes les
villes semées sur cet immense
territoire.
Ce n'était pas sans
lutte, ni sans souffrance pour ses sectateurs, que, la
religion chrétienne s'était étendue de
proche en proche. Ses progrès avaient successivement
irrité et alarmé les amis des traditions
nationales, des moeurs relâchées et du culte
des faux dieux, ainsi que le gouvernement soupçonneux
et tyrannique des empereurs romains. Les chrétiens,
bientôt considérés comme les ennemis de
leur patrie et comme des rebelles, avaient été
exposés aux plus terribles persécutions. Le
fer, le feu, des instruments de torture, et la dent des
bêtes féroces dans les
amphithéâtres en avaient moissonné des
milliers et des centaines de milliers. Mais, comme le grain
qui ne tombe en terre que pour se décupler, le sang
des martyrs était devenu la semence de l'Eglise, la
foi des confesseurs du nom de Christ parlait au coeur, et
gagnait bien plus d'âmes à son service que la
terreur des supplices n'en éloignait.
Durant ces trois premiers
siècles, l'Eglise n'avait guère compté
que des hommes persuadés de la vérité
de ses dogmes, et honorant par une vie pure, sainte et
dévouée, les vertus de celui qui les avait
appelés des ténèbres à sa
merveilleuse lumière. Le mépris et la haine,
dont les chrétiens étaient l'objet de la part
des païens, les préservaient en
général de l'alliance pernicieuse des vicieux
et des indifférents, et, rompant les liens qui
auraient pu les attacher encore à un monde
séducteur, purifiaient leur foi et les unissaient
toujours plus entre eux et à leur Sauveur.
L'Eglise, dans sa constitution
même, était, à peu de chose près,
restée telle qu'au temps des apôtres. Tout
fidèle était membre actif de
l'assemblée, et celle-ci était dirigée
par un ou plusieurs pasteurs, chargés en particulier
de prêcher la Parole et de veiller sur les âmes.
Le pasteur dune communauté chrétienne ou l'un
d'eux, s'ils étaient plusieurs, portait aussi le nom
particulier d'évêque, c'est-à-dire
d'inspecteur, à cause de l'inspection qu'il devait
exercer sur tous les membres de son troupeau et de
l'influence qu'on accordait à sa piété
et à son exemple. Mais, bien que cet honneur, dont
l'évêque jouissait, l'exposât à
plus de danger de la part des païens dans les
persécutions, l'on put remarquer que plusieurs de
ceux qui avaient reçu cette charge n'avaient pas
échappé tout-à-fait aux
séductions de l'orgueil et de l'ambition. Les
pasteurs des Eglises un peu considérables avaient
obtenu ou préféré de bonne heure le
titre d'évêque à celui d'ancien, et
s'étaient facilement arrogé une
suprématie sur leurs collaborateurs dans l'oeuvre du
ministère. A la fraternité des apôtres
pour leurs compagnons d'oeuvre, d'un saint Paul pour Sylvain
et Timothée, succéda bientôt une
hiérarchie dangereuse. Cependant l'atteinte que cette
tendance aurait pu porter à la liberté et
à la fraternité chrétiennes, qui
brillaient alors avec tant «éclat, avait
été considérablement diminuée
par l'activité que la position difficile de l'Eglise,
au milieu des païens, imposait à chaque
fidèle.
Un autre danger
intérieur avait aussi menacé l'Eglise dans sa
constitution et sa vie, à cette époque
cependant si bénie; savoir : la
prééminence que les évêques
d'Antioche, d'Alexandrie, de Carthage et de Rome, avaient
acquise sur les autres évêques, et l'abus
qu'ils avaient fait souvent de la déférence
qui leur était accordée par honneur.
L'évêque de Rome surtout avait plusieurs fois
réclamé la préséance sur tous
les autres évêques, et même aspiré
à une certaine autorité en matière
religieuse. Mais ces prétentions avaient
rencontré de la résistance dans la
rivalité des autres Eglises apostoliques ou
métropolitaines, et dans l'indépendance de la
vie chrétienne.
Le culte avait conservé
sa simplicité des premiers temps.
Il avait lieu dans des
édifices particuliers, et souvent en secret, ou dans
des solitudes. Quelques temples avaient cependant
été construits à la fin du 1111,
siècle. Des prières, des chants, la lecture et
la prédication de la Parole de Dieu et la
célébration de la cène étaient
les actes ordinaires du service divin. Les chrétiens,
témoins des pompes païennes, et ayant
l'idolâtrie en abomination, avaient exclu des lieux de
leurs réunions toute image, et de leur culte toute
vaine cérémonie. Cependant quelques pratiques,
comme l'emploi de vêtements blancs, l'onction et la
présence de parrains, s'étaient introduites
dans l'administration du baptême, et la sainte
cène, célébrée en souvenir de
ceux qui étaient morts au Seigneur et en signe de
communion perpétuelle avec eux, avait quelquefois
dégénéré en
cérémonie à leur profit.
En ce qui concerne la
doctrine, l'Eglise avait eu déjà de grandes
luttes à soutenir au-dehors et au-dedans; au-dehors,
contre les attaques des philosophes païens et de
quelques juifs, et surtout au-dedans, contre les erreurs
Propagées souvent par des hommes pieux, mais
dominés par quelque idée fixe, par quelque
opinion particulière, non conforme à la vraie
foi, selon la croyance de l'Eglise. De partisans
isolés d'une doctrine nouvelle, ils étaient
rapidement devenus chefs de secte par l'entraînement
que leurs talents, leur persuasion,
l'étrangeté même de leurs enseignements,
opéraient sur les hommes dont la tournure d'esprit ~
la tendance ou les circonstances étaient semblables
aux leurs. Des divergences de doctrines, les
hérésies, la formation des sectes au sein de
l'Eglise visible ne doivent pas étonner ceux qui
savent qu'une imagination ardente, une raison orgueilleuse
et des préoccupations particulières
obscurcissent la vérité, et que la profession
de l'Evangile n'a pas toujours guéri de ces
dispositions malheureuses ceux qui, voulant être
quelque chose, ne consentent pas à se regarder comme
des pauvres en esprit. Ne nous étonnons donc point
que l'Eglise chrétienne des trois premiers
siècles ait eu à défendre la
vérité contre des hérésies
nées et soutenues dans son sein.
Réjouissons-nous seulement de ses victoires; car,
vivifiée d'en haut par son divin chef, à qui
elle s'était adressée avec foi, dans ses
douleurs et dans ses combats, comme dans ses jours de
prospérité, elle avait retenu dans la foi et
l'amour qui est en Jésus-Christ le modèle des
saines doctrines; elle avait gardé le bon
dépôt.
Le formalisme et
l'ascétisme des ébionites, les efforts des
gnostiques pour transporter l'âme agitée
au-dessus des limites naturelles de ce monde,, leur
prétention de tout expliquer, et leurs
spéculations ambitieuses avaient cédé,
ainsi que le dualisme des manichéens, à la
puissance de la foi simple en Jésus-Christ et de la
vie chrétienne que celle-ci opère.
Réduites à l'état de sectes, elles
servirent a prémunir les fidèles contre les
dangers des excursions de l'esprit hors des limites
posées par la Parole écrite.
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