Au reste, ne chantons pas trop victoire.
La famille chrétienne n'occupe aujourd'hui qu'une très-petite
place ici-bas : très-petite parmi les chrétiens, infiniment chétive
sur notre globe terrestre.
Laissons les païens. Nous avons vu le paganisme, à l'oeuvre
dans l'antiquité.
Prenons les musulmans, prenons l'islamisme. Dérivé jusqu'à un
certain point de la religion chrétienne, l'islamisme a été sa grande
hérésie, son grand ennemi, la grande réaction contre la famille, son
destructeur dans tout l'Orient.
Cette polygamie qui disparaissait devant l'Évangile,
Mahomet l'a ressaisie, le Koran l'a recueillie, l'Islam l'a
réinstallée triomphante partout où il a triomphé.
En Asie, en Afrique, partout où les convertisseurs du sabre ont
pénétré, vous trouvez ce prodigieux abaissement de la pluralité des
femmes, réduites à n'être, plus qu'un troupeau de bétail. Si de
fréquentes relations avec l'Europe, si le voisinage des civilisations
chrétiennes modifient l'apparence, s'ils soulèvent dans les coeurs
féminins un fiévreux besoin d'émancipation que n'accompagne ni la
connaissance éclairée du devoir, ni le sentiment juste de la véritable
dignité; le fond, le fond ignoble et grossier reste le même. Ce fond
reparaît dans ses brutalités, à mesure qu'enfoncée vers l'extrême
Orient, seule maîtresse parmi les royaumes africains, débarrassée de
toute influence évangélique, la religion de Mahomet se retrouve telle
quelle, vis-à-vis d'elle-même, exerçant sans contrôle son pouvoir
absolu. Alors vous avez les femmes à l'engrais. Alors, sous de tels
avilissements, vous rencontreriez difficilement une âme. Cela mange,
cela boit, cela subit. Cela souffre-t-il? je n'en sais rien. Il y a
des emportements parce qu'il y a des haines; il n'y a ni affections,
ni raison, ni espoir; pas une lueur !
Plus rapproché de nos civilisations européennes, moins sauvage
ou plus contenu, l'Islam n'en vaut guère mieux. Le harem, qu'il
bâtisse les murs de ses prisons avec du marbre ou avec de la boue,
renferme toujours les mêmes énormités. L'épouse n'existe pas. La mère,
à qui l'on arrache son fils dès l'âge de sept ans, follement
passionnée, jalouse, éternel enfant elle-même, s'en divertit comme
elle fait de sa perruche, ou bien ambitieuse, politique, reployée sur
ses plans qu'elle couve avec une sombre ardeur, prépare à force de
gâteries malsaines, parfois d'asservissements abjects, un instrument
dont elle se servira plus tard pour saisir l'autorité. Quant à la
fille, fiancée au berceau, mariée avant d'être jeune, ne la cherchez
pas dans le harem.
L'homme s'aplatit, s'épaissit, s'engourdit, à l'engrais, lui
aussi, sans qu'il s'en doute. Rien de généreux ne fermente dans ces
coeurs d'où le véritable amour est banni; rien de grand ne jaillit de
ces sociétés où le mariage n'existe plus. En revanche, vous avez le
divorce, inévitable corollaire de la polygamie : le divorce chez le
peuple, à l'usage de ceux qui, ne pouvant entretenir dix femmes à la
fois, prennent et renvoient vingt femmes l'une après l'autre; le
divorce chez les grands, qui tantôt épousent et tantôt répudient, pour
varier leurs plaisirs. Vous avez l'esclavage, absolument indispensable
à la polygamie; vous l'avez avec les monstruosités que la polygamie en
exige, que lui seul peut lui fournir sans lesquelles la polygamie ne
se maintiendrait pas.
Où parait l'Islam, ces trois faits, également hideux, se
produisent infailliblement (1) : le
harem, le divorce, l'esclavage. Où parait l'Islam, la famille
disparaît.
Voulez-vous embrasser d'un regard les mornes stérilités de ce
désert? venez, considérez le tableau qu'une de nos galeries de
peinture exposait naguère : la Mort dans le harem!
Saïd Pachah expire, entouré de toutes les pompes orientales, et
seul. On lui tend son enfant - un fils, bien entendu, - ses bras le
cherchent, ses yeux ne le voient plus; l'enfant reste inerte. Amassées
dans un coin, les femmes de Saïd essayent de pleurer; quelques-unes
essayent d'approcher ; un eunuque les repousse brutalement.
Ne sentez-vous pas le frisson?
Et ce que Mahomet a ramené sur la terre: les, souillures avec
les désolations de la polygamie, il l'a introduit dans les cieux;
desséchant, rabattant, salissant le coeur jusqu'au bout! Ce que
Mahomet a dérobé à notre pèlerinage : la sainte union, les tendresses,
l'idéal, il l'arrache à l'éternité; de telle sorte, qu'appauvris, que
dépouillés partout, que partout avilis et partout déshérités, l'homme
et la femme, étrangers l'un à l'autre, passent de l'abjection d'en bas
au matérialisme d'en haut, des aridités d'une vie sans famille aux
aridités d'un ciel sans amour ! Mettez le Koran vis-à-vis de
l'Évangile Voyez ce qu'a fait l'homme, voyez ce qu'à fait Dieu.
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