Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APPENDICES

Quelques pensées.

La conscience. - Besoins - matériels et besoins spirituels. - La prière.

-------

« La conscience est comme un chien de garde; à force de voir passer et repasser quelqu'un, il s'accoutume à lui et n'aboie plus, si ce n'est pour les étrangers.

« Quand on parle d'eau à quelqu'un qui se pâme de soif, de bon vin à un ivrogne, de mets exquis à un gourmand, de fortune à un avare, l'eau leur vient à la bouche. On voit que leur âme se dilate, leur coeur palpite et montre qu'il est à l'unisson avec ces choses ; mais pour la Parole de vie, la grâce et la gloire du royaume céleste, l'âme est tiède et le coeur est mort.

« On prie comme si on faisait une commission pour quelqu'un d'autre ; on se contente de faire cette commission, et l'on se met peu en peine de réussir.

« On prie comme celui qui creuserait plusieurs puits, mais pas assez bas pour trouver de l'eau. Dieu a plutôt égard aux cris du petit corbeau qu'à vos prières, car le corbeau est pressé par le besoin, et non pas vous. » (1)

« Priez ! oui, priez; car la prière est le seul lien entre le ciel et la terre ; entre les disciples aveugles, faibles, chancelants, et le Maître, fort et généreux ; entre le sarment languissant, par lui-même stérile et le cep plein de vie. » (2)

« Prenez garde que dans ces temps de sécheresse, votre coeur ne s'attendrisse et que vos mains ne deviennent lâches pour la prière, car celle-ci devient alors un devoir fastidieux et rebutant que l'on est d'autant plus tenté d'abandonner qu'on croit que Dieu n'y prend plus de plaisir. Redoublez alors de persévérance et défiez-vous de votre paresse, car nous ne devons pas ignorer les ruses de Satan, et s'il peut gagner sur vous de vous tenir éloigné du Seigneur, vous n'y reviendrez pas facilement ; plus vous négligerez la prière, plus votre coeur s'endurcira et même un temps viendra où vous apprendrez à vous en passer, c'est-à-dire à vivre dans la mort et séparé du vrai cep, tout en gardant l'apparence de la vie. Veillez donc, veillez et croyez que les prières les plus difficiles pour nous, celles qui nous paraissent indignes de Dieu, ne sont pas celles qu'il écoute le moins: elles ont moins de ferveur, moins d'amour, mais elles sont plus humbles et proviennent plus directement de la foi seule. » (3) *

 

.

Extraits du journal intime.

Comment reprendre pied (4)

 

« ... Souvent, comme Moïse, je préférerais garder tranquillement les brebis de Madian, que d'aller en Egypte parler à Pharaon, et délivrer les enfants d'Israël. Je regarde à la faiblesse de mes moyens plutôt qu'à la force de l'Eternel, et oubliant cette parole rassurante « je serai avec toi », je suis tenté de lui dire comme l'ancien prophète : « Envoie, je te prie, celui que tu dois envoyer. »

« Mon coeur est attiédi, glacé depuis quelque temps, il me semble qu'il est mort : ce sentiment pénible a augmenté jusqu'à aujourd'hui et a fini par me jeter dans un découragement complet ; plus de foi, plus d'espérance, plus de courage pour prier, plus de goût pour lire la Bible, par conséquent plus de zèle pour annoncer l'Evangile ; aussi je reste muet quand je devrais parler, ou, ce qui est pire encore, je parle de manière à abattre ceux que je serais appelé à remonter.

« En effet, que puis-je dire à quelqu'un qui se plaint de la stagnation dans le péché, de son peu de vie, etc ..., si moi-même je doute fortement que je puisse jamais sortir de cet état misérable, et si, comme un homme qui a longtemps et inutilement lutté contre un torrent, je me lasse et je suis prêt à me laisser entraîner?

« Je peux dire de mon coeur ce qu'on dit de nos montagnes : « Il neige beaucoup parce qu'il y fait froid, et il y fait froid parce qu'il y neige beaucoup. » Je suis mal disposé parce que je ne prie pas, et je ne prie pas parce que je suis mal disposé. Plus l'amour de Dieu diminue en moi, plus aussi la charité pour les âmes s'affaiblit ; que m'importe que les âmes soient sauvées, quand il me semble que le salut est une chimère et la joie du salut une illusion ?

« Quant aux chrétiens, leur état de vie est plus propre à exciter chez moi de la jalousie et de la haine que tout autre sentiment. Je comprends bien alors la tentation de Caïn, et je suis porté comme lui à nier mon frère parce qu'il me parait être plus juste et plus heureux que moi; parce que je le vois dans les bonnes grâces du Seigneur, et que je suis tenté de m'en croire repoussé ; cependant, Dieu me dit comme à Caïn : « Si tu fais bien, ton sacrifice ne sera-t-il pas accepté ? » Comme la charité diminue dans mon coeur, le peu d'amour fraternel qui y reste se réfugie du côté de l'égoïsme, qui va bientôt ressaisir toute son ancienne autorité, et je me sens plus que jamais disposé à m'aigrir contre les chrétiens qui ne coïncident pas en tout avec mes principes ; jamais je n'ai eu moins de support ; et si une indifférence presque générale ne paralysait en grande partie cette disposition, je paraîtrais dur et intolérant au possible.

« Cependant, quelque malheureux que soit cette situation d'âme, je suis obligé d'espérer contre toute espérance, et même de croire qu'il m'est utile d'être ainsi tenté, quand ce ne serait que pour m'apprendre la puissance de l'ennemi et ma propre faiblesse, et me rendre plus patient avec les autres dans la suite : car si le Souverain Sacrificateur qui a fait l'expiation de nos péchés a dû être, comme nous, tenté en toutes choses afin qu'il pût compatir à nos infirmités et secourir ceux qui sont tentés, il est convenable que les sacrificateurs qu'il appelle, qu'il choisit pour annoncer ses vertus, soient aussi consacrés par la souffrance, et apprennent par leur propre expérience à avoir suffisamment pitié des ignorants et des errants, étant eux-mêmes environnés d'infirmités.

Il est aussi fort avantageux pour moi de me voir diminuer dans l'opinion des autres, surtout de ceux à qui je m'étais d'abord présenté comme fort et vaillant, car je ne suis pas le seul qui m'aperçoive de mes misères ; il me semble même que chacun doit avoir les yeux sur moi et me voir plus défectueux encore que je ne puis me voir moi-même ; et vraiment on me le fait bien sentir, on ne me compte jamais pour rien, dans les choses même où il me semblerait naturel que je figurasse autant que d'autres ; je n'inspire ni confiance, ni considération, parce que je suis léger et que ma langueur spirituelle est trop visible. 0 qui me transformera ? Qui me sortira de cet espèce d'enchantement qui, par une force magique, m'empêche de saisir le câble de la délivrance envoyé pour le salut ?... Mais grâces soient rendues, dans le temps et dans l'éternité, à Celui dont la force s'accomplit dans notre faiblesse, qui ne blesse que pour guérir, n'appauvrit que pour enrichir, et n'abaisse que pour élever ! Oui, quand il est temps il me relève.

« Je commence cette journée sans prier, comme les précédentes, mais je lis dans le livre des Juges, et je remarque que chaque fois que le peuple élu était dans la prospérité, il s'éloignait du Seigneur; tandis que chaque fois que ce Dieu saint châtiait, les Israélites recouraient à lui et s'humiliaient sans que jamais ce bon Père fût sourd à leurs cris. Je ferme le livre saint et je me prosterne devant le Père des esprits. Mon coeur est fermé et ma bouche est muette; mais je tourne faiblement les yeux de mon âme vers Golgotha, et j'attends en silence le secours qui doit venir de Sion. S'il tarde attends-le, est-il dit, car il viendra bientôt - oui, bientôt il viendra, il n'oublie pas ses promesses, il est fidèle. Aussi il vient ; le rocher qui semblait écraser mon coeur est ôté, les portes d'airain s'enfoncent, et les barres dé fer sont rompues.

« Maintenant, je sens circuler la vie dans ce coeur engourdi, il soupire, ma bouche s'ouvre, et avouant au Seigneur mes péchés et ma misère, je me sens soulagé. Bientôt une lumière divine illumine mon entendement. Je vois dans tout ce que j'ai éprouvé, la main de la toute sagesse et l'oeuvre du suprême amour. J'étais sur le bord d'un abîme ; la vaine gloire, un orgueil insensé me possédaient, j'étais ivre de moi-même et des éloges que j'avais reçus, j'avais présumé de mon courage, de ma sagesse, de ma science, de mon discernement ; je ne voyais plus que moi, j'osais comparer tous les autres à moi et les dédaigner : non seulement j'étais tel en mon coeur, mais je le manifestais ouvertement, je me vantais, je racontais avec complaisance tous les fruits de ma soi-disant supériorité ; je méprisais mes frères, même devant les ennemis ; je recherchais l'approbation, même du monde ; je voulais tout gouverner, tout conduire, rien ne devait aller bien sans moi. Seigneur, où étais-je ? 0 mon Dieu ! quelle affreuse chute se préparait à mon orgueil.

En vain mille avertissements m'étaient donnés, en vain je voyais tomber les autres par orgueil, je savais bien le faire remarquer et exhorter à en tirer une leçon ; je me séduisais moi-même, et seul je n'en profitais point ; en vain je recevais les humiliations extérieures, je me justifiais à mes yeux et je regardais comme coupables ceux qui étaient assez droits pour me faire sentir que je sortais de ma sphère. 0 Dieu ! à quelle illusion la pauvre humanité est sujette ! Quand donc serons-nous sages ? 0 quand n'auras-tu plus besoin de nous faire échouer à chaque pas, pour briser ce misérable orgueil ? 0 quand cette hydre sera-t-elle détruite, quand ces têtes empoisonnées ne repousseront-elles plus ? 0 Seigneur, sois fidèle à nous abaisser à mesure que nous nous élevons ; ne nous épargne pas les humiliations, fais-nous comprendre qu'il faut que le vieil homme meure, et que l'opprobre, l'amertume, la honte, sont les seuls aliments qui ne le soutiennent pas. Oh ! abreuve-nous de ce fiel amer à notre palais, et cependant dans la suite si doux à notre coeur ! Arrache ces chairs corrompues, malgré nos cris, et ne nous épargne pas le châtiment qui nous est si nécessaire ! Seulement, Seigneur, donne-nous de te chercher toujours, sans relâche, sous ta forme souffrante, afin que nous te trouvions et te possédions à jamais. Amen ! »

 

.

A ses catéchumènes de Mens. 

§ 1. Les grandes vérités. - Combattre les mauvais principes et aimer les âmes. - La prière. - La vie en Christ

 

Calais, le 9 mai 1823.

« ... Chers enfants! que le Seigneur ait pitié de vous! qu'Il vous ouvre les yeux ! et qu'Il parle à votre coeur de paix et de grâce ! Qu'il vous touche par son esprit, et vous fasse « goûter combien il est doux » ! 0 si vous le saviez ! Si vous aviez voulu le croire, et vous approcher de lui, comme je vous y ai tant de fois invités de sa part, vous ne voudriez pas pour le monde tout entier perdre un bien si précieux.

« Combien je regrette de n'avoir pu vous examiner avant votre réception, pour m'assurer de vos connaissances, et surtout de vos sentiments. Je crains bien, mes chers enfants, que vous soyez bien peu avancés de ce côté-là ; vous êtes si faibles, si légers, et l'ennemi est si puissant, si rusé ! Il est si facile de faire et de penser le mal ! Il est si aisé de rester enfoncé dans la fange où l'on est né, et de suivre nonchalamment la vieille ornière du péché ! ...

« Chers amis qui avez prié pour eux, ne vous lassez point ; continuez de supplier le Seigneur pour leurs âmes ; veillez sur eux autant qu'il vous sera possible; parlez-leur de ce bon Jésus qui nous a tant aimés et s'est donné pour nous ; invitez-les, pressez-les de s'attacher à lui comme au vrai cep de vie ; rappelez-leur, rappelez-vous à vous-mêmes que hors de lui nous ne pouvons rien faire, et que si nous l'abandonnons, nous sécherons comme le sarment détaché du cep, et que, comme lui, nous ne serons plus bons que pour le feu ! ...

« Soyons fidèles en toute circonstance ; et reposons-nous sur le bras du Seigneur ; je ne veux point dire qu'il faut, dans les choses qui regardent le règne de Dieu, se tenir dans l'inaction et dormir en attendant son secours quand la vigilance et l'activité peuvent être utiles... Heureux celui qui, non par lâcheté ou paresse, mais par un principe d'obéissance et de foi, obéit au commandement de l'apôtre et sait se décharger sur Dieu de tout ce qui peut l'inquiéter, sachant qu'il prend lui-même soin de nous ! Exhortez-vous les uns les autres à cette confiance et à cette soumission.

« Exhortons-nous aussi les uns et les autres à la charité et à la miséricorde. Nous en avons grand besoin ; et nous ne savons pas en user avec autrui. Soyons bons, même avec les plus grands ennemis ; haïssons leurs oeuvres ; combattons leurs principes ; empêchons-les, autant que possible, d'obscurcir le conseil de Dieu ; mais aimons leurs âmes ; prions pour eux ; plaignons leur aveuglement, et témoignons-leur une affection véritable. Souvenons-nous surtout que nous sommes pétris de la même fange qu'eux ; et que si nous ne sommes pas au nombre des plus corrompus et des plus endurcis des hommes, cela ne vient point de nous, mais c'est un don de Dieu ; car nous sommes de notre nature des enfants de colère comme tous les autres ; et nous savons qu'il n'y a point de différence entre les hommes, parce que tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. Qu'avons-nous donc que nous ne l'ayons reçu ? Qui est-ce qui met de la différence entre nous et les autres ? Et où peut être le sujet de se glorifier (l Cor. IV : 7) ?

« Oui, mes chers amis, nous sommes tous, sans aucune exception, des enfants de colère ; et c'est ce qu'il y a de plus étrange, que Dieu ait bien voulu nous arracher à une perdition, qui engloutira infailliblement tous ceux qui n'auront pas cherché leur refuge dans la croix du Sauveur !

« Ayons ces grandes vérités toujours présentes à l'esprit ; méditons-les continuellement ; et nous marcherons dans l'humilité, qui est la racine de la foi et de toute vertu, parce qu'elle nous attire toutes les bénédictions du Seigneur. On peut dire, à cet égard, que les grâces de Dieu sont comme les eaux, qui ne restent point sur les hauteurs, mais qui se réunissent dans les lieux bas. Les coeurs orgueilleux n'y ont point de part, tandis que les esprits humbles qui s'abaissent, en sont comme inondés : telle est la sage volonté du Maître. Abaissons-nous donc et nous serons un jour élevés quand il en sera temps. Souvenons-nous que si notre divin Chef est monté au ciel, et même comme il est dit, au-dessus de tous les cieux, il était auparavant descendu jusqu'au plus bas de la terre, et s'était anéanti lui-même en prenant la forme d'un serviteur, et se rendant obéissant jusqu'à la mort, à la mort même de la croix.

« Chers amis, je ne m'ennuie point de vous écrire car quoique je sois assez loin de vous, néanmoins mon esprit est souvent avec vous, et mon coeur y est toujours. Je pense que, comme je vous l'avais demandé, vous ne m'oubliez pas non plus dans vos prières. Surtout ne négligez pas de supplier le Seigneur qu'il me donne plus de foi, plus de fidélité, plus d'amour pour lui et son Evangile : j'ai plus besoin de ces choses que vous ne le pensez. Demandez-les aussi pour tous les fidèles, car le plus en grâces est encore bien misérable devant Dieu. Oui, je vous le dis ; priez, et pour vous et pour tous les hommes, croyants ou incrédules ; priez beaucoup. La prière est la respiration de l'âme ; si nous cessions un instant de respirer, notre sang ne circulerait plus, et nous perdrions d'abord les forces, le sentiment et bientôt la vie. De même si nous cessons un instant de prier du fond du coeur, notre âme manque aussitôt du souffle de vie qui anime le nouvel homme, c'est-à-dire du Saint-Esprit ; et nous retombons, quant au spirituel, dans la faiblesse, l'indifférence, la tiédeur et la mort.

Soyons donc continuellement unis au Sauveur par la prière et la méditation des choses divines, surtout des vérités du Salut. Repassons dans notre esprit nos nombreux péchés : sondons la corruption de notre coeur ; puis comparons ce triste tableau avec celui des souffrances inouïes et du grand amour du Sauveur ; et nous apprendrons à nous humilier nous-mêmes, à supporter les autres, et à aimer le Dieu d'amour qui ne se lasse point de nous. Nous en verrons assez, alors, pour faire naître dans notre coeur ces soupirs dont parle Saint Paul, et que l'Esprit de Dieu produit ainsi dans notre coeur, par la connaissance du péché. Ce sont ces soupirs, inexprimables par le simple langage, qui constituent la véritable Prière, celle que Dieu exauce, parce qu'elle est selon sa volonté, et qu'elle est l'ouvrage de son Esprit. Ces choses sont peut-être difficiles pour quelques-uns de vous ; mais il en est qui peuvent les entendre, et aider les autres. C'est en méditant ces vérités un peu difficiles qu'on s'éclaire le plus.

« Adieu, mes chers amis; souvenez-vous que le Seigneur Jésus est mort pour nos péchés. Soyez plus sérieux, plus recueillis que nous ne l'étions ces temps passés. Demandez aussi, pour moi, que le Seigneur me guérisse de cette misérable légèreté, qui contriste son Esprit et qui nous prive de sa paix (Eph. V, 4). Aimez-vous les uns les autres ; édifiez-vous les uns les autres ; occupez-vous de vos âmes plutôt que du mal que les ennemis de Jésus-Christ disent ou font contre son Evangile. Je ne salue personne en particulier, parce que je m'adresse à tous, tant grands que petits, et que je me souviens de tous ceux qui aiment le Sauveur et cherchent la gloire de son nom. Que la grâce de Dieu le Père, et du Seigneur Jésus-Christ, ainsi que la communication du Saint-Esprit, soient avec vous tous. Amen 1

« Votre dévoué serviteur et affectionné frère en Jésus-Christ. »

.

2. « Je vous aime plus que ne font vos parents; le démon cherche à vous dévorer ; tenez-vous près du bon berger. » - La prière en commun.

 

Londres, 15 mai 1823,

8 heures du soir.

 

« MES CHERS ENFANTS,

« Il n'y a pas longtemps que je vous ai écrit à tous en général ; mais j'ai besoin dans ce moment de m'entretenir avec vous, pour consoler mon coeur qui languit loin de vous. Je prenais bien patience, comptant d'abord, comme sûr, de quitter ce séjour vendredi prochain, et désirant de vous revoir bientôt. Mais aujourd'hui, quand j'ai appris que cela n'était pas encore décidé, et qu'il me faudrait peut-être rester encore quelque temps, alors l'ennui m'a pris, et mon coeur en est angoissé.

« J'ai pensé à vous tous; je me rappelle votre attachement pour moi, votre foi à l'Evangile, et tous ces heureux moments que j'ai passés avec vous en vous entretenant de notre bon Sauveur ; je pense d'ailleurs que vous languissez sans doute aussi de votre côté ; et tout cela a augmenté ma tristesse. Alors j'ai pris mon portefeuille et j'en ai tiré vos chères petites lettres, que vous m'écrivîtes quand j'allai à Paris cet hiver. Oh ! que mon coeur a été ému en les voyant ! Elles ont été presque toute ma compagnie ; car presque personne ici ne parle français. Je n'ai pas eu besoin seulement de les lire ; je les ai portées à ma bouche pour les baiser, comme on ferait du portrait d'un ami ou d'un parent qui est bien loin ou qui est mort, et qu'on ne reverra plus ; et alors il m'a fallu pleurer. Ainsi, mes chers enfants, j'ai versé des larmes en pensant à vous et en voyant vos chères lettres ; et cependant vous savez que je ne pleure pas facilement, et que mon coeur est bien peu sensible. Voyez ce que je vous disais si souvent au catéchisme, que je vous aimais plus que ne font vos parents, plus que si vous étiez tous à moi selon la chair ! Et il y en avait sans doute beaucoup qui ne voulaient pas le croire.

« Mais ce ne sont pas seulement ceux qui m'ont écrit, à qui je pense et que je regrette ; ce sont tous ceux qui aiment le Sauveur, ou du moins qui désirent l'aimer, tous ceux qui connaissent leurs péchés et qui ont envie d'être sauvés. Oh ! si, du moins, je n'avais pas encore la crainte que quelqu'un de vous se laissât détourner de son chemin pour aimer le monde, comme il y en a qui l'ont déjà fait, je prendrais mieux mon parti de toutes mes autres peines 0, mes chers enfants ! ne me donnez pas ce chagrin Soyez fidèles à votre bon Sauveur, et réjouissez le coeur de votre pasteur, que vous aimez tant et qui vous a appris à connaître ce Sauveur miséricordieux ! Que j'apprenne, mes chers enfants, que vous marchez dans la vérité ; car je puis dire, comme l'apôtre Jean : Je n'ai point de plus grande joie que celle-ci, d'entendre que mes enfants marchent dans la vérité. Le Seigneur vous en fasse la grâce !

« Soyez vigilants, humbles et persévérants dans la prière, afin que le Saint-Esprit habite en vous ! N'oubliez point que le démon cherche à vous dévorer et qu'il ne dort jamais. Quand les brebis savent que le loup est autour d'elles, elles se gardent bien de s'écarter du berger ; elles se serrent, au contraire, tout près de lui, afin de les protéger ; car elles ne peuvent pas se défendre ni même fuir, parce que le loup court plus vite qu'elles. Faites de même, mes enfants ! Tenez-vous près du bon Berger, Jésus-Christ. Il ne s'enfuira point en voyant venir le loup ; au contraire, il donnerait sa vie pour vous défendre, s'il le fallait, comme il l'a déjà donnée une fois pour vous sauver. Or, ce loup, ce terrible lion, vous le connaissez ; c'est Satan, l'ennemi de vos âmes c'est le monde, ses plaisirs, ses richesses, sa vanité c'est toutes les paroles qui peuvent vous détourner c'est, enfin, notre mauvais coeur et le péché qui est en nous. Tous ces ennemis sont plus forts que nous ; mais Jésus est encore plus fort, car il a vaincu le monde il a désarmé et lié l'homme fort, c'est-à-dire Satan il a mis nos âmes en liberté (Lue XI; Jean XIV : 33; Marc III : 27). Aussi Jésus dit-il : « Quiconque est né de Dieu surmonte le monde, et le malin ne le touche point. »

« Mais ce n'est pas seulement chacun en particulier, c'est tous ensemble que vous devez vous approcher du Seigneur. Ne négligez pas de vous réunir, comme que ce soit d'ailleurs, pour prier ensemble le Sauveur, pour lire la Parole de Dieu ou de bons livres, et pour vous entretenir de votre salut en vous exhortant les uns les autres, de peur que quelqu'un ne s'endurcisse par la séduction du péché. Vous savez que là où deux ou trois sont ensemble au nom de Jésus-Christ, il est au milieu d'eux. Que cette parole est consolante, mes chers enfants ! Oh ! goûtez-en l'efficace en vous réunissant véritablement au nom du Sauveur, non pour dire du mal de personne, ni pour employer mal votre temps, mais pour prier, lire, chanter des psaumes et des cantiques du fond du coeur. Et dans tout cela n'oubliez pas de prier pour votre ami et bien affectionné frère en Jésus-Christ. »

.
1. Archives du Christianisme, 23 juillet 1836, p. 121-122.
.
2. Extrait de A. Bost. Nous avons reproduit ici quelques passages déjà cités afin de mieux grouper ces pensées sur la prière et d'attirer à nouveau l'attention du lecteur sur ce sujet.
.
3. Extrait d'une lettre à Paul Gay (26 août 1826).
.
4. Ecrit entre 1819 et 1821. Extraits parus dans les Archives du Christianisme, 1836, p. 124-125.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant