Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Aux amis de Mens.

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§ 1. Les réunions d'édification mutuelle.

 

Vizille, le 6 octobre 1823.

« BIEN-AIMÉS FRÈRES EN JÉSUS-CHRIST NOTRE SEIGNEUR,

« Je profite de l'occasion de notre ami Louis pour m'entretenir quelques instants avec vous. Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est ma plus grande joie ; vous savez tout l'intérêt que je porte à vos âmes, et combien ardemment je désire que la bonne Parole de vérité fructifie dans vos coeurs. J'ai appris avec un grand plaisir que vous ne négligez point vos assemblées mutuelles (Héb. X : 25), mais que vous continuez à vous réunir, pour vous édifier les uns les autres et vous fortifier dans la connaissance de la vérité. En effet, il est bien difficile, ou, pour mieux dire, il est impossible de faire des progrès ou seulement de se maintenir dans la foi, si on se relâche de cette bonne habitude de se rassembler entre frères, pour travailler d'un commun accord à l'oeuvre du salut ; et celui qui la néglige, prouve qu'il n'a point son salut au coeur et point de zèle pour la gloire de Dieu et de Jésus-Christ. Ceci peut se prouver facilement par les exemples suivants. le second commandement de l'Evangile ; c'est celui à l'égard duquel il n'est pas besoin d'être instruit par les hommes, parce qu'on l'apprend de Dieu même (I Thess. IV : 9). Or, il est impossible de s'aimer sincèrement sans chercher à se voir, à s'entretenir. On ne connaîtrait, on ne croirait pas que les enfants de Dieu ont de l'amour les uns pour les autres, s'ils vivaient isolés ou confondus avec le monde, s'ils n'aimaient pas à être ensemble comme les brebis d'un même troupeau. Je pourrais, chers amis, vous dire beaucoup plus de choses pour montrer que les chrétiens fidèles ou qui ont envie de le devenir, doivent être portés à se chercher les uns les autres, et à se réunir, quand ce ne serait que par le plaisir qu'ils doivent y trouver.

« Que sera-ce donc si nous examinons l'utilité, l'avantage de cette union, de ce commerce fraternel ? Comme les mondains recherchent pour leur simple agrément la compagnie de ceux qui ont les mêmes goûts, de même ils recherchent, chacun suivant leur état, la société de ceux qui se proposent le même but, pour réussir dans les choses de ce monde. Ainsi les hommes se réunissent et forment des armées pour se défendre contre leurs ennemis, ou pour se défaire des brigands ou des bêtes féroces. Chacun de son côté et seul ne pourrait rien faire ; mais tous ensemble sont forts. C'est aussi pour mieux réussir, en réunissant leurs moyens et leurs lumières, que les hommes de lettres, les naturalistes, les commerçants ont formé de tout temps des sociétés. Et quelque chose que l'on veuille faire ou apprendre, on cherche toujours à fréquenter ceux qui veulent faire ou apprendre la même chose, afin de profiter de leur expérience, de leurs conseils et souvent de leurs secours. Comment donc les disciples de Jésus-Christ qui veulent parvenir à la connaissance de Dieu, qui cherchent la perle de grand prix, et qui ont, au dedans et au dehors, tant d'ennemis à combattre, ne sentiraient-ils pas, plus que les autres encore, le besoin qu'ils ont de se réunir, de se fortifier, de s'instruire, de s'encourager mutuellement ?

« Au reste, cela nous est recommandé expressément par le Seigneur lui-même dans toute l'Ecriture Sainte; et les devoirs que les fidèles ont à remplir envers leurs frères ne sauraient s'accomplir s'ils n'avaient que peu ou point de fréquentation mutuelle. - Deux valent mieux qu'un, dit Salomon ; si l'un tombe, l'autre le relèvera ; et s'il vient quelqu'un les attaquer, qui soit plus fort que l'un d'eux, les deux ensemble le battront. Si deux couchent ensemble dans un lit, ils en auront plus chaud, et la corde à trois cordons n'est pas sitôt rompue. (Eccl. IV : 9, 12). - David déclare qu'il s'accompagne de ceux qui craignent l'Eternel et qui gardent ses commandements (Ps. CXIX: 63). - Dans le prophète Malachie (III : 13, 16), au milieu des mondains murmurant contre Dieu, ceux qui craignent l'Eternel sont représentés comme « parlant l'un à l'autre » et attirant par là l'attention du Seigneur, qui semble en prendre note pour le jour des rétributions. - Le psaume CXXXIII est consacré tout entier à célébrer cette union fraternelle : Oh ! que c'est une chose bonne que les frères s'entretiennent ensemble, etc... ! C'est là que l'Eternel a ordonné la vie et la bénédiction pour toujours ! - Cette bénédiction particulière, attachée à cette union, notre Sauveur nous l'indique ainsi : « Là, dit-il, où deux ou trois seront rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Matt. XVIII : 19, 20). Il recommande aux fidèles de s'édifier mutuellement, de s'instruire mutuellement, de prendre garde les uns aux autres pour s'exciter à la charité et aux bonnes oeuvres, de reprendre ceux qui sont déréglés, de consoler ceux qui sont affligés, de fortifier ceux qui sont faibles, de s'exhorter mutuellement, et il ajoute : « chaque jour » (Héb. III :13; Col. III : 16; 1 Thess. V :11, 14; Rom. XV : 14).

« Or, tout cela ne peut point se faire si on reste toujours chacun chez soi, ou si on ne se voit que, comme tout le monde, pour ses affaires particulières ; il faut nécessairement se voir, se réunir exprès pour accomplir ces commandements.

« Et n'allez pas croire qu'assister régulièrement aux exercices publics soit tout ce qu'il faut pour accomplir l'exhortation de la Parole de Dieu ; vous sentez bien qu'au temple, où personne ne parle que le pasteur, on ne peut faire tout ce qui est prescrit ci-dessus. D'ailleurs, dans le temple, vous êtes confondus avec une foule de gens qui ne comprennent rien à l'Evangile ou qui n'y croient pas, et à qui on ne peut parler un langage spirituel ; tellement que, pour les amener à la connaissance de la vérité, le prédicateur fidèle est obligé de négliger en quelque façon l'instruction des âmes plus avancées ; et l'on ne peut jamais y entrer dans de si grands détails que quand on est un petit nombre d'amis familiers et animés du même sentiment.

« Je pense, chers amis, vous en avoir dit assez sur ce sujet important. Vous devez sentir depuis longtemps la vérité de ces choses ; mais on ne saurait trop les répéter ; il faut avoir là-dessus des idées claires ; et que l'on sache bien que non seulement il est permis aux disciples de Jésus-Christ de se réunir ainsi pour l'édification, mais même que cela est ordonné par le Seigneur, à cause de l'utilité ou plutôt de la nécessité de la chose.

« Maintenant, si quelqu'un qui se dit disciple du Sauveur et désireux de sauver son âme parait manquer de zèle pour ces moyens si efficaces d'édification et ne s'y prête pas volontiers, on doit être à peu près sûr qu'il n'a point d'amour pour la vérité, et qu'il est encore bien loin d'être converti : car, s'il a un peu de vie dans son coeur et s'il croit à l'Evangile, il ne peut nier que ces choses ne soient bonnes, utiles, nécessaires, expressément recommandées par le Seigneur. Qu'est-ce donc qui l'arrête ? Deux choses seulement, les voici : l'amour du monde, et la crainte du monde. Plusieurs sont retenus par l'amour des choses de la terre et par le grand intérêt qu'ils y mettent. Aussi, quand ils sont invités à venir s'édifier avec leurs frères, ils répondent pour l'ordinaire qu'ils n'ont pas le temps : malheureuse excuse qui perd plus de gens que tous les péchés réunis ensemble. Il y aurait trop à dire si on voulait répondre. Lisez dans le commencement du livre De la Prière du coeur, des observations qui peuvent s'appliquer à notre sujet comme à la prière.

Le vrai chrétien rougirait de faire une pareille réponse, lui qui doit chercher avant tout le royaume du ciel, et qui appelle, avec Jésus-Christ, l'oeuvre de son salut, « la seule chose nécessaire » (Lue XII : 31 ; X : 42). Lui qui sait qu'il servirait peu à un homme de gagner tout le monde s'il perd son âme, comment pourrait-il dire qu'il n'a pas le temps de s'en occuper ? Ne vous y trompez pas, mes amis. Le chrétien n'a rien d'aussi pressant que le soin de son âme et la gloire de son Dieu ; c'est la première, la plus importante affaire de sa vie. Son esprit en est toujours occupé, son coeur en est rempli ; et si quelqu'un n'est pas dans cette disposition, il méprise Dieu, il foule aux pieds Jésus-Christ ; il néglige ce grand salut, et il n'échappera point (Héb. II : 2).

« Rappelez-vous que les succès de ce monde, le cas qu'on fait des richesses et des choses de la terre, sont les épines qui étouffent la semence et l'empêchent de fructifier (Marc IV : 18). Rappelez-vous surtout comment Dieu reçoit les excuses de ceux qui sont plus pressés d'aller, l'un à sa métairie et l'autre à son trafic, que d'aller au festin où il les fait inviter ; et qui ont plus au coeur d'essayer leurs boeufs et de visiter leurs champs que de recevoir son message. « Ils étaient invités, dit le roi, mais ils n'en étaient pas dignes ; en vérité, pas un de ceux-là ne goûtera de mon souper. » (Matt. XXII : 5, 8 ; Luc XIV : 18, 19, 24)

« D'autres ne peuvent pas dire qu'ils n'ont pas le temps ; et même ils avouent qu'ils y trouveraient du plaisir, mais ils craignent le monde ; ils ont peur de s'attirer la raillerie, le blâme, la haine, peut-être les mauvais traitements des ennemis de Jésus-Christ ; ils ont peur de s'attirer des maux, de déplaire à leurs parents, à leurs maîtres, à leurs amis et voisins ; en un mot, ils ont honte de la croix de Christ ; ils n'osent pas le confesser devant les hommes. A ceux-là je n'ai rien à dire ; ils ont lu l'Evangile, et ils savent ce qui leur est réservé ; ils savent comment les recevra Celui qui n'a pas eu honte de nous, quand il a comparu devant Caïphe, Hérode, Pilate et le peuple juif, et qui a été élevé sur le bois de la croix, devant tous ses ennemis, pour expier nos péchés.

« Quant à vous, chers amis, j'espère que vous ne perdrez point courage ; et qu'avant de vous mettre à suivre Jésus-Christ, vous avez fait votre compte d'avoir des afflictions dans le monde, et d'être méprisés et haïs comme votre divin Maître. Si vous aviez pensé autrement, vous auriez mal prévu les choses et vous vous seriez trompés. Je ne crains point de vous le dire : c'est en observant le devoir que je vous ai recommandé aujourd'hui qu'on est surtout assuré de s'attirer des persécutions ; il faut en prendre son parti. L'ennemi de nos âmes est trop intéressé à nous désunir pour ne pas faire tous ses efforts ; il sait bien qu'en écartant les charbons d'un brasier ardent, ils sont bientôt éteints, qu'en divisant les meilleurs soldats, ils sont bientôt vaincus : et nous devons regarder l'acharnement du monde contre les réunions chrétiennes comme une preuve de leur utilité.

« Si donc vous désirez garder la foi pour le salut de vos âmes, gardez-vous de vous retirer pour périr (Héb. X :39). Quand le monde, animé par l'esprit des ténèbres, déclare la guerre à vos assemblées d'édification, c'est alors, au contraire, qu'il faut, plus que jamais s'unir étroitement et se serrer les uns contre les autres, comme les soldats d'un même carré, chargé par la cavalerie. Tout ceci est basé sur l'expérience. Partout où il y a eu des enfants de Dieu réunis, ils ont été persécutés ; mais aussi, dès qu'ils se sont laissé disperser entièrement, ils sont retombés dans la mort comme le reste du monde.

« Je viens de lire un sermon de Nardin, dont une partie se rapporte directement à notre sujet ; c'est celui du premier dimanche après Pâques, sur le texte Jean XX : 19, 31. Si quelqu'un a ce volume (c'est le troisième), je vous conseille de lire les deux premiers points de la première partie de ce sermon.

« Je n'ai pas le temps aujourd'hui de m'étendre sur la manière dont vous devez vous occuper dans les réunions ; vous le savez déjà ; et une autre fois, je vous donnerai là-dessus quelques détails. Puisse le Seigneur faire naître dans vos coeurs une véritable soif de sa Parole et de sa grâce, tellement que vous ne puissiez vous passer de la compagnie de vos frères ! Puissiez-vous surtout être tellement enrichis des dons de son Esprit, que vous ayez besoin de lui rendre témoignage et de louer son nom dans l'assemblée de vos frères (Ps. XXII : 22) ! « Si quelqu'un croit en moi, dit Jésus, des fleuves d'eau vive couleront de son sein. » (Jean XII : 31). Puissiez-vous être ainsi chacun une fontaine de vie, et répandre autour de vous, par vos paroles et vos oeuvres, la bonne odeur de Jésus-Christ, afin d'attirer les âmes à lui !

« Adieu, chers amis, que le Seigneur vous fasse croître dans sa grâce et dans son amour ! Qu'il vous fortifie puissamment dans l'homme intérieur par son Esprit !

« Que l'amour du Père, la grâce de notre Sauveur, et l'onction du Saint-Esprit soient avec vous tous, jour et nuit ! Amen ! »

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§ 2. Contre le relâchement et la tiédeur.

 

St-Laurent-du-Cros, 25 mars 1824.

 

« CHERS ET BIEN-AIMÉS FRÈRES EN JÉSUS-CHRIST NOTRE SEIGNEUR,

« Quand nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, vivant selon le train de ce monde, étant ennemis de Dieu par nos affections charnelles, par nos pensées et par nos mauvaises oeuvres, en un mot, quand nous n'étions que des pécheurs, Christ est mort pour nous. » Nous avons appris cette bonne nouvelle: plusieurs d'entre vous l'ont écoutée avec attention, et paraissent l'avoir reçue de bon coeur et avec joie. Cependant j'entends dire qu'il y a du relâchement et de la tiédeur parmi vous, que vous négligez vos assemblées mutuelles, ou du moins que vous n'y apportez point un esprit attentif, ni un coeur bien disposé. D'où vient cela, chers amis ? Est-ce que Dieu n'est plus le même ? Est-ce que Dieu a changé à votre égard ? Son Evangile a-t-il perdu de sa beauté, le salut de son prix et de son importance ? Vos âmes ne sont-elles plus immortelles ? N'y a-t-il plus de colère à éviter, de paradis et de grâce à obtenir ? N'avez-vous plus de coeur mondain et charnel à purifier, de vices à corriger, de péchés à combattre, de vertus à acquérir et à pratiquer ?

« Rien, mes bien-aimés, rien n'a changé que vous mais prenez-y garde ; le relâchement conduit au sommeil, et le sommeil à la mort. Il en est déjà de ceux qui semblaient les plus zélés, qui ont fait comme Démas (2 Tim. IV, 10), qui se sont engagés de nouveau au service du Prince de ce monde, et qui ont honteusement abandonné leur espérance qui devait avoir une si grande rémunération. Ils ne sont plus maintenant des vôtres, et peut-être, hélas ! ils ont péri pour toujours! Ne craignez-vous point un sort si terrible ? 0 chers frères, veillez ! oui veillez ; car notre Ennemi ne dort jamais ; et la condamnation ne sommeille point non plus. La mort est sur vos pas l'éternité s'avance, le juge est à la porte.

« Mais il serait peu utile de vous avertir du danger de votre état, si je ne cherchais à vous en indiquer les causes ; c'est aussi ce que je vais entreprendre en peu de mots. Il en est sans doute plusieurs parmi vous qui n'ont pas encore goûté combien le Seigneur est doux, c'est-à-dire qui ne connaissent point le prix immense du salut et l'excellence de la grâce qui est en Christ. Ceux-là ne peuvent point être longtemps zélés. Leur zèle est un feu charnel, ou du moins très passager, qui s'éteint bientôt : ils ne sauraient prendre plaisir à une chose dont ils ne connaissent pas la valeur. La perle de grand prix est pour eux comme la perle de la fable pour le coq qui l'avait trouvée en grattant : « Elle est belle, dit-il, mais un grain d'orge ferait bien mieux mon affaire ! »

« La plupart de ceux qui ne connaissent ainsi que peu ou point la douceur de l'amour de Dieu sont dans cet état parce qu'ils ne connaissent point non plus leurs péchés : ils ne connaissent point combien c'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant ; c'est pourquoi ils font peu de cas du refuge que leur offre le Sauveur dans ses plaies sacrées. A ceux-là donc je répéterai ce que j'ai dit tant de fois : sondez vos coeurs ; méditez les Ecritures et surtout priez Dieu qu'il vous donne son esprit de lumière, afin que vous puissiez voir toute la profondeur de votre corruption, et par conséquent sentir le besoin que vous avez du céleste médecin.

« Quant à ceux qui ont goûté l'amertume de la condamnation sans avoir encore trouvé le repos, je leur dirai : ne vous relâchez point ; ne perdez pas courage ; vous feriez naufrage au port ; vous retourneriez en arrière au moment où vous touchez à la délivrance. Vous avez fait le plus mauvais du chemin ; persévérez, persévérez ; encore un pas et vous serez au but. Encore un peu de temps et celui qui doit venir viendra. Voici, je viens bientôt, dit l'Epoux. Répondez donc comme l'Epouse : « Viens, Seigneur Jésus, viens bientôt ! » Ne faites pas comme Facile dans le Voyage du Chrétien, qui était parti de bon courage, mais qui n'osa jamais passer le « bourbier de la défiance « ; faites comme le Chrétien qui, accablé de son pesant fardeau, marcha pourtant avec patience jusqu'à la porte étroite, et de là jusqu'au pied de la croix, où il trouva la délivrance. Ah ! certes, il ne regrettait pas sans doute, en ce lieu de bénédiction, d'être parti et d'avoir tout bravé pour venir jusque-là !

« Enfin, quant à ceux qui, après avoir trouvé la paix de leur âme en Jésus-Christ, se laissent aller à la tiédeur et n'ont plus qu'une vie faible et languissante, je crois pouvoir dire avec certitude que ce mal vient de ce qu'ils négligent la prière et la méditation ; ils se contentent de savoir ces choses et ne les pratiquent point : ils parlent de la grâce de Dieu, mais ils ne la cherchent point : ils connaissent Jésus-Christ, mais ils ne recherchent pas un commerce continuel avec lui ; ils ne sont pas assez chrétiens dans le particulier, voilà pourquoi ils ne le sont pas non plus dans leurs réunions; ils ne le cherchent pas dans leur cabinet, voilà pourquoi ils ne le trouvent pas parmi leurs frères. Nous ne devons pas aller chercher Dieu dans les temples ; nous devons l'y apporter ; nous devons, nous-mêmes, être des temples du Saint-Esprit. La source de la vie n'est pas en nous-mêmes, elle est en Dieu ; et dès que nous cessons d'y puiser, par la prière, par la lecture et la méditation, nous nous trouvons secs et arides. Il en est comme d'une prairie sur le penchant d'une montagne, exposée au soleil et dans un terrain sablonneux : dès qu'on cesse d'y conduire de l'eau, elle sèche et languit.

« Vous savez donc le remède. Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous ; humiliez-vous devant lui, chacun en particulier comme tous ensemble; persévérez, insistez ; faites comme la veuve chez le juge inique ; comme l'ami chez son voisin, pour avoir du pain. Luttez, comme Jacob, par vos larmes et vos prières ; et ne laissez point aller le Seigneur qu'il ne vous ait bénis ; c'est ainsi que vous le retrouverez, ainsi que vous le posséderez dans vos coeurs. Alors vous pourrez le porter dans vos réunions, et, avec lui, l'édification, le recueillement, la véritable dévotion. Des paroles de vie sortiront de votre bouche, parce qu'elles partiront de l'abondance du coeur vos discours seront assaisonnés de sel avec grâce et vous aurez toujours quelque bonne chose à dire pour animer ceux qui vous écoutent. Lisez le chapitre second du Voyage du Chrétien, où Facile et Obstiné suivent le Chrétien hors de la ville de Corruption.

« Je vous parle avec franchise, chers amis, parce que je m'intéresse à vos âmes ; je sais la crainte que l'on doit avoir du Seigneur, et je tâche d'en persuader les autres ; je crois, c'est pourquoi je parle. N'est-ce pas déjà assez que la grande multitude ferme les yeux et les oreilles à la lumière et à la parole de l'Evangile ? Faut-il encore que le petit nombre, à qui Dieu fait la grâce inappréciable d'ouvrir les yeux et de sentir la force de la vérité se fasse en quelque sorte traîner dans la voie du salut ?

« 0 chers amis ! le sort de ceux qui ne connaissent pas l'Evangile est bien affreux ; car ils mourront dans leurs péchés, et ne pourront point aller où est le Christ. Mais, quel sera le nôtre, si, après avoir entendu cette bonne nouvelle, nous l'abandonnons par lâcheté, par paresse et par indifférence !

« Mon coeur est avec vous, car je ne puis passer un instant sans penser à vous tous ; mais il s'afflige en pensant que vous avancez si peu dans la connaissance et dans la grâce de notre bon Sauveur. Prenez de nouveau courage et ne laissez pas écouler cette bonne parole; méditez ce que je viens de vous dire ; et qu'à l'avenir je n'aie plus qu'à vous féliciter, et à bénir le Seigneur pour sa miséricorde envers vous.

« Puisse ce bon Dieu accompagner de l'influence de sa grâce les paroles de son serviteur, et vous dire Lui-même tout ce que je ne puis vous faire entendre! Amen ! - Adieu, chers amis; puisse la bénédiction de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, vous accompagner à toujours !

« Votre bien affectionné frère en Jésus-Christ. »

 

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§ 3. N'être qu'un coeur et qu'une âme.

L'assistance spirituelle.

 

A Salomon et Louise Bachasse

(chez lesquels se tenait une réunion)

Arvieux, le 19 mai 1825.

 

« Pour ce qui vous regarde, j'espère que tout va au moins comme à l'ordinaire, et que vous ne perdez point patience en veillant pour attendre l'Epoux ; nous sommes dans le monde comme le soldat en campagne, tantôt bien, tantôt mal ; et souvent, comme lui, nous oublions l'avenir, et quand nous trouvons quelques bons cantonnements, nous mangeons tout, sans rien réserver pour le mauvais temps; c'est-à-dire que nous ne profitons pas des temps de grâce et de paix, pour nous fortifier en connaissance et en bonnes habitudes, qui nous seraient bien utiles dans les temps de sécheresse, de langueur ou de tentation. Je languis de savoir des nouvelles de la réunion des frères, depuis que Baume et Clavel sont partis. J'espère que personne ne s'est relâché pour cela, car la présence du Seigneur ne tient pas à tel ou tel personnage ; c'est peu de chose qu'un chrétien qu'il faut toujours mener. Chacun, dans le règne de Dieu, doit tâcher de ne pas se faire traîner, et de soutenir les autres plutôt que de les fatiguer en s'appuyant sur eux. Je vous l'ai dit souvent : pour être fort, il n'y a qu'à entreprendre quelque chose de difficile et de pénible. Celui qui, sortant d'une grande maladie, attendrait au fond de son lit de se sentir fort pour se lever, risquerait bien d'y rester tout le reste de ses jours. C'est en s'exerçant que la force vient : il n'y a de faible et d'embarrassé que celui qui croit l'être ; car en Jésus-Christ il n'y a plus de distinctions charnelles. Il est tout en tous, et les plus chétifs de ses membres sont justement ceux sur lesquels il répand le plus de grâces et qu'il emploie le plus volontiers dans son Oeuvre.

« En vous occupant de votre propre sanctification, songez aussi au salut d'autrui ; mettez au rang de vos devoirs l'obligation d'avancer la gloire et le règne de Dieu, chacun suivant ses moyens, consacrez une réunion à l'examen de cette question : savoir ce que chacun peut et doit faire dans sa position pour faire connaître l'Evangile à ceux qui sont encore dans l'indifférence ; examinez si chacun a bien soin de saisir pour cela toutes les occasions favorables ; si vous n'êtes pas plus ou moins négligents à cet égard, et s'il ne vous arrive pas souvent d'oublier que le Seigneur ne nous laisse ici-bas que pour lui rendre témoignage, afin que nous soyons le sel de la terre, la lumière du monde, et que nous annoncions ses vertus ; examinez s'il n'en est point parmi vous de timides, qui cachent la lumière sous le boisseau : que ceux-là lisent : Il Rois, VII, 9, ce que dirent les lépreux de Samarie : prenez cela pour votre texte, et que chacun cherche dans la Bible les points qui se rapportent à cette oeuvre que chacun doit faire. A présent surtout, que vous avez deux ouvriers de moins dans le pays, il faut que les autres redoublent de zèle et d'activité ! Gardez-vous bien surtout de regarder à ceux qui sont paresseux et qui ne font pas ce qu'ils pourraient ; tant pis pour eux, cela ne doit pas vous servir d'excuse. Priez ensemble d'un même accord pour que le Seigneur vous ouvre bien des portes pour travailler à l'avancement de son règne.

« Priez aussi, pour cela, chacun dans vos maisons, et entendez-vous ensemble pour les endroits où vous devez aller et les personnes que vous devez voir. Ne laissez pas non plus tout faire aux mêmes, et ne soyez pas tous au même endroit. Rendez-vous compte l'un à l'autre de ce que vous faites et de l'état des âmes que vous fréquentez, afin de vous encourager et de vous aider en cas de besoin. Quand on est peu de monde, et encore mal armé, pour soutenir une cause, il faut être bien d'accord et s'employer de toutes ses forces. »

 

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§ 4. Comment les chrétiens doivent recevoir les nouveaux convertis. - Ne les scandaliser Jamais.

 

Genève, 24 février 1828.

« ... J'ai été bien réjoui tous ces temps par les nouvelles que je reçois du Trièves. Nous devons, en effet, nous réjouir avec les anges de Dieu toutes les fois qu'une âme est appelée à la connaissance du salut. Nous ne devons pas nous réjouir d'une joie charnelle comme les mondains qui voient grossir le nombre de leurs partisans, mais d'une joie d'amour pour les âmes et de zèle pour la gloire de Dieu. Nous devons recevoir ces nouveaux frères et ces nouvelles soeurs comme des pupilles que Dieu nous confie et à qui nous devons toute sorte de bons offices et de secours spirituels. Cela doit surtout nous rendre bien vigilants et bien attentifs sur notre conduite ; car ordinairement ceux qui sont nouvellement convertis croient que les anciens chrétiens sont beaucoup plus zélés et plus sanctifiés qu'ils ne le sont eux-mêmes. Or, quand ils voient en nous tant de misères, tant d'attachement au monde, tant d'impatience, de légèreté, si peu de vie et de charité, ils sont scandalisés et souvent sur le point de perdre courage. C'est pourquoi nous devons regarder tout nouveau réveil autour de nous comme un réveil pour nous-mêmes, afin de prier Dieu avec plus de zèle pour que nous soyons en édification à ces âmes. » (1)

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1. A. MARCHAND, op. cit., p. 66-67.
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