Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES 


PRÉFACE

 

Le lecteur ne trouvera dans ces pages qui lui sont offertes, ni une étude digne d'être appelée une histoire de l'Eglise de l'Unité des Frères, ni même un tableau, achevé jusque dans ses détails, de quelques époques de cette histoire. Il n'aura affaire qu'à des esquisses rapidement tracées, dans lesquelles il lui sera aisé de découvrir de nombreuses lacunes.

Loin de se faire illusion à ce sujet, l'auteur est le premier à convenir des grandes imperfections de son travail. A mesure que son regard a reposé plus longuement sur le passé de l'Eglise à laquelle il bénit Dieu de l'avoir joint dès sa naissance, il a senti croître en lui-même le regret de n'avoir pu écrire d'une manière plus digne de son grand sujet.

Il espère néanmoins faire quelque bien. A ses frères moraves il vient dire: Voici les merveilles de la sagesse et de l'amour divins à l'égard du corps spirituel dont vous êtes les membres. Rendez grâces, humiliez-vous , soyez des pierres vives dans l'édifice de l'Eglise que vous appelez vôtre. - Et aux amis de son Eglise: Apprenez à mieux connaître ceux que vous avez honorés de votre affection et auxquels, souvent, vous avez tendu une main fraternelle et généreuse. Peut-être, en retour de vos bienfaits, auront-ils à vous offrir le souvenir, de quelque expérience, soit humiliante, soit encourageante, propre a vous ,édifier, à vous instruire et à vous affermir dans la foi et dans la simplicité du coeur, au milieu des temps spirituellement difficiles que traversent nos Eglises. - A ceux enfin qui nourrissent des préventions contre l'Eglise de l'Unité: Nous sommes autre chose qu'une dissidence, .abritant toutes les étroitesses de la secte ; l'étude des faits historiques réfute cette pensée avec éclat.

Après avoir consciencieusement profité d'un certain nombre de publications sur l'Eglise de l'Unité ainsi que -de plusieurs manuscrits qui se sont trouvés à sa disposition, l'auteur exprime sa reconnaissance aux frères et -amis, qui, par leurs recherches antérieures aux siennes, lui ont facilité son travail. Il rend grâces, avant tout, ,au souverain Chef de l'Eglise de lui avoir fait trouver, .au contact intime avec une histoire qui prêche la puissance de la grâce divine, des jouissances pour l'esprit et des bénédictions pour le coeur, auxquelles il ne s'était ,pas attendu.

Ceci dit, il dépose -son ouvrage aux pieds de son -Maître qui s'en servira selon son bon plaisir.

Peseux, août 1887.


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INTRODUCTION

I

L'ancienne Eglise de l'Unité.

 

Aux abords de la ville de Constance, on montre un grand bloc de granit couvert de lierre et entouré d'une grille monumentale. La pierre porte deux inscriptions, rappelant l'une, le nom de Jean Hus, l'autre, celui de Jérôme de Prague, brûlés vifs, le premier le 6 juillet de l'année 1415 et le second le 30 mai de l'année 1416. C'est des cendres de ces bûchers que naquit l'Eglise ,de l'Unité, mère de l'Eglise morave d'aujourd'hui.

L'histoire n'a pas encore fourni à ce sujet toutes les révélations nécessaires. Ce qui semble certain, c'est qu'en 1457 un groupe de chrétiens, professant les doctrines de Hus, se détachèrent nettement du parti taborite (1) et prirent le nom de Frères et Soeurs de la toi de Christ, nom qu'ils échangèrent plus tard contre celui de Frères de l'Unité ou Eglise de l'Unité.

Après avoir grandi, comme grandissent les oeuvres de Dieu, au milieu des haines et des violences d'un monde de persécuteurs, l'Eglise de l'Unité florissait à l'époque des Luther et des Calvin. Elle comptait alors deux cents lieux de culte et, dans la Moravie seule, soixante-dix mille membres. Peu de villages, à peine une ville de la Bohême, où elle ne possédât quelque adhérent. Les petits, les grands, les très grands même, se rencontraient dans son sein, unis les uns aux autres par une même foi et courbés, sans acception de personnes, sous une même discipline.

Ennemie d'un repos stérile, l'Eglise de l'Unité se dépensait en oeuvres. De 1500-1520, elle fonda trois imprimeries, tandis que les Utraquistes n'en possédaient que deux, et l'Eglise catholique bohème une seule. De ces presses sortaient des écrits nombreux, variés et puissants : Recueils de cantiques (le Concional en 1505), catéchismes, traduction du Nouveau Testament confessions de foi, apologies, cinquante publications sur soixante parues en Bohême durant les dix premières années du XVIème siècle.

Aux travaux de plume, se joignaient des entreprises d'un autre genre. En 1491, l'Eglise de l'Unité fit partir de son sein une ambassade de quatre frères délégués pour Constantinople, la Palestine, la Grèce, la Russie. Quelques années plus tard (1498), elle se tourna du côté de l'Italie et de la France - voyage , hardis, vrais actes de foi, trahissant la soif de communion fraternelle et l'irrésistible besoin de trouver des alliés dans la lutte contre les erreurs de Rome. Mais plus les espérances de l'Eglise avaient été grandes, plus ses déceptions furent cruelles. Nulle part ses messagers ne rencontrèrent dans leur chemin l'Eglise chrétienne modèle qu'ils cherchaient. L'Eglise vaudoise seule les accueillit, les comprit et accepta avec empressement un échange de produits littéraires. Partout ailleurs, les coeurs et les esprits étaient retenus dans les chaînes du papisme. Erasme de Rotterdam même, auquel l'Eglise de l'Unité avait fait remettre en 1511 sa confession de 1508, refusa de rendre un témoignage public à la vérité.

Grands et précieux étaient cependant les trésors de connaissances évangéliques que Dieu avait confiés à l'Eglise de l'Unité. Elle n'admettait, pour régler la vie chrétienne et pour formuler ses doctrines, d'autre autorité que celle de la Parole de Dieu. Elle accordait une place centrale au sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant fait homme pour nous réconcilier avec son Père après nous avoir laissé le modèle de sa vie. Elle rejetait les traditions, l'adoration des saints, le purgatoire, les indulgences et la doctrine de la transsubstantiation.

Ne lui pardonnera-t-on pas d'avoir conservé, à côté de tant de lumières, quelques erreurs et quelques obscurités ? Les plus grands hommes de la Réforme n'ont-ils pas en mille peines à se dégager du filet pernicieux dont quinze siècles d'interprétation et de traditions humaines avaient couvert la vérité évangélique ? L'Eglise de l'Unité avait maintenu les sept sacrements de l'Eglise catholique et le célibat des prêtres, elle avait, en outre, des tendances anabaptistes et elle manquait de clarté sur le point capital de la justification du pécheur par la foi seule. Néanmoins, elle était en droit de jeter à la face des Utraquistes, s'arrêtant à moitié chemin dans l'oeuvre de la Réforme, cette parole hardie: « Qui êtes-vous, pour nous mépriser, vous qui avez quitté les traces de Hus? Vous vous êtes baignés dans le sang des prêtres taborites, et pour nous, vous nous avez persécutés jusqu'à la mort. »

Un privilège particulier distinguait encore cette Eglise. Elle possédait une discipline forte et ferme. Ses évêques (2) - dont le premier avait été consacré selon toute probabilité au sein de l'Eglise vaudoise - ainsi que tous ses pasteurs, maniaient cette arme sévèrement et infatigablement. Il y avait là une puissance et des garanties qui devaient faire défaut, plus tard, aux Eglises de la Réforme du XVI éme siècle.

Telle était l'Eglise de l'Unité, quand la grande lumière d'un nouveau jour se leva sur l'Europe. Elle avait vécu plus d'un demi-siècle, elle s'était frayée son chemin à travers un dédale de dangers et les fureurs de l'ennemi, elle avait lutté jusqu'au sang, lorsque le nom de Luther, volant de bouche en bouche, porté comme sur les ailes du vent jusqu'aux lieux les plus retirés de la Bohême et de la Moravie, y fit tressaillir tout ce petit peuple, protestant longtemps avant les jours du. protestantisme.

Il importe de savoir quelles ont été les relations de l'Eglise de l'Unité avec les héros de la Réforme. Quatre fois des députations moraves allèrent trouver Luther. Les premiers messagers, Michaël Weiss et Jean Horn, étaient porteurs de divers écrits. Le Réformateur les accueillit à bras ouverts, mais des divergences de vues ne tardèrent pas à se faire jour. Luther reprochait aux Frères les sévérités de leur discipline, préjudiciable,, lui semblait-il, à la doctrine du salut par la grâce seule de Dieu, le célibat des prêtres conservé à cause de la persécution toujours imminente, ainsi que leur conception du sacrement de la Cène. Mais les petits, cette fois, n'avaient-ils pas de quoi faire du bien au tout grand dans le Royaume de Dieu? Plus éloignés encore des Catholiques, quant à la Cène, que Luther, ils affirmaient la présence réelle, mais purement spirituelle de Christ dans le sacrement. Plus sages que lui, ils renonçaient à expliquer ce qui, selon eux, devait rester un mystère. Bel exemple qui, s'il eût été suivi, aurait garanti les Eglises de la Réforme de ses plus graves et plus douloureux déchirements!

La discipline aussi, telle qu'elle se pratiquait dans l'Eglise de l'Unité, ne renfermait-elle pas une leçon digne d'être écoutée? S'il y avait à écarter chez les Frères quelque reste subtil de la doctrine des oeuvres méritoires, leur discipline d'Eglise en elle-même n'était-elle pas une chose à conserver? Ne faisait-elle pas défaut dans l'oeuvre de la Réforme allemande, au détriment de la cause de Dieu ? Et Calvin n'en sentit-il pas la nécessité? « je désire, » écrivait-il en 1540, à l'adresse des Frères, « que vos Eglises prospèrent. Tenez ferme à votre discipline, car elle est le meilleur et le seul moyen pour maintenir le coeur dans l'obéissance chrétienne. Il faut la discipline pour qu'une Eglise de Christ arrive à bien occuper et à conserver sa place dans ce monde. » Deux ans plus tard seulement, en 1542, alors qu'il n'en était plus temps, les Réformateurs allemands aussi reconnurent leur erreur. « La sévère discipline, telle qu'on la pratique dans vos Eglises, » écrivit Mélanchton aux Frères, « me plaît beaucoup et je voudrais qu'on pût la réaliser chez nous aussi. » Et Luther, parlant devant une nombreuse assemblée de théologiens, réunis à Wittemberg, et en présence d'une nouvelle délégation de l'Eglise de l'Unité, s'écria: « Nous ne vaincrons la papauté qu'en balayant de la surface du monde jusqu'au dernier des lourds fardeaux dont elle a chargé, les consciences. Toutefois, en danger que nous sommes, de tomber dans l'autre extrême, nous reconnaissons la nécessité d'un contrepoids salutaire que nous trouverons dans l'institution d'une discipline évangélique dans nos Eglises. »

Quatre ans avant cette déclaration formelle déjà, le grand Réformateur avait consenti à ce qu'une nouvelle édition de la confession de foi de l'Eglise de l'Unité fût imprimée à Wittemberg et en quelque sorte sous ses auspices. Elle parut en 1538 et, trouvant son chemin dans les pays les plus éloignés, elle y porta le témoignage puissant des enfants spirituels de Jean Hus.

Jamais cependant il n'y eut fusion des Eglises de la Réforme et de celle de l'Unité. On en restait à cette déclaration de Luther: « Soyez, vous, les Réformateurs de la Bohême; quant à nous, nous réformerons l'Allemagne. Conformez-vous à vos circonstances et laissez-nous nous adapter aux nôtres. » Mais à travers la séparation se conservaient, de part et d'autre, de précieux souvenirs. Les Frères avaient contracté envers le puissant Réformateur une grande dette de reconnaissance. A la clarté de la vive lumière sortie de Wittemberg, ils avaient découvert leurs points faibles et ils s'étaient affermis dans la vérité. Et pour ce qui concerne Luther, il rendit aux Frères ce témoignage: « Depuis les temps des apôtres jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu d'Eglise qui, quant à son organisation et sa doctrine, ressemblât à l'Eglise primitive autant que celle des Frères de Bohême. »

Un mot, avant de tourner cette page de l'histoire de l'Eglise de l'Unité. Rappelé en Suisse, à peine une année après avoir reçu à Strasbourg trois délégués des. Frères et avoir longuement conféré avec ceux-ci, Jean Calvin essaya d'organiser à Genève un Etat chrétien d'après le plan qu'il développa dans ses Institutions, On sait ses efforts pour achever, par le rétablissement de la pureté de la vie, la réformation de l'Eglise que Luther avait commencée en rétablissant la pureté de la foi. Il est possible que les impressions profondes qu'avaient produites sur lui les récits de la députation morave et bohême, n'aient pas été sans influence sur ce second et grand acte de l'histoire de la Réforme (3).

Puissamment fortifiée par son contact avec la Réforme, l'Eglise de l'Unité se trouvait, dans la seconde moitié du XVI ème siècle, sur le sommet de son développement et de sa force intellectuelle et morale. L'archevêque de Prague se plaignait de ce que « la chapelle morave réunissait plus de monde que les plus grandes églises de la capitale. » Bouleversé par les progrès de l'hérésie, le premier camérier du royaume s'écriait en 1575 : « Vous voyez que trois quarts du royaume leur appartiennent! » Le fait est que l'Utraquisme aussi bien que l'Eglise romaine cédaient de plus en plus la place tant aux Frères qu'aux Luthériens, et que le premier de ces deux camps protestants possédait les plus grandes chances de devenir l'Eglise nationale bohème. Une très forte fraction de la noblesse faisait partie de l'Eglise de l'Unité. Non moins de quarante jeunes gens, sortis des rangs des Frères, étudiaient en 1575 dans des universités étrangères, et, en 1596, l'Eglise fit consacrer au saint ministère, en un seul jour, vingt-sept candidats en théologie.

Au point de vue intellectuel, l'Eglise de l'Unité se distinguait. Du milieu d'elle sortirent des hommes qui eurent sur les destinées de la Bohème une grande influence: Généraux, hommes de lettres, avocats célèbres, diplomates brillants par leurs capacités et leurs succès.

L'activité pédagogique de l'Eglise aussi faisait de nouveaux efforts, unissant la piété à une science qui était à la hauteur de l'époque. Ouverte à toutes les bonnes influences du dehors, puisant avec avidité dans les puissantes sources intellectuelles qui jaillissaient dans les pays de la Réforme, l'Eglise de l'Unité s'enrichissait tout en demeurant -elle-même et en repoussant tout élément non conforme à ses principes.

Le plus brillant et le plus impérissable fruit de ce temps fut la publication en six volumes d'une Bible traduite sur les originaux et enrichie de notes, Bible dite de Kralitz (Blahoslaw, Jean Capito, M. Aeneas, etc.), production littéraire de premier ordre et d'une valeur capitale. « Aussi longtemps que se parlera la langue bohême, » dit l'historien Gindely, « on se souviendra de ce travail gigantesque qui n'est rien moins que le type le plus parfait de la langue bohême du XVI ème siècle. »

A côté de ce déploiement de forces intellectuelles, se maintint, pendant de longues années, la discipline ecclésiastique avec toutes ses rigueurs. L'Eglise suivait de tout près sa jeunesse qui étudiait dans les universités du dehors. Les plus hautes positions sociales, non moins que les plus humbles de ce monde, n'échappaient à ses censures. Assez puissante pour braver la colère du roi, telle famille noble ne le fut pas pour se soustraire aux coups d'une discipline qui frappait l'un pour sa conduite immorale, l'autre pour avoir pris part à des fêtes mondaines. Ce qui conservait au clergé ce pouvoir qu'il pratiquait au nom de l'Eglise, c'était une grande fidélité dans l'exercice de la cure d'âmes jointe à lune absolue impartialité et au renoncement complet à toute distinction humaine. Humblement soumis, eux les premiers, aux principes et aux statuts de l'Eglise, les pasteurs étaient certains d'être écoutés et obéis par chacun.

Cet état de choses ne changea guère que vers la fin du XVI ème siècle. Des scandales publics, survenus au sein du corps pastoral, firent comprendre alors à l'Eglise qu'il fallait abandonner le célibat du clergé. En même temps, la noblesse se laissait entraîner dans des luttes politico-religieuses qui déchiraient la Bohême. L'Eglise, au lieu de désavouer cette conduite d'une fraction de ses membres, garda le silence et le conserva alors même qu'il s'agissait d'actes révolutionnaires contre le pouvoir établi. Et comme si toutes ses traditions du vieux temps devaient disparaître d'un seul coup, elle se déclara solidaire d'engagements que le chef de la noblesse (Budowa) avait pris envers le consistoire luthérien, tandis qu'en même temps des vues calvinistes sur la Cène trouvaient accès au sein de son clergé. Décomposition douloureuse à constater dans le corps de l'Unité, autrefois si vaillamment debout pour la défense de son indépendance et de ses libertés ! Est-ce pour avoir essayé d'allier la puissance et la science aux principes sévères d'autrefois que l'Eglise subit ce triste sort? Est-ce pour des infidélités dans l'ordre moral que la main de Dieu la frappa, elle, appelée à prêcher aux autres par les austérités de sa vie et sa soumission absolue à la loi de Christ? L'historien a raison de poser la question. Dieu seul l'a résolue.

Le fait est qu'en 1609 une fraction considérable de l'Eglise de l'Unité se jeta dans les bras de l'Eglise nationale bohême. Le reste, débris sans puissance, perdit tout prestige. C'est dans ces conditions-là que les Frères virent éclater la grande catastrophe qui ramena, en 1621, la Bohême sous le joug papal.

Les persécutions n'avaient jamais manqué aux Frères. Après l'issue fatale de la guerre de Smalkalde déjà (1547), ils avaient été atteints on ne peut plus douloureusement. Rome avait ordonné la fermeture de leurs chapelles, défendu leurs assemblées religieuses et lancé des décrets d'arrêts contre les pasteurs et les évêques de l'Eglise. Jean Augusta, doyen du clergé morave, avait soupiré seize ans dans les cachots de Bürglitz. Des centaines d'hommes et de femmes avaient choisi l'exil plutôt que l'apostasie. Un seul convoi avait compté jusqu'à cinq cents émigrants et une quarantaine d'Eglises moraves s'étaient formées en Pologne sous la direction de George Israël.

Néanmoins, l'Eglise de l'Unité n'avait pas cessé de vivre en Bohême. Du feu de l'affliction, elle était sortie plus forte et plus courageuse que jamais. Sur l'échelle de l'échafaud et de la potence, elle était montée si haut, que déjà elle étendait la main pour détrôner sa terrible adversaire et pour lui arracher le sceptre. Ascension fatale parce que, sur ces hauteurs, l'Eglise perdit ce qui avait fait sa force: la simplicité chrétienne, la pureté de la vie, l'obéissance à Christ seul. Affaiblie, elle succomba, tombant sous le coup de la justice divine, autant que sous les violences d'une contre-réformation qui ne reculait devant aucun moyen pour arriver à ses fins. Non moins de trente mille protestants quittèrent la Bohème de 1625-1635, laissant derrière eux une patrie moralement et matériellement ruinée.

Au milieu de la dévastation cependant, des germes de vie échappèrent au bras de fer du destructeur. En Moravie, en Bohème, dans les contrées de Leitomischl et de Landscron surtout, quelques familles, appartenant à l'Eglise de l'Unité, réussirent à se dérober à la persécution, dépositaires choisis par Dieu des vieilles et grandes traditions de l'Eglise de l'Unité. Ce sont leurs descendants que nous retrouverons à Herrnhut, instruments entre les mains de Dieu, pour faire revivre, sur les terres du comte de Zinzendorf, un glorieux passé que Rome avait cru anéanti à jamais.

Plus que cela. Revenue à elle-même par son baptême de douleurs, s'arrachant aux étreintes de l'Eglise nationale, l'Eglise de l'Unité effectua sous la conduite de l'immortel Amos Coménius, une sortie officielle de la Bohême. Eglise de l'exil, elle s'établit en Silésie, en Prusse, en Hongrie, en Pologne. Mais de nouveaux malheurs ne se firent pas attendre et hâtèrent sa dissolution. Voyant venir celle-ci, et désirant conserver néanmoins à des générations futures l'épiscopat morave, Coménius en transféra la charge à Pierre Jablonsky, son gendre. La famille garda le précieux dépôt jusqu'au jour, à peine espéré par les hommes, mais prévu de Dieu, où Daniel-Ernest Jablonsky, prédicateur de la cour de Berlin, consacra, dans la personne du Morave David Nitschmann, le premier évêque de l'Eglise de l'Unité renouvelée, appelée par Dieu à porter jusqu'aux bouts de la terre l'Evangile de Jésus-Christ, le Sauveur: Vocation glorieuse, échue en partage à la fille de cette ancienne Eglise de l'Unité qui avait été balayée de la surface du monde!



Table des matières

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(1) Deux partis s'étaient formés parmi les Hussites: les Taborites et les Utraquistes ou Calixtins, intransigeants les premiers, modérés les seconds.
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(2) Le clergé de l'Eglise de l'Unité se composait:
a) Des évêques (« séniors ») ayant le droit de consacrer les pasteurs, et l'obligation de visiter les Eglises, mais sans diocèse.
b) Des prêtres, pasteurs des troupeaux, chargés de la direction des cultes, de la cure d'âmes très développée au sein de l'Eglise, et de l'exercice de la discipline ecclésiastique.
c) Des diacres, appelés à seconder les pasteurs dans leurs fonctions.
A partir de 1516, les pasteurs aimaient, en outre, à recueillir dans leur maison des jeunes gens qualifiés pour être formés au service de l'Eglise. On les appelait les suivants (« akoluth »).
La direction générale de l'Eglise était entre les mains d'un presbytère formé de dix à treize membres, soit laïques soit ecclésiastiques. A lui incombait le droit de nommer les pasteurs et de convoquer les synodes.
Le synode, une fois réuni, prenait la place du presbytère. Etaient membres du synode: les frères du presbytère, les pasteurs des troupeaux et les évêques.
Le mode d'élection du presbytère nous est inconnu. Il parait cependant qu'en présence d'une vacance, les troupeaux disposaient d'un droit de vote.
Chaque communauté, enfin, possédait dans son sein un collège d'anciens sorti d'élections. Ces fières assistaient le pasteur dans son activité en faveur des pauvres et dans l'administration de la fortune communale. Ils jugeaient aussi des différents survenus au sein du troupeau auquel il était formellement défendu de recourir aux tribunaux.
A côté du collège d'anciens, se trouvait un collège d'anciennes, composé de femmes âgées et appelé à veiller sur la moralité des soeurs. Dans leur nombre se prenaient les directrices pour les ménages de pasteurs non mariés.
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(3) Jean Plitt.

 

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