Simon Lombard
Simon Lombard était né le 14 juillet 1739. Il fut baptisé le 19 du même mois, « à la sacristie de l'Eglise paroissiale de N.-D. de Vauvert ».
Le premier Synode National, tenu le 16 mai 1726 en Vivarais, qui établissait « les règlements généraux des Eglises Réformées de France pour ce temps de persécutions », avait déjà exhorté les fidèles à « faire bénir leur mariage et administrer le saint baptême à leurs enfants par les pasteurs »... « et de n'aller plus vers les prêtres de la communion romaine » (1).
Mais il semble bien que cette prescription n'ait pas été observée à Vauvert avant le Synode Provincial de 1740, qui mettait en vigueur l'ancienne discipline ecclésiastique renouvelée par Claris. En marge même de l' « extrait batistaire » que Métier, curé et archiprêtre de Vauvert, établit le 10 novembre 1775, Simon Lombard nota plus tard, expressément, qu' « en 1739, ou n'avait pas encore commencé, à Vauvert, de faire baptiser les enfants au Désert ou par les Ministres ».
On ne saurait donc, sans faire preuve d'une sévérité excessive, accuser ses parents d'avoir plié un moment devant l'autorité romaine.
L'eussent-ils fait que leur conduite ultérieure aurait marqué un repentir suffisamment sincère et actif pour qu'une réhabilitation complète leur soit accordée.
Premières années. Formation du caractère
Comment se passèrent les premières années de leur enfant ? Aucun document ne permet de l'établir d'une façon précise ; quelques détails percent pourtant, çà et là, dans sa correspondance et dans ses notes, en particulier dans un « mémoire », d'ailleurs incomplet, des principales circonstances de sa vie.
Il fut mis à l'école de bonne heure et manifesta bientôt de réelles dispositions au travail. Il se distingua de ses camarades par son esprit éveillé et aussi par une si grande aptitude à... écrire de la main gauche, que ses éducateurs eurent toutes les peines du monde à lui en faire perdre l'habitude (2).
« Ayant pris une fluxion sur les yeux à l'âge de dix ans » (3), alors qu'il achevait sa classe de cinquième, il dut renoncer à l'étude, et, pendant sept années, il souffrit de ce mal qui devait lui laisser une vue médiocre.
Avait-il été imparfaitement soigné ? c'est possible, mais il est plutôt à craindre que lui-même n'ait pas su ménager ses yeux. En effet, doué d'une vive intelligence et d'un ardent désir de s'instruire, il s'était, tout enfant, passionné pour la lecture et passait la plupart de ses heures plongé dans les livres trouvant en eux les maîtres qui lui manquaient depuis l'âge de dix ans.
ABRI DE CHASSE...
Méditatif, sérieux, intéressé par tout ce qui touchait aux choses de l'esprit et de l'âme, le jeune Simon acquit bientôt une formation de caractère au-dessus de son âge. Mais cette précoce maturité ne lui fit rien perdre de cette sensibilité naturelle qu'il tenait de famille et dont son frère aîné seul manquait.
Dans un écrit, assez curieux d'ailleurs, et qu'il intitule « Mémoire des faits de mon frère à mon égard », Simon, devenu vieux et subissant les tracasseries de son aîné, retrace les relations qu'il eut avec lui et les ennuis qu'il lui a causés. « Dans ma première jeunesse - commence-t-il - pendant que j'étais encore avec lui auprès de nos chers père et mère, il ne me témoigna jamais aucune amitié ; et, soit qu'il fût jaloux du cas particulier que nos dits parents faisaient de moi, soit par un effet de sa grossièreté et de son mauvais naturel, souvent il m'accablait d'injures et d'imprécations... », et il termine ainsi - « Je n'écris tout ceci que pour mon fils, afin qu'il se défie d'un oncle, qui, après moi, pourrait le tromper lui-même (4). »
Il n'y a, dans ces lignes, ni haine, ni pensée de vengeance ; seule transparaît une pointe de malice fortement aiguisée par l'amertume. Simon Lombard avait souffert du peu d'affection de son frère plus que de ses injustices à son endroit.
Mais, s'il avait beaucoup de coeur, le jeune garçon avait aussi une volonté forte, un caractère bien trempé, une nature intrépide.
Il avait suivi de bonne heure les assemblées qui se tenaient dans son « quartier ».
Il avait probablement assisté à celle du 9 janvier 1752 que conduisait Fléchier (5),qui avait été surprise, et après laquelle Bénézet, (lui s'y trouvait aussi, avait dû subir le martyre (6).
Il avait certainement entendu prêcher Pierre Encontre qui desservait, cette même année, la Vaunage (7).
Il avait, sans nul doute, appris comment Gibert, surpris dans les marais voisins, échappa à la garnison de Vauvert, grâce à un gardien de vaches qui lui cria le danger, mais paya de sa liberté son noble geste (8).n
Vocation
L'exemple de tous ces pasteurs qui, pour annoncer l'Evangile, bravaient mille dangers, l'impressionna.
DANS LES MARAIS DE GALLICIAN
Un jour vint où il se sentit appelé à marcher sur leurs traces.
Il ne fait pourtant remonter sa vocation à aucune date précise. « J'avais toujours eu - dit-il lui-même - un ardent désir d'embrasser le ministère ; » et son fils, commençant ses mémoires, en 1792, écrivait
« Mon père, en venant au monde, avait apporté un goût et des talents décidés pour l'état de Ministre de l'Evangile. Ni les persécutions horribles auxquelles le gouvernement français se livrait depuis près d'un siècle contre les malheureux protestants, ni les vives instances d'un père et d'une mère qui craignaient de voir qu'un échafaud ne devint un jour le prix du zèle et de la piété de leur fils, rien ne put l'arracher à son penchant, rien ne put détourner ses regards d'une carrière où la religion et son coeur l'appelaient fortement à entrer. Sitôt qu'il eût acquis les premières connaissances dont on enrichit l'esprit de la jeunesse, il se livra sans intervalles aux travaux qui devaient l'amener à son but (9). »
Travaux préparatoires
En quoi consistaient ces travaux ? Etudes, certes, lectures nombreuses, de livres de piété, de sermonnaires, d'ouvrages de controverse, de la Bible surtout, mais aussi travaux pratiques.
Le pasteur officiel du colloque, surchargé de travail, toujours en courses, a besoin d'aides. Messages à porter, convocations aux assemblées, ordres à transmettre aux anciens, aux fidèles, voilà de quoi se chargent les bonnes volontés et tout particulièrement les jeunes qui, sentant retentir en leur coeur l'appel divin, éprouvent une secrète joie à approcher le ministre du Christ, à vivre un peu de sa vie, à partager quelques-uns de ses labeurs, de ses inquiétudes, de ses dangers.
Tournure d'esprit
Simon Lombard suivit ainsi, de temps à autre, le jeune pasteur Saussine qui venait d'être donné aux églises de la Vaunage. L'esprit actif et curieux, il aimait se rendre compte des choses par lui-même, les voir de près, entrer en contact personnel avec elles. Il ne lui suffisait pas d'entendre parler des difficultés, des dangers du ministère, il voulait les frôler, les éprouver.
LA TOUR DE CONSTANCE vue des remparts d'Aigues-Mortes
Cela le poussait parfois à commettre des imprudences, à trop s'exposer.
N'eut-il pas, un jour, l'idée folle d'aller visiter les prisonnières de la Tour de Constance ?
Il fallut toute l'autorité de son père courroucé pour le retenir (10).
Etait-ce l'effet d'une nature aventureuse ou légère ? Etait-ce simplement de la témérité ?
C'était plus que cela ; c'était mieux que cela.
Le jeune homme, ayant entendu l'appel de Dieu, s'était donné tout entier. Il avait fait le sacrifice de son avenir, de sa vie (11), et il possédait l'intime conviction que sou Maître serait avec lui partout où Il lui plairait de l'entraîner jusqu'au jour où, comme tant d'autres, il lui faudrait peut-être affronter la mort (12).
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- (1) Syn. du D. : Tome I, page 56, article X.
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- (2) DARDIER : Lettres de S. L., page 25.
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- (3) Ibid. : page 19 et « Mémoire ».
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- (4) Mss L. Garrigues.
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- (5) DARDIER : Lettres de S. L., page 53 et n.
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- (6) RABAUT : Lettres à A. C., Tome 11, pages 176-177. Bénézet, continuant sa tournée, ne fut pris que le 30 janvier au Vigan.
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- (7) Ibid. : Tome 1, page 203, n.
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- (8) RABAUT : Lettres à divers, Tome 1, page 60, n.
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- (9) Mss L. Garrigues.
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- (10) DARDIER : Lettres de S. L., lettre 22.
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- (11) Ibid. : lettre 13.
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- (12) Ibid. : lettre 24.
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