Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES ORIGINES DE SIMON LOMBARD

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Vauvert
1640-1756
(suite)

 

A Vauvert, ils sont peu nombreux, les fidèles. Les autres n'oublient pas le passé, leur coeur reste attaché à la Réforme, mais, craintifs, ils pactisent avec l'erreur.

La famille Lombard

La famille Lombard n'échappe pas à cette vague de compromission. Pendant plus d'une trentaine d'années (de 1703 à 1740), ses enfants sont baptisés puis mariés par le prêtre (1), et l'un de ses membres, Jacques Lombard, est élu Consul de la Ville en 1717, puis en 1723 (2). Cette double distinction rendait certainement hommage aux qualités de l'homme et aux mérites du citoyen, elle n'était malheureusement pas un signe de la fidélité du huguenot.

« Dans les circonstances où nous sommes - écrivait à la même époque (1725) Antoine Court, à un protestant de marque, Charles de Trinquelague, qui avait accepté la place de premier Consul à Nîmes - cette acceptation est criminelle » et il ajoutait, par ailleurs, c'était « un scandale qu'il donnait », et il « se tendait des pièges » à lui-même (3).

Les neveux de Jacques Lombard, Simon et Jacques, comprendront cela.

Pour faire reconnaître leur mariage, ils accepteront encore de le faire bénir par le prêtre (4) ; pour donner un état civil à leurs enfants, ils les présenteront au baptême « dans la sacristie de l'Eglise » (5), mais ils s'efforceront, en tous cas, de vivre dans l'ombre.

Ils furent probablement de ceux que la prédication incisive des nouveaux pasteurs convainquit de lâcheté et arma de vaillance.

Réveil de la Vaunage

En effet, la Vannage était une des régions languedociennes sur lesquelles les restaurateurs du Protestantisme faisaient, à cette époque, porter particulièrement leurs efforts.

Alexandre Roussel

Jean Bétrine (6) venait d'y débuter un ministère rempli de promesses ; et, tandis qu'avec succès, François Roux, de Caveirac (7), y organisait les églises, tout en aidant Pierre Corteiz et Antoine Court à combattre le fanatisme et l'indiscipline de Vesson (8), Alexandre Roussel (9) faisait entendre ses puissants messages de Réveil, appelant les fidèles, dont les auditoires allaient en grandissant chaque jour, à la repentance, à la consécration, au témoignage.

Un an, jour pour jour, après son dernier passage à Vauvert, Alexandre Roussel subissait le martyre (10), mais sa prédication et son exemple avaient relevé le courage et ranimé la foi des « nouveaux catholiques ». Beaucoup comprirent qu'ils ne devaient plus osciller entre deux volontés en opposition, mais choisir l'une ou l'autre.

On vit alors les assemblées suivies avec un redoublement de zèle ; on vit des fidèles s'humilier en public de leurs égarements et demander le pardon de Dieu, s'approcher en foule pour prendre la Cène, donner avec générosité pour ]'oeuvre de leur Maître, pour l'Eglise, pour ses pauvres, pour ses Ministres. et ses martyrs (11).


ARBRE GENEALOGIQUE
DES FAMILLES LOMBARD, MALARTE, BILLON ET DUMAS
dressé par M. A. Lombard-Dumas

Jacques Lombard

Jacques Lombard (12) exerçait alors à Vauvert le métier de tailleur. « C'était un homme de cinq pieds cinq ou six pouces », à l'air distingué, à la taille fine, à la démarche noble et majestueuse, aux manières honnêtes, aux paroles douces et aimables. Il avait épousé, le 24 novembre 1733, Philise Roman, la belle-soeur de son frère Simon, tonnelier de la ville.

De cette union, naquirent cinq enfants. Les trois aînés, Simon, Françoise et Simon (13), furent baptisés à l'Eglise ; les deux autres, Madeleine et Siméon, furent présentés au Désert.

Jacques Lombard « avait beaucoup de pénétration, de présence d'esprit et de bon sens... Epoux fidèle, père tendre, ami zélé, bon parent, bon voisin, il jouissait de la plus haute réputation.

Les anciens

Très vertueux et craignant Dieu », il fut nommé ancien du Consistoire de Vauvert (14), ce qui était un bel hommage rendu à sa foi, On sait, en effet, qu'au moment de la restauration des églises, le souci des Synodes fut de placer, à la tête, des communautés, des anciens vraiment dignes du titre de chrétiens. Ils étaient choisis parmi « ceux qui passaient pour avoir le plus de talent, de zèle, et de piété » (15).

Ils avaient pour charge de remplacer le prédicant absent, d'entretenir la piété qu'il avait excitée. Ils prévenaient les chutes, veillaient sur les moeurs censuraient les scandales et les fautes ; ils recueillaient encore les deniers de l'Eglise pour les pauvres, les malades et les prisonniers, surtout, ils groupaient autour d'eux les protestants isolés, découragés par l'abandon où ils se trouvaient. Ils les voyaient, veillaient sur eux, les encourageaient à braver les périls de leur nouvelle position (16).

En un mot, c'étaient des « apôtres », des entraîneurs, des témoins, qui, observant avec fidélité la discipline de « l'Eglise de Dieu », devaient tout naturellement la faire respecter et aimer dans leur propre famille (17).

Les occasions ne manquèrent certainement pas a Jacques Lombard de faire preuve de fermeté et d'esprit de sacrifice, car la charge d'ancien lui fut confiée à l'une des époques les plus sombres de l'Histoire du Protestantisme.

Décrets de la Cour de Louis XV

En effet, la Cour de Louis XV, émue par l'essor que prenaient les Eglises Réformées sous la tutelle d'Antoine Court et de ses amis, déclenchait contre elles une nouvelle vague d'assaut. Les décrets dont l'application avait été un moment suspendue, furent remis en vigueur. Les Assemblées furent surveillées avec un redoublement de zèle ; les prédicants pourchassés virent leur tête mise à prix. Il fut décidé enfin que, dans toutes les communautés, seraient ouvertes des écoles catholiques où les enfants des nouveaux convertis, tenus de se rendre sous peine d'amende, seraient instruits dans la Religion Romaine (18).

« D'après les états dressés annuellement par les maîtres et maîtresses d'école de Vauvert, le nombre des enfants de sept à vingt ans qui devaient aller aux écoles s'élevait à 252, dont 126 filles... », mais beaucoup de parents refusant de faire donner à leurs enfants un enseignement contraire à leur conscience, ,Jean Bonnet (1729-1751), le « régent », n'eut que 58 garçons à instruire et sa collègue, la soeur Jeanne de Langlade (1711-1754), que 54 filles (19).

Les absences des autres étaient notées, « vérifiées par le régent et la régente » et les parents responsables versaient pour chacune une « amende de 10 sols ».

On se rend compte du sacrifice que pouvait représenter, pour de simples artisans, le paiement de cette amende renouvelée des centaines de fois.

Jacques Lombard dut la payer pendant douze ans, de 1745 à 1757, et cela, pour au moins deux de ses enfants (20).

Des parents qui, pour rester fidèles à leurs principes, étaient capables de renoncements tels, ne pouvaient qu'offrir un terrain favorable au développement spirituel de leurs enfants et préparer leur vocation.

On comprend que Simon Lombard, réalisant dans la suite tout ce qu'il leur devait, ait toujours eu à coeur de rendre hommage à la dignité de son père et de sa mère, et de manifester l'attachement et la reconnaissance qu'il leur vouait (21).

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(1) Archives communales de Vauvert, Série G.G., N° 11.
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(2) Documents Lombard et FALGAIROLLE, page 210.
Une rectification s'impose ici. L'arbre généalogique des Lombard, dressé par NI. Lombard DUMAS indique que Jacques Lombard, époux de Philise Roman, fut Consul de 1717 à 1719 . Or, baptisé le 3 sept. 1712 (Archives de V.) il n'avait, en 1717 que 5 ou 6 ans... ! C'est son oncle qui fut Consul.
En réalité (comme nous avons pu nous en assurer par la comparaison - très intéressante - des différentes tables alphabétiques des baptêmes, mariages et décès de la famille Lombard, trouvées dans les Archives de Vauvert (Voir appendice), il manque une branche à l'arbre généalogique des Lombard. Simon Lombard, époux de Françoise Tempié, n'est pas le père de Jacques Lombard, mais son grand-père.
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(3) RABAUT : Lettres à A.C. Préface XXII.
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(4) Simon épouse Jeanne Roman le 14 mars 1731. Jacques .épouse Félicie (ou Philise) Roman le 24 novembre 1733. (« Table alphabétique des mariages de l'église paroissiale de N.-D. de Vauvert depuis 1706 jusqu'à 1782 »). Voir pièces justificatives.
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(5) « Table alphabétique des baptêmes enregistrés à la sacristie de l'Eglise de Vauvert depuis l'année 1700 jusqu'à l'année 1785 » (Voir p. justific.).
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(6) RABAUT : Lettres à A.C. Tome 1, page 42, note.
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(7) Ibid. : Tome 1, page 41.
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(8) Vesson fut « déposé pour son fanatisme et son mépris de toute discipline ». au Synode de 1718, mais, pendant plusieurs années, il continua de prêcher, créant d'ailleurs un schisme déplorable. Ibid. : Tome 1, pages XVII, XVIII. XX.
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(9) Bulletin XXXV, pages 255 ss. et 266.
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(10) 30 novembre 1728. RABAUT : Lettres à A.C., Tome I, p. XXV.
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(11) Ibid. : Tome 1, p. XXIII.
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(12) Le père de notre Simon Lombard, pasteur du Désert.
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(13) il est curieux que le même prénom ait été donné à deux frères. C'est pourtant un fait. Divers documents le prouvent d'une façon péremptoire et montrent que les deux Simon vécurent simultanément. Pour les dates de baptême des enfants de Jacques Lombard, voir l'arbre généalogique que nous avons reconstitué. (Pièces justificatives).
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(14) Mémoires de S. L. (L. L.). Portrait de Jacques Lombard par soit fils.
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(15) Restauration du Protestantisme. Tome 1, page 78.
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(16) Restauration du Protestantisme. Tome 1, page 79.
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(17) Synode du 1). : Tome 1, page 372.
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(18) Rest. du Protest. Tome 1, page 310.
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(19) FALGAIROLLE, p. 419 et ss.
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(20) Voir pièces justificatives : « Etat des enfants des nouveaux convertis qui ont manqué aux messes... »
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(21) DARDIER : Lettres de S. L. Lettres 2, 4, 20; 23, etc...
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