LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
3. Tendances diverses et
résultats issus du méthodisme
On ne saurait s'étonner
que, parmi les nombreux ouvriers de Dieu de cette époque, il y
ait eu des divergences d'opinions sur plusieurs points. En remettant
en lumière quelque vérité biblique tombée
dans l'oubli, les uns se sont attachés surtout à en
éclairer un aspect, tandis que les autres en ont
souligné tel autre côté. Chacun était
porté à mettre l'accent sur son point de vue et
à voir un danger dans ce que d'autres avaient saisi. Bien que
le St-Esprit nous soit accordé pour nous conduire dans toute
la vérité, tous ne Le reçoivent pas dans sa
plénitude. En réalité, la grandeur même et
la diversité de la révélation divine conduisent
souvent à de partielles et très différentes
interprétations.
Wesley, qui, au début,
avait reçu beaucoup de bien des Moraves, finit par
s'écarter d'eux sur plusieurs points. Ils avaient
hérité de leurs pères en la foi, les
Frères de Bohême, certaines tendances mystiques et
quiétistes qui n'attiraient guère le tempérament
plutôt pratique et agressif de Wesley. Les réunions de
Fetter Lane, où se rencontraient Moraves et
Méthodistes, se divisèrent en 1702. Les Moraves
restèrent dans ce local, tandis que les Méthodistes se
réunirent en un lieu appelé «Foundry».
Wesley et Whitefield
différèrent de bonne heure en matière de
doctrine. Ce dernier avait des vues calvinistes sur
l'élection, que Wesley repoussait absolument. Lorsque
Whitefield revint d'Amérique, en 1741, il prêcha
ouvertement contre la «rédemption
générale», même au local de
«Foundry» et en présence de Charles Wesley. La
comtesse de Huntingdon sympathisant plutôt avec Whitefield, il
en résulta que les sociétés méthodistes
en Angleterre étaient wesleyennes et arminiennes, tandis que
celles du Pays de Galles étaient calvinistes, comme celles de
«l'Association de la comtesse de Huntingdon».
Ces différences
d'opinions ne gâtèrent en rien les relations
d'amitié de Wesley et de Whitefield, et il est à
remarquer que l'un et l'autre amenèrent des âmes
à la conversion en prêchant la justification par la foi.
Leur genre de prédication était aussi
entièrement différent; mais les mêmes
vérités produisaient les mêmes résultats.
Whitefield prêchait avec feu et éloquence, si
dramatiquement que l'auditoire voyait, pour ainsi dire, les
scènes dépeintes. Parfois, il se mettait à
pleurer en pensant aux besoins des âmes qu'il avait devant lui.
Wesley était clair et logique. Sa prédication avait
plutôt un caractère explicatif, et pourtant il captivait
l'attention du public le plus rude.
Le fait que Wesley resta
toujours attaché à l'Église de l'État
l'empêcha de comprendre les principes de l'Écriture
quant aux églises de Dieu. Les campagnes
d'évangélisation ne lui inspirèrent jamais la
pensée de poursuivre l'oeuvre en formant des églises
pour y instruire les croyants, selon le modèle du N.
Testament. Il écrivit cependant, en 1746: «J'ai lu en
route la description de l'Église primitive par Lord King.
Malgré le fort préjugé provenant de mon
éducation, je suis disposé à croire que cette
esquisse est juste et impartiale. Mais alors il en découle que
les évêques et les prêtres sont un seul et
même ordre, et qu'au début, chaque congrégation
chrétienne formait une église indépendante de
toutes les autres.»
Dans son désir de
perpétuer l'oeuvre par des méthodes pratiques, Wesley
organisa ses «bandes» et
«sociétés», qui ne professaient pas tellement
être «des croyants», mais plutôt des chercheurs
de la vérité. La base de leur communion fraternelle
était l'expérience plus que la doctrine; la condition
d'admission, le désir de fuir la colère à venir
et d'être sauvé. Les membres pouvaient fréquenter
les lieux de culte de leur choix et conserver leurs opinions sur
différents points, à la condition toutefois de n'en pas
faire des sujets de discussion ou de dispute. En 1740, un membre fui
exclu parce qu'il persistait à argumenter sur
l'élection et la réprobation.
De temps en temps, Wesley
bannissait des sociétés les membres qu'il estimait
indignes. Tant qu'il vécut, il fut à la tête de
l'organisation, et la «Conférence», qu'il
établit pour diriger l'oeuvre après lui, n'était
formée que d'ecclésiastiques. Il ne réussit pas
à maintenir le mouvement dans les limites de l'Église
anglicane, en partie parce que cette Église ne le
reconnaissait pas et s'y opposait systématiquement, et en
partie parce que la vie et les énergies nouvelles ne pouvaient
être emprisonnées dans des formes rigides. L'heure vint
inévitablement où une séparation formelle dut
s'opérer.
La Conférence ne
réussit pas à maintenir en un faisceau les
sociétés wesleyennes méthodistes. Comme tout
corps clérical, elle était jalouse de ses
prérogatives et, en s'opposant ,à l'admission dans son
sein de représentants laïques, elle provoqua la formation
de la «Nouvelle Association méthodiste». Plus tard,
la «Conférence», voulant contrôler la
prédication en plein air, expulsa certains membres qui avaient
tenu des camps religieux sans son autorisation. Cette
ingérence amena la formation du corps actif et
dévoué qui porte le nom de méthodistes
primitifs. Après de nouveaux conflits et divisions, la
Conférence finit par accepter quelques-unes des innovations
auxquelles elle avait d'abord résisté.
La fondation et le
développement remarquable de ces vigoureuses
dénominations ne sont pas le seul, ni même le principal
résultat du réveil religieux du dix-huitième
siècle. Il faut le voir avant tout dans la puissante influence
exercée sur les peuples de langue anglaise, sur le
caractère de l'Empire britannique et des États-Unis,
où un très grand nombre de chrétiens
réveillés s'attachèrent à faire
disparaître les abus, à accomplir des oeuvres de justice
et à délivrer les opprimés. Ce réveil
entraîna à sa suite une meilleure législation, la
liberté de conscience, l'abolition de l'esclavage, la
réforme des prisons et le développement de
l'activité missionnaire. L'Église nationale y gagna
aussi beaucoup. Elle devint à son tour le théâtre
de réveils évangéliques et autres qui
balayèrent les maux terribles qui avaient si longtemps
prévalu. Les églises baptistes et
congrégationalistes bénéficièrent
également du réveil général et leur
sphère d'action s'élargit.
4. Premières
associations missionnaires
Le fait qu'après tant de
siècles, le commandement du Seigneur: «Allez et enseignez
toutes les nations» était resté sans effet, et que
des millions d'hommes n'avaient jamais eu l'occasion d'entendre
l'Evangile, avait pesé, à diverses époques, sur
la conscience chrétienne. Certains hommes s'étaient
alors dévoués pour aller porter la bonne nouvelle dans
les parties négligées du globe. L'un d'eux contribua
surtout à éveiller ce sentiment de
responsabilité et d'amour envers le Christ et les hommes, ce
fui William Carey (103), cordonnier dans son village et
pasteur de l'église des baptistes stricts, à Moulton.
Tout en ayant peine à nourrir sa famille, il étudiait
les langues et cherchait à se renseigner sur l'état du
monde païen. Dans son échoppe était suspendue une
grande carte géographique, faite de morceaux de papier
collés ensemble. Chaque pays de la terre y était
représenté et il y écrivait tout ce qu'il savait
sur ses conditions respectives. Cette carte était son livre de
prières, ainsi que son sujet de conversation et de
prédication.
Lors d'une rencontre pastorale
à Northampton, on donna l'occasion aux plus jeunes pasteurs de
suggérer un sujet de discussion. Carey proposa celui-ci:
«Le commandement donné aux apôtres n'est-il pas
adressé à tous les ministres de l'Evangile se
succédant jusqu'à la fin du monde, puisque la promesse
qui l'accompagne s'applique à toute cette
période?» Le sujet fut mis de côté comme
n'étant nullement approprié, car le calvinisme
extrême de la plupart des assistants les rendait aveugles sur
la nécessité d'obéir pratiquement à ce
commandement du Seigneur.
Les sermons d'Andrew Fuller
aidèrent à vaincre cette difficulté. Carey
publia. «Enquête sur les obligations des chrétiens
quant à la conversion des païens, sur l'état
religieux des différentes nations du monde, sur le
succès d'entreprises missionnaires antérieures et sur
la possibilité d'entreprises futures». Après avoir
mentionné les principes mis en jeu et examiné l'oeuvre
déjà accomplie par plusieurs, il traite des nombreuses
difficultés que l'on pourrait faire valoir contre cette
activité. L'une d'entre-elles est «le mode de vie
incivilisé et barbare» de quelques païens;
«ceci - raisonne-t-il - ne peut être une objection que
pour celui qui aime ses aises et n'a nul désir de se
déranger pour le bien des autres. Ce ne fut pas une objection
pour les apôtres et leurs successeurs, qui s'en allèrent
parmi les Germains et les Gaulois barbares, et parmi les Celtes,
encore plus barbares. Ils n'attendirent pas que les anciens habitants
de ces pays se civilisent avant de leur présenter le
christianisme; ils allèrent à eux avec la doctrine de
la croix.» Ils «découvrirent qu'une cordiale
réception de l'Evangile produisait de plus heureux effets que
le contact prolongé avec les Européens n'en pourrait
jamais accomplir.» Carey suggère le départ de deux
missionnaires au moins, de préférence mariés,
qui devraient être accompagnés d'un frère
connaissant l'agriculture ou quelque autre travail rapportant un gain
suffisant pour les besoins de tous. Il insiste sur les qualifications
requises, spirituelles et autres, puis il ajoute : «Si Dieu
bénit leur oeuvre, les missionnaires feront bien d'encourager
les dons spirituels des gens dont ils s'occupent. Car ces convertis
auraient le grand avantage de connaître à fond la langue
et les coutumes de leurs compatriotes. En outre leur changement de
conduite ajouterait du poids à leur service
chrétien.»
En 1792, la réunion
pastorale se tint dans la maison d'une veuve, Mrs Wallis, à
Kettering. Une société fut alors fondée pour la
propagation de l'Evangile en d'autres pays. On élabora un bref
résumé des buts entrevus, qui fut signé par
douze personnes et, quelques mois plus tard, Carey était en
route pour l'Inde. De son côté, Fuller employait tout
son zèle et ses talents à éveiller chez les
chrétiens de la Grande-Bretagne le sens de leur
responsabilité quant à la diffusion de l'Evangile dans
le monde entier.
Des difficultés, en
apparence insurmontables, furent patiemment vaincues et, finalement,
le succès de l'entreprise fut démontré par les
bénédictions réalisées en Inde comme en
Angleterre. Ce ne fut qu'après sept ans de travaux et de
prière que la Mission porta quelques fruits parmi les Hindous.
Krishna Pal confessa Christ, avec sa famille, et devint un
évangéliste béni; il composa aussi des
cantiques.
L'intérêt ainsi
éveillé amena, en 1795, la formation de la London
Missionary Society. Au début, elle ne représentait
aucune dénomination spéciale, mais, plus tard, elle
devint congrégationaliste. En 1799, la Church Missionary
Society s'organisa. La Société missionnaire
méthodiste wesleyenne étendit sa sphère
d'activité et d'autres suivirent.
Le dévouement et les
talents mis au service de ces organisations produisirent une riche
moisson dans plusieurs parties du monde. Leurs rapports renferment
les récits les plus inspirants qu'on puisse trouver dans les
annales de l'humanité. Inévitablement, cette
manière d'apporter l'Evangile aux païens et aux
mahométans devait aussi les initier aux divisions et
développements religieux historiques de l'Europe,
affaiblissant le témoignage de l'Evangile. Car il fallut
établir des stations missionnaires se rattachant à
diverses sociétés ou églises
étrangères et dépendant d'elles, plutôt
que de fonder des églises indépendantes qui se seraient
multipliées par leur propre témoignage, rendu au sein
de leur propre peuple, comme le firent les églises
fondées au temps des apôtres.
5. Les deux
frères Haldane
Parlons maintenant de deux
frères, Robert et James Alexander Haldane (104) qui, une fois
convertis, devinrent de zélés étudiants des
Écritures. Ils appartenaient à une riche famille
écossaise, de bonne souche, et, dans leur jeunesse avaient
servi dans la marine avec distinction.
James, le cadet, s'étant
marié, écrit ceci: «Lorsque j'eus
créé un foyer, j'instituai un culte de famille le
dimanche soir. je ne pouvais me décider à avoir un
culte plus fréquent, car je redoutais les moqueries de mes
connaissances. Cependant, poussé par le sentiment du devoir,
je pris bientôt la résolution de le tenir chaque matin,
mais, durant quelque temps, je réunis ma famille dans une
chambre sur le derrière de la maison, pour que personne ne
s'en aperçût. Peu à peu, je triomphai de cette
crainte des hommes et, comme je désirais instruire ceux qui
vivaient chez moi, je commençai à expliquer les
Écritures. Ce travail me procura joie et édification;
le Seigneur en fit un grand moyen pour me préparer à
parler en public... Secrètement, je me pris du désir
d'avoir l'occasion de prêcher l'Evangile, car nulle occupation
ne me semblait plus importante, ou plus honorable. je me mis à
prier Dieu de m'envoyer dans sa vigne et de me qualifier pour cette
tâche. Ce désir ne fit que croître, bien que je
n'eusse pas la moindre perspective de le voir s'accomplir. Parfois,
pendant que je priais, mon coeur incrédule me suggérait
que ma requête était vaine. je n'avais pas l'intention
d'aller dans les chemins et le long des haies, pour parler de Christ
aux pécheurs. Et pourtant, je gardais un vague espoir que le
Seigneur me dirigerait.»
Peu après, Haldane et
quelques autres s'intéressèrent à des
réunions d'évangélisation dans un pauvre village
de mineurs et, comme il n'était pas toujours possible
d'obtenir un pasteur en titre, des laïques y prenaient
quelquefois la parole. Un soir, le prédicateur attendu ne vint
pas; James Haldane le remplaça et prêcha son premier
sermon évangélique. C'était en 1797. Ce
début l'amena à entreprendre, avec d'autres
frères, des tournées d'évangélisation,
et, durant les années qui suivirent, il parcourut toute
l'Ecosse et au delà.
Les prédicateurs
voyageaient en voiture et étaient abondamment pourvus de
traités qu'ils écrivaient eux-mêmes, faisaient
imprimer et distribuaient. Ils parlaient dans les églises qui
leur étaient offertes, dans les écoles et d'autres
locaux, mais surtout en plein air. Des centaines, voire des milliers
de gens venaient les écouter; leur puissant témoignage
était suivi de très nombreuses conversions. Les besoins
spirituels du pays étaient alors bien grands, mais beaucoup de
personnes étaient mécontentes de voir prêcher des
laïques. D'autre part, la nouveauté de ce
ministère attirait souvent les auditeurs qui étaient
ensuite saisis par le sérieux et la sincérité
des orateurs.
Le synode de l'Église
nationale d'Ecosse, réuni à Aberdeen, vota un acte
contre «les évangélistes et les écoles du
dimanche non autorisés, l'irréligion et
l'anarchie». Il en résulta une interdiction de
prêcher ou d'enseigner pour tout prédicateur ou
directeur d'école du dimanche non reconnu par l'Église.
Le synode général des «Anti-burgers» condamna
les sociétés missionnaires et avertit leurs membres
«de ne pas fréquenter ou encourager les réunions
publiques tenues par ceux qui ne sont pas de notre communion».
Ceux qui ne respectèrent pas ce décret furent
excommuniés, entre autres l'un des plus capables ministres de
l'Église. Les «Cameronians» agirent de la même
manière, et un autre synode décida «qu'aucun
ministre ne donnerait sa chaire, ou ne permettrait qu'elle fût
accordée à quiconque n'aurait pas suivi un cours
régulier de philosophie et de théologie dans quelque
université nationale et ne serait pas officiellement
licencié pour prêcher l'Evangile». Ces injonctions
furent ignorées par beaucoup de gens. Elles
contribuèrent plutôt à augmenter
l'intérêt pour la prédication et l'explication
des Écritures faites par des hommes qui croyaient vraiment ce
qu'ils disaient.
Pour justifier son initiative
et celle de ses collaborateurs, James Haldane écrit:
«Loin de nous la pensée que tout disciple de Jésus
doit abandonner le travail qui sert à nourrir sa famille pour
devenir prédicateur. Il incombe à tout chrétien
de pourvoir aux besoins des siens. Pourtant il est du devoir de
chaque chrétien, si l'occasion s'en présente, d'avertir
les pécheurs de fuir la colère à venir et de
leur montrer Jésus, qui est le chemin, la vérité
et la vie. Qu'un homme parle de ces grandes vérités
à deux personnes ou à deux cents, il n'en est pas
moins, à notre avis, un prédicateur de l'Evangile,
quelqu'un qui proclame la joyeuse nouvelle du salut, car telle est
l'exacte signification du mot prêcher.
»Nous estimons que le
triste état de la religion est un appel suffisant à
nous rendre dans les chemins et le long des haies, en cherchant
à contraindre des pécheurs comme nous à saisir
l'espérance que l'Evangile place devant eux.» Les
prédicateurs insistaient fortement sur la justification par la
foi en la mort et la résurrection de Christ, en dehors de
toute oeuvre propre. En allant de lieu en lieu, ils trouvaient
partout la religion en décadence, mais aussi un désir
d'entendre la Parole. Même dans les lointaines îles
d'Orkney, où ils prêchèrent à la foire de
Kirkwall, trois à quatre mille personnes venaient
journellement les écouter, et le dimanche ils eurent six mille
auditeurs.
Quelqu'un, qui avait
été invité à la réunion, de
façon pressante, et qui s'y était rendu par
curiosité, donne ses impressions comme suit: «Le
capitaine Haldane arriva à cheval sur la place où
devait se tenir la réunion. Sautant à terre, il confia
sa monture aux soins d'un autre monsieur. Le capitaine était
alors âgé de trente ans à peine, et portait un
pardessus bleu, garni de brandebourgs, à la mode du jour. Il
avait une perruque poudrée et les cheveux attachés
derrière, comme les messieurs de ce temps. je n'oublierai
jamais l'impression que je reçus lorsque, d'une voix claire,
distincte et virile, il commença à haranguer la
multitude insouciante, attirée par sa présence. Ses
puissants appels à la conscience, condensés en de
simples phrases, étaient si terrifiants que je ne pus dormir
de toute la nuit et n'allai même pas au lit. L'impression
produite ne s'effaça jamais de mon esprit, car, s'il se passa
encore des années avant ma pleine acceptation de l'Evangile,
je ne retombai plus Jamais dans mon ancien état
d'indifférence pour les choses éternelles.»
Cette oeuvre de conversion et
le réveil de beaucoup de gens qui étaient
déjà chrétiens posèrent le
problème de la marche à suivre en obéissant aux
enseignements de l'Écriture. Les frères Haldane et
quelques-uns de leurs collaborateurs souffraient, comme membres de
l'Église nationale, d'être unis à des gens
nettement inconvertis. Ils quittèrent donc cette Église
et commencèrent à se rencontrer avec ceux qui avaient
le témoignage d'être de vrais enfants de Dieu. Une
église de trois cents membres fut fondée à
Edimbourg et se développa très rapidement. Un des
premiers actes accomplis fut la consécration de James Haldane
comme pasteur. Robert Haldane procura de vastes salles de
réunions ou tabernacles, non seulement à Edimbourg,
mais dans d'autres centres où se formaient des églises.
Se conformant au principe que le N. Testament contient l'enseignement
et l'exemple de ce qui reste un devoir pour les disciples du Seigneur
de tous les temps, ces croyants se mirent à prendre la
Ste-Cène tous les dimanches. Ils cessèrent aussi de
faire des collectes lors des réunions générales,
les membres de l'église contribuant à l'oeuvre selon
leurs moyens. Ces changements furent graduels. Robert Haldane
(105) écrit: «Je
commençai à prendre la Cène tous les mois.
Ensuite je fus convaincu que, d'après mes principes, je
devrais le faire chaque semaine. je débutai avec quelques
personnes... qui constituèrent une église. Maintenant
je suis persuadé que, là où il n'y a pas
d'église de Christ, tout groupement de chrétiens peut
agir comme nous le fîmes... Au début, j'avais acquis la
conviction que les églises ne doivent pas avoir communion avec
le monde, excepté en ce qui concerne la participation aux
collectes. Aujourd'hui, je rougis en pensant à cette
exception.»
Peu à peu, ces
frères comprirent que le St-Esprit, s'il n'est pas
entravé par des arrangements humains, accorde une
variété de ministres et de ministères. A mesure
qu'ils s'habituèrent à le laisser agir librement, au
moyen d'instruments de son choix, ils firent l'expérience
d'une grande joie et d'une grande puissance.
Durant quelques années,
James Haldane fut troublé par des doutes au sujet du
baptême des enfants. Mais il écarta cette question, en
partie de crainte, s'il s'en occupait de diminuer son utilité
comme pasteur. Mais le temps vint où sa conscience l'obligea
à refuser de baptiser les enfants. Plus tard, il passa
lui-même par le baptême, ainsi que son frère et
d'autres croyants, amenés à cette décision par
l'étude des Écritures. En prenant ainsi position, ils
ne virent aucune raison pour se séparer de leurs
frères. Ils croyaient et enseignaient que les croyants doivent
être tolérants les uns envers les autres dans les
questions sur lesquelles ils diffèrent, et ils
désiraient sincèrement que leur action ne,
produisît aucune division dans leur heureux milieu. Mais,
malgré leurs efforts pour maintenir l'unité, une
séparation prit place. La majorité des membres resta
unie, les uns baptisés, d'autres pas, tous unanimes quant au
principe de tolérance mutuelle dans de telles questions.
Quelques-uns formèrent une congrégation semblable en
tous points à la première, mais en rejetant le
baptême par immersion et en maintenant le baptême des
enfants. D'autres retournèrent à l'Église
d'État et d'autres, enfin, entrèrent dans diverses
dénominations.
Cette division fut une source
de chagrin et les difficultés qui s'ensuivirent
s'aggravèrent du fait qu'un grand nombre des locaux de
réunions appartenaient à Robert Haldane. En outre, les
efforts tentés pour former, dans des écoles bibliques,
des jeunes gens comme pasteurs et évangélistes,
devinrent une cause de contrariétés et de
désappointement.
Bien qu'attristée par la
perte de beaucoup de ses membres, l'église diminuée
continua son témoignage, qui ne cessa d'être
béni.
6. Robert Haldane
à Genève
Tout occupé qu'il
fût, Robert Haldane avait dès longtemps caressé
le désir d'aller porter au loin la Parole de Dieu et, en 1816,
il se rendit, avec sa femme, sur le Continent. Ils n'y connaissaient
personne et ne pouvaient faire aucun plan. Ils ignoraient même
si leur visite durerait quelques semaines, ou se prolongerait. A
Paris, ils firent une ou deux connaissances et furent ainsi
amenés à se rendre à Berne et à
Genève. Ils étaient sur le point de quitter cette ville
lorsque la rencontre, en apparence fortuite, d'un jeune
étudiant en théologie fut la cause d'un séjour
de deux ans. Cet étudiant fut si intéressé et
impressionné par leur conversation qu'il revint le jour
suivant, amenant l'un de ses camarades avec lui. Haldane constata
qu'ils étaient tous deux dans les plus profondes
ténèbres, sans espérance de salut ou
connaissance des Écritures, leurs études ayant
été dirigées, non point sur la Bible, mais sur
les ouvrages des philosophes païens. Une fois conscients de leur
ignorance des Écritures et du chemin du salut, ils eurent un
vif désir d'instruction, et ceci décida les voyageurs
à rester.
Le martyre de Servet n'avait
pas arrêté la propagation de certaines doctrines qu'il
avait enseignées. Les professeurs en théologie et les
ministres de l'Église de Genève avaient subi
l'influence de la pensée socinienne et arienne. au grand
détriment de toute vie spirituelle.
Robert Haldane se fixa à
la Place Maurice, où deux grandes chambres pouvaient se
transformer en une salle de réunions. Il y tint des
études bibliques fréquentées par vingt à
trente étudiants, malgré le veto de leurs professeurs.
On se groupait autour d'une longue table, pourvue de Bibles en
différentes langues, et Haldane, parlant par
interprétation, expliquait les Écritures et
répondait aux questions posées.
Il parcourut
l'épître aux Romains, en commentant la doctrine dans le
détail et la comparant à d'autres textes bibliques.
Ceci était nouveau pour ses auditeurs qui furent
attirés par sa connaissance de l'Écriture et par sa foi
absolue en la Bible. Ces études devinrent pour les
étudiants une source de bénédiction spirituelle
durable. Plusieurs d'entre eux étaient des hommes doués
et dévoués. Plus tard, ils se distinguèrent et
influencèrent des cercles étendus, en sorte que le
fruit de ces études et le contact avec Haldane eurent une
grande portée et furent le moyen d'un magnifique
réveil. Citons entre autres Malan, l'auteur de beaux
cantiques; Merle d'Aubigné, l'historien; plus tard, Adolphe
Monod, Félix Neff et d'autres, qui communiquèrent ce
qu'ils avaient reçu aux pays de langue française et
ailleurs. Tout ceci ne se passa pas sans opposition et, s'il ne fui
pas possible de réduire au silence Robert Haldane, les
ministres et les étudiants, qui avaient accepté les
Écritures et les avaient vécues, eurent à
souffrir. Quelques-uns perdirent leur position, d'autres furent
chassés de l'Église et d'autres encore durent quitter
le pays.
Robert Haldane dit adieu
à Genève sans avoir enseigné autre chose que les
doctrines de l'Evangile, laissant de côté celles se
rattachant à l'Église. Il ne parla pas non plus du
baptême, bien que quelques personnes aient appris qu'il avait
été baptisé par immersion. Peut-être
avait-il été découragé par son
expérience en Ecosse. Il se rendit en France pour poursuivre
à Montauban, où se trouvait une faculté de
théologie protestante, une oeuvre semblable à celle de
Genève.
A Genève, César
Malan fut l'un des jeunes ministres qui eurent à souffrir pour
avoir obéi à la vérité. Il faisait partie
d'un groupe de dix croyants qui, à cette époque,
prirent la Ste-Cène ensemble, et pour la première fois
hors de l'Église nationale. Un des participants, Gaussen,
décrivant la réunion, mentionne les noms de Pyt,
Méjanel, Gonthier et Guers comme étant présents.
«Cela nous rappela - dit-il - une autre occasion où, en
1536, un disciple de Jésus, Jean Guérin, distribua le
pain et le vin à quelques âmes pieuses,
assemblées dans le jardin d'Etienne Dadaz, au
Pré-l'Evêque. Ce fut le premier service de communion des
protestants de Genève.»
L'église ainsi
formée se réunit d'abord au Bourg de Four, puis plus
tard, entre autres lieux, dans un local à la rue de la
Pélisserie, non loin de leur cathédrale. Le
témoignage qui y fut rendu contribua à la conversion et
au rassemblement de beaucoup d'âmes. Guers, Pyt, Gonthier et
d'autres tinrent des réunions dans le bâtiment
où, autrefois, Froment avait tenu l'école qui fut le
début de la Réformation à Genève. Un
autre étudiant, Du Vivier, prêcha à l'oratoire de
Carouge, où il proclama la divinité du Seigneur, la
corruption de la nature humaine et l'expiation. Ses sermons furent
considérés comme un scandale et, pour éviter la
répétition d'un tel désordre, il fut
décrété qu'aucun étudiant ne pourrait
prêcher avant d'avoir d'abord soumis son sermon à
l'approbation de trois professeurs de théologie.
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