Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LE PÈLERINAGE DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A TRAVERS LES ÂGES



 
6. Doctrine évangélique et sectarisme

Un petit livre, publié en 1542 par Pilgram Marbeek, jette une lumière appréciable sur l'enseignement et les pratiques des frères (77). Il y avait certainement entre eux des différences d'opinions, mais cet ouvrage montre leur sincère effort de comprendre les Écritures et d'y obéir en toute simplicité. Bien que Fauteur attache une trop grande importance aux observances extérieures, on ne trouve dans son livre aucune des mauvaises doctrines qu'on leur attribuait généralement. Dans son long titre, Marbeek indique que son ouvrage est destiné à donner aide et réconfort à tous les croyants sincères et pieux, en leur montrant ce que la Ste-Ecriture enseigne sur le baptême, la Ste-Cène, etc.

Il appuie ses remarques sur de nombreux passages de l'Écriture auxquels il renvoie ses lecteurs, puis il conclut: «Après avoir exprimé notre pensée, notre opinion et notre foi concernant le baptême et la cène, nous terminerons par un exposé général de l'usage des deux, en insistant surtout sur la raison et le but qui ont présidé à leur institution. Le Christ Jésus désirant se faire connaître, non seulement à son assemblée, mais encore par elle, veut que son saint Nom soit confessé et loué par les siens devant le monde. C'est pourquoi Christ a commandé et institué, à côté de la prédication de l'Evangile, le baptême et la Ste-Cène pour maintenir pure et sainte l'assemblée des croyants. Si nous regardons cette question sous son vrai jour, nous devons admettre que trois choses sont nécessaires pour constituer une assemblée chrétienne, soit la vraie prédication de l'Evangile, le vrai baptême et la vraie observance de la Cène. Là où manquent ces éléments, ou même l'un des trois, une assemblée véritablement chrétienne, ne peut subsister et maintenir un témoignage envers ceux du dehors.

» ... La proclamation du pur et salutaire Évangile est indispensable pour réunir, fonder et continuer l'assemblée visible des enfants de Dieu. C'est le filet vivant qui doit être jeté parmi les hommes, car tous nagent dans le marécage du monde. Ils sont comme des bêtes sauvages, «par nature des enfants de colère». Ceux qui sont pris dans ce filet, c'est-à-dire qui entendent la Parole de l'Evangile et s'y attachent fermement par la foi, sont amenés des ténèbres à la lumière, sont changés en enfants de Dieu, d'enfants de colère condamnés qu'ils étaient auparavant. Avec ces âmes, comme le dit Pierre, est construit le temple de Dieu, l'assemblée de Christ, faite de pierres vivantes. Car l'Église chrétienne est l'assemblée de tous les vrais croyants et enfants de Dieu qui louent le nom du Seigneur et le proclament. Les croyants seuls ont place dans cette Église, car nous savons que, par nature, tous les hommes sont sans intelligence des choses divines. Ce n'est que par la Parole qu'ils arrivent à une vraie foi, à la compréhension de Christ; l'Écriture ne nous montre aucun autre chemin. Donc, pour rassembler tous les hommes et les amener à la connaissance de Dieu et à sa Ste-Église, il faut tout d'abord, selon notre jugement, leur faire entendre la Parole de Dieu, qui est la source de la foi. Puis ils deviennent alors enfants de Dieu et peuvent être reconnus comme membres de la Ste-Église...

» ... Vient ensuite le saint baptême pour l'édification de l'Église. Il est la porte d'entrée de la Ste-Église; en sorte que, d'après l'ordonnance de Dieu, nul ne devrait entrer dans l'Église sans avoir passé par le baptême. Quiconque est reçu dans la Ste-Église, soit dans l'Assemblée de ceux qui croient en Christ, doit être mort au diable, au monde et à ses pompes, ainsi qu'à l'orgueil et à tout désir charnel. Il faut qu'il renie totalement ces choses. Puis il doit confesser de sa bouche cette foi salutaire par laquelle il a cru dans son coeur. Ensuite il doit être baptisé au nom de Dieu, ou en Jésus-Christ, c'est-à-dire baptisé sur la base que, par la repentance et la foi sincères, il est purifié de ses péchés et rendu capable de marcher dans la pureté et dans l'obéissance à Dieu en Christ... Voilà donc la pratique du baptême: par lui les croyants s'unissent visiblement à la Ste-Église et sont admis dans son sein...

» La célébration de la Ste-Cène a un double objet. Premièrement elle manifeste l'union des membres de la Ste-assemblée chrétienne en les maintenant dans l'unité de la foi et de l'amour. Secondement, elle manifeste l'exclusion, dans la Ste-Église de Christ, de toute iniquité, de tout ce qui est contraire à l'esprit chrétien et devient une cause de scandale.»

L'auteur de ces lignes, Pilgram Marbeek, était un ingénieur distingué. Originaire du Tyrol, il exécuta d'importants travaux dans la vallée inférieure de l'Inn et il reçut du gouvernement des marques de distinction qui montrent que ses services furent appréciés. On ne sait pas exactement quand il se rattacha aux frères. Mais, en 1528, la confession de sa foi lui fit perdre ses avantages matériels. Il écrivit à cette époque: «Élevé dans le papisme par des parents pieux, j'abandonnai cette religion et je devins un prédicateur de l'évangile de Wittenberg. Découvrant que, là où la Parole de Dieu était prêchée à la manière luthérienne, il y avait aussi une liberté charnelle, je commençai à douter et ne trouvai pas de repos dans ce milieu. Alors j'acceptai le baptême comme signe de l'obéissance de la foi et ne regardai plus qu'à la Parole de Dieu et à son commandement.»

Marbeek dut abandonner tout ce qu'il possédait; ses biens furent confisqués et il dut se rendre à l'étranger avec femme et enfant. Mais, partout où il alla, il put subvenir aux besoins des siens, grâce à ses capacités. A Strasbourg, il enrichit la ville par la construction d'un canal pour le transport des bois de la Forêt-Noire. Son caractère pur et son zèle spirituel lui gagnèrent les coeurs des nombreux frères de cette ville, et les réformateurs Bucer et Capiton furent attirés par sa sincérité et ses dons spirituels et intellectuels. Toutefois il se fit bientôt des ennemis par sa prédication courageuse du baptême des croyants. Bucer se tourna contre lui et il fut emprisonné. Capiton ne craignit pas de le visiter en prison. Mais, après de longues discussions, le Conseil de la cité déclara qu'il ne considérait pas le baptême des enfants comme anti-chrétien. En conséquence, on donna à Marbeek trois ou quatre semaines pour réaliser ses biens et, en 1532, il quitta la ville.

Le sectarisme est une limitation. Il saisit certaine vérité scripturaire, quelque portion de la révélation divine, auxquelles le coeur répond et s'attache. Cet aspect de la vérité étant exposé, défendu et mis en lumière, la beauté et la force en sont toujours plus appréciées. Un autre côté de cette même vérité, un autre aspect de la révélation, également biblique, semblant affaiblir et même contredire la vérité que l'on a trouvée si efficace, on éprouve une crainte jalouse pour la doctrine acceptée, et la vérité complémentaire est sous-estimée, amoindrie et même rejetée. C'est ainsi que sur un fragment de la révélation divine on fonde une secte, bonne et utile parce qu'elle prêche et met en pratique la Parole de Dieu, mais limitée et manquant d'équilibre parce qu'elle n'envisage pas toute la vérité et n'accepte pas franchement toute l'Écriture. Les membres de la secte sont privés, non seulement du plein usage de toute l'Écriture, mais encore sont exclus de la communion d'autres saints moins limités queux, ou limités dans une autre direction. Il y a lieu de regretter les divisions du peuple de Dieu, car son unité fondamentale, essentielle est obscurcie par ces scissions extérieures et apparentes. Cependant cette liberté des églises de mettre l'accent sur ce qu'elles ont appris et expérimenté a une haute valeur, et même les conflits sectaires entre églises zélées pour quelque aspect de la vérité ont conduit les âmes à sonder les Écritures et à en découvrir les trésors. Si ces conflits mettent l'amour chrétien en danger, la perte est grande. Néanmoins, il y a pire encore que ces luttes sectaires, à savoir l'uniformité maintenue au prix de la liberté, ou l'accord rendu possible par l'indifférence.


7. Renouveau de persécution

Un édit du duc Jean de Clèves, Jülich, Berg et Mark, s'exprime comme suit (78) : «Bien que l'on sache ce qu'il faut faire des anabaptistes... nous voulons cependant, d'accord avec l'archevêque de Cologne, le rappeler par un édit, afin que personne ne puisse s'excuser en plaidant l'ignorance. Désormais, tous ceux qui rebaptisent, ou se font rebaptiser, et ceux qui enseignent que le baptême des enfants est sans valeur, seront punis de mort... Nous ne tolérerons pas non plus ceux qui croient ou enseignent que le vrai corps et le sang de notre Seigneur Jésus-Christ ne sont pas présents, mais seulement symbolisés, dans le très-saint sacrement sur l'autel. Ils seront bannis de nos principautés et, s'ils n'ont pas quitté notre territoire au bout de trois jours, ils seront punis de mort, tout comme les anabaptistes.» On a conservé des comptes rendus des supplices, par le feu, l'eau ou le glaive, qui suivirent cet édit.

A Cologne, l'assemblée tenait des réunions secrètes dans une maison bâtie sur la muraille et ayant deux entrées, pour pouvoir mieux échapper aux poursuites et arrestations. En 1556, Thomas Drucker von Imbroek, docteur pieux et capable, âgé de vingt-cinq ans, fut conduit d'une tour à l'autre, torturé à plusieurs reprises, mais en vain, et finalement décapité. Il écrivit en prison de belles lettres et des cantiques qui, avec sa profession de foi, parvinrent aux croyants. Ils furent imprimés et répandus, ce qui fit connaître la vérité. Sa femme lui écrivit sous forme de vers. «Cher ami, attache-toi à la vérité pure, ne te laisse pas terrifier; rappelle-toi tes voeux; que la croix te soit acceptable! Christ et tous les apôtres ont suivi cette voie.» L'Église de Cologne ne fut pas découragée par la mort de Drucker. En 1561, trois frères furent noyés; l'année suivante, deux furent emprisonnés, dont l'un fut noyé et l'autre relâché au moment de l'exécution, et banni. Les réunions continuèrent jusqu'en 1566 où, par la trahison de l'un des membres, la maison fut cernée et tous les frères furent arrêtés. On inscrivit leurs noms et on les répartit dans différentes prisons. Matthias Zerfass déclara de son propre gré qu'il enseignait les autres. Il endura sans faiblir la torture et fut décapité. Il écrivit de sa prison. «Le but principal de la torture était de nous faire dire les noms et adresses de nos conducteurs... On me demanda de déclarer que les autorités étaient chrétiennes et que le baptême des enfants était juste. Mais je serrai les lèvres et me livrai à Dieu, puis je souffris patiemment en pensant à cette parole du Seigneur: - Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. - je crois que j'aurai encore beaucoup à souffrir, mais je suis dans la main du Seigneur et ne fais que Lui dire: Ta volonté soit faite.»

On publia encore l'ordre suivant: «Afin d'arrêter les chefs, docteurs, prédicateurs en plein air, ou cachés des sectaires... les fonctionnaires enverront des espions dans les haies, les landes et les terrains marécageux - spécialement à l'approche des fêtes importantes, et lorsque la lune brille en son plein - pour découvrir leurs réunions secrètes.»

Toutefois, en 1534, l'évêque de Münster, dans une lettre au pape, rendait témoignage à l'excellente conduite des anabaptistes.

Hermann V, archevêque de Cologne (1472-1552), vit le besoin d'une réforme de l'Église catholique romaine et fit un sérieux effort dans ce but. Il était comte de Wied et de Runkel, électeur de l'empire. A quinze ans, il devenait doyen de l'Église de Cologne, et, plus tard, archevêque. C'était un homme bon et libéral, très aimé de ses fermiers, mais s'intéressant plus à la chasse qu'aux affaires d'église et peu versé dans le latin ou la théologie. Il s'opposa à Luther et fit brûler ses oeuvres. Sa cour ecclésiastique condamna deux des martyrs de Cologne. Il constata pourtant l'ignorance et la superstition du peuple, le manque de discipline, l'insuffisance du clergé dirigeant les églises et la dilapidation des revenus de l'Église. Il vit encore la profanation de l'eucharistie, et l'inutilité des efforts tentés pour ramener les membres corrompus du clergé à l'observation des règles canoniques. Avec l'aide de l'élite des hauts dignitaires de l'Église, il essaya d'accomplir une Réforme catholique, d'après les idées d'Erasme. N'y ayant pas réussi, il tenta une réforme évangélique, avec l'aide de Bucer et de Mélanchton, mais ses efforts furent anéantis par l'opposition du clergé, de l'Université et de la ville de Cologne, sous l'inspiration du jésuite Canisius. Manquant d'appui, il renonça à son titre d'archevêque et se retira dans son domaine.


8. Schwenckfeld

Il y eut, à cette époque, un homme qui resta en dehors de l'Église catholique, ainsi que des églises luthériennes, réformées, sans pourtant se rattacher aux anabaptistes. Ce fut le noble silésien Gaspard de Schwenckfeld (1489-1561) qui exerça -une grande influence dans son pays et au delà (79). Étant en relations d'affaires avec plusieurs des petits souverains allemands, il ne se préoccupait guère des Écritures. Mais, à trente ans, il fut secoué de son indifférence par la «merveilleuse trompette de Dieu», Martin Luther. Il se laissa pénétrer par la «claire lumière de la visitation de Dieu en grâce» et devint «l'âme» de la réformation en Silésie. Cependant, bien vite, il se sentit contraint de critiquer certains points de la doctrine de Luther, en premier lieu concernant la Ste-Cène. Le réformateur l'attaqua alors avec violence et fit usage de son autorité en le faisant traiter de sectaire et d'hérétique. Mais Schwenckfeld ne cessa de reconnaître sa dette de gratitude envers Luther au point de vue spirituel. Après avoir souffert pendant des années des attaques du réformateur et des pasteurs luthériens' il donna ce conseil à ceux qui sympathisaient avec lui: «Prions Dieu sans relâche pour eux; le temps viendra où ils reconnaîtront, tout comme nous, notre ignorance en présence du Maître unique, Christ.»

Il fit de l'étude de l'Écriture ses délices. Il calcula qu'en lisant quatre chapitres par jour, il pourrait parcourir toute la Bible en une année. Il s'en fit tout d'abord une règle; mais, plus tard, il laissa au St-Esprit le soin de diriger ses lectures et ne s'astreignit plus à lire tant de chapitres par jour. «Christ - dit-il - est le sommaire de toute la Bible, et le but principal de l'Écriture tout entière est que nous arrivions à pleinement connaître Christ, le Seigneur.» Pour lui, la foi en l'exactitude et en l'inspiration de la Bible entière n'était pas la simple adhésion à un dogme vieilli et douteux, mais bien une découverte pleine de possibilités illimitées; pas une superstition ancienne, mais un progrès moderne. Il décrit sa lecture biblique comme étant «une méditation prolongée, une recherche, un sondage, une lecture sans cesse renouvelée, ruminant, tournant et retournant chaque parole dans sa pensée.». «Car l'on y trouve un trésor sans mélange, révélé au croyant: des pertes fines, de l'or et des pierres précieuses.» S'adressant aux exposeurs de l'Écriture, il leur indique «une règle sûre». «Si l'on rencontre des passages, sujets à discussion, il faut tenir compte de tout le contexte, expliquer l'Écriture par l'Écriture, rattacher à l'ensemble les versets isolés, comparer un passage à un autre et trouver une application ne dépendant pas de la teneur d'un seul texte, mais s'accordant avec le sens que lui donne l'Écriture entière.»

Schwenckfeld étudia l'hébreu et le grec et, dans ses ouvrages, il employa, non seulement la traduction de Luther, mais encore la «vieille Bible» (en usage chez les anabaptistes) et la Vulgate. Il trouva la clef d'une grande partie de l'A. Testament dans l'usage typique qu'en fait le N. Testament. Il résolut de se laisser guider entièrement par les Écritures, pour la pratique comme pour la doctrine. «Si nous ne comprenons pas tout - disait-il - ne blâmons pas la Bible, mais bien plutôt notre ignorance.»

Huit ans après sa première «visitation» - comme il l'appelait - il fit une nouvelle expérience qui semble avoir influencé encore plus profondément sa vie. jusqu'alors il avait prêché avec zèle les Écritures et le luthéranisme, Mais ce qu'il avait cru intellectuellement devint alors une conviction intime du coeur. Il réalisa sa vocation céleste, reçut une mesure surabondante d'assurance de son salut et s'offrit à Dieu en «sacrifice vivant». Un sentiment profond de son péché et une vision de la suffisance de la rédemption accomplie par la mort et la résurrection de Christ s'emparèrent de sa volonté, transformèrent son esprit et l'amenèrent à l'obéissance en laquelle il trouva la liberté d'accomplir la volonté de Dieu.

Il découvrit encore que l'Écriture est non seulement un guide infaillible quant à la justification et à la sanctification personnelles, mais aussi une source d'instructions très nettes quant à l'Église. «Pour réformer l'Église - dit-il - il nous faut faire usage de la Ste-Ecriture, tout spécialement du livre des Actes, qui nous montre clairement comment les choses se passaient au début, ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est digne de louange et acceptable par Dieu et par le Seigneur Christ.» Il vit que l'Église, du temps des apôtres et de leurs successeurs immédiats, était un glorieux rassemblement, non seulement en un lieu mais en plusieurs. Il se demande où l'on pourrait trouver de telles assemblées actuellement, puis il ajoute: «L'Écriture ne reconnaît que ceux qui acceptent Christ comme Chef, ceux qui se livrent au St-Esprit et à ses directions, pour recevoir de Lui dons et connaissances spirituelles.» Jésus Lui-même conduit par les dons spirituels qu'Il accorde, non seulement à toute l'Église, mais encore à chaque assemblée séparée. Dans ces assemblées, les dons spirituels sont exercés pour le bien de tous. Le même Esprit les répartit, mais ils se manifestent en chacun des membres. La liberté de l'Esprit est illimitée. Si quelqu'un, conduit par l'Esprit, se lève, celui qui parle doit se taire immédiatement. Les églises ne sont pas parfaites; il peut toujours s'y glisser des hypocrites, mais dès qu'on est conscient de leur présence, il faut les exclure. Schwenckfeld ne pouvait donc pas reconnaître comme Église la religion réformée, puisque la grande majorité des chrétiens baptisés n'avaient pas l'Esprit de Christ et prenaient le sacrement sans la grâce de Dieu. Il consentait à recevoir l'aide d'organisations missionnaires, à condition qu'elles ne prennent pas la place des églises de Jésus-Christ. L'Église nationale - disait-il - est une église qui est retournée au niveau atteint dans l'A. Testament.

«Il est parfaitement clair - dit-il encore - que tous les chrétiens sont appelés et envoyés dans le but de louer leur Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, de proclamer les vertus de Celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière, et de confesser son Nom devant les hommes.» La moindre restriction du sacerdoce universel de tous les croyants est une limitation du St-Esprit. «Si l'on avait agi ainsi du temps de Paul, si seulement ceux que désignaient les magistrats avaient eu le droit de prêcher, jusqu'où la foi chrétienne se serait-elle répandue? Comment l'Evangile serait-il venu jusqu'à nous? » - Parmi les croyants, quelques-uns sont choisis pour un service spécial; préparés et mis à part pour leur ministère, non point par l'étude, l'élection ou la consécration, mais par une impulsion, une révélation et une manifestation de l'Esprit, «que Christ est avec eux, sa présence étant prouvée en grâce, puissance, vie et bénédiction.» - Puisqu'ils sont «appelés et envoyés uniquement par Dieu, dans la grâce de Christ, qu'ils agissent avec puissance et grande assurance par le St-Esprit: des âmes naissent de nouveau, des coeurs sont régénérés, le royaume de Christ s'établit.»

«Les croyants ne sauraient se fatiguer d'entendre des prédicateurs si apostoliques, si spirituels, car leurs paroles sont accompagnées de puissance divine et nourrissent les âmes. En parlant de tels hommes, le Seigneur Christ a dit: En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui reçoit celui que j'aurai envoyé me reçoit (Jean 13. 20). Aucune personne inconvertie ou se conduisant mal ne peut être un vrai ministre, travaillant à l'accroissement de l'église, quand bien même il serait docteur et professeur, qu'il connaîtrait la Bible par coeur et serait un grand orateur. - Il en est qui séparent la personnalité des fonctions, disant que même si un évêque, un prêtre ou un prédicateur se conduit mal, il peut remplir un ministère, enseigner le N. Testament en serviteur du St-Esprit; ceci est contraire à toute l'Écriture et aux commandements de Christ. - Que peut être le ministère de celui qui enseigne, alors que son propre coeur est resté ignorant... qui ne croit pas ce qu'il déclare, puisqu'il n'agit pas selon ce qu'il dit? Les paroles et la vie doivent marcher de pair; tel est le vrai ministère de la Nouvelle Alliance, selon l'enseignement de toutes les Écritures apostoliques et l'exemple même du Seigneur Christ.»

Quant au baptême, Schwenckfeld enseignait qu'il ne sauve pas et que l'on peut être sauvé sans être baptisé. Toutefois il en voyait l'importance quand les croyants se font baptiser sur la confession de leur foi. Quant aux enfants au berceau, disait-il, n'étant pas capables d'avoir la foi, ils ne sont pas en état d'être baptisés.

Il ne se rattacha pas aux anabaptistes, comme on les nommait. Tout en les décrivant comme des gens pieux, séparés de la grande multitude des indifférents, remarqués pour leur bonne conduite et pour leurs sérieuses convictions, il les accuse de légalisme et d'ignorance. Il confondit, comme beaucoup de gens, les frères pieux et endurants avec tous les éléments fanatiques de la guerre des Paysans, les extravagants de Münster, et les fauteurs d'autres désordres. Il dit avoir connu «les premiers baptistes» et décrit Müntzer, exécuté pour sédition durant la guerre des Paysans. Il mentionne des hommes du type de Balthazar Hubmeyer comme étant disciples de Hans Hut, bien que le premier fût un adversaire intrépide des enseignements exagérés et impondérés de Hut. Il rappelle la rumeur publique que Hut se serait suicidé en prison, mais il ajoute que cet acte était peut-être involontaire et il donne le nom de «baptistes hutistes» à tous ceux que l'on appelait en général «anabaptistes». Il raconte certaines anecdotes défavorables qui lui avaient été communiquées par lettre, et répète le jugement d'une personne qui avait quitté l'une des assemblées hutistes, bien qu'il n'ait qu'une pauvre opinion de son christianisme. Il dit que ces baptistes n'avaient que des connaissances superficielles sur la foi, sur le salut par grâce et l'assurance du salut, et que, surtout, ils n'avaient pas saisi l'idéal de la vraie Église apostolique.

« Ils se persuadent - dit-il - que... dès qu'ils sont reçus visiblement... dans leurs propres assemblées, ils appartiennent au saint peuple de Dieu, au peuple qu'Il s'est choisi parmi tous les autres, soit l'église pure et sans tache... Pourtant les dons du St-Esprit, la beauté et l'ornement des églises chrétiennes, tels qu'ils sont décrits dans les Stes-Ecritures, ne se manifestent guère chez eux.» Pour eux, une orthodoxie extérieure est la marque de la vraie Église de Christ. Aussi un esprit de critique anti-biblique et de l'orgueil spirituel les caractérisent-ils. « Ils sont si satisfaits d'eux-mêmes et de tout ce qu'ils font qu'ils condamnent tous ceux qui ne pensent pas comme eux, c'est-à-dire qui n'ont pas accepté leur mode de baptême et ne fréquentent pas leurs assemblées. Ils les considèrent comme en dehors de la communion des saints et sous la puissance de Satan. Même si ces autres frères étaient pleins de foi, comme Etienne, remplis du St-Esprit et de la sagesse divine, cela n'aurait que peu de poids pour ces baptistes, car ils sont ancrés, surtout leurs chefs, dans leurs jugements frivoles, leur amour d'eux-mêmes et leur orgueil spirituel.» Dans leurs assemblées, ils rompent toujours le pain; la Cène et le baptême prennent la place de ce qui est intérieur et plus important. «Si vous visitiez une de leurs assemblées, vous les prendriez pour le peuple de Dieu, car on ne peut douter de leur piété et de leur conduite extérieure.»

Il montre cependant que le pharisien de la parabole avait une plus grande apparence de piété que le péager. « Ce n'est pas - ajoute-t-il - que je blâme la piété extérieure chez les baptistes, ou chez les moines, mais cela ne suffit pas de dire. Venez ici pour être baptisés.» Il constate encore que l'on tyrannise la conscience des membres, que le légalisme s'attache à certaines habitudes, à des choses extérieures comme le vêtement. Enfin il combat leurs vues quant à la prestation du serment, la guerre et la participation au gouvernement civil. De tout cela, on peut sûrement conclure que parmi ces croyants, comme parmi toute communauté un peu considérable, il y avait des faiblesses et des erreurs et que l'étroitesse et le légalisme, dont parle Schwenckfeld, étaient des limitations auxquelles les «anabaptistes» étaient sujets, mais contre lesquelles les meilleurs d'entre eux ne cessaient de protester. Schwenckfeld condamnait les cruelles persécutions dirigées contre eux. «Je voudrais pouvoir épargner les hommes simples et pieux rencontrés chez eux, dit-il, et il rappelle à ses auditeurs qu'il y a parmi ces frères de vrais chrétiens qui, s'ils manquent de connaissance, ont pourtant la vie de Dieu. Il mentionne leur joie au sein de la souffrance et ajoute que si, comme on le dit, ce sont des séditieux, c'est au gouvernement civil de s'occuper de la chose. Pour son propre compte, il les a toujours vus vivre paisiblement, sans la moindre pensée de sédition.

Grâce au travail diligent de Schwenckfeld, des cercles de croyants se formèrent dans toute la Silésie, à Liegnitz et aux alentours. Ils étaient un modèle de vraie piété pour leur entourage. Comme on abusait grandement de la Ste-Cène, Schwenckfeld en arrêta la célébration pendant quelque temps, et l'influence de son enseignement - comment éviter de la prendre indignement - fut telle que le clergé luthérien de Liegnitz se mit à suivre son exemple (1526). De là l'accusation qu'il dépréciait la Cène du Seigneur, alors que c'était le motif contraire qui le poussait à agir. Son désir intense était de réaliser l'unité de l'Église. «Oh! Dieu, veuille que nous soyons vraiment le corps de Christ, unis par les liens de l'amour... hélas! jusqu'à présent, nous ne voyons rien qui puisse se comparer à la première église, où les croyants étaient un coeur et une âme ... » «Nous voulons pourtant demeurer fermes dans la liberté à laquelle Christ nous a appelés, sans former des sectes humaines, ou nous détourner de l'Église chrétienne universelle. Nous ne nous mettrons pas de nouveau sous le joug de la servitude, mais nous nous attacherons à la seule secte divine, celle de Jésus-Christ.» - «Le désir de mon coeur est de pouvoir aider chacun à saisir la vérité et l'unité de Christ et de son St-Esprit; je ne veux pas propager l'esprit sectaire, être une cause de division ou de séparation de Christ... Il y en a maintenant quatre, appelées églises, la papale, la luthérienne, la zwinglienne et la baptiste, ou picarde. Chacune anathématise l'autre, car il est clair que Luther condamne l'Église de Zwingli, ainsi que les fanatiques. On peut donc se demander laquelle est le vrai rassemblement de l'Église de Christ - ou le seraient-elles toutes! - serait-on partout vraiment béni?... Nous répondrons à cette question par les paroles de Pierre: En vérité, je reconnais que Dieu ne fait point acception de personnes, mais qu'en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable (Actes 10. 34, 35)... Plus ces églises se condamnent les unes les autres, plus les croyants craignant Dieu, vivant droitement et chrétiennement, seront acceptés par le Seigneur, et non condamnés...

»Jusqu'à présent, je ne me suis nettement rattaché à aucune église... mais je n'ai méprisé ni congrégations, ni conducteurs, ni docteurs; je désire servir tous les hommes en Dieu, être l'ami et le frère de quiconque est zélé pour Dieu et aime Christ de tout coeur... je prie donc le Seigneur de me diriger en tout, de me rendre capable, selon la règle apostolique, de discerner tous les esprits et surtout l'Esprit de Jésus-Christ. Que Dieu m'aide à éprouver toutes choses, puis à choisir et à retenir ce qui est bon 1 Alors, en ces temps de luttes et de divisions, je parviendrai, en toute bonne conscience en Christ, à la vérité et à l'unité.» - «Ma liberté ne plaît pas à tous... les uns me traitent d'excentrique... pour les autres, je suis suspect... mais Dieu con~ naît mon coeur... je ne suis pas un sectaire et, Dieu m'aidant, je ne serai pas un fauteur de trouble ... » - «J'aimerais mieux mourir que de détruire quelque chose de bon. C'est pourquoi je ne me rattache à aucun parti, à aucune secte ou église, afin de pouvoir, selon la volonté de Dieu et par sa grâce, servir tous les partis en restant en dehors d'eux tous. »

L'enseignement de Schwenckfeld et le développement des cercles qu'il créait attirèrent sur lui l'attention du roi Ferdinand, qui voyait en lui un détracteur du sacrement de la Cène. Il fut donc obligé (1529) de quitter sa patrie, où il avait toujours joui d'une belle position et d'une haute considération. Les trente dernières années de sa vie furent celles d'un nomade persécuté par l'Église luthérienne, qui le déclara formellement hérétique. Mais son exil lui permit de donner une plus grande extension aux groupes de croyants qu'il enseignait, surtout en Allemagne du Sud, où certaines autorités le protégèrent. Ces groupes ne se considéraient pas comme des églises. Ils pensaient qu'en prenant position comme membres d'une église, ils élevaient une barrière entre eux et les croyants des divers partis qu'ils désiraient tous servir. Ils laissèrent de côté le baptême et la fraction du pain, en attendant des temps meilleurs. Ils s'adonnaient à la prière et recherchaient une nouvelle effusion du St-Esprit avant le retour du Seigneur qui ferait alors l'union de son Église. Leur ministère consistait en études bibliques, en visites et autres formes de témoignage, dans le but de préparer les saints pour ce Retour. Ils prêchaient aussi l'Evangile aux inconvertis, afin que le plus grand nombre possible soient rendus participants aux bénédictions promises.

En s'abstenant de tout témoignage ecclésiastique, dans le but d'éviter les difficultés qui en découlent, ils devinrent une source de faiblesse plutôt que de force pour ceux des frères qui, selon l'exemple apostolique, se conformaient à l'enseignement de l'Écriture concernant les églises. Ces principes scripturaires, pratiqués comme il convient, ne provoquaient ni l'établissement d'une secte, ni une séparation d'avec les chrétiens ne se joignant pas à eux. Ils constituaient le seul terrain sur lequel pouvaient se rencontrer tous les croyants, le terrain de leur communion avec Christ et en Lui.

Pilgram Marbeck, se joignant à d'autres, répondit par écrit à Schwenckfeld au sujet de ses critiques des assemblées où l'on pratiquait le baptême et la fraction du pain. Schwenckfeld avait exprimé sa désapprobation par un ouvrage intitulé: «Du nouveau traité des frères baptistes publié en l'an 1542.» La réplique de Marbeck avait un titre de quatre-vingt-trois mots. Citant les objections de Schwenckfeld, il leur oppose cent réponses. Lui et les frères écrivent entre autres: «Il n'est pas exact de dire que nous ne reconnaissons pas comme chrétiens ceux qui rejettent notre forme de baptême et que nous les regardons comme des esprits égarés reniant Christ. Il ne nous appartient pas de juger ou de condamner celui qui ne se fait pas baptiser selon le commandement de Christ.



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77 Vermanung, auch gantz klarer, gründlicher un unwidersprechlicher bericht, zu warer Christlicher ewigbestendiger pundtssuereynigung alleu waren glaubigen frummen und gütthertzigen menschen zu hilff und trost, mit grund heyliger sebrifft, durch bewerung warer Tauff und Abentmals Christi sampt mit lauffung und erklärung jrer gegensachen und Argumenten, wider alle vermeynte Christliche Pündtnus, so sich bissher un noch, onder dem nammen Christi zutragend.

78 «Geschichte des Christlichen Lebens in der rheinisch-westphälischen evangelischen Kirche», Max Goebel.

79 «Schwenckfeld, Luther und der Gedanke einer Apostolischen Reformation», Karl Ecke.

 

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