Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE CULTE DOMESTIQUE

MAI

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CXXIIe MÉDITATION.

Lisez Luc XXIII, 27 à 56.

Les morts dorment-ils en attendant la résurrection?

Au brigand converti qui lui demande de se souvenir de lui quand il viendra dans son règne, Jésus répond: «Aujourd’hui» (remarquez bien ce mot), aujourd'hui tu seras dans le paradis avec moi.»

Comme cette parole dut adoucir les souffrances de ce malheureux!

Il croit en Jésus; et Jésus lui promet le paradis, non pas à la résurrection des corps, non pas dans un siècle, non pas dans un an; mais LE JOUR MÊME, le jour qui déjà touche au soir; dans une heure peut-être il va fermer les yeux sur cette terre, et ce ne sera que pour les ouvrir dans les cieux!

AUJOURD’HUI! aujourd’hui! Oh! comme cette parole dut agréablement retentir à l’oreille de cet infortuné!

Mais il n’est pas le seul à qui cette parole ait été adressée; cette promesse de Jésus, faite à un pécheur pardonné, nous révèle le sort de tous les élus qui l’ont suivi. Eux aussi, au jour de leur mort, ont pu se dire: Aujourd’hui je serai dans le paradis; mes douleurs sont cuisantes, ma séparation d’avec ma famille est pénible; mais encore un instant et ces maux prendront fin; aujourd’hui même je serai dans le paradis.

Et à nous-mêmes combien cette parole doit être douce, si nous avons déjà perdu un des objets de nos affections. Qu’il est précieux de pouvoir se dire pour sécher ses larmes: Il est heureux, elle est heureuse; et cela dès aujourd’hui!

Que sera-ce donc si nous faisons un retour sur nous-mêmes, et nous disons avec l’assurance que peut donner la foi en Jésus-Christ:

Je sais que je suis pardonné;

je sais que l’éternel bonheur m’attend,

je sais que chaque heure qui s’écoule m’en rapproche, et qu’au jour de ma mort je pourrai me dire: Aujourd’hui certainement je serai dans le paradis!

Non, après l’assurance du salut, il n’est pas de pensée qui remplisse mieux le cœur de joie que celle de la proximité de ce salut.

Pour des êtres à courte vie, comme nous, savoir qu'ils seront heureux un jour, c’est beaucoup; mais savoir:

que ce jour est proche,

que ce jour touche au dernier jour de cette existence;

que pour les recevoir le Ciel vient se mettre en contact avec la terre;

qu’il n’y a ni attente, ni abîme entre la vie et l’éternité;

qu’il n’y a pas même suspension du souffle de notre âme,

Oh! c’est là ce qui donne tout son prix au bonheur qui nous attend.

Et cependant il est des chrétiens qui veulent croire que notre état, après la mort, est un sommeil jusqu’au jour de la générale résurrection.

Cette doctrine oppresse le cœur, et nous ne voudrions de sa fausseté que cette preuve-ci: autant la pensée d’être immédiatement heureux après la mort anime d’une joie sainte, autant l’attente d’un sommeil glace d’épouvante!

Mais de simples impressions ne peuvent pas suffire au chrétien qui cherche la vérité; demandons-en donc d’autres indices à la Parole de notre Dieu.

Si les morts dorment en attendant la résurrection, comment Jésus a-t-il pu dire au brigand repenti: Aujourd’hui tu seras dans le paradis avec moi?

Si les morts dorment en attendant la résurrection, comment Lazare se trouve-t-il heureux dans le sein d’Abraham, et le mauvais riche tourmenté dans des flammes?

Dira-t-on que ce n’est là qu’une parabole?

Mais alors même, comment supposer que Jésus ait fait reposer son enseignement de la vérité sur une parabole mensongère?

Si les morts dorment, comment le Sauveur a-t-il pu répondre aux Saducéens que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob était non pas le Dieu des morts, mais celui des vivants?

Et surtout, qu’on le remarque bien, comment a-t-il pu ajouter que ces patriarches «vivaient» en Dieu?

Si les morts dorment, comment Élie et Moïse sont-ils revenus parler à Jésus transfiguré sur la sainte montagne?

Comment Saint-Paul a-t-il pu dire: «La vie m’est une perte et la mort m’est un gain; je suis pressé du désir de partir pour être avec Christ, ce qui m’est beaucoup meilleur?»

Non, non, le système du sommeil après la mort, qui blesse le sentiment du chrétien, heurte encore plus la Parole de Dieu.

Et maintenant, voyez combien est douce la pensée que la mort est la porte de la vie.

Pleurez-vous sur une perte prématurée?

Rassurez-vous, chrétiens, cet être est bienheureux, et bienheureux dès aujourd’hui!

Êtes-vous harassés sous le poids des travaux et des souffrances de cette vie?

Prenez courage, ce n’est pas l’engourdissement du sommeil qui vous attend au delà du tombeau: c’est le bonheur, c’est le ciel, c’est la vie éternelle liée à la vie dont vous vivez déjà.

Que la mort vienne à l’instant, demain notre dépouille mortelle sera mise en terre, mais dès aujourd’hui notre âme, nous-mêmes, serons portés dans le Paradis!


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CXXIIIe MÉDITATION.

Lisez Luc XXIV, 1 à 32.

D'où vient la différence des jugements portés sur la Bible?

C’est un phénomène bien digne de remarque que la diversité des jugements portés sur un même livre, la Bible, par des êtres d’une même nature.

On ne peut pas dire que cette diversité de jugements vienne du plus ou du moins d'instruction acquise, ou du plus ou du moins de génie naturel chez ceux qui les portent; car il y a des ignorants qui croient, et des ignorants qui ne croient pas; des savants qui ont la foi, et des savants qui ne l’ont pas; ignorance et science sont égales de part et d’autre, et cependant avec l’une comme avec l’autre, des hommes arrivent à des résultats différents.

Comment s’expliquer cette difficulté?

Dira-t-on que l’homme, pour croire ou ne pas croire, consulte plus son cœur que son esprit, et que sa foi ou son incrédulité est plutôt le fruit de ses passions que de ses raisonnements?

Il y a du vrai dans cette observation.

Toutefois, remarquez que des hommes, également moraux ou également pécheurs, arrivent encore, comme les hommes instruits et les hommes ignorants, à des conclusions toutes contraires: parfois un impie se moque de la Bible, et parfois un impie s’y convertit; ici, un homme moral (autant que l’homme naturel peut l’être) vit loin de la foi chrétienne; et là, un autre homme tout aussi moral embrasse cette foi; on vient à la Bible d’Orient et d’Occident, comme en Orient et en Occident on s’en tient éloigné.

Ce n’est donc pas plus la moralité ou le péché qui conduisent à la foi que l’ignorance ou le savoir; ou plutôt moralité et péché, ignorance et savoir peuvent également y conduire, et toujours reste cette question: d'où vient la différence des jugements portés sur la Bible?

On sera peut-être tenté de répondre: C’est que les uns ont lu ce livre, et dès lors l’ont apprécié; tandis que les autres ne le connaissent pas, et ainsi n’ont pas pu parvenir à la foi.

Cette réflexion n’est pas sans justesse non plus, mais elle ne peut suffire encore à expliquer la diversité de sentiments sur nos Saintes-Écritures, car on trouve des incrédules qui ont attentivement étudié la Bible pour la réfuter, et de prétendus chrétiens qui l’ont lue et relue pour y trouver finalement des opinions tellement opposées à celles que d’autres y voient, qu’il faut reconnaître que, si les uns la comprennent bien, les autres ne la comprennent pas du tout, et ainsi avec tout autant de lectures bibliques, ces théologiens sont encore arrivés à des résultats complètement différents.

Ainsi donc pour nous résumer, avec l’ignorance ou le savoir, avec la moralité ou le péché, avec l’étude hostile ou bienveillante de la Bible, les hommes peuvent arriver à porter sur ce livre des jugements complètement opposés, encore une fois comment expliquer ce phénomène?

C’est ce que l’histoire des disciples d’Emmaüs va bientôt nous révéler.

Cléopas et son compagnon, en quittant Jérusalem,

avaient déjà lu bien des fois Moïse et les prophètes, puisqu’ils étaient Juifs;

ils avaient été témoins de bien des miracles de Jésus, puisqu’ils vivaient de son temps, près de lui, et qu’ils en étaient devenus les disciples;

enfin ils connaissaient sa mort, puisqu’ils en parlent ici, sa résurrection, puisque les femmes et les Apôtres la leur ont racontée; et cependant, avec tout cela, ils ne comprennent pas encore les prophéties qui annonçaient mot par mot tous ces événements.

Pourquoi?

Jésus le dit: c’est parce que l’esprit de ces deux disciples, comme le Seigneur l'avait déjà dit des Apôtres, et comme on peut le dire par conséquent de tout homme naturel:

LEUR ESPRIT EST SANS INTELLIGENCE ET LEUR CŒUR TARDIF À CROIRE.

Mais suivez ces mêmes hommes encore quelques instants; voyez-les prêter une oreille attentive aux explications de Jésus: dès lors les prophéties deviennent pour eux lumineuses; leur cœur brûle au-dedans d’eux-mêmes; ils se trouvent si heureux qu’ils retiennent celui qui les instruit si bien; enfin leurs yeux s’ouvrent, et ils reconnaissent Jésus-Christ.

Pourquoi tout cela?

Qui donc a dessillé ces intelligences fermées?

Qui donc a touché ces cœurs endurcis?

C’est l’explication sortie de l’Esprit de Jésus, en un mot, l’explication venue du Saint-Esprit.

Oui, voilé la grande cause de ces différences entre les jugements portés sur la Bible:

c’est que les uns s’en approchent et l’étudient avec le secours de leur seule intelligence,

tandis que les autres ne la lisent qu’après avoir imploré et reçu le secours de l'Esprit-Saint.

Ce double fait expérimenté par le même homme devient encore plus frappant.

Cléopas et son compagnon se mettant en voyage ne comprennent pas; et une heure plus tard ils comprennent si bien, qu’ils sentent brûler leur cœur à l’ouïe des explications de Jésus.

Ces hommes sont les MÊMES intellectuellement et moralement, entre Jérusalem et Emmaüs, AVANT et APRÈS leur entretien avec le Sauveur; et cependant avant et après ils entendent tout différemment:

le changement ne vient donc pas d'eux, mais du Seigneur Jésus-Christ.

Et quelques-uns de nous n’ont-ils pas fait la même expérience?

N’ont-ils pas lu et médité la Bible, d’abord comme une lettre morte, comme un livre obscur?

Plus tard, en reprenant ce même livre aux mêmes pages, n’en ont-ils pas vu jaillir un sens lumineux et sanctifiant?

Cette lettre morte n’a-t-elle pas pris la vie sous leurs yeux? et, à ces douces explications qui leur appliquaient à eux-mêmes les promesses de pardon et de salut, n’ont-ils pas aussi senti brûler leur cœur?

N’ont-ils pas été les premiers à s'émerveiller de la différence qu’il y avait entre eux-mêmes et eux-mêmes?

Eh bien! que cette expérience faite par les uns serve aux autres et les engage à demander le secours de cet Esprit.

Qu’ils ne s’étonnent pas, toutefois, si le Seigneur tarde à leur répondre. Jésus laissa d’abord les deux disciples dans leur ignorance pour la leur faire mieux sentir, et il ne s’en fit pleinement connaître que lorsqu’ils l’eurent vivement pressé de rester avec eux.

Qu’ils ne s’étonnent pas non plus de voir tant d’hommes incrédules dans le monde; car ils ne le sont pas pour être savants ou moraux; mais simplement pour n’avoir pas reçu le Saint-Esprit.

Ils ne l’ont pas reçu parce qu’ils ne l’ont pas demandé,

et ils ne l’ont pas demandé parce qu'ils sont orgueilleux.


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CXXIVe MÉDITATION.

Lisez Luc XXIV, 33 à 53.

Qui doit annoncer l'Évangile?

Au moment de quitter la terre, Jésus dit à ses disciples que la repentance et la rémission des péchés devaient être prêchées en son nom à toutes les nations.

Cette obligation d’annoncer aux hommes la Bonne-Nouvelle s’impose à tous les chrétiens. Mais, acceptée par quelques-uns, elle est repoussée par les objections du plus grand nombre.

On dit: La prédication est l'affaire des pasteurs; pour nous, simples laïques, nous n’avons qu’à écouter.

Il est vrai que la Parole de Dieu institue des prédicateurs proprement dits. Mais remarquez aussi qu’on se laisse trop facilement effrayer par le mot PRÊCHER; ce mot, de nos jours, rappelle les fonctions d’un homme consacré au saint ministère, élevé dans une chaire et instruisant tout un peuple avec quelque science et quelque autorité.

Mais c’est à tort que ce mot est pris par nous dans un sens aussi restreint.

Il signifie, dans le Nouveau-Testament, ANNONCER, PROCLAMER, comme le ferait un héraut pour la nouvelle qu’il est chargé de faire entendre.

Le héraut se présente sur la place publique ou dans le palais des rois, il délivre son message, et dès lors son œuvre est accomplie.

Eh bien, de même tout chrétien peut être un héraut de l’Évangile et crier:

«Jésus est le Sauveur; quiconque croit en Lui sera pardonné de ses péchés.»

Maintenant que la foule, qui l’entend et qui passe, l’écoute ou ne l’écoute pas, le croie ou ne le croie pas, ce n’est pas son affaire; sa tâche est de crier à haute voix et de passer pour aller répéter à d’autres le même cri de pardon et de salut.

Si l’on en doutait encore, il suffirait, pour s’en convaincre, de faire attention aux circonstances qui accompagnent l’ordre que donne ici Jésus-Christ.

D’abord, c’est Lui, c’est le Fils de Dieu qui ouvre l’esprit des Apôtres pour leur faire comprendre les Écritures.

De même donc c’est Lui, c’est le Fils de Dieu, qui restera chargé de faire comprendre, à ceux qui nous écouteront, la Parole que nous ne faisons que répéter de sa part.

Ainsi, vainement le simple laïque arguerait-il, comme Moïse, de son défaut d’habileté pour argumenter et persuader:

Jésus ne lui demande que de semer la Parole;

Lui se charge de la faire croître sous la rosée de son Saint-Esprit.

Or, qui prétendra n’être pas assez instruit pour redire au monde quelques versets de l’Évangile, et qui ne sera pas assez habile ensuite pour prier Dieu de les bénir?

Une autre parole de Jésus vient encore à l’appui de cette simple exposition de l’Évangile faite par tout chrétien.

Le Sauveur dit ici à ses disciples: «Vous êtes témoins de ces choses.»

Oui, voilà le rôle de tout prédicateur chrétien: c’est, non pas tant de prouver, de combattre, d’établir, mais c’est surtout de TÉMOIGNER ce qu’il sait.

Les Apôtres pouvaient témoigner ce qu’ils avaient vu; nous, nous pouvons témoigner ce que nous avons senti; dire au monde combien il est doux de vivre dans la foi; lui raconter la paix qui réside dans le pardon des péchés; lui parler des arrhes que le Saint-Esprit a déposées dans nos coeurs; et en nous faisant, tour à tour, les témoins de ces doux sentiments, nous pouvons porter d’autres hommes à les désirer, les demander à Dieu, encouragés qu'ils seront par nos propres expériences.

Si quelques-uns se dispensent d'annoncer l'Évangile, d’autres en l’annonçant s’y prennent mal; il sera donc bon de mettre sous leurs yeux l’exemple que Jésus nous donne dans cette entrevue avec ses disciples.

De nos jours, plusieurs chrétiens ont essayé de parler de l’Évangile autour d’eux; mais ils ont souvent rencontré des difficultés inattendues: ici, l’on s’est moqué de leur foi; là, on y a fait des objections diverses; ailleurs, on leur a opposé l’indifférence ou la superstition; et eux, impatients de succès, se sont presque irrités contre ceux qu’ils voulaient amener à une doctrine de charité; ils les ont repris avec aigreur; ils leur ont jeté à la face des paroles de condamnation, et se sont orgueilleusement retranchés eux-mêmes derrière leurs privilèges de chrétiens.

Ah! ce n’est pas ainsi que Jésus traite ses Apôtres encore incrédules, même quand il revient pour la cinq ou sixième fois se présenter à eux depuis sa résurrection. «La paix soit avec vous,» leur dit-il d'abord; et eux, loin de croire, sont tout épouvantés! alors Jésus, s’accommodant à leur faiblesse, leur dit avec bonté;

«Pourquoi êtes-vous troublés? et pourquoi s’élève-t-il des pensées dans vos cœurs? Voyez mes mains et mes pieds, car c’est moi-même. Touchez et regardez-moi, car un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’ai.»

Cependant les Apôtres ne croient point encore!

Que fera donc Jésus?

Prononcera-t-il un anathème contre leur incrédulité?

Non, mais, oh! condescendance sans égale! Jésus persiste dans sa démonstration: «Avez-vous quelque chose à manger?» leur dit-il; et, pour les convaincre qu’il est bien là présent dans son corps, il porte à ses lèvres un rayon de miel et du poisson.

Ainsi, après s’être montré aux femmes, après avoir parlé aux disciples d’Emmaüs, après avoir placé Pierre et Jean devant le sépulcre ouvert et vide, après maintes entrevues, et quand tout cela n’a pas suffi pour persuader les Apôtres, Jésus pousse la condescendance jusqu’à revenir prouver avec une patience admirable par sa présence, sa parole, son toucher et son dernier repas, qu'il est bien ressuscité!

Et nous, nous serions moins patients que notre Maître?

Parce que nous avons déjà prononcé quelques paroles, nous voudrions qu’on s’y soumît plus docilement que les Apôtres ne se rendirent à la vue et au contact de Jésus?

Oh! comprenons notre folie, notre orgueil faudrait-il dire, et apprenons de Jésus à être doux et humbles de cœur. Ah! si l’amour des âmes était le vrai mobile de nos enseignements, nous serions plus tendres, plus compatissants pour ceux qui s’égarent, nous les attendrions s’ils ne voulaient pas venir de suite, et nous pleurerions encore sur eux s’ils s’éloignaient pour toujours!


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CXXVe MÉDITATION.

Lisez Jean I, 1 à 18.

Je suis le chemin, la vérité, la vie

Tandis qu’il faut aux hommes de longs discours pour nous exposer leurs plus faibles pensées, Dieu nous élève aux plus hautes révélations par les plus simples paroles.

Ainsi, Jésus nous dit quelque part: «Je suis le chemin, la vérité, la vie;» et non seulement par ces trois mots il nous présente vivement trois grandes vérités, mais encore, par l’ordre de ces mots, il nous indique les rapports qui lient ces vérités.

En effet, il faut d’abord le chemin pour conduire;

ensuite vient la vérité, à laquelle aboutit cette route;

et enfin la vie, qui découle de la connaissance de cette vérité.

Mais remarquez comme cet enseignement perd de sa force, enveloppé, comme nous venons de le présenter, dans une expression humaine; et combien est vive, au contraire, la même pensée dans l’expression divine: «Je suis le chemin, la vérité, la vie!»

Mais peut-être l’importance que nous venons d’attacher à ces trois mots et à leur enchaînement paraîtra-t-elle exagérée à quelques-uns, qui ne voudront voir dans ces paroles qu’une pensée tout ordinaire, et dans leur ordre qu’un arrangement tout à fait fortuit.

Pour leur faire sentir qu’il n’en est pas ainsi, et que LA BIBLE MÉRITE PLUS D'ATTENTION ET PLUS D’AUTORITÉ, étudions le commencement de l’Évangile selon saint Jean, et nous y retrouverons les mêmes vérités qui viennent de jaillir d’un passage emprunté à sa fin.

1. Jésus y est appelé «la parole»

2. Ensuite «la lumière»

3. Et enfin «la vie

Ces trois expressions, rapprochées et mises dans la bouche du Sauveur, formeraient donc cette phrase: Je suis la parole, la lumière et la vie.

Qui n’a pas déjà remarqué, dans cette réunion de mots, une répétition presque identique à celle que nous avons citée: «Je suis le chemin, la vérité, la vie»?

Mais, pour rendre le parallèle plus sensible, rapprochons les parties correspondantes.

«LA PAROLE.» Que signifient ces mots, Jésus est la parole?

La parole est le moyen employé par l’homme pour manifester sa pensée, faire connaître des êtres ou des faits. Eh bien, de même

Jésus est pour nous la parole,

le moyen par lequel nous est manifestée la pensée de Dieu,

le milieu au travers duquel ce Dieu lui-même nous est rendu sensible.

En un mot, dire que Jésus est la parole c’est dire QU’IL EST LA VOIE PAR LAQUELLE NOUS ARRIVONS À CONNAÎTRE DIEU.

Évidemment donc, la parole qui conduit à l’intelligence et le chemin qui mène au but sont deux expressions différentes d’une seule et même idée. Passons au second mot.

Jésus est, ici, «LA LUMIÈRE»; là, il est «LA VÉRITÉ

Est-il nécessaire d’insister pour faire sentir l’identité de ces deux idées?

N’avons-nous pas vu cent fois, dans la Parole de Dieu comme dans le langage humain, que lumière et vérité sont synonymes?

Que la lumière éclaire les corps comme la vérité éclaire les esprits?

Sans doute; et les deux se confondent en un, tout aussi bien que parole et chemin.

Enfin reste le mot «VIE», qui est le même dans les deux passages, en sorte que le premier chapitre de saint Jean, comme le quatorzième, donnent exactement le même enseignement sous deux formes différentes.

Est-ce un heureux hasard?

N’est-ce pas plutôt le résultat de la sagesse de Dieu?

De cet exemple doit découler pour nous une utile leçon.

Habitués à lire à la course les livres humains pour y chercher une seule et pauvre idée dans bien des pages, NOUS PARCOURONS BEAUCOUP TROP RAPIDEMENT LE LIVRE DE DIEU, où les pensées sont presque aussi nombreuses que les mots.

Nous croyons avoir tout fait quand nous avons lu, et nous ne pensons pas qu’il nous reste encore souvent à comprendre.

Quand nous avons saisi le sens de l’ensemble, nous passons outre, comme désireux de trouver du nouveau, ou pressés d’en finir. Mais il y aurait toujours du nouveau pour nous dans la même parole vingt et cent fois relue, si nous y donnions une plus sérieuse attention.

À coup sûr la pensée divine est assez profonde pour absorber toute notre force de méditation; et s’il est vrai qu’elle soit claire et utile, même pour le simple et l'ignorant qui ne la regardent qu’à la surface, il n'est pas moins vrai que dans le fond elle renferme pour l’œil exercé mille détails admirables qui échappent à tous au premier regard.

Ce n'est pas tout.

Les beautés profondes de la Bible ne sont pas toujours de nature à être exposées par la parole de l’homme; sensibles au cœur, elles restent inaccessibles à l’esprit; elles échappent à l’analyse; elles sont trop délicates pour se fixer par le langage.

N’attendez donc pas qu’un prédicateur vous les montre, ou qu’un livre vous les explique: il faut que vous les trouviez vous-mêmes, sous la direction du Saint-Esprit.

D’ailleurs, mises au jour par un autre, vous ne les apercevriez peut-être pas: c'est une facette étincelante du diamant que votre œil et le sien, placés à la même distance, mais sous un autre rayon, ne sauraient s’indiquer l’un à l’autre; il faut que ce soit vous-mêmes qui trouviez votre point de vue, et quand vous l’aurez rencontré, vous serez éblouis!

Ce n’est pas tout encore.

La même parole biblique qui ne vous a pas frappés hier, et que vous seriez tentés de juger insignifiante, prend tout à coup, à la lecture d’aujourd’hui, un sens plein et radieux!

Vous êtes étonnés de ne l’avoir pas appréciée plus tôt, et cependant vous l’aurez peut-être oubliée ce soir, preuve évidente que le livre de la Bible, comme celui de la nature, est clair ou obscur, selon que le soleil d’en haut tombe sur ses pages ou se cache sous l’horizon, et que le même point, éclairé de diverses manières, peut présenter mille aspects différents, tous agréables à l’œil et tous sanctifiants pour le cœur.

Aussi Jésus ne nous dit-il pas: Lisez les Écritures, mais bien:

«Sondez les Écritures;»

et le Psalmiste ne se contente-t-il pas de la psalmodier sur sa harpe, mais:

«Il médite la sainte Parole jour et nuit


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CXXVIe MÉDITATION.

Lisez Jean I, 19 à 51.

L’humilité de Jean-Baptiste

Jean-Baptiste, parlant de Jésus et de lui-même avait dit: «Il faut qu’il croisse et que je diminue,» paroles prophétiques qui se sont vérifiées jusqu’à nos jours.

Un moment, en Judée, petits et grands, prêtres et soldats, tous couraient au bord du Jourdain pour écouter la courageuse prédication de Jean, et recevoir de sa main le baptême de repentance; alors le Précurseur brillait de toute sa gloire, et Jésus était inconnu hors de Nazareth.

Mais bientôt le Sauveur est baptisé, il commence son ministère, prêche de ville en ville, fait des miracles, soulève la foule sur ses pas, meurt, ressuscite et fait naître avec lui tout un peuple de croyants qui se multiplie de jour en jour, de siècle en siècle, et se répand sur toutes les contrées du globe; en sorte qu’aujourd’hui:

Jésus est devenu le Dieu et le Sauveur de millions et de millions de chrétiens.

Il s’est donc en effet accru de gloire et de puissance, et l’on peut penser, d’après les faits contemporains, que cet accroissement, jusqu’ici incessant, ne s’arrêtera pas avant que le nom de Jésus ait retenti sur tous les points de l’univers.

Voyez au contraire Jean-Baptiste à dater du jour où il se retire devant le baptême du Saint-Esprit répandu par Jésus, voyez-le aller toujours en décroissant aux regards du monde: il ne prêche plus; il est jeté en prison, mis à mort; ses disciples se transforment en disciples de Christ et bientôt il n’est guère plus question ni de Jean, ni de son œuvre.

Plus on avance dans les siècles, plus les hommes l’oublient, et plus sa gloire pâlit devant la brillante auréole du Sauveur.

Mais la gloire du Précurseur, affaiblie sur la terre, n’en est que plus resplendissante dans les cieux; le Sauveur l’a dit: «Jean-Baptiste était non-seulement un prophète, mais le plus grand des prophètes.» Cette parole ne nous étonne-t-elle pas?

Nous figurons-nous le fils de Zacharie placé au-dessus de Moïse et d’Ésaïe?

Cependant c’est Jésus qui l’a dit; et si nous avons encore peine à le comprendre, rappelons-nous cette déclaration du Maître: «Les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers;» parole admirable qui mesure la hauteur morale d’un homme sur la profondeur de son humilité.

Oui, l’humilité de Jean-Baptiste, voilà ce qui l’a fait décroître à nos yeux, et voilà ce qui le grandit aux yeux du Seigneur.

Cette vertu cachée qu’on n’aperçoit qu’en la cherchant dans le silence et dans l’ombre, cette vertu chrétienne est si fortement empreinte dans son caractère, qu’on la retrouve dans chacune de ses paroles et de ses actions.

Quand les sacrificateurs, émerveillés de sa réputation, envoient de Jérusalem vers lui pour savoir s’il est le Christ: «Je ne le suis point, répond-il.

Es-tu donc Élie? — Non plus.»

Es-tu un prophète? — Non, répond le plus grand des prophètes.

Qu’es-tu donc? — Je ne suis qu’une voix, la voix qui crie dans le désert.»

Ainsi, Jean-Baptiste refuse le titre que lui reconnaît Jésus; il ne prend pas même le simple nom de prédicateur, il se désigne comme l’organe invisible, impalpable de la parole qu’il vient annoncer; il n’est qu’une voix; voix sans nom, sans personnalité; une voix, un son, un bruit qui frappe l’air et s’évanouit à l’instant.

Toutefois, comme on lui demande s’il est le Christ et que du reste il en est le précurseur, il faut bien qu’il parle de ses rapports avec son Maître; mais écoutez en quels termes il le fait et quelle place il prend à côté de Jésus:

«Je vous baptise d’eau; mais lui vous baptisera du Saint-Esprit; il est plus grand que moi, et même je ne suis pas digne, en me baissant, de délier la courroie de ses souliers!»

Quand Jésus vient lui demander le baptême, Jean s’y refuse par humilité et ne cède qu’aux ordres du Fils de Dieu.

Quand ses disciples, blessés de l’extension et de la supériorité que prend l’œuvre de Christ, les lui font remarquer, Jean répond qu’il ne veut rien s’attribuer de ce que le Seigneur ne lui a pas donné; il reconnaît Jésus venu du ciel, et se confesse lui venu de la terre; il prédit l’élévation du Sauveur, et son propre abaissement.

Toujours Jean-Baptiste s’humilie devant les hommes, voilà ce qui le grandit devant Dieu; partout il prend la dernière place, c’est pourquoi dans le ciel il sera des premiers.

Oui, l’humilité, voilà la première vertu chrétienne, ou plutôt la vertu distinctive du chrétien.

Nous la fuyons parce que nous ne la connaissons pas; mais elle renferme plus de joie paisible que n’en donne toute la gloire humaine.

L’homme humble coupe par leur racine ces bourgeons d'amertume qui croissent si nombreux et si vivaces sur l’arbre de notre vie; vanité, orgueil, envie tombent comme des feuilles mortes à ses pieds.

Peu soucieux d’approbations, il ne saurait être déçu dans son attente; car si le monde l’oublie, il ne s'en aperçoit pas, et, s’il pouvait s'en apercevoir, ce serait pour s’en réjouir.

Heureux de son obscurité, plus que d’autres ne le sont de leur éclat; paisible dans la poursuite de ses projets qui, dussent-ils échouer, le laisseraient encore satisfait puisqu’il n’y perd rien n’en ayant rien attendu, le chrétien véritablement humble est toujours serein et content, parce que son bonheur est placé hors des atteintes de l’homme et complètement puisé dans le Seigneur.

Son sort ne fera peut-être envie à personne, on ne parlera de lui ni pendant sa vie, ni après sa mort; mais, à la grande surprise du monde et de lui-même, il sera trouvé aux premiers rangs dans les cieux.


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CXXVIIe MÉDITATION.

Lisez Jean II.

Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi?

Jésus, aux noces de Cana, répond à sa mère lui demandant un miracle pour suppléer au vin qui manque: «Femme! qu’y a-t-il entre toi et moi? Mon heure n’est pas encore venue

Il faut en convenir, cette parole étonne d’abord dans la bouche d’un fils. En vain on veut en adoucir le sens en faisant remarquer que cette interpellation: «femme!» est moins rude dans la langue originale que dans nos traductions; en vain on fait observer que la phrase entière est aussi moins vive en grec qu'en français: tout cela ne fait que modifier la forme; la pensée reste intacte, et c’est cette pensée elle-même tout adoucie qui choque encore le sentiment filial du lecteur.

Voilà la difficulté; il faut se l’avouer entière; la dissimuler, ce n’est par la résoudre.

Eh bien, remarquez la fidélité du Seigneur envers ceux qui ont toute confiance en sa Parole et qui ne cherchent pas à la corriger pour la rendre plus acceptable: du moment où nous recevons cette pensée dans toute sa force, nous en trouvons ailleurs une excellente explication.

Reprenons la parole de Jésus: «Femme! qu’y a-t-il entre toi et moi?» dit le Sauveur, «mon heure n’est pas encore venue.»

La première partie de cette phrase marque la distance qui sépare Jésus de sa mère.

Et en effet, remarquez qu’il n’en doit pas être du lien de famille entre Jésus et Marie, comme du même degré de parenté entre nous.

Jésus est Fils de Dieu, Marie est fille de l’homme;

Jésus est Créateur, Marie est créature.

Les Apôtres, pauvres pécheurs portant au monde l’Évangile capable de sauver des âmes immortelles, se disent «des vases d’argile» contenant un trésor; de même, on peut dire que Marie ne fut que le vase destiné à recevoir du Ciel pour le déposer sur la terre le salut incarné du genre humain.

Il est donc bon, non seulement que Marie le sache, mais encore que cette parole conservée le rappelle à tous les chrétiens.

Il eût été si facile à l’homme qui juge tout d’après lui-même de rapprocher ici le fils de la mère, et dès lors si dangereux de confondre la créature avec le Créateur, d’élever, la première ou d’abaisser le second, que nous devons bénir Dieu d’avoir creusé sous nos yeux l’abîme qui les sépare.

La seconde partie de la réponse «mon heure n’est pas encore venue» nous montre Jésus faisant comprendre à Marie

qu’elle ne peut ni lui donner un ordre,

ni même lui présenter une requête,

dès qu’il s’agit des affaires de son Père,

comme jadis, pour s’en occuper dans le Temple, il ne s’était pas inquiété de lui en demander la permission.

Mais ce refus de Jésus d’exaucer sa mère ne vous semble-t-il pas maintenant admirablement calculé pour faire comprendre aux générations futures que Jésus-Christ n’accorde par plus de faveur aux hommes à la demande de Marie, qu’à la prière de toute autre créature?

N’est-ce pas une condamnation anticipée de l’erreur funeste qui devait en faire plus tard un intermédiaire entre les hommes et le Sauveur?

Cette conclusion est frappante; et admirable est la sagesse divine, déposant, dans une parole en apparence inutile, le germe de l’heureux préservatif qui ne pouvait être apprécié que dans les siècles alors à venir et au milieu desquels nous vivons.

Sentons donc, chrétiens, plus vivement que nous ne le faisons, LE PRIVILÈGE DE NOUS ADRESSER AU FILS DE DIEU LUI-MÊME, au lieu de laisser s’égarer sur la créature quelques-unes de nos prières.

Ce n’est pas à la créature que nous avons à faire; c’est à Dieu.

Le Créateur n’a pas mis entre notre terre et le soleil un globe intermédiaire pour renvoyer à nos yeux une lumière réfléchie. Non, les rayons de l’astre du jour tombent jusqu'à nos pieds, descendent jusque dans les vallées les plus profondes, comme nos regards peuvent atteindre jusqu’à son disque radieux.

De même l’auteur de l'Évangile, toujours simple et sublime dans ses moyens, n’a pas voulu d’être intermédiaire pour porter jusqu’à lui nos prières et nos adorations;

sa bonté est assez grande pour s’abaisser jusqu’à nous,

sa puissance assez vaste pour nous élever jusqu’à Lui;

tandis que nous renvoyer au ministère d’une créature, comme le ferait un roi terrestre, c’est rapetisser cette puissance et cette bonté du Roi des Cieux.

Oui, Seigneur Jésus, c’est à toi, à toi-même que nous voulons nous adresser, car c’est à toi seul que nous avons affaire; c’est toi qui recevras nos prières et nos larmes.

NOUS AVONS PLUS DE CONFIANCE EN TOI QU’EN PERSONNE:

ou plutôt:

C’EST EN TOI SEUL QUE NOUS NOUS CONFIONS;

et, puisque tu nous écoutes à cette heure, exauce cette humble et fervente prière: donne-nous, Seigneur, foi, pardon, amour et sainteté!


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CXXVIIIe MÉDITATION.

Lisez Jean III, 1 à 21.

La nouvelle naissance

À trois reprises différentes, Jésus dit à Nicodème: «Pour entrer dans le royaume de Dieu, (c’est-à-dire, pour devenir chrétien), tout homme doit naître de nouveau, être régénéré par le Saint-Esprit

Cette déclaration du Sauveur confond Nicodème, qui s’écrie avec sérieux ou ironie, mais en tout cas, avec la surprise d'un homme qui ne croit pas: «Comment un homme peut-il naître quand il est vieux? peut-il rentrer dans le sein de sa mère?»

Par ce qui précède, nous apprenons deux choses:

1. D’abord, que, pour devenir chrétien, il faut recevoir le Saint-Esprit;

2. Ensuite, que ceux qui n’ont pas reçu cet Esprit ne sauraient se persuader qu’un tel prodige soit possible.

Peut-être est-il parmi nous des personnes qui, semblables à Nicodème, ne croient pas encore à là possibilité pour l’homme de recevoir, dans son cœur, cet hôte divin; il ne sera donc pas inutile de consacrer quelques instants à développer l'explication que Jésus donne de cette vérité.

Quand Nicodème demande comment peut s’accomplir la nouvelle naissance, le Sauveur répond qu’elle s'opère par le Saint-Esprit, et lui dit:

«Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit, mais on ne sait ni d’où il vient, ni où il va; il en est de même de tout homme né de l’Esprit.»

C’est-à-dire: je ne puis pas plus te faire comprendre comment l’Esprit de Dieu pénètre dans le cœur de l’homme, que je ne puis t’expliquer comment souffle le vent; quand le vent souffle, TU LE SENS; de même, quand le Saint-Esprit soufflera dans ton cœur, TU LE SENTIRAS; son expérience est son unique preuve.

Mais la comparaison ne s'arrête pas là:

Le vent n’a pas de direction fixe, il ne part pas toujours du même point pour se rendre dans la même contrée; il siffle en violente tempête, ou souffle en léger zéphyr, sans qu’aucun homme puisse assigner les principes qui le dirigent.

Tel est encore le Saint-Esprit:

il souffle où il veut, sans règle connue des hommes, et même contre toutes les prévisions humaines; de deux coeurs voisins, il prend l’un, et laisse l’autre; il ouvre l’intelligence de l’enfant, et laisse fermée celle du savant; personne ne peut apprécier sa marche, et les plus habiles théories sont contredites par les faits. Dieu inspire qui il veut.

Cette comparaison de Jésus que nous avons paraphrasée, mais que nous avons fidèlement reproduite, est juste, parfaite, admirable pour quiconque a reçu l’Esprit de Dieu; mais il faut en convenir, elle ne satisfait pas encore celui qui ne le connaît pas.

Cet homme dira sans doute: Mais si la volonté de Dieu, son caprice peut-être, est la seule règle qui dirige son Esprit sur les cœurs, ce Dieu ne peut donc pas demander compte aux irrégénérés de n'être pas entrés dans son royaume par l’influence d’un Esprit qui leur est refusé.

Jésus répond à cette difficulté:

«Celui qui croit est sauvé, mais celui qui ne croit pas est déjà condamné; or, voici le motif de sa condamnation, c’est que la lumière est venue dans le monde et que les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière.»

D’après cette réponse, voici donc ce qui peut s’opposer à ce que l’homme soit divinement éclairé: c’est qu’en aimant le mal, il ferme les yeux pour y rester plongé sans remords.

Sa culpabilité n’est-elle pas alors évidente?

N’est-il pas, en effet, coupable alors, non seulement pour avoir mal fait, mais encore pour avoir refusé de voir qu’il faisait mal?

Oui, la condamnation d’un tel homme est deux fois juste et méritée. Il en est de la lumière du christianisme comme de celle du soleil; le malfaiteur qui cherche les ténèbres pour accomplir ses projets criminels en est importuné.

Qu’on ne dise donc plus: Je ne demande pas mieux que de croire; que Dieu me donne la foi, et je serai chrétien; non, c’est un mensonge.

Dieu vous offre la foi tous les jours:

Par la prédication de ses serviteurs,

par le dépôt de sa Parole entre vos mains,

par les cris de votre conscience,

par les sollicitations de son Esprit à la porte de votre cœur.

Si vous ne croyez pas, c’est que VOUS NE VOULEZ PAS CROIRE; encore une fois, votre condamnation est doublement méritée.

Qu’avons-nous donc à faire si nous sentons la justesse de cette réponse de Jésus-Christ?

Il nous le dit lui-même: pour arriver à la lumière, il suffit d’agir selon la vérité, c’est-à-dire, agir avec droiture, avec simplicité, en véritable Nathanaël; reconnaître la vérité quand elle se présente, et même l’appeler par de ferventes prières.

Oui, soyons vrais et désireux de connaître la vérité, voilà tout ce, que Dieu demande de nous; IL FERA LE RESTE:

il mettra la lumière sous nos yeux,

en fera pénétrer la chaleur dans notre âme jusqu’à nous faire croire et pratiquer l’Évangile;

CONSENTONS SEULEMENT À LE LAISSER FAIRE.


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CXXIXe MÉDITATION.

Lisez Jean, III, 22 à 36.

La colère de Dieu demeure à cause du péché et ne vient pas à cause de l'incrédulité

Quand les incrédules s’élèvent contre la doctrine évangélique, ils ne sont pas tant irrités du salut de ceux qui croient que de la condamnation de ceux qui ne croient pas.

Ne serait-ce pas parce qu’ils pressentent que cette condamnation pourrait bien se réaliser?

S’ils la jugent impossible, pourquoi s’emporter contre elle?

Il leur suffirait de la mépriser et de se taire!

Mais non, ils y reviennent avec une espèce d’acharnement, sans qu’on leur en parle, sans nécessité, même quand on les entretient de tout autre chose. Qu’ils y songent: un proverbe populaire dit: «Il n’y a que la vérité qui blesse»; il pourrait bien se faire que cette parole fût ici applicable. Toutefois essayons de répondre plus directement.

Le fait est que, pour trouver la doctrine évangélique en défaut, ses adversaires la dénaturent.

Ils lui font dire: les uns sont sauvés parce qu’ils croient; les autres sont condamnés parce qu’ils ne croient pas.

Or, ce n’est pas là ce que déclare l’Évangile.

Il n’est pas dit que la colère de Dieu VIENT sur celui qui ne croit pas,

mais

qu’elle DEMEURE sur lui.

Dieu ne s’irrite donc pas contre l’homme parce qu’il refuse de croire, mais il reste irrité contre lui à cause de ses péchés.

Avant que la foi fût présentée à cet homme, il était déjà pécheur et déjà condamné;

son refus de croire n’y change donc rien:

il reste pécheur et condamné.

Ce qui serait vraiment étrange, ce serait que, parce qu’il a repoussé le Sauveur, son sort fût amélioré, et qu’il fût sauvé à cause de son incrédulité! Une comparaison nous fera mieux comprendre.

D’innombrables malades viennent dans un vaste hôpital chercher la guérison des maux qu’ils se sont attirés par leurs débauches, leurs vices ou leurs crimes.

Tous souffrent, tous appellent du secours.

Un habile médecin arrive, il apporte un remède infaillible et crie: «Quiconque boira cette eau sera guéri! quiconque la refusera restera souffrant et finalement mourra!»

Quelques malades tendent la main, boivent à longs traits et retrouvent la santé.

D’autres se moquent du docteur et refusent un remède qu’ils jugent trop simple pour être efficace, et ces hommes meurent, NON DE L’EAU QU’ILS N’ONT PAS BUE, MAIS DE LA MALADIE QU’ILS AVAIENT DÉJÀ.

Qui pourra dire que leur mort est injuste et la reprocher au généreux médecin?

Je dis plus: qui pourra faire un reproche de cette mort au Créateur qui avait donné la vie à ces malades?

N’est-ce pas par leur faute qu’ils ont souffert et qu’ils sont morts?

Ce Créateur leur devait-il quelque chose?

En leur donnant les quelques années de vie qu’ils ont déjà goûtées, ne leur a-t-il pas accordé plus qu’il ne leur devait, lui qui ne leur devait rien?

Et enfin, si quelqu’un prétendait encore qu’il est injuste que le Créateur laisse mourir d'une mort sans retour l’homme coupable d’une faute passagère, je répondrais: Je n’examine pas si c’est injuste; mais vous, convenez du fait: cela est, cela se voit tous les jours, et, quoi que vous puissiez dire, cela est, cela se voit.

Or, il ne m’en faut pas davantage pour vous faire maintenant comprendre que le Dieu de l’Évangile peut bien et DOIT MÊME, pour être le vrai Dieu, faire ce que fait le Dieu de la nature.

Ce monde est le vaste hôpital encombré, non de malades, mais de pécheurs qui tous, par le fait seul de leur désobéissance, ont encouru la condamnation et la mort.

Que personne ne vienne à leur secours, et tous mourront sans qu’aucun puisse se plaindre avec raison.

Mais Jésus arrive, entre dans ce grand réceptacle de souffrances morales, et crie dans tous les rangs de la société;

«Quiconque veut se confier en moi et a jeté sur moi un seul regard ne mourra point; fût-il déjà expirant, il passera de la mort à la vie; si d’autres REFUSENT mon secours, je ne veux, ni ne puis les contraindre; je ne viens pas les condamner, mais JE LES LAISSE OÙ ILS SONT DÉJÀ, sous la condamnation; ce n’est pas moi, ce sont eux-mêmes qui le veulent ainsi. La colère de Dieu DEMEURE donc sur eux.»

Les uns tournent les yeux et les mains vers ce Sauveur, et revivent.

Les autres le raillent et meurent.

Qui pourra se plaindre?

Jésus les a-t-il fait mourir?

Ne se sont-ils pas deux fois suicidés, d’abord par leurs péchés, ensuite par le refus du pardon?

Et maintenant dira-t-on qu’il est injuste que le Dieu de l’Évangile ait créé des êtres qui finalement devaient tomber sous sa colère?

À cela nous n’avons qu’un mot à répondre: Le Dieu de l’Évangile est le Dieu de la nature; il ne s’agit pas pour nous, faibles intelligences, d’examiner si la conduite du Créateur est juste, mais de nous assurer ce qu'elle est.

Or, quoi que vous puissiez dire, il est certain que Dieu laisse mourir des hommes à la fleur de l’âge, en laisse souffrir d’autres pendant de longues années; et si cela est, si cela se voit dans la nature, cela peut bien être et se voir dans l’Évangile; cette analogie d'action me montre, au contraire, que c'est bien le même Dieu.

Voilà l’Évangile:

Dieu offre sa grâce à tous; les uns la reçoivent, les autres la repoussent!

C'est à nous de voir si nous voulons la repousser ou la recevoir!

C’est à nous de sonder notre cœur et de juger s’il est malade de péché et s’il a besoin de pardon;

C’est à nous de voir si par nous-mêmes nous pouvons effacer nos fautes passées, et si par nos forces nous pouvons éviter le mal à l’avenir.

Si nous sommes justes, comme le demande la conscience, et saints, comme l’exige la loi de Dieu, c’est à nous de nous lever, de le dire et de congédier le médecin Sauveur!

Ah! malheureux disputeurs que nous sommes, qui aimons mieux discourir sur nos plaies que de les voir guérir!

Insensés qui souffrons en disant: Ce n’est rien, et qui expirerons bientôt de douleur en criant: Je me porte bien! Semblables à cet orgueilleux païen qui, la jambe rompue, laissait échapper cette parole: «Ô douleur! tu ne m’obligeras jamais à dire que tu sois un mal!»

Nous, brisés par le péché, nous crions: J’aime mieux en souffrir que de l’avouer!

Ne l’avouons donc pas, si bon nous semble, mais ne nous étonnons pas si la mort éternelle s’ensuit!

Ou plutôt laissons là l’orgueil de la propre justice; sentons nos misères, laissons à Dieu le soin de composer, d’analyser et d’expliquer ses mystérieux remèdes; pour nous, acceptons-les de sa main.

Ils sont bien simples et se réduisent à un:

Pauvres pécheurs souffrants, confiez-vous en l’amour et en la puissance de Jésus-Christ;

celui qui croit au Fils a dès à présent et pour toujours une vie éternelle et bienheureuse!


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CXXXe MÉDITATION.

Lisez Jean IV, 1 à 30.

L'eau jaillissante jusque dans la vie éternelle

Une parole résume et domine toute la conversation de Jésus avec la Samaritaine. Jésus lui dit:

«Quiconque boira de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, car l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau vive qui jaillira jusque dans la vie éternelle.»

Sans doute, si l’on pouvait nous offrir aujourd’hui une eau matérielle telle qu’on vît ceux qui l’auraient goûtée ne plus boire ni l’onde de nos fontaines, ni le vin de nos vignes, on pourrait en toute sécurité dire que cette eau est merveilleuse et divine.

Eh bien, quelque chose d’analogue se passe dans le monde spirituel où vivent les chrétiens.

On trouve des hommes qui longtemps ont été, comme tous les autres, vivement altérés du désir de connaître et du besoin de jouir. Jésus leur a versé dans le sein l’eau vive de la vérité et de la joie chrétiennes; dès lors ces hommes se sont trouvés satisfaits; tandis que d’autres continuent à goûter les jouissances de cette terre toujours renouvelées et toujours impuissantes pour calmer leur soif de science et de félicité, eux se sentent sevrés de la soif de cette eau trompeuse, et pleinement désaltérés à la source vivifiante que Jésus leur a ouverte.

Si cette expérience est bien constatée, ne restera-t-il pas évident que cette eau spirituelle est une eau merveilleuse et divine?

Arrêtons-nous donc quelque instant à considérer l’impuissance du monde et la suffisance de l’Évangile pour combler ici-bas nos désirs de lumière et de bonheur.

Que toutes les découvertes des philosophes anciens et des savants modernes ne nous aient pas encore conduits à la vérité sur Dieu, sur nous-mêmes et sur notre avenir; que tout ce que nous savons à cet égard nous laisse encore sous le tourment d’une soif de science; c’est ce qu’il serait superflu de prouver.

Que les biens de cette terre, la gloire et la richesse, même des biens plus réels, la santé et les affections terrestres soient encore insuffisants pour combler l’immense capacité de notre cœur soupirant jusqu’au milieu de ses joies après des joies plus vives, plus nobles, plus éthérées, qu’il appelle sans pouvoir les nommer; c’est encore ce qu’il serait inutile d’établir.

Si quelques-uns en doutent encore, ce ne sont guère que des hommes trop jeunes pour avoir expérimenté la vie dans ses derniers mensonges. Nous regardons donc comme avouée l’impuissance du monde pour nous donner la vérité et le bonheur; voyons si l’Évangile satisfera mieux ces deux besoins.

Il est des hommes qui ont longtemps cherché la vérité dans les livres de ce monde sans jamais la trouver.

Un jour ils ont ouvert la Bible, l’ont lue, MÉDITÉE, et se sont déclarés pleinement satisfaits.

Depuis lors ils n’ont plus varié dans leurs opinions; aujourd’hui toutes les théories philosophiques leur paraissent faibles, pauvres, mensongères; non seulement ils espèrent, mais ils savent qu’ils ont la vérité; du moins, ce que personne ne peut leur dénier, c’est qu’ils n’éprouvent plus cette soif dévorante qui jadis leur faisait courir le monde sans trouver nulle part une source capable de l’étancher.

Dès lors, je le demande à ceux.qui n’en ont pas encore fait l’expérience: ce fait, qui se reproduit chez des hommes de tous les temps et de tous les pays, n’est-il pas un indice, pour un esprit non prévenu, qu’il y a là quelque chose de plus qu’ordinaire?

N’est-ce pas une preuve que la doctrine chrétienne est la vérité, elle qui seule a des partisans, jamais détrompés et toujours plus vivement déclarés?

En second lieu, ces mêmes hommes, jadis amateurs du plaisir, altérés de passions et jamais assouvis, même en se plongeant dans les passions et les plaisirs, ont aujourd’hui trouvé dans la foi chrétienne une pleine satisfaction de ces désirs insatiables de jouissance.

La seule pensée qu'ils sont pardonnés, et que le Ciel leur est assuré répand dans leur âme une paix, un calme, une douce joie, parfois des tressaillements d’allégresse incomparables à tout ce qu’ils avaient senti jusque-là.

Ils ont encore un désir, c’est que cette foi s'augmente et les nourrisse mieux; mais, à coup sûr, ils ne songent pas à l’abandonner!

Ici encore, je le demande, le phénomène qui se passe chez ces hommes n’est-il pas digne de fixer l’attention?

N'est-il pas une preuve qu’ils ont enfin trouvé ce bonheur pour lequel tout homme sent qu’il est né?

Sans doute, et ici, comme tout à l’heure, nous pouvons dire: Là se trouvent la vérité, le bonheur; là se trouve l’eau merveilleuse descendue des cieux.

Essayons donc, si nous ne l’avons pas fait encore, de goûter cette onde jaillissante.

Après avoir vainement creusé dans la vase des jouissances terrestres pour n’arriver jamais qu’à une eau irritante ou croupie, abandonnons enfin un travail fatigant et trompeur, creusons l’Évangile, nous y trouverons le trésor caché:

assurance de pardon,

don du Saint-Esprit,

et paix de l’âme jaillissant jusque dans l’éternité.


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CXXXIe MÉDITATION.

Lisez Jean IV, 31 à 54.

La nourriture de Jésus est de faire la volonté de son Père

La conduite de Jésus, pendant cette journée, justifie bien ces déclarations: «Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père, qui veut que je ne laisse perdre aucun de ceux qui m’ont été donnés.»

Voyez, en effet, quelle constante activité déploie Jésus pour instruire tous ceux qu’il rencontre:

harassé de fatigue, Il s’assied sur le bord d’un puits; mais bientôt, oubliant sa propre soif, Il entretient la Cananéenne de son salut.

Ses Apôtres arrivent, le pressent de manger, mais Lui néglige ses besoins pour leur parler de la moisson des âmes.

Dans ce moment Jésus se rend en Galilée, mais II retarde son voyage et consacre deux journées aux habitants de Sichem attentifs à sa parole.

Toujours occupé de sa mission, Jésus y fait concourir tout ce qu'il voit, touche ou entend: ici l’eau d’un puits Lui fait comparer la foi à une onde jaillissante; là les aliments apportés par ses Apôtres Lui donnent l’occasion de dire, que faire la volonté de Dieu est sa nourriture.

Plus loin, les moissons blanchissantes Lui rappellent les âmes mûres pour le salut qu'il faut recueillir et transporter aux Cieux.

C’est donc avec vérité que Jésus a dit: «Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père.»

Mais pour nous, ses disciples, est-ce aussi notre nourriture que de faire cette volonté?

Voyons.

Nous regardons, avec raison, la nourriture de notre corps comme indispensable à notre vie.

De même, faisons-nous de l’accomplissement de la volonté divine un aliment indispensable à la vie de notre âme?

Ne savons-nous pas vivre, non seulement sans nous inquiéter de cette volonté, mais encore sans y songer, et au besoin tout en la repoussant?

Poursuivons la comparaison.

La nourriture de notre corps doit être prise chaque jour et plusieurs fois le jour; c’est un besoin tellement impérieux, que retarder de quelques heures de le satisfaire nuit à notre santé.

Quant à la volonté de Dieu, la prenons-nous pour nourriture avec cette journalière régularité?

Et lorsque nous renvoyons de l’accomplir, non pas d'une heure, mais de plusieurs jours, en souffrons-nous beaucoup?

Notre conscience est-elle aussi sensible que notre estomac? Et quand la première crie, la satisfaisons-nous aussi vite et aussi bien que le second?

Non, loin de là; et s’il est un point sur Lequel nous puissions comparer notre manière de prendre notre nourriture à celle dont nous accomplissons la volonté de Dieu, c’est bien plutôt celui-ci:

il est des hommes qui mangent moins pour vivre qu’ils ne vivent pour manger;

ils prennent leur nourriture, non par appétit, mais par gourmandise;

non comme elle se présente, mais choisie;

non avec mesure, mais à profusion;

et tout cela, remarquez-le bien, non parce que leur corps le demande, mais POUR SATISFAIRE LEUR PROPRE CONVOITISE.

Telle est notre manière de faire l’oeuvre de Dieu quand nous la faisons.

D’abord, loin de l’accepter tout entière, avec ses difficultés, nous commençons par choisir ce qui nous plaît et repousser ce qui ne nous agrée pas, plus fiers de l’avoir faite en partie que confus de l’avoir laissée inachevée.

AINSI TRANSFORMÉE, LA VOLONTÉ DE DIEU N’EST PLUS LA SIENNE, C’EST LA NÔTRE; aussi l’accomplissons-nous:

non pour lui, mais pour nous;

non parce qu’il l’impose, mais parce qu’elle nous plaît;

non pour les rapports qu’elle a avec la grande œuvre du salut du monde, mais parce qu’elle cadre avec la petite œuvre que nous avons façonnée et circonscrite autour de nous.

Cette volonté de Dieu, ainsi rapetissée à la mesure de la nôtre, nous la faisons avec plaisir chaque jour: que dis-je? Nous la faisons jour et nuit avec dérèglement; travaillant par bourrasque, brisant les obstacles, nous irritant contre les événements dirigés par ce Dieu même auquel nous prétendons obéir!

Aussi, sous un tel régime, avec une semblable activité, nous sommes à la fin dégoûtés, harassés, malades, et nous appelons cela du dévouement!

NON, C’EST DE LA VANITÉ, DE LA VOLONTÉ PROPRE ET DE L’ENTÊTEMENT.

Ne soyons donc pas surpris si nous sommes entravés dans nos oeuvres chrétiennes; c’est tout autre chose que Dieu demandait de nous, et il veut nous le faire sentir en mettant notre œuvre à néant et en barrant notre fiévreuse activité.

Non, ce n’est pas là ce que Dieu réclame de notre part.

Moins de mouvement,

moins de bruit,

moins d’activité,

surtout pas de volonté propre;

MAIS UNE ACCEPTATION DE SA VOLONTÉ DIVINE TELLE QU’ELLE SE PRÉSENTE: entière, ardue ou facile, faite avec régularité et modération; car cette modération est elle même une partie de cette sainte volonté.

Dieu ne nous demandera pas: COMBIEN as-tu fait? mais: COMMENT as-tu fait?

Que sa volonté soit ainsi pour nous une nourriture simple, constante, régulière; et bientôt elle nous deviendra douce et agréable.

Notre conscience se calmera, notre âme sera nourrie, nous ne souffrirons plus de cette impatiente activité qui voudrait tout faire en un jour, et qui, comme l’avalanche stérile, détachée du haut de la montagne, va toujours grossissant et accélérant sa marche jusqu’à ce qu’elle vienne infailliblement se briser au fond de la vallée.


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CXXXIIe MÉDITATION


Lisez Jean V, 1 à 23.

L'impotent au réservoir de Béthesda

Non loin du Temple de Jérusalem, prés de la porte des Brebis, à l’ombre d’un portique dont les ruines sont encore debout, s’élevait jadis le réservoir de Béthesda. Là de nombreux malades passaient leurs jours et leurs nuits à attendre qu’un envoyé céleste vînt agiter l’eau, pour y descendre, après lui, chercher la santé dans une simple ablution.

Parmi ces impotents se trouvait un homme infirme depuis trente-huit ans, qui déjà plusieurs fois, au mouvement divin de l’onde, s’était levé, mis en marche, mais qui toujours était arrivé trop tard. Alors, sans perdre courage, l’infortuné remontait prendre sa place et attendait avec confiance, bien que contre toute probabilité, le jour où, plus heureux, il pourrait arriver assez tôt pour être miraculeusement guéri.

Tandis qu’il est là couché parmi les boiteux, les aveugles et les impotents, et le regard fixé sur l’onde qui doit s’émouvoir sous le doigt de l’ange, peut-être dans un jour, peut-être dans un mois, peut-être dans un an, Jésus s’approche et lui dit: «Veux-tu être guéri?»

Qu’on se représente l’étonnement et la joie de cet homme à une telle question! Cependant il se calme, car il ne connaît pas encore le Sauveur; sa réponse prouve seulement qu’il se confie en Dieu.

À peine a-t-il donné cette preuve de sa foi, que Christ lui répond: «Lève-toi, emporte ton lit et marche.» Aussitôt le malade est guéri, et le perclus, redressé et libre, se met à marcher.

Cette guérison matérielle est une image fidèle de la guérison spirituelle que nous offre le même Sauveur.

Depuis vingt, trente, quarante ans, hélas! depuis aussi loin que remontent nos souvenirs, nous souffrons d'un malaise sourd et constant qui travaille notre conscience; cette douleur causée par le péché se renouvelle et s’accroît tous les jours. En vain nous demandons à l'oubli le soulagement de ces pensées; toujours le remords attaché à sa proie revient tourmenter notre cœur.

Eh bien! à cette heure même la Bible s’ouvre, et de la part de Jésus nous dit: Veux-tu être guéri? Guéri, non pas demain, le mois prochain, dans un an, mais guéri tout de suite, à l’instant même et radicalement, de telle sorte

Que tes péchés les plus criants se taisent,

que tes souvenirs les plus sombres soient effacés,

et que ta conscience soit blanchie comme la neige?

Parle! veux-tu être instantanément et complètement guéri?

REGARDE À JÉSUS, l’Agneau de Dieu, dont le sang répandu lave les péchés du monde, et tu seras déchargé du poids de ton passé.

Rassuré sur le passé, crains-tu pour l’avenir les morsures venimeuses de ce serpent séducteur qui t’attire par ses enchantements dans ses pièges?

Veux-tu non seulement être guéri dans ta conscience, mais encore dans ton âme; de sorte que tu sois endurci contre le mal et fortifié pour le bien?

REGARDE À JÉSUS qui te donnera son esprit de force pour te renouveler et te sanctifier.

Plus tranquille sur ton passé et sur ton avenir terrestres, trembles-tu encore à la pensée de la mort s’approchant prompte et inévitable?

Voudrais-tu être guéri même de la mort?

REGARDE À JÉSUS, c’est Lui qui donne la vie «a qui il veut,» dit-il lui-même.

Comprends bien cette parole: cette vie, il te la donne.

Il ne te la prête pas pour te la retirer; il te la donne pour toujours!

Il ne te la vend pas de telle sorte que tu aies à craindre de ne pouvoir la payer; mais II te la donne sans condition!

Il ne te l’accorde pas faible, maladive, limitée; Il te la donne vive, sainte, éternelle;

Il te la donne, enfin!

Comprends ce seul mot: Il te donne aussi complètement cette seconde vie, qu’il t’a complètement donné l’existence dont tu jouis déjà.

Mais, diras-tu, qui m’assure que cette promesse soit fidèle, et que, fût-elle accomplie pour d’autres, elle doive m’être appliquée? En un mot, à quoi reconnaîtrai-je que Jésus m’a guéri?

Je réponds: le malade de Béthesda reconnut sa guérison à ceci, qu’aussitôt que Jésus eut parlé, lui prit son lit et marchât.

Ce moyen de se convaincre qu’il était en santé était simple et facile: celui de vous assurer si vous avez cru, et si par conséquent vous êtes sauvé, est tout aussi simple et tout aussi facile; si vous avez été guéri par Jésus, vous devez être si joyeux, si plein de reconnaissance, qu’il doit vous être possible maintenant, soutenu par l’Esprit de Dieu, de vous lever et de marcher dans la sainteté.

La marche, la conduite chrétienne, voilà le signe manifeste de la guérison du chrétien.

Et n’allez pas croire que votre marche dans la sainteté soit la condition de votre salut, de votre guérison; non: c’en est le signe, rien de plus.

Jésus n’a pas dit à l’impotent: Si tu marches, je te guérirai; mais Jésus l’a d’abord guéri, et le malade guéri a pu marcher.

De même Jésus ne tous dira pas «Si tu es saint, je te sauverai; mais: Je te sauve à l’instant; sois saint à l’avenir; je te donne des forces à cette heure, emploie-les désormais; je te rends la santé, maintenant lève-toi donc et marche!»

Marche, NON POUR être guéri, mais PARCE QUE tu es guéri; sanctifie-toi, NON POUR être pardonné, mais PARCE QUE tu es pardonné; et à ceci tu reconnaîtras que le salut t’appartient, si tu vis comme un de mes élus.


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CXXXIIIe MÉDITATION.

Lisez Jean V, 24 à 47.

Infidélité et rigorisme en annonçant l'Évangile

Pour bien apprécier ici la conduite de Jésus, il faut se rappeler à qui cet adorable Sauveur adresse son discours.

Jésus a guéri un malade dans un jour de sabbat, et pour cela les Juifs le cherchent afin de le faire mourir. Le Sauveur le sait; il se laisse trouver, et quand ces Prêtres, ces Scribes, ces Pharisiens, envieux et sanguinaires sont là, Jésus dit avec amour à ses plus cruels ennemis:

«Je dis ceci afin que vous soyez sauvés. Mais vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie; en vérité, en vérité, je vous dis que celui qui écoute ma parole ne sera point sujet à la condamnation. Sondez, sondez les Écritures, car elles rendent témoignage de moi.»

C’est par ces tendres invitations que Jésus presse ses futurs bourreaux à recevoir de sa main le salut. Il fait plus: Il va au-devant des difficultés qui peuvent les arrêter, leur expose les témoignages que rendent de lui Jean-Baptiste et ses propres œuvres, et leur fait toucher du doigt la cause de leur incrédulité pour les aider à la faire disparaître; et tout cela avec amour, tout cela en vue de leur bien; tandis que, de leur projet criminel à son égard, Jésus ne leur dit pas un mot, ne leur fait pas un seul reproche.

Or, cette confiance en la toute-puissance de la grâce, cette douceur envers les incrédules et les méchants les plus endurcis, sont elles aussi les nôtres?

Hélas! il faut le dire, nous ne les avons pas! Bien qu’en théorie nous admettions que tout vient de Dieu dans l'oeuvre du salut, et que son Esprit peut rendre la vie à des os desséchés, cependant nous démentons ces principes dans la pratique.

Nous parlerons volontiers de l’Évangile à un frère pour l’édifier, à un faible pour l'affermir, à une de ces personnes que nous appelons bien disposées pour la convertir complètement;

mais de parler de l’Évangile à des hommes ouvertement incrédules, ou à des pécheurs scandaleux, voilà la pensée qui ne nous vient pas!

Si l’on ne nous la suggérait, nous la repousserions, persuadés que parler de choses si saintes à des hommes si pervers, c’est perdre son temps; ou, si nous nous décidons à leur en dire un mot, c’est un mot sans foi, sans prière de notre part; un mot prononcé par acquit de conscience et qui nous laisse convaincus, après comme avant de l’avoir prononcé, que de tels cœurs sont trop durs pour que la Parole divine puisse y germer.

Tout cela ne va à rien moins qu’à déclarer la grâce de Dieu impuissante dans certains cas et à prouver que, si c’est d’elle que nous attendons en grande partie le succès, c’est bien aussi quelque peu de nous-mêmes; or, jugeant la tâche trop rude pour nos propres forces, nous sommes bien aises de la déclarer impossible, afin de nous en affranchir.

Oh! si nous avions, en la puissance de Dieu, de la foi, gros comme un grain de sénevé, ne dirions-nous pas à cette montagne; «Jette-toi dans la mer;» et à ces cœurs endurcis: Soyez brisés par la grâce du Seigneur?

Ne prierions-nous pas, n’espèrerions-nous pas, même contre toute espérance?

Eh! qui nous dit que cet homme aujourd’hui railleur de la parole chrétienne, sortie de notre bouche, n’en gardera pas involontairement l’aiguillon dans son cœur et n’en sera pas touché à l’heure de sa mort?

Cette seule possibilité ne mérite-t-elle pas d’être comptée?

Et serait-ce un grand sacrifice que dix mille paroles perdues si la dernière avait pour fruit une seule âme sauvée?

Toutefois, il faut le reconnaître, tous ne sont pas capables de cette infidélité: il en est même parmi nous qui s'attachent avec force aux grands pécheurs et leur «déclarent tout le conseil de Dieu»,

Mais, hélas! ceux-ci tombent dans un autre écueil.

Comme leurs adversaires sont profondément ancrés dans le mal et dans l’incrédulité, ils résistent d'abord avec vigueur; ils outragent ceux qui leur parlent de leur âme et tournent en ridicule la Parole de Dieu.

Si l’on revient à eux une seconde, une troisième fois, ils se croient en droit d’être plus agressifs, plus insultants, et finalement ils lassent la patience, épuisent la charité des chrétiens dont nous parlons.

C’est alors que ceux-ci vont se heurter contre le redoutable écueil de l’irritation. Forts de cette pensée qu’ils défendent la vérité, ils prennent bien vite un ton d’autorité, citent sans mesure et appliquent sans tact des paroles de condamnation.

Ils croient avoir tout légitimé, quand ils ont dit que c’étaient là des déclarations prises dans les Saintes-Écritures, oubliant que, si la Parole est de Dieu, l’application en est d’eux même.

Enfin, ils usurpent la place du Maître, prononcent, jugent, anathématisent. Comme les fils de Zébédée, ils appelleraient volontiers le feu du Ciel sur ceux qui leur résistent, ne fût-ce que pour leur prouver, en les écrasant, qu’ils avaient bien raison!

Le résultat de tels efforts est facile à prévoir: le chrétien se retire le cœur plein d’amertume, et l’incrédule, plus que jamais, enfoncé dans son incrédulité.

Oh! comme une telle conduite fait bien ressortir notre faiblesse, et comme aussi elle fait bien apprécier tout ce qu’il y a de patience, d’amour, de foi dans la conduite de Jésus, disant à ses ennemis: «Venez à moi pour avoir la vie; ce que je dis, c’est afin que vous soyez sauvés!»

Non, Jésus, nous n’avons pas encore regardé d’assez près le modèle que tu nous as laissé; nous n’en sommes pas encore assez vivement illuminés.

Donne-nous donc de l’examiner attentivement et surtout de nous y tenir collés comme le lierre au chêne, afin que nous, créatures faibles et tendant à la terre, nous puissions, avec toi, nous élever vers les Cieux.


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CXXXIVe MÉDITATION.

Lisez Jean VI, 1 à 21.

C'est moi, n’ayez pas peur

La peur! que révèle la peur?

Non pas celle que prend un homme en face d’un précipice ou d’un malfaiteur; mais cette peur qui vous saisit dans les ténèbres, au passage d’une ombre, ou à la pensée de la mort?

Cette peur est réelle, elle tombe sur les plus intrépides; elle exprime donc un sentiment vrai de notre nature; et je demande ce que signifie cette peur instinctive?

Elle signifie que cet homme, mis tout à coup en présence d’une image qui lui rappelle un pouvoir surhumain, se sent pécheur et prévoit sa condamnation.

Voilà ce que le sentiment intime nous enseigne lui-même, et voilà ce que la Parole de Dieu va nous confirmer.

Lorsque le Seigneur accorde, à un des personnages de l’Ancien ou du Nouveau Testament, une apparition surnaturelle, nous voyons ces personnages donner quelques signes de crainte, ou bien les envoyés célestes prendre soin de les rassurer. «J’ai entendu ta voix, dit Adam à Dieu qui l’appelle, et j’ai eu peur parce que j’étais nu

Mais non, ADAM AVAIT PEUR PARCE QU’IL AVAIT PÉCHÉ.

L'Éternel parlant à Abraham dans une vision, lui dit avant tout: «Ne crains point;» et pourquoi le rassurer si ce n’est parce que sans cet encouragement Abraham eût tremblé?

À la descente de Jéhova dans le buisson ardent, Moïse cache son visage dans ses mains. À son arrivée auprès de Marie, Gabriel la rassure et lui dit: «Ne crains point

Quand l’ange du Seigneur se montre dans les champs au milieu de la nuit où naquit Jésus, «les bergers ont une grande frayeur.»

Quand le Sauveur fait un premier miracle en présence de Simon Pierre, cet Apôtre se jette à ses genoux et s’écrie: «Retire-toi de moi, je suis un grand pécheur!»

Toujours et partout l’approche de Dieu ou de ses envoyés excite un mouvement de terreur; mais pourquoi?

A le bien prendre, l’homme ne devrait-il pas plutôt se réjouir en acquérant une preuve visible, palpable de l’existence d’un Dieu, et en se voyant honoré d’une communication avec la divinité?

Pourquoi donc craindre plutôt que de se réjouir?

La Bible comme la conscience répond:

C’est que l’homme a péché, et qu’il ne peut se trouver en présence de son juge, sans se dire que peut-être il va entendre sa sentence ou subir sa condamnation.

À force de sophismes, nous sommes parvenus à si bien endormir notre conscience sur l’oreiller du péché, que, si l’on nous interrogeait à nos heures de sécurité, nous répondrions avec assurance que notre vie est, sinon irréprochable, du moins exempte de ces fautes criantes qui font rougir ou trembler.

Mais ce n'est pas à cette réponse calculée dans le calme, et préparée par la passion, qu’il faut s’en rapporter quand, surprise par un événement inattendu, notre conscience est arrachée à son sommeil, à cette vie FACTICE et MENSONGÈRE créée par l’habitude du péché, et qu’elle pousse un cri d’épouvante:

c’est qu’elle se réveille,

c’est qu’elle redevient elle-même;

et c’est alors que nous pouvons la croire; elle nous fait entendre par surprise la vérité; et si nous sommes effrayés, c’est que nous avons sujet de l’être!

Il n’y a que le malfaiteur qui tremble, en passant, à la vue d’un code, d’un juge ou d’un échafaud!

Maintenant transportons-nous au milieu de la scène qui nous a suggéré ces tristes réflexions.

Sur les bords du lac de Génésareth, les Apôtres s’embarquent à la nuit tombante et sous le souffle d’un vent impétueux. Ils ont déjà fait environ trente stades, quand ils voient s’avancer au milieu des ténèbres, et glissant sur la surface des eaux, un corps qu’à travers les ombres de la nuit ils jugent d’une taille démesurée et que sa marche silencieuse leur fait prendre pour un fantôme.

Les Apôtres cessent de ramer; le corps étranger s’approche, il touche à la barque, il va y poser le pied, et les disciples poussent un cri de terreur!

Voilà l’homme; toujours pécheur, il est toujours tremblant. Mais écoutez la réponse du Dieu vengeur, manifesté en Jésus-Christ: «C’est moi, n’ayez pas peur!»

Oh! quelle douce parole: «c’est moi, n’ayez pas peur

Plus de Dieu terrible de Sinaï, armé de foudres et de menaces pour le transgresseur de sa loi; mais son Fils nous apportant le pardon de ces innombrables transgressions et venant nous donner sa vie pour nous arracher à la mort: c’est Jésus;

«C’EST MOI, N’AYEZ PAS PEUR

Plus de tâche pénible imposée par le devoir; plus de mesure stricte de tant d’œuvres à faire; mais la sanctification dans la liberté chrétienne, inspirée par l'amour, accomplie en nous, par l’Esprit de celui qui nous dit: «C’est moi, n’ayez pas peur

Plus d'incertitude sur notre éternité;

plus de crainte d’une mort angoissante et d’un jugement incertain;

plus de peut-être pour notre salut;

mais l’assurance, parce que LA VIE ÉTERNELLE N’EST PLUS LA RÉCOMPENSE DE NOTRE VIE TERRESTRE; MAIS LE FRUIT DE LA PURE GRÂCE DE JÉSUS:

«C’EST MOI,» N’AYEZ PAS PEUR!»

Non, Seigneur, nous n’aurons plus peur, nous savons que celui qui s’avance vers nous, c’est toi, Fils de Dieu;

Toi, mort pour nous;

Toi qui pardonnes,

Toi qui fais grâce,

Toi qui donnes le Ciel,

Toi qui dans ce moment intercèdes pour nous,

Toi qui nous aimes et que nous voudrions mieux aimer!

Non, Seigneur Jésus, nous n’aurons plus de crainte; et, maintenant libres de toutes préoccupations pour notre éternité, nous pouvons te consacrer notre vie avec joie et liberté;

c’est toi qui nous l’as dit, nous te croyons,

et nous n’avons plus peur!


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CXXXVe MÉDITATION.

Lisez Jean VI, 21 à 71.

Dieu attire-t-il l'homme? ou l'homme va-t-il vers Dieu?

On s’est bien souvent demandé si l’homme va de son propre mouvement vers Dieu, ou si c’est Dieu qui fait le premier pas vers lui.

On a cité des paroles bibliques en faveur de chacune de ces deux opinions. Ainsi, dans le chapitre précédent, il est dit: «Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie;» et de là on a conclu que la volonté de l’homme était le premier mobile de son salut.

Mais qu’on accorde à ce passage plus d’attention, et l’on verra qu’au contraire la volonté de l’homme y est présentée comme le mobile, non de son salut, mais de sa perte: «Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie.»

On cite encore dans le même sens la fin d’un verset dans le chapitre d’aujourd’hui: «Je ne mettrai point dehors celui qui viendra vers moi;» donc, a-t-on dit, l’homme va le premier vers Jésus, et Jésus ensuite le reçoit.

Mais ce passage, pas plus que le précédent, ne prouve que le premier mouvement vienne de nous; il prouve au contraire qu’il vient de Dieu, et, pour s’en convaincre, il suffit de lire le verset dans son entier:

«Tout ce que mon Père me donne viendra à moi; et je ne mettrai point dehors celui qui viendra vers moi.»

On le voit: les chrétiens sont d’abord donnés par Dieu; alors ils viennent, et Jésus les reçoit. C’EST TOUJOURS LE SEIGNEUR QUI FAIT LE PREMIER PAS.

S’il fallait d’autres paroles pour éclaircir et fortifier celles-ci, nous citerions deux passages pris encore dans la lecture de ce jour.

Voici le premier: «Nul ne peut venir à moi SI LE PÈRE qui m’a envoyé ne l’attire

Voici le second: «C’est pour cela que je vous ai dit que nul ne peut venir à moi s’il ne lui est DONNÉ DE MON PÈRE.»

De même, il est dit ailleurs: «Cela ne vient point de celui qui veut ou de celui qui court, mais DE DIEU QUI FAIT MISÉRICORDE

Et encore: «C’EST DIEU QUI PRODUIT EN VOUS avec efficace le vouloir et l’exécution selon son» bon plaisir.»

Ainsi l’action et son principe, la volonté, tout chez l’homme est donné par Dieu quand il s'agit d’aller vers le bien et de le faire.

En rapprochant cette conclusion de celle que nous avons tirée en commençant, nous aurons une vérité plus générale et plus complète; ces mots: «Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie,» prouvent que L’HOMME PERDU EST LUI-MÊME LA CAUSE DE SA PERTE; il n’a pas voulu venir.

D’un autre côté, ces paroles: «Nul ne vient à moi s’il ne lui est donné de mon Père,» démontrent que l’homme sauvé n’est pour rien dans son salut, pas même pour un premier désir.

Tout en deux mots:

le réprouvé se perd lui-même,

l’élu est sauvé par Dieu.

Nous savons qu'à l’ouïe de cette doctrine quelques-uns diront: Mais si l'homme ne peut faire le premier pas, il n’a plus qu’à attendre que Dieu l’attire.

Nous répondrons: La Bible ne nous est pas donnée pour discuter sur les autres, mais pour nous guider nous-mêmes; et à ceux qui tiendraient ce langage, il faudrait dire:

De deux choses l’une:

Ou vous êtes disposés à venir à Christ,

ou vous ne l’êtes pas!

Si vous ne l’êtes pas, peu vous importent les doctrines de son Évangile; laissez-les, vous n’en avez que faire.

Mais si vous vous sentez portés à croire en Jésus, quel danger voyez-vous à penser que vous y êtes portés par la volonté de Dieu?

Ne comprenez-vous pas que c’est là le plus puissant motif d’encouragement?

Ne voyez-vous pas que c’est une heureuse découverte que vous faites aujourd’hui que d’apprendre que LES DÉSIRS QUE VOUS AVEZ EUS VIENNENT DU CIEL, qu’ils sont saints, puisqu’ils sont inspirés par le Saint-Esprit, qu’ils seront soutenus, ravivés et désormais ineffaçables, puisque c’est le Dieu immuable qui les a formés en vous?

Ne sentez-vous pas que cette vérité doit faire toute votre joie, toute votre sécurité, puisque ce n’est plus vous, êtres inconstants et faibles, mais Dieu, qui est l’auteur de votre salut?

Un voyageur, portant son jeune fils entre ses bras, traverse seul, à pied et sans armes, un désert peuplé de bêtes sauvages. Depuis plusieurs jours il avance sans avoir été attaqué; il s’en réjouit en songeant au chemin déjà fait; mais il tremble encore pour l’avenir.

Tout à coup un éclair céleste lui montre ce que la lumière naturelle du soleil ne lui avait pas permis de voir autour de lui: toute une armée d’anges veillant sur son enfant, et chassant les bêtes féroces.

Pensez-vous que, après cette vision subitement aperçue et subitement retirée, ce père puisse encore être triste?

Et cependant, croyez-vous qu’il cesse pour cela de veiller sur son enfant?

Non! cette vision ne fait que doubler ses forces et son courage; car il sait maintenant que Dieu veille sur lui; et dès lors il marche avec joie et liberté d’esprit.

Tel est le chrétien portant la foi, fille du Ciel, dans son sein. Il sait que ce dépôt vient de Dieu, et que Dieu est fidèle pour le garder.

Si cet homme avait, par la force de sa volonté, ravi son salut à son Dieu, il pourrait craindre que cette volonté humaine ne vînt à changer, ou que son Dieu, mécontent, ne lui retirât son trésor; mais non:

C’est Dieu qui a voulu le premier,

qui a agi le premier,

et qui a promis d’agir jusqu’à la fin!

Comment dès lors l’élu pourrait-il craindre?

Oui, chrétiens, Dieu veut, que dis-je? Dieu a voulu de toute éternité notre salut.

Écoutez maintenant la conclusion que Saint Paul tire de cette liberté d’esprit.

«Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement, car c'est Dieu qui produit en vous le vouloir et l’exécution.»

C’est-à-dire: travaillez à vous sanctifier; ne méprisez pas les forces que Dieu vous a données; s’il s’agissait d’une œuvre qui fût vôtre, peut-être pourriez-vous n'y pas attacher autant d’importance; mais songez que Dieu est là, que c’est lui qui vous sollicite, que c’est son œuvre que vous faites; il est ouvrier avec vous.

Le Roi des Cieux et de la terre est descendu dans votre chétive demeure pour mettre avec vous la main à l’ouvrage; oseriez-vous rester inactifs en travaillant à ses côtés, soutenus par son regard, animés de son Esprit?

N’agirez-vous pas, au contraire, avec un saint empressement, et une crainte filiale de lui déplaire?

Courage donc! Dieu est là, son Esprit est votre hôte, Jésus est votre compagnon d’œuvre: travaillez, travaillez à vous sanctifier; vous êtes sous les yeux du Seigneur!


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CXXXVIe MÉDITATION.

Lisez Jean VII, 1 à 24.

La droiture de cœur ouvrant l’intelligence à l’Évangile

«Si quelqu’un veut faire la volonté de Celui qui m’a envoyé, il reconnaîtra, dit Jésus, si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de mon chef.»

En d’autres termes:

L’homme qui a le désir sincère de faire le bien trouvera dans l’étude des Écritures des preuves suffisantes de leur divinité.

La DROITURE, voilà donc la condition requise, mais seule requise pour sentir la divinité de l’Évangile; en sorte que l'homme ignorant, mais sincère, peut découvrir dans la Bible ces traces de beauté morale et de vérité divine que l’homme savant, mais tortueux, ne saurait y trouver. Cette voie était la plus large et en même temps la plus sage qu’il fût possible d’ouvrir vers le salut.

En effet, supposez un moment que Dieu n’eût exigé de l’homme, pour arriver à la conviction que l’Évangile est la vérité, aucune disposition, ni intellectuelle ni morale, et que cette doctrine portât dans son sein un tel éclat de divinité, que tous les yeux, même les yeux obstinément fermés, en eussent été frappés; que devenait dès lors l’homme devant ces preuves mathématiques?

Un être qui, ne pouvant refuser son assentiment ni reculer devant l'obligation impérieuse d’une conduite matériellement pure, n’aurait plus été qu’une machine agissant sous l’impulsion d’une irrésistible nécessité; un être qui n’était plus ni libre, puisqu’il ne pouvait choisir le mal sans folie; ni moral, puisqu’il n’accomplissait sa tâche qu’au prix d’un salaire; ni affectueux, puisqu’il ne s’approchait du Seigneur que pour éviter les gouffres infernaux béants sous ses yeux.

Mais puisqu’il fallait exiger de l’homme une certaine disposition pour arriver à l’Évangile, supposez maintenant que ce soit une disposition intellectuelle que Dieu ait choisie, et un désordre non moins grand va s’ensuivre.

Si pour découvrir la divinité de l’Évangile, il faut un certain degré de science acquise ou de génie naturel, vous excluez du salut l’immense majorité du genre humain; les hommes doivent abandonner cette charrue qui nous nourrit, cette navette qui nous revêt, cette truelle qui nous abrite, pour venir sur les bancs d’une école développer une intelligence qui seule peut les conduire au salut.

Dès lors vous repoussez du Ciel tous ceux qui sur cette terre n’auront eu ni le temps, ni la fortune, ni la force de tête pour suivre vos profondes études:

l’enfant qui meurt passe infailliblement à la condamnation;

l’indigent qui manque de livres,

le malade qui manque de force,

le vieillard qui manque de jours,

Tous, pour partir trop tôt ou pour venir trop tard, sont impuissants pour comprendre la Bible, et tous éternellement condamnés!

L'absurdité de ces conséquences démontre suffisamment la fausseté du principe dont nous sommes partis.

Enfin essayez d’une dernière supposition; Dieu, pour faire sentir à l’homme la divinité de son Évangile, exige d’abord de lui qu’il purifie son cœur de tout mal, et il lui promet qu’alors cet œil moral, nettoyé comme un verre transparent, lui laissera voir les beautés de l’Évangile que le nuage de ses passions lui dérobe aujourd’hui.

Sans doute ce moyen d’apprécier les divines beautés du christianisme eût été efficace; mais il était impraticable; car évidemment la connaissance de la vérité doit précéder la pratique de cette vérité; comment donc Dieu pourrait-il nous demander de pratiquer d’abord la vie pour arriver à la connaissance?

Ce serait nous ordonner de planter l’arbre par ses branches pour lui faire produire des racines, ou de voler vers le Ciel pour y chercher des ailes, ce serait nous demander l’impossible.

Mais entrez maintenant, non dans le plan que vous auriez pu suggérer à Dieu, mais DANS LE PLAN QUE DIEU A SUIVI.

Il n’illumine pas l’homme de manière à en faire une machine;

il ne lui demande pas non plus le génie, apanage du petit nombre:

il n’en exige pas d’avance la vertu, impossible à sa nature encore dégénérée;

mais il requiert de tous ce que tous peuvent donner, enfant et vieillard, homme simple et homme de génie, honnête homme et pécheur scandaleux;

IL REQUIERT SIMPLEMENT LA DROITURE, LA SINCÉRITÉ.

Il dit: «Si quelqu’un VEUT faire (non pas si quelqu’un FAIT), mais si quelqu’un VEUT (désire) faire la volonté de mon Père, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de mon chef.»

Maintenant qui pourrait se plaindre?

Qui ne peut au moins être droit et sincère?

Qui ne peut vouloir, désirer le bien?

Qui dira: Cette condition est trop dure? ou elle n’est pas suffisante?

Nous ne savons ce que d’autres sentent en face de cette déclaration de Jésus; mais elle est à nos yeux à la fois si sage et si miséricordieuse, que son étude aussi nous prouve sa divinité.

Courage donc, vous qui désirez entrer dans la connaissance des voies du salut. Votre Dieu ne vous demande ni de monter au Ciel, ni de descendre dans les entrailles de la terre;

il vous demande seulement d’être droits et sincères,

et il vous révélera sa vérité.

Ouvrer sa Parole avec le désir de la comprendre, et Lui, par son Esprit, vous en fera sentir les beautés morales, les preuves frappantes; Il l’illuminera pour vous de tout l’éclat de sa divinité.


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CXXXVIIe MÉDITATION.

Lisez Jean VII, 25 à 53.

Pourquoi on nie, doute, ou croit

Le peuple et les grands de Jérusalem sont divisés d’opinion sur Jésus: les uns croient en lui, les autres n’y croient pas, et tous donnent leurs motifs.

Étudions les paroles de tous; nous sentirons la sagesse des premiers et la folie des seconds.

Quelques incrédules du peuple disent: «Nous savons bien d’où est Celui-ci; mais quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il est.»

Les Sénateurs, non moins opposés à Jésus, tiennent un langage analogue: «Aucun Prophète n’a été suscité de Galilée.»

Ainsi, peuple et Sénateurs, tous pour nier sa mission tiennent compte du lieu d’où Jésus est sorti.

Mais si quelques-uns de la populace et du sénat repoussent le Sauveur, il en est d’autres qui, parmi les Sénateurs et le peuple, croient en Lui; et pourquoi?

Est-ce parce qu’ils le trouvent à Jérusalem, la Ville sainte, la capitale du royaume?

Non; mais écoutez ce que dit l’Évangéliste:

«Plusieurs d’entre les troupes crurent en Lui, et ils disaient: Quand le Christ sera venu, fera-t-il plus de miracles que celui-ci?»

Écoutez ensuite Nicodème le Sénateur:

«Notre loi juge-t-elle un homme avant d’avoir connu ce qu’il a fait?»

Ainsi, ceux de la foule comme ceux du sénat, qui croient en Jésus-Christ, s’accordent à s’informer de sa conduite et de ses œuvres.

Donc, en résumant ce qui précède, les incrédules demandent d’où vient Jésus; les croyants demandent ce qu’il fait, et nous disons que la première question est aussi folle que la seconde est sage.

En effet, un homme ne choisit pas le lieu de sa naissance, mais il décide de ses actions; il est donc absurde de lui demander compte de sa patrie, et prudent de s’informer de sa conduite.

Ensuite, si Dieu peut laisser naître partout le bon et le méchant, il ne peut pas donner à l’un et à l’autre le pouvoir de faire des miracles, et c’est en jugeant sur ses prodiges que la foule juive et Nicodème le Sénateur se sont décidés à croire en Jésus.

Eh bien! voilà aussi les motifs qui ont déterminé la foi des croyants de nos jours.

Frappés de l’admirable caractère de Jésus-Christ, caractère qu’un croyant imposteur ne pouvait pas plus tracer qu’un héros humain ne pouvait le revêtir, ils se sont dit:

Cet Être si pur, si calme, si saint, toujours le même, comme le Dieu immuable,

cet Être ne saurait mentir quand il se dit le Fils de Dieu;

cet Être qui, pendant sa courte vie, laisse tomber sur la terre une parole accomplissant, après sa mort, l’œuvre qu'il avait méditée et voulue;

cet Être qui donne depuis deux mille ans, à chaque génération, des témoignages de sa puissance, en attirant à lui l’adoration des peuples et en civilisant les nations;

cet Être ne peut opérer ces permanents prodiges sur la terre, s’il ne commande lui-même dans les Cieux.

Voilà pourquoi les chrétiens donnent leur foi à Jésus-Christ: c’est qu’ils ont regardé à sa vie et à ses œuvres, et non à sa naissance dans une étable, ou à sa mort entre deux brigands.

Certes, ces raisons valent bien celles des incrédules, qui repoussent le Dieu de l’Évangile, parce qu’il se montre sur tel coin du globe et revêtu de la forme humaine.

Mais entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, notre récit nous montre des hommes qui doutent; ce sont ces huissiers qui, après avoir écouté les discours de Jésus, s’écrient: «Jamais homme ne parla comme cet homme;» c’est-à-dire que ceux-ci, sans s’arrêter à la patrie de Jésus, ni s’élever à ses œuvres, vont à mi-chemin, et s’informent de ses paroles.

Telle est aussi la position équivoque où se trouvent bien des hommes de nos jours.

Ils passent leur vie dans une atmosphère chrétienne, mais sans la respirer.

Parasites du Royaume des Cieux,

ils se trouvent partout où se réunissent des enfants de Dieu, pour goûter au festin sans toucher aux affaires;

ils écoutent le prédicateur, mais non pas ce qu’il dit;

ils raisonnent des églises et oublient la religion;

ils discourent sur les moyens de convertir et ne se convertissent pas,

ils lisent des livres évangéliques, fréquentent une société évangélique, et pour cela se croient évangéliques.

Enfin, nouveaux huissiers pharisaïques, après avoir de bonne foi admiré l’Évangile et dit: «Jamais livre ne parla comme ce livre,» ils retournent vers leurs maîtres: le monde et le péché.

Ah! c’est à ces hommes partagés que nous voudrions surtout faire sentir leur folie. Leur position est pire que celle de l’incrédule; l’incrédule ne croit pas, mais du moins il le sait, et un jour il peut, fatigué de ses angoisses, s’élancer vers la foi. Mais celui qui se borne à étudier le christianisme comme on étudie une œuvre littéraire, celui qui, en feuilletant l’Évangile, pense le pratiquer, celui-là est dans la position la plus dangereuse, parce qu’il ne songe pas à en sortir.

Prenons-y donc garde, le Sauveur ne distingue pas trois classes devant le tribunal au jugement dernier:

les croyants sont à droite,

les incrédules à gauche;

et si nous voulons savoir où vont les incertains, rappelons-nous que ces mêmes huissiers des Pharisiens se retrouvèrent quelques jours plus tard, les uns pour arrêter Jésus au jardin des Oliviers, les autres pour le souffleter devant le Grand-Prêtre, et que tous se montrèrent dignes et complaisants valets des bourreaux de Golgotha!


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CXXXVIIIe MÉDITATION.

Lisez Jean VIII, 1 à 20.

La femme adultère conduite devant Jésus

On ne saurait se lasser d’admirer la sagesse de Jésus pour échapper aux pièges de ses ennemis. En voici un exemple frappant.

Les Pharisiens, toujours rongés d’envie et du désir d’accuser Jésus, amènent devant Lui une femme surprise en adultère, et lui demandent s’il faut oui ou non la lapider, conformément à la loi de Moïse.

Si Jésus absout cette femme, ces hommes venus pour tenter Jésus, nous dit l’Évangéliste, l'accuseront devant l’autorité ecclésiastique d’avoir violé la loi de Moïse;

si au contraire Jésus la condamne, ils l’accuseront devant l’autorité civile d’avoir usurpé les fonctions de juge en prononçant cet arrêt de mort.

Comment le Sauveur échappera-t-il à ce double piège?

Après avoir entendu la question des Pharisiens, Il s’incline vers la terre, et de son doigt trace, sur le sable des caractères d’écriture.

Les Pharisiens le croient sans doute embarrassé pour répondre, et ils redoublent d’instance; alors Jésus se relève et leur dit: «Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle;» et, s’inclinant de nouveau, Il continue à écrire sans donner plus d'attention à ce qui se passe autour de lui.

Il me semble voir à ce moment le trouble et la honte se peindre sur tous les visages; les souvenirs de ses fautes monter au coeur de chacun, et sa conscience lui reprocher le piège que dans l’instant même il tend à l’innocent. Aussi tous, à commencer par les plus vieux, se retirent-ils en silence.

Admirez maintenant les résultats obtenus ainsi par Jésus:

Il n’a pas violé la loi de Moïse, puisqu’il en ordonne l’exécution; il ne pourra donc pas être accusé devant les Prêtres.

Il n’a pas non plus usurpé les fonctions de juge, puisqu’il se décharge sur les accusateurs du prononcé du jugement; il ne pourra donc pas non plus être accusé devant les magistrats.

Ce n’est pas tout: non seulement Jésus évite le piège, mais il y fait tomber ceux qui le lui tendent;

Il les place dans la position où ils voulaient le mettre,

Il les fait juges; mieux que cela:

Il les fait exécuteurs de l’œuvre même qu’ils auraient voulu tourner en accusation contre Lui!

Mais (adorable sagesse où la justice et la charité se tiennent embrassées!) Jésus dans tout cela se défend et attaque ses adversaires de manière à leur être utile; Il les oblige par sa réponse à rentrer en eux-mêmes, à sentir leur état de péché pour les conduire à la repentance et au salut; ainsi, d'une main II écarte l'arme de ses ennemis, et, de l’autre, Il leur tend l’Évangile!

Mais pourquoi Jésus s’incline-t-il à deux reprises et trace-t-il des caractères sur le sable?

Cette circonstance, si mince en apparence, nous paraît avoir une haute portée parce qu’elle décèle une profonde sagesse.

Fils de Dieu, Jésus devait non seulement deviner l’intention coupable des Pharisiens, mais encore prévoir l’effet que produirait sur eux sa réponse; avant de leur avoir dit: «Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle,» Il savait que ces hommes, tous pécheurs, seraient tous repris dans leur conscience, et que tous, pour échapper à la honte d’un aveu, se retireraient volontiers.

Pour faciliter cette retraite des Pharisiens, Jésus, la tête courbée et la main occupée, ne paraît s’apercevoir ni de la présence, ni de la fuite de ceux qui en sortant s’avouent pécheurs.

Il veut les chasser par la honte: s’il les regarde, par la honte, Il les retient; Il se détourne donc, écrit sur le sol et laisse partir à leur aise ceux qui pensent n’être pas vus; et ce moyen lui réussit si bien, que tous, jusqu’au dernier, sortent silencieux et condamnés.

Un détail du récit semble d’abord contredire cette explication: le Sauveur n’attend pas pour écrire d’avoir fait aux Pharisiens la réponse qui doit les chasser; mais il trace des caractères, même avant d’avoir ouvert la bouche.

C’est vrai; mais cette circonstance ne montre que mieux la sagesse du Sauveur, en prouvant qu’il avait prévu jusqu’aux plus petits détails de ce qui devait se passer.

Jésus écrit avant de répondre afin que les Pharisiens trouvent tout naturel qu’il se remette à écrire après avoir répondu, et qu’ils ne puissent pas ainsi soupçonner son intention secrète de faciliter leur honteuse retraite.

Mais si Jésus avait tout prévu, et que tout ait parfaitement répondu à ses prévisions, Jésus avait donc une sagesse surhumaine?

Si quelqu’un pouvait contester cette conclusion, nous lui demanderions d’indiquer un moyen qui eût également réussi?

Sans doute, à nous qui le connaissons déjà, l’expédient du Sauveur paraît tout simple; mais si l’on avait pu nous proposer la difficulté et nous en demander la solution avant de nous faire connaître celle de Jésus, certes nous eussions été bien embarrassés pour répondre; et en apprenant ensuite la conduite du Sauveur, peut-être l’eussions-nous jugée encore toute simple; mais en y reconnaissant cette fois la main du Fils unique de Dieu.


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CXXXIXe MÉDITATION.

Lisez Jean VIII, 21 à 59.

La vraie liberté

Il n’est pas de privilège dont l’homme soit plus jaloux que celui de sa liberté.

Liberté! ce cri seul est une force; jeté à travers le monde, il soulève les peuples, fait des héros ou des martyrs. Et cependant ce même homme, si fier de sa liberté matérielle, reste sans se plaindre sous la plus dure des tyrannies, celle de Satan!

Sans doute, confondant son corps et son âme, lui-même et sa passion, il est loin de soupçonner cette tyrannie; mais qu’il s’étudie et il verra qu’à la lettre il est esclave; dans toute la force du terme, esclave.

Qu’est-ce qu’un esclave?

Celui qui fait la volonté d’un être qui peut être près de lui, mais enfin qui n’est pas lui.

Or, n’est-il pas vrai que lorsque, nous voulons résister au mal, nous sentons comme une force étrangère qui nous attire et à laquelle finalement nous cédons?

Comment expliquer ces deux volontés qui nous poussent dans deux sens contraires, si ce n’est en reconnaissant que l’une d’elles est celle d’un être malfaisant qui lutte contre nous-mêmes?

Qu’est-ce qu’un esclave?

Celui qui remplit des ordres, même contraires à ses désirs, à ses intérêts, à sa santé, et qui va jusqu’à sacrifier, bon gré mal gré, son existence au service de son maître.

Or, n’est-ce pas là notre position vis-à-vis du Tentateur?

Alors même que notre propre volonté se prononce pour le bien, alors que notre raison nous a dit que telle habitude vicieuse ruine notre santé, que telle faute perd notre âme, alors que nous avons pris la veille la résolution bien ferme de résister, ne courbons-nous pas la tête le lendemain?

Et tout en criant à la tyrannie, ne tendons-nous pas les pieds et les mains aux douces chaînes du péché?

Qu’est-ce encore qu’un esclave?

Celui qui, par la force de l'habitude, se soumet tous les jours plus docilement à la volonté de son tyran.

Or, n’est-il pas encore vrai qu’à notre seconde, notre troisième chute dans un même piège nous avons moins souffert qu’à la première, et qu’avec le temps notre conscience devenue calleuse a marché dans l’ornière de ce péché sans scrupule et sans souffrance?

Qu’est-ce encore qu’un esclave?

Celui chez qui l’obéissance passive et l’abandon de toute volonté propre ont dégradé l’âme et abruti l’esprit.

Cet esclave, c’est encore le pécheur qui ne goûte plus ni les nobles idées, ni les grandes actions; qui finit par perdre jusqu’à l’amour du bien, et qui reste maintenant volontiers accroupi dans la case fétide de ses passions.

Enfin, qu’est-ce qu’un esclave?

Celui qui, vieux et cassé, n’est pas même rendu à la liberté; mais qui passe de maître en maître jusqu'à ce qu’il meure sous le bâton du dernier.

Juste et terrible image de l’esclave du péché qui passe:

De l’incrédulité au libertinage,

Du libertinage à l’ambition,

De l’ambition à l’avarice, où viendra le surprendre la mort!

Voilà l’esclave et voilà le pécheur.

Maintenant conçoit-on la folie d'êtres, comme nous, qui se croient libres dans un tel esclavage; qui s’abusent jusqu’à croire faire leur volonté en faisant la volonté de Satan?

Ah! reconnaissons-le donc enfin, nous sommes si loin d’être libres que le tyran est dans notre propre maison, dans notre cœur. Ce n’est pas nous, c’est lui qui commande, et si nous pouvons échapper un moment à l’illusion dont il nous fascine, rappelons-nous que nous n’avons jamais été plus heureux que lorsque nous avons su lui résister; tandis que nous n’avons connu le remords qu’en lui obéissant.

Aujourd’hui, nous rougissons d’avoir jadis cédé sur des points qui maintenant nous paraissent faciles à défendre.

Eh bien! disons-nous que demain nous aurons honte d’avoir abandonné ceux que Satan nous dispute aujourd’hui, jusqu’à ce qu’enfin, dépouillés de notre chair et de ses convoitises, nous gémissions, mais trop tard, d’avoir fait la plus légère concession.

Alors nous verrons clairement que le péché, ce n’est pas nous; que nos passions, ce n’est pas nous; mais que la passion et le péché ne sont que Satan, notre irréconciliable tyran!


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CLXe MÉDITATION.

Lisez Jean IX, 1 à 23.

L’aveugle-né

Parmi les nombreux personnages qui s'occupent ici du miracle accompli par Jésus sur l’aveugle-né, nous n’en voyons qu’un seul arriver à la foi, c’est l’aveugle lui-même; tandis que tous les autres se contentent de voir le prodige et de juger son auteur.

Nous allons nous en convaincre.

De la foule qui voit revenir l’aveugle du réservoir de Siloé, les yeux ouverts et sans guide, les uns disent: «C’est lui;» d’autres: «Il lui ressemble.»

Pour mieux les convaincre, le mendiant dit: «C’est moi-même

Voilà donc le peuple assuré du miracle, et cependant ce peuple s’empare de cet homme, et le conduit aux Pharisiens, ennemis déclarés de Jésus. Cette foule, persuadée du prodige, reste donc étrangère à la foi en Jésus-Christ.

À leur tour, les Pharisiens voient l'homme né aveugle, les yeux ouverts; ils l’interrogent, apprennent de lui tous les détails de sa guérison. Pour plus de garantie, ils font venir ses parents qui certifient le miracle; alors ils se rendent à l’évidence; toutefois ils rappellent l’aveugle devenu clairvoyant, et lui disent: «Rends gloire à Dieu, nous savons que cet homme est un méchant

Il est donc évident que ces Pharisiens, après avoir bien étudié la guérison miraculeuse, ne croient pas non plus en Jésus-Christ.

Enfin, observez la conduite plus que prudente du père et de la mère du mendiant: personne ne sait mieux qu’eux que leur enfant est né aveugle, et qu’il a recouvert la vue; ils le confessent même devant les Pharisiens; mais remarquez aussi comme ils ont peur de se compromettre, refusent d’expliquer de quelle manière leur fils a été guéri, et surtout de parler de Jésus. Lâches et ingrats envers le bienfaiteur de leur fils, eux non plus ne croient donc pas en Jésus-Christ.

Mais tandis que peuple, Pharisiens et parents, témoins et scrutateurs du miracle, repoussent la foi, l’aveugle guéri seul l’accepte, et dit même avant de connaître qui est Jésus: «C’est un prophète;» et quand il apprend du Sauveur qu’il est le Christ, il s’écrie: «Je crois. Seigneur,» et il l’adore.

Ainsi donc, tous ceux qui ne firent que voir, examiner et juger le prodige opéré sur un autre, restèrent étrangers à la foi; et l’aveugle, qui seul en fut l’objet, seul aussi la reçut tout de suite et complètement dans son cœur.

Cette remarque se vérifie de notre temps et sur nous-mêmes.

Aussi longtemps que nous nous bornons à reconnaître dans l’Évangile un remède bon pour guérir le genre humain en général, sans nous l’appliquer à nous en particulier, il est certain que, quelle que soit du reste l’orthodoxie de nos opinions, nous ne croyons pas encore en Jésus-Christ.

Et combien de tels hommes sont nombreux!

Combien qui désirent la religion pour leur famille, et qui ne pensent pas en avoir besoin pour eux-mêmes!

Combien qui admirent la vie de Jésus, comptent ses disciples, discourent sur la foi chrétienne, sa douceur, sa puissance sur les cœurs, et qui ne la reçoivent pas dans la leur!

Combien qui s’emploient à l’œuvre de Dieu, travaillent du matin au soir à convertir des pécheurs, en sorte qu’il ne leur reste plus le temps d’examiner si eux-mêmes sont bien convertis!

Aussi, voyez une foule de ces chrétiens, après avoir dépensé leur vie à tourner autour des affaires religieuses, maintenant qu’ils cherchent à se rendre compte à eux-mêmes du point où il en sont, avouer que, tout en admettant le pardon des péchés et le don gratuit du Ciel pour les croyants, ils ne peuvent cependant pas s'appliquer ces promesses à eux-mêmes; qu’ils ne se sentent pas en paix, qu’ils tremblent encore en pensant à la mort, et s’étonner qu’on puisse leur parler de l’assurance du salut!

Ah! ce n’est pas pour l’admirer que Dieu nous a donné son Évangile, C’EST POUR LE CROIRE, le croire NOUS-MÊMES; ce n’est pas pour le prêcher aux autres qu’il nous a envoyé son Fils, c’est d’abord pour nous sauver, nous sauver nous-mêmes.

Oublions un moment le monde entier pour nous étudier et nous rendre bien compte du point où nous en sommes. Il n’y a point d’égoïsme à craindre en ceci; car C’EST À NOTRE PROPRE SALUT QU’AVANT TOUT NOUS SOMMES APPELÉS; et, d’ailleurs, ce n’est que lorsque nous aurons affermi notre foi et notre élection que nous pourrons être véritablement utiles à nos frères


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CXLIe MÉDITATION.

Lisez Jean IX, 24 à 41.

La lumière de l’Évangile aveugle et éclaire

Jésus dit aux Pharisiens «qu’il est venu pour exercer ce jugement: que les aveugles deviennent voyants, et que les voyants deviennent aveugles

On comprend tout de suite qu’il s’agit ici de vue et d’aveuglement spirituels.

On comprend facilement encore que Jésus veuille éclairer ceux qui n'y voient pas; mais, il faut en convenir, au premier abord on s’arrête étonné devant la seconde partie de sa déclaration, qu’il est venu pour aveugler ceux qui voient, ou plutôt ceux qui prétendent voir sans son secours.

Cependant il en est bien ainsi d’après ce que vient de dire le Sauveur, et d’après ce qu’ont dit après lui ses Disciples. Siméon avait déjà prédit que Jésus «serait aux uns, une occasion de relèvement, aux autres, une occasion de chute;» et Saint Paul déclarera plus tard que «l’Évangile est une odeur de vie pour les uns, et de mort pour les autres

Ces déclarations sont formelles, et il en résulte que les doctrines chrétiennes éclairent ceux qui les reçoivent et aveuglent ceux qui les repoussent; ou, comme il est dit ailleurs, la Parole divine une fois prononcée devant les hommes, «ne peut retourner à Dieu sans effet; effet de lumière ou d’aveuglement, de vie ou de mort

Qu’on juge de cette vérité par l’expérience!

Aussi longtemps que le véritable Évangile n’est pas prêché dans une église, ou cru dans une maison, tout y reste tranquille; tranquille, il est vrai, dans le bourbier du péché, mais enfin tranquille; car chacun, désirant n’être pas censuré, se garde bien de censurer personne.

Mais que la bonne nouvelle du salut soit apportée à cette église ou dans cette famille, aussitôt les uns l’acceptent et déclarent «qu’ils sont passés des ténèbres à une merveilleuse lumière;» les autres la repoussent et s’irritent contre les premiers.

Si les incrédules restaient calmes, on pourrait dire que l’Évangile n’a été pour eux ni lumière, ni ténèbres; mais non, personne n’y reste indifférent; ceux qui n’en veulent pas, dénaturent ses doctrines, calomnient ses disciples, les poursuivent de leur haine et souvent, hélas! de leurs coups; en sorte qu’il est vrai de dire que l’arrivée de Jésus a été pour eux comme l’apparition subite d’une lumière qui éblouit et aveugle.

Maintenant, lequel de ces deux effets l’Évangile a-t-il produit sur nous en particulier?

Ne nous hâtons pas de répondre; mais examinons.

Puisque la lumière spirituelle est apportée par l’Évangile, et qu’enfin nous ne sommes pas nés cet Évangile dans le cœur, mais que nous l’avons reçu à certaine époque de notre vie, ce ne peut être que depuis lors que nous en avons été spirituellement éclairés.

Or, la lumière que nous avons en nous date-t-elle de notre naissance ou bien d’une époque postérieure?

Les principes et les sentiments religieux que nous avons, ont-ils toujours été les nôtres ou les avons-nous acquis?

Nous sont-ils naturels ou inspirés?

En un mot, s’est-il opéré dans nos vues un renversement, de sorte que ce qui jadis nous semblait droit nous paraisse aujourd'hui renversé, ou bien le voyons-nous du même œil que par le passé?

Remarquons bien, avant de répondre, qu’il ne s’agit pas de savoir si nos lumières naturelles se sont accrues, si notre vue première s’est étendue; mais si nos lumières ont été changées, notre vue renouvelée, nos yeux arrachés et remplacés; c’est un passage des ténèbres à la lumière, et l’accroissement de la première vue ne serait, selon l’Évangile, qu’un épaississement de ténèbres.

C’est ici la même vérité que Jésus nous a enseignée sous le nom de nouvelle naissance. Il s’agit non d’une modification, mais d’un RENOUVELLEMENT RADICAL; dès lors il est heureusement très facile à chacun de juger si ce renouvellement s’est, oui ou non, fait en lui.

L’abîme large et profond qui sépare ainsi les deux états, est surtout un bienfait pour ceux qui sont encore sur la première rive. S’il n’y avait qu’un pas facile à franchir, qu’un faible ruisseau à traverser, ces hommes risqueraient de se persuader qu’ils sont déjà sur l’autre bord, et dès lors de marcher dans une fausse sécurité. Mais non, devant de telles déclarations, ils ne peuvent se méprendre.

Sommes-nous ainsi régénérés, ainsi éclairés d’en haut? Bénissons-en Dieu.

Ne le sommes-nous pas encore? Prions ce même Dieu d’agir sur nos cœurs; ce qu’il a pu pour d’autres, il le pourra pour nous; mais:

PRENONS GARDE DE NIER LA LUMIÈRE.

Parce que nous n’y voyons pas encore; disons-nous plutôt que des écailles sont devant nos yeux, et que le Saint-Esprit peut les faire tomber.

Nous ne sommes probablement pas plus incrédules à Christ que Saul partant de Jérusalem; nous pouvons donc comme lui devenir croyants en arrivant à Damas


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CXLIIe MÉDITATION.

Lisez Jean X, 1 à 21.

Le Bon Berger

«J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie; il faut aussi que je tes amène; elles entendront ma voix, et il n’y aura qu’un seul troupeau et qu’un seul berger

C’est au peuple juif que Jésus adresse ces paroles.

Les brebis qu’il doit avoir hors de cette bergerie sont donc les élus qui doivent se manifester parmi les païens, et dès lors son troupeau se compose des Israélites et des Gentils convertis, semés sur tous les points du globe.

Mais s’agit-il seulement des élus existant déjà quand parlait Jésus?

Non, car son Église, la bergerie, s’est développée plus tard.

S’agit-il uniquement d’un troupeau à naître dans l’époque où tous les habitants de la terre seront convertis?

Non plus; car Jésus dit qu’il a déjà des brebis à l’instant où II parle.

Nous pensons donc qu’il est ici question du grand troupeau dont les brebis ont vécu, vivent ou vivront dans les temps passés, présents et à venir.

Maintenant, s’il s’agit de ce troupeau qui existe dans tous les pays et dans tous les siècles, comment Jésus a-t-il pu dire qu’il devait y avoir un seul troupeau et un seul berger?

Saint Paul nous répond que, lorsque les élus ont revêtu le nouvel homme par la connaissance du Sauveur, il n’y a plus parmi eux «ni Grec ni Juif, ni barbare ni Scythe; mais que Christ est tout en tous

Et ailleurs, faisant allusion précisément à l’état antérieur d’isolement où Israël vivait de toutes les autres nations, l’Apôtre dit que de deux peuples Jésus n’en a fait qu’un en abattant le mur de séparation.

Le monde est la vaste bergerie où sont répandues les brebis de Jésus; çà et là s’élèvent des cloisons et des haies, plantées par l’orgueil national ou des intérêts mondains.

Le Sauveur vient, pousse un cri d’appel qui court sur toute la terre; ses brebis reconnaissent sa voix et y répondent ensemble; à l’ouïe de cette réponse unanime, ces membres dispersés se reconnaissent mutuellement pour appartenir au même Maître; dès lors haies d’orgueil, séparations d’intérêt, cloisons de haines tombent de toutes parts, et les peuples étonnés se trouvent dans une seule bergerie sous la houlette d’un seul Berger.

La bergerie est vaste, cela est vrai; les brebis sont éparses et mêlées à des boucs et à des loups ravissants, c’est encore vrai; à côté d’elles des mercenaires cherchent à les dérober ou à les mettre à mort; mais il n’en reste pas moins vrai aussi que dans cet état elles se connaissent, s’aiment, s’entre-répondent et poussent ensemble le même bêlement vers leur commun Pasteur.

Voilà le seul troupeau et le seul Berger dont parle ici Jésus: il a existé et il existera de tout temps.

De cette vérité découlent des conséquences de la plus haute importance.

D’abord, puisque l’expérience prouve que l’unité du troupeau est toute spirituelle, nous ne devons pas trop compter sur une unité extérieure, matérielle, visible. L’unité d’esprit peut exister sans unité d’Église, comme l’unité d’Église pourrait exister sans unité d’esprit.

Ce qu’il importe, c’est que nous ayons tous un même sentiment et non pas que nous le manifestions par le même langage et par les mêmes gestes. La race humaine renferme des nains et des géants; mais les âmes des uns ne sont pas plus grandes que les âmes des autres.

Aussi n’y a-t-il jamais eu plus d’unité de foi sur la terre que depuis le seizième siècle, où chaque individu, devenu libre de lire la Parole de Dieu sous l’inspiration du Saint-Esprit, a pu arriver à une foi sincère, moulée sur sa personnalité, et cependant selon la vérité; comme l’eau du baptême, la flamme de l’Esprit peut, sans changer de nature, prendre la forme du vase qui la contient; tandis que cette unité d’esprit est mensongère quand on prétend la pousser jusqu’à l’unité de forme, impossible dans des organisations différentes.

Sachons donc moins regretter que ne le font quelques-uns cette unité d’Église visible, irréalisable, et nous réjouir davantage de L’UNITÉ SPIRITUELLE, seule vraiment précieuse.

Ainsi nous apprendrons à nommer les hommes nos frères en Christ avant de nous informer s’ils montent à Jérusalem ou à Garizim, et dès que nous saurons qu’ils adorent en esprit et en vérité.

Voilà le seul troupeau; mais songeons aussi que NOUS N’AVONS QU’UN SEUL BERGER, qui est Christ.

Il est deux classes d’hommes doués de deux fâcheuses dispositions qui s’emboîtent si bien entre elles, qu’il en peut résulter un grand mal pour toutes deux;

ceux-ci sont possédés d’un esprit de domination;

ceux-là, d’un penchant à se laisser mener; et les premiers offrant le guide que les seconds cherchent,

Il s’ensuit que l’homme marche appuyé sur le bras de l’homme; un aveugle conduit un autre aveugle.

À Dieu ne plaise que nous voulions blâmer l’institution du pastorat; non, Jésus l’a lui-même établie; mais

Nous voudrions que les troupeaux regardassent un peu moins à leurs conducteurs humains

pour élever leurs regards plus souvent jusqu’au souverain Pasteur.

Si nous sommes chrétiens, nous sommes doués du Saint-Esprit; nous sommes de ceux dont le Prophète dit que parmi eux personne ne dira à son frère: «Connais le Seigneur, car tous seront enseignés de Dieu même

Agissons donc dans une sainte liberté à l’égard des hommes,

mais que ce soit afin d’être d’autant plus esclaves de Jésus-Christ.


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CXLIIIe MÉDITATION.

Lisez Jean X, 22 à 42.

Personne ne les ravira de ma main

En parlant de ceux qu’il a sauvés, Jésus dit: «Personne ne les ravira de ma main;» et puis, comme s’il craignait que cette première affirmation ne fût pas tenue pour suffisante, il ajoute: «Personne NE PEUT les ravir de la main de mon Père

Quelle précieuse assurance! Personne, aucune force humaine ou diabolique, personne ne peut, si nous sommes chrétiens, nous déshériter de la vie éternelle!

Cette conviction est efficace pour procurer la paix à notre âme, puissante pour nous porter à la sanctification; examinons donc la base sur laquelle Jésus la fait reposer ici.

«Personne ne peut les ravir de la main de mon Père

Cette image nous présente Dieu nous portant dans sa main. C’est donc lui qui nous tient et non pas nous qui nous tenons à lui. De plus, pour nous prendre, il a fallu qu’il vînt le premier vers nous, et non pas que nous allassions les premiers vers lui. Cette double différence est d’une haute importance, nous allons en juger.

Supposons que ce soit l’homme qui le premier se tourne vers Dieu et aille de son propre mouvement prendre la main du Seigneur. Qui peut lui garantir que ce Dieu qui n’est pas venu le chercher, mais qui simplement se laisse prendre, ne le repoussera pas un jour, par exemple, lorsque cet homme commettra quelque faute?

Qui lui dit d’ailleurs les dispositions, à son égard, de ce Dieu qu’il a fallu venir trouver et qui n’a peut-être cédé qu’avec peine à des importunités?

Rien; aussi l’homme dans cette position serait toujours craintif, se demandant si tôt ou tard il ne sera pas abandonné.

Mais lorsque nous savons que DIEU S’EST APPROCHÉ LE PREMIER, que pourrions-nous craindre?

Ce Dieu ne nous a-t-il pas montré qu'il voulait fortement notre salut, en l’accomplissant lui-même, bien loin d’en confier l’œuvre ni à nous, ni à d’autres?

Pouvons-nous supposer que Dieu cessera de nous aimer, quand nous savons que son amour pour nous est venu nous saisir au milieu de notre haine pour lui?

Mais faites une supposition moins désavantageuse que la première: admettez que Dieu vienne nous tendre la main lui-même, ne nous laissant plus que le soin de la saisir et de nous y tenir fermes pour être sauvés; la crainte ne sera pas encore chassée de notre cœur; car si Dieu vient nous chercher, c’est à condition que nous tiendrons à lui; et si malheureusement la rudesse de la route ou la faiblesse de nos pieds nous fait chanceler, tomber et lâcher prise, nous pouvons nous retrouver finalement dans notre premier état de délaissement.

Mais non encore; il n’en est pas ainsi: non seulement c’est Dieu qui vient le premier vers nous, mais C’EST ENCORE LUI QUI NOUS SAISIT, nous serre, nous porte de sa puissante main;

Celui qui a lancé les mondes dans l’espace, et qui les retient dans leurs orbites, est le même qui nous maintient dans la voie du salut d’où nous ne pouvons pas plus sortir que le soleil ne peut s’échapper du cycle qu’il parcourt.

Quel encouragement à vivre en sécurité et à progresser dans la sainteté!

Si une pensée est capable sous la bénédiction de Dieu de combler le cœur de joie et par cette joie de remplir la vie d’amour et de bonnes œuvres, oh! oui, c’est bien cette persuasion que Dieu nous tient et que personne ne peut nous ravir de sa main.

Un homme conduit son fils sur une route étroite et bordée de précipices; l’enfant placé du côté de l’abîme ne pose qu’en tremblant ses pieds l’un devant l’autre; mais son père lui saisit une main qu’il étreint avec force et lui dit: Marche, marche! ne crains pas! Je te tiens! pose le pied sur cette pointe, franchis ce torrent, traverse ces ténèbres; et l’enfant reprend courage; ses pieds se raffermissent; il marche, il court, il vole de rocher en rocher; parfois il perd le sol, il reste suspendu sur l’abîme, mais la main de son père le tient; il est sans crainte à l’instant même où son regard plonge dans le gouffre.

Tel est le chrétien saisi, porté par la main de Dieu. Il sait que le sentier de la vie est étroit, les pièges de la tentation nombreux, les précipices du péché profonds; mais il sait aussi que Dieu ne peut l’abandonner; et quoi qu’il arrive, dût-il être posé sur le vide de l’abîme, dût-il s’échapper de la main de son père, il ne craindrait rien; car il sait que Dieu enverrait encore ses anges pour le ressaisir avant qu’il eût atteint le fond du gouffre de la perdition.

Ainsi, confiant quand la route est facile et qu’il avance, confiant même quand elle se déchire en vallées ou en montagnes et qu’il tombe çà et là dans le péché,

il se relève toujours ranimé par cette conviction que SON DIEU NE PEUT PAS LE DÉLAISSER;

et sans perdre de temps dans les angoisses du désespoir, il se remet à l’instant même en marche, plus fort et mieux aguerri que par le passé.

Courage donc, chrétiens.... Mais peut-être n’avez-vous pas cette sainte assurance, peut-être doutez-vous encore de votre salut?

Il est vrai que vous pourriez être déjà dans la foi sans avoir encore atteint à cette conviction profonde que vous êtes sauvés. Mais dites-vous bien que, si tous les chrétiens n’y arrivent pas, du moins tous y sont appelés, et que la volonté du Seigneur est que vous sachiez avec Saint Paul que:

«Rien au monde, ni la vie, ni la mort, ni les anges, ni les principautés, ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune créature ne peuvent vous séparer de l’amour que vous a témoigné.

Le Dieu qui vous dit:

«PERSONNE, PERSONNE NE VOUS RAVIRA DE MA MAIN!»


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CXLIVe MÉDITATION.

Lisez Jean XI, 1 à 44.

Résurrection de Lazare

Je cherche à me représenter ce que pourrait écrire un imposteur pour faire recevoir son héros comme un envoyé de Dieu.

Il me semble d’abord que dès qu’il aurait pris le parti de lui attribuer des miracles, ce seraient des miracles nombreux et ravissant en extase tous ceux qui en seraient témoins.

Ce n’est pas la résurrection d’un mort, mais de centaines de morts qu’il lui accorderait; ce ne sont pas des miracles considérés comme l’oeuvre de Dieu par le peuple, comme l’oeuvre de Satan par les grands, dont il illustrerait la vie de son céleste messager; mais bien des miracles qui auraient fermé la bouche à tout le monde, changé les adversaires en amis, arraché à tous des cris d’admiration et des salves d’applaudissements.

Il me semble qu’ensuite cet imposteur, pour captiver ses lecteurs, aurait soin d’ajouter çà et là quelques adroites réflexions sur son héros, de relever l’éclat de ses prodiges, la sainteté de sa vie, enfin d’appeler l’attention sur ce qu’il y aurait de prodigieux dans ses actions et de beau dans ses paroles.

Est-ce là ce qu’ont fait les Évangélistes en parlant de Jésus leur maître?

Non, tant s’en faut! et j’en prends à témoin le récit que nous venons de lire, sur la résurrection de Lazare.

Suivons-en les détails.

Lazare est mort; Jésus veut le ressusciter; l’Évangéliste devrait donc prendre grand soin de nous l’apprendre: mais non, il fait dire, au contraire, à Jésus que Lazare dort. Enfin s’il plaît à l’Écrivain de mettre dans la bouche de son héros un langage métaphorique, il pourrait au moins accorder aux Apôtres, et par conséquent à lui-même, l’un des douze, assez d’intelligence pour saisir cette expression figurée; encore non; il faut, en fin de compte, que son héros parle le langage ordinaire pour se faire comprendre.

Poursuivons:

Quand Jésus arrive auprès de Marthe, même ambiguïté. Il annonce que Lazare ressuscitera, mais sans dire que ce doive être le jour même et par sa puissance.

Quand Marie arrive, même silence, et comme cette femme pleure, Lui, le héros de la scène, se prend à frémir, et laisse percer son émotion.

Je le demande: un disciple prudent eût-il avoué cela de son maître?

Et s'il eût été contraint de le faire, n’aurait-il pas cru du moins devoir l’excuser d’un frémissement qui semble trahir la faiblesse humaine?

Ne l’aurait-il pas au contraire fait marcher triomphant et serein au milieu de cette foule éplorée?

Mais attendez, nous ne sommes pas à la fin.

Jésus demande où le mort est enseveli; on lui montre la grotte, le sépulcre et probablement le cadavre; on lui dit: «Vois

Jésus regarde, et il pleure!

Quoi! l’écrivain fait pleurer Celui qui dispose de la vie et de la mort?

Il ne craint pas que les témoins du prétendu prodige ou les lecteurs de son récit ne voient là une faiblesse?

Mais c’est une invraisemblance, si cet auteur invente; c’est une maladresse, si cet auteur rapporte. Quand un historien non inspiré veut montrer le courage surhumain de son héros, voici ce qu’il est capable de dire: Une bombe tomba dans la pièce voisine, et comme le secrétaire du monarque en fut un moment interdit, le prince dit avec calme: Qu’a de commun la bombe qui tombe avec la dépêche que je vous dicte?

Voilà ce qu’un historien moderne a pu faire dire à un roi qu’il voulait grandir; mais, certes, il n’eût pas songé à le faire pleurer au moment de livrer une bataille que devait couronner une victoire.

Enfin, Jésus fait enlever la pierre du sépulcre, et au lieu de ressusciter Lazare par sa propre puissance, il prie son Dieu d’intervenir, et ce n’est qu’alors, après des retards, après des demi-mots, après des gémissements, après des larmes, et par la puissance d’un autre que le héros de l’Évangéliste ressuscite un seul mort!

Non, ce n’est pas là le merveilleux comme les hommes aiment à le voir, à le raconter et à le dire, surtout ce n’est pas ainsi qu’on exalte.

Si donc l’Apôtre Jean a écrit tout cela, ce n’est pas qu’il l’ait inventé; c’est qu’il l’a vu, et qu’il a trop de confiance en la simple vérité pour songer à l’embellir, à la défigurer, dirai-je, par de vaines et mensongères exagérations.

Oui, cette modération de langage, cette simplicité de style, cet oubli de la précaution font toucher du doigt la sincérité de l’Écrivain; et maintenant que je lis son récit au flambeau de la foi, je comprends que puisque c’est l’Esprit-Saint qui inspire celui qui traça jadis et ceux qui lisent aujourd’hui ces lignes divines, il ait dédaigné ces ornements dont le débile esprit humain, défiant de lui-même, ne saurait se passer.

Je comprends que le Sauveur n’ait pas parlé de sa puissance, Lui qui me prêche l’humilité; et qu’en même temps II donne une vie, Lui qui me prêche la charité.

Je comprends que Jésus frémisse et pleure sur les souffrances et la mort subies par son ami qu’il veut encore ressusciter;

je comprends qu’il prie à haute voix son Père, afin que nous croyions que c’est Dieu qui l’a envoyé, et qu’en le croyant, nous, témoins du miracle et lecteurs du livre, nous soyons sauvés.

Oui, Seigneur, tout ici est resplendissant de vérité, de candeur, de divinité!

Et nous croyons ton naïf historien, précisément parce qu’il n’a pas fait de toi, notre Dieu, l’homme héroïque qu’en eût fait sans doute un orateur humain.


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CXLVe MÉDITATION.

Lisez Jean XI, 45 à 57.

Le méchant accomplissant la volonté de Dieu

C'est un des traits les plus admirables de la sagesse de Dieu que de faire accomplir sa volonté par les hommes et même par ses ennemis, sans gêner cependant leur liberté.

L’histoire des fils de Jacob, pensant envoyer Joseph en esclavage, et le dirigeant vers un trône; celle des Syriens, croyant triompher d’Israël, tandis qu’ils ne sont, dans la main de Jéhova, qu’une verge destinée au feu, après avoir frappé; et tant d’autres récits bibliques nous montrent sous un jour éclatant cette sagesse adorable: mais peut-être aucun trait historique de la Bible ne la met mieux en évidence que celui que nous avons maintenant sous les yeux.

Les prêtres et les Pharisiens assemblés apprennent que Jésus vient de faire un nouveau miracle; ils veulent à tout prix se défaire de sa personne, dans la crainte qu’un jour les Romains, instruits de ses prétentions au trône de David, ne viennent détruire leur ville et leur nation.

Ils décrètent donc la perte de Jésus, et amènent précisément ainsi la ruine de Jérusalem, que le prophète Daniel avait annoncée devoir suivre la mort du Messie.

Ils croient entraver les triomphes de Jésus en le mettant à mort;

ils ne font ainsi que préparer sa résurrection.

Ils s’imaginent se défaire d’un prédicateur importun;

ils en suscitent douze intrépides qui viendront bientôt les faire trembler dans cette même salle du Sanhédrin.

Mais c’est Caïphe surtout qui met en saillie la vérité que nous voulons faire remarquer. «Vous n’y entendez rien, dit-il, vous ne considérez pas qu’il est à propos qu’un homme seul» meure pour lé peuple et que toute la nation ne périsse pas.»

C’est un crime juridique que conseille le Grand-Prêtre, et cependant c’est la sainte volonté de Dieu qu’il accomplit.

Ses paroles ont deux sens, ou plutôt un sens double:

l’un matériel, l’autre spirituel;

l’un voulu de l’homme, l’autre voulu de Dieu;

l’un à la surface, aperçu par les Pharisiens, l'autre dans le fond, découvert par les enfants de Dieu; en sorte que le sacrifice criminel d’un innocent aux intérêts politiques d’une nation menacée par les Romains se trouve aussi le sacrifice VOLONTAIRE de Jésus pour racheter son peuple de ses péchés.

L’avis de Caïphe est adopté; Caïphe se croit un habile homme, il triomphe; et cependant son but est doublement manqué:

1. Les Romains viennent, détruisent la nation;

2. Jésus ressuscite et couvre la terre de ses adorateurs.

Cependant Caïphe peut-il se plaindre d’avoir été gêné dans sa liberté?

Non, c’est sa propre volonté qui s’exécute.

D’un autre côté, les décrets de Dieu ont-ils été arrêtés par les machinations du Sanhédrin?

Non, Jésus triomphe précisément par la honte, les souffrances, et la mort qu’on lui impose.

Où sont aujourd’hui les résultats de l’opiniâtre résistance du Grand-Prêtre?

La seule trace qu’il en reste est l’opiniâtreté des Juifs traversant les siècles pour montrer par leur dispersion leur misère et leurs bassesses, l’acceptation par Dieu de leur horrible imprécation: «que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!»

Ces réflexions sont fertiles en conséquences.

Que deviennent, par exemple, les objections de l’incrédule qui prétend n’être pas libre, si rien ne peut s’opposer à la volonté de Dieu, ou qui nie la Providence, si l’homme est libre de faire sa volonté?

L’exemple de Caïphe ne montre-t-il pas clairement l’homme et Dieu, également libres,

l’un pour faire le mal,

l’autre pour en tirer le bien,

et ces deux actions, emboîtées l’une dans l’autre, se mouvant toutefois en sens contraire, en toute liberté?

Cette sagesse de Dieu, qui ferme la bouche à l’incrédule, doit aussi faire trembler le pécheur.

Qu’il poursuive ses coupables projets, réussisse et triomphe, il trouvera le dessein contraire de celui qu’il a sous les yeux. Il fait son œuvre, elle est maintenant visible et passagère; mais il accomplit aussi l’œuvre de Dieu, qui sera visible et restera permanente quand la toile de sa vie sera close et renversée!

Cette sagesse divine rassure autant le chrétien qu’elle doit effrayer le méchant.

L'enfant de Dieu, marchant par la foi, s’inquiète peu des apparences contraires qui le frappent ici-bas; alors même que l’homme s’agite, il sait que Dieu le mène; alors même que les éléments se déchaînent, il sait que ce ne sont que les Anges de Dieu exécutant sa volonté, et que l’atmosphère, déchargée par des tempêtes, livrera bientôt un ciel serein. Dès lors ce chrétien laisse prophétiser Caïphe, sans s’émouvoir ni s’inquiéter.

Puisque c’est TOUJOURS la volonté de Dieu qui doit se faire par nos mains,

ne vaut-il pas mieux que ce soit de bon gré que malgré nous?

Ainsi, de quelque côté que l’homme sage se tourne, il trouve un nouveau motif d’obéir à son Dieu, aujourd’hui c’est la nécessité, comme hier c’était l’amour; demain ce sera peut-être la crainte; mais toujours ces motifs, marchant dans le même sens, vont au même but:

L’OBÉISSANCE À LA SAINTE VOLONTÉ DE DIEU.

Suivons donc toutes ces impulsions, toutes ont leur degré de force; toutefois, heureux celui qui se sent moins poussé par la contrainte qu’entraîné par le dévouement; moins effrayé par Caïphe prophétisant comme Grand-Prêtre, qu’attiré par Jésus mourant comme Sauveur!


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CXLVIe MÉDITATION.

Lisez Jean XII, 1 à 34.

Pourquoi les Évangiles parlent-ils moins que les Épîtres de la Rédemption?

Quelques personnes ont fait remarquer que la rédemption des croyants par la mort de Christ, si souvent mentionnée dans les Épîtres, l’était beaucoup plus rarement dans les Évangiles; et afin de jeter de la défaveur sur ce dogme, ces personnes ont affecté de donner une préférence à la partie du Nouveau-Testament où parlait le Maître sur celle où parlaient les Disciples.

D'abord, cette préférence qu’on veut donner aux Évangiles sur les Épîtres est sans raison plausible.

En effet:

Qui a écrit les Évangiles? Les Apôtres!

Qui a écrit les Épîtres? Encore les Apôtres!

Ces deux classes de livres écrits par les mêmes hommes ont donc la même autorité; et si une place de distinction devait être accordée, c’est aux Épîtres qu’elle serait due, car Jésus déclare aux douze que bien des choses qu’il ne peut leur enseigner, «parce qu’elles sont au-dessus de leur portée,» leur seront enseignées plus tard «par le Saint-Esprit.»

Mais laissons toute comparaison; reconnaissons que les Évangiles et les Épîtres, écrits sous l’inspiration du même Esprit, ont la même valeur; et demandons-nous pourquoi les premiers ne parlent pas aussi longuement que les secondes de la rédemption des croyants par la mort expiatoire de Jésus.

La raison en est facile à trouver.

La rédemption n’est pas une opinion; c’est un fait, un fait qui s’est passé dans le temps et dans l’espace; c’est la mort même de Jésus-Christ: comment donc serait-il raconté dans les Évangiles qui se terminent avec sa vie?

La mort de Christ, voilà LE PRINCIPE;

la rédemption, voilà LA CONSÉQUENCE;

attendez que le principe soit posé dans les Évangiles, alors viendra la conséquence tirée dans les Épîtres.

Mais enfin, ces Évangiles ne disent-ils donc rien de ce salut de l’homme par la mort de Jésus-Christ?

Au contraire, ils en parlent avec clarté et bien des fois.

Ils en parlent sans doute avec la brièveté qu'on doit attendre lorsqu’il ne s’agit que d’indiquer un événement encore à venir.

Ainsi, Jésus déclare deux fois le but pour lequel il est venu;

la première en ces termes: «le Fils de l’homme est venu pour sauver ce qui était perdu

La seconde en ces mots, relatifs à l’instant de sa mort: «c’est pour cette heure même que je suis venu.»

Si le but de la venue de Christ est caractérisé par ces deux idées: sauver et mourir, c’est donc en mourant qu’il sauve. Mais, il le répète plus clairement encore.

En approchant pour la dernière fois de Jérusalem, il dit et redit à ses Apôtres: «Il faut, il faut que le Fils de l’homme soit livré, et mis à mort

Au souper de la Cène, il dit: «C’est ici le sang de la nouvelle alliance répandu pour la rémission des péchés.»

Et enfin, après sa résurrection, Jésus, expliquant les Prophètes aux deux disciples d’Emmaüs, leur montre «qu’il fallait,» que c’était une chose nécessaire, indispensable, en un mot, «il fallait que le Christ souffrit.»

Quand Jésus s’adresse aux femmes qui le cherchent, il revient toujours à cette nécessité et envoie dire aux Apôtres: «Il fallait,» comme je vous l’ai dit, «il fallait que le Fils de l’homme fût livré.»

Est-il possible d’être plus clair, plus insistant?

Et ne pas voir la rédemption de l’homme par la mort de Christ dans les Évangiles après toutes ces citations, n’est-ce pas fermer les yeux pour éteindre un soleil resplendissant?

Oui, la mort de Christ est la vie du chrétien;

c’est la base, c’est le centre, c’est le tout du Christianisme.

C’est ainsi que l'ont compris les Apôtres dans leurs Épîtres; les Pères dans leurs écrits, et toutes les Églises dans tous les siècles, si bien que la croix, signe de la rédemption, est devenue le signe par excellence de la religion de Jésus-Christ.

Il était réservé à notre siècle, grand amateur de nouveautés, d’user ses forces à ébranler la vérité restée la dernière à démolir, précisément parce qu’elle était la base de l’édifice chrétien.

Mais prenons-y garde:

il y a, dans ce refus de voir la rédemption par la mort de Christ, autre chose que l’amour de la nouveauté,

il y a l’éloignement pour l’humiliation qu’imprime au pécheur la nécessité de se croire perdu, afin d’être racheté, non par ses œuvres, mais par les œuvres d’un autre; non par sa propre vie mais par la mort de Christ.

Oui, au fond c’est l’orgueil qui repousse cette vérité, et ce n'est que l’humilité, le sentiment profond de nos misères, qui peut nous la faire recevoir. Aussi ferons-nous bien en terminant de détourner nos pensées des discussions théologiques suscitées par le dogme de la rédemption pour les porter sur notre état de péché; alors nous comprendrons ces paroles de Jésus parlant de sa mort et de notre salut:

«C’est pour cette heure même que je suis venu.»


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CXLVIIe MÉDITATION.

Lisez Jean XII, 35 à 56.

L'amour de la gloire humaine obstacle à la foi

L’Évangéliste nous apprend que plusieurs des principaux Juifs crurent en Jésus, mais qu’ils ne le confessaient point à cause des Pharisiens, et de peur d’être chassés de la synagogue.

Quel mal pouvaient donc leur faire ces Pharisiens, et quel dommage entraînait l’exclusion de la synagogue?

Ces Nicodèmes risquaient-ils leur vie ou leur fortune?

Non, mais ils agirent ainsi, nous dit saint Jean, parce qu’ils aimaient mieux la gloire qui vient des hommes que la gloire qui vient de Dieu!

Ainsi, voilà des hommes, «principaux d’entre les Juifs,» par conséquent riches, instruits, puissants, qui croient Jésus le Fils de Dieu, donnant la vie éternelle ou l’éternelle condamnation, et qui cependant sont retenus de confesser leur foi par la seule crainte d’être désapprouvés par des Pharisiens, et exclus de la gloire d’appartenir à la synagogue. Ils tremblent à la pensée qu’en les montrant du doigt, on ne dise dans les rues de Jérusalem: «Vous voyez cet homme, il est disciple de ce Jésus de Nazareth, d’où il ne peut rien sortir de bon, et d’où un seul prophète n’a jamais été suscité; il croit en ce faiseur de miracles, qui guérit les aveugles et ressuscite les morts par la puissance de Belzébuth!»

Et à la seule pensée que leurs collègues, assis avec eux dans le sanhédrin, ou leurs voisins sur les bancs de la synagogue, peuvent dire d’eux une chose si énorme,

Ces hommes, disciples secrets de Jésus, gardent le silence, et laissent condamner à mort Celui qu’ils savent être un envoyé de Dieu!

Quand on songe à la folie, à la stupidité d’une telle conduite, on reste confondu!

Quoi! avoir peur d’un homme plus que de Dieu!

Fuir devant les mépris de pauvres et misérables créatures, et courir au-devant de la colère de son Créateur!

Oh! c’est là le comble de la folie! Les hommes qu’on renferme ou qu’on lie sont plus dangereux, mais ils ne sont pas plus insensés que ces principaux Juifs croyant en Jésus-Christ, et se prosternant devant les Pharisiens!

Sans doute, nous sympathisons tous avec ce mouvement d’indignation. Mais alors reconnaissons donc notre propre folie, car NOTRE CONDUITE EST EXACTEMENT CELLE DE CES JUIFS INSENSÉS.

Oui, il n’y a pas au monde de monstre dont nous ayons plus peur que de la désapprobation des hommes; pour nous, leur raillerie est pire que la morsure du serpent; un de leurs sourires ironiques nous fait saigner le cœur.

Nous consentirons bien, s’il le faut, à rester dans l’obscurité, sans nom et sans gloire; mais supporter les dédains des hommes, cela nous est impossible; nous aimerions mieux être anéantis.

Qui de nous prend, pour plaire à Dieu, la millième partie de la peine qu’il se donne pour plaire aux hommes?

Le remords d'une faute commise en secret, c’est-à-dire en présence de Dieu, n’est-il pas bien prompt à s’assoupir, et le tourment d’une faute connue des hommes bien lent à se calmer?

Pour nous en tenir à des exemples analogues à celui des principaux Juifs, confiants en Jésus, et tremblant devant les Pharisiens, n’est-il pas vrai que, tout en croyant au même Jésus, nous n’osons cependant pas le confesser devant ceux qui s’en moquent, dans la crainte d'exposer notre réputation d’hommes sensés?

La conscience ne nous a-t-elle pas cent fois reproché notre silence, et cependant notre silence n’a-t-il pas continué?

Eh bien! n’était-ce pas alors préférer la gloire qui vient des hommes à la gloire qui vient de Dieu?

Non, rien ne nous excuse, comme rien n’excusait les principaux Juifs.

Aussi sommes-nous tout disposés à prononcer notre condamnation sur ce point.

Mais remarquez que cette condamnation contre nous-mêmes nous l’avons déjà portée vingt fois; vingt fois nous nous sommes dit que nous étions des fous, des lâches; et ensuite, comme si cette confession avait racheté notre faute, nous sommes retombés à nouveau; en sorte qu’aujourd’hui, fatigués par tant de luttes et toujours vaincus, nous sommes sur le point de désespérer de nous-mêmes, et de nous consoler en disant que notre maladie est incurable.

En vérité, parvenu à ce point, on ne sait plus comment s’exciter à mieux.

Se faire honte à soi-même? On l’a déjà fait.

Se dire que c’est une folie? Nous venons de le dire.

Nous le répéter encore ne paraîtrait plus qu’une vaine déclamation.

Hélas! dans cette extrémité, comme toujours du reste, NOUS N’AVONS PLUS QU’UNE RESSOURCE, CELLE DE PRIER.

Le découragement lui-même est une force pour le chrétien; c’est quand nous sommes brisés, que nous sommes le plus près d’appeler l’appui de notre Dieu.

Prions donc, non par habitude, non pour la forme, mais prions du fond du cœur; puisque nous sommes malades, crions comme le malade, avec angoisse, avec larmes, et alors nous serons secourus.

Ô mon Dieu! nous voudrions te confesser devant les hommes, même devant les Pharisiens; brise donc l’orgueil de notre cœur; humilie-nous, s’il le faut, devant ces incrédules jusqu’à ce qu’enfin nous rompions avec la gloire qui vient du monde, et que nous n’aspirions plus qu’à celle qui vient de toi, Seigneur.


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CXLVIIIe MÉDITATION.

Lisez Jean XIII, 1 à 20.

L’humilité

L’orgueil est le péché originel de l’homme; aussi l’humilité lui est-elle profondément antipathique.

La seule pensée de ce sentiment ne lui serait jamais montée d’elle-même à l’esprit. Ainsi les législateurs humains, les faiseurs de religion qui ont exploité tous les mobiles de notre cœur, n’ont-ils jamais imaginé de faire appel à notre humilité; au contraire, il s’en est trouvé pour dire: «Soyez fiers de vous-mêmes;» en sorte qu’en abondant dans notre folie, ils nous ont toujours plus éloignés de cette humble opinion de nous-mêmes qui, comme un puissant ressort, nous oblige à chercher des forces jusque dans les Cieux.

Aussi peut-on affirmer sans crainte que cette humilité à laquelle n’avait jamais songé aucun homme n’a pu être apportée sur la terre que par un envoyé de Dieu.

C’est peu encore que d’apporter une idée nouvelle et étrangère aux hommes: il s’agit ensuite de la leur faire accepter. Il s’agissait, par exemple, pour Jésus,

de jeter à deux genoux, sur le chemin de Damas, un Saul, orgueilleux pharisien;

de faire accepter la perspective de la misère et de la honte aux fils de Zébédée, demandant place à la droite et à la gauche d’un trône;

de comprimer, par la patience, l’impétuosité d’un Pierre, tirant l’épée.

Tout cela, Jésus l’a fait, et en le faisant, il a justifié la vérité de sa promesse: «Je vous enverrai le Saint-Esprit.» Aussi cette humilité est-elle ce qui fait la force du chrétien: «c’est quand je suis faible que je suis fort,» dit Paul, parce que, sentant sa propre faiblesse, il se fortifie de la force de Dieu; et si l’on étudie bien l’Évangile, on verra que tout s’y rapporte, la suppose et la prêche.

Le Fils de Dieu

quittant le Ciel pour la terre,

naissant dans une crèche,

se choisissant des pêcheurs pour Apôtres,

vivant avec les péagers,

guérissant les mendiants,

s’adressant au peuple,

enfin mourant sur une croix,

nous place toujours l’humilité sous les yeux.

Écoutez ensuite ses instructions: ici, il se fait annoncer par les prophètes, comme «un homme méprisé dont on détourne les regards;» là, il se dit lui-même «humble de cœur;» plus loin, il donne «de petits enfants» pour modèle à ses Apôtres; à une autre page, il veut que ses disciples soient «serviteurs les uns des autres,» et déclare que «les premiers sur la terre seront les derniers dans les cieux.»

Enfin, comme si toutes ces paroles ne suffisaient pas pour recommander assez cette sublime humilité, Jésus se ceint d’un linge, met un genou en terre et lave dans un bassin les pieds de ses Apôtres!

Après les exemples et les leçons, parcourez tous les dogmes de l’Évangile, et voyez si tous ne nous poussent pas à l’humilité:

l’homme pécheur est perdu par lui-même, donc qu’il s’humilie;

il faut qu’il soit sauvé gratuitement par Jésus-Christ, donc qu’il s’humilie;

arraché à la perdition, il ne peut encore faire une seule bonne œuvre par ses propres forces; il faut qu’il reçoive le secours du Saint-Esprit, et que, pour le recevoir, il le demande à genoux; donc qu’il s’humilie;

que toujours il s’humilie.

Et, alors même, Dieu donnera-t-il à cet homme une force propre dont il puisse disposer à son gré à l’avenir?

Non; cet homme, secouru aujourd’hui, pourra retomber demain; il faut qu’il mendie chaque jour, à chaque instant, le pain quotidien qui nourrit son âme, comme celui qui soutient son corps; il faut donc qu’il se sente sous une dépendance continuelle, qu’il prie sans cesse, sans pouvoir jamais s’enorgueillir de ce qu’il a reçu.

Au contraire, plus il deviendra saint, plus il doit être humble; et il n’y a pas de pires chrétiens que les chrétiens orgueilleux, si du moins il est possible d’être à la fois orgueilleux et chrétien!

Disons-nous-le donc bien:

sans humilité il n’y a pas de christianisme.

On a dit: c’est aux œuvres qu’on reconnaît si la foi existe; on pourrait dire aussi: c’est à l’humilité qu’on reconnaît si un homme a goûté le salut.

Déguisez vos prétentions sous les formes les plus séduisantes;

couvrez-les de lambeaux d’humilité;

cachez-les sous les apparences modestes d’un parlé évangélique,

faites-vous aussi petits que vous voudrez aux yeux des hommes:

SI VOUS NE L’ÊTES PAS À VOS PROPRES YEUX, VOUS N’ÊTES PAS CHRÉTIENS.

Dieu voit votre orgueil; bien plus, sachez que les hommes que vous voulez tromper le voient aussi, qu’ils ont pitié de vous, bien loin de vous admirer!

Si vous êtes humbles par imitation, humbles comme ce monarque qui lavait naguère et ce pontife qui lave encore aujourd’hui les pieds de douze vieillards, sachez que C’EST TOUJOURS DE L’ORGUEIL QUI VEUT SINGER LE DIEU DANS SON HUMILITÉ.

Il n’y a qu’un moyen pour paraître humble devant Dieu, c’est de l’être réellement,

et quand vous le serez le plus,

vous le saurez le moins;

si donc vous croyez l’être déjà, c’est précisément l'heure de travailler à le devenir.

Jésus, en terminant son exhortation à ses Apôtres, qui, sans doute, savaient tout cela depuis longtemps, puisque leur Maître le leur avait bien souvent enseigné, leur dit:

«Si vous savez toutes ces choses,

vous êtes bienheureux si vous les pratiquez!»


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CXLIXe MÉDITATION.

Lisez Jean XIII, 21 à 38.

Comment Jésus se dévoue

On nous a bien souvent rendus attentifs au dévouement de Jésus mourant pour de pauvres pécheurs, mais trop rarement à la manière simple et touchante avec laquelle ce Maître humble et débonnaire se dévoue.

Jetons un coup d’œil sur sa conduite envisagée à ce point de vue pendant les quelques instants retracés par le récit que nous venons de lire.

Rappelons-nous que Jésus est à la veille de sa mort, et que demain, à la même heure où il dit aujourd’hui: «aimez-vous les uns les autres», il aura cessé de vivre.

Il le sait, il y pense, et cependant il n’en parle qu'en termes couverts à ses Disciples qui ne comprendront ses paroles que plus tard.

Pour le moment, il semble craindre de les trop affliger; il se borne à leur dire: «Où je vais, vous ne pouvez venir.»

Quelle occasion c’eût été pour un homme de faire parade de sa généreuse conduite! et, à Simon-Pierre qui dit: Seigneur, ou vas-tu? De répondre tragiquement: à la mort!

Non, Jésus ne songe pas à se faire admirer: il songe au contraire à ménager la sensibilité de ses amis et leur dit: «Là où je vais, vous ne pouvez venir.»

Voulez-vous savoir ce qu’aurait dit un simple homme dans une semblable circonstance?

Écoutez, non plus une supposition gratuite, mais écoutez ce qu’a fait un Apôtre.

Presque indigné que Jésus ose affirmer qu’il ne peut le suivre, Pierre lui répond: «Pourquoi ne puis-je pas te suivre? Pour toi, je donnerais ma vie.» Voilà l’exaltation de l’homme, et peut-être l’ostentation du présomptueux; et combien est différente la noble simplicité du Dieu, l’admirable humilité de Jésus-Christ!

Toujours doux et compatissant envers ses amis, Jésus ne se laissera-t-il pas aller à un sentiment plus vif envers son meurtrier? ou, s’il veut mourir, ne se donnera-t-il pas la satisfaction de lui faire sentir que c’est volontairement qu’il tombe dans ses pièges?

Non, rien de cela, mais Jésus dit simplement: «Fais vite ce que tu fais»; parole claire pour Judas, mais qui reste obscure pour les Apôtres; en sorte que, d’un côté, au lieu d’un reproche, il adresse presque une requête à son ennemi, de hâter du moins le mal qu’il veut lui faire; et de l’autre, au lieu d’afficher sa modération, il parle de manière à n’être pas compris de ces amis qui pourraient l’admirer.

Plus tard enfin, il désigne Judas, en lui donnant un morceau de pain trempé; mais c’est encore de telle sorte, que le traître seul s’en aperçoit, tandis que les autres Disciples restent ignorants de son criminel projet.

Dans toute cette scène, Jésus sort un seul instant de ce calme si noble et si touchant; et s’il est ému, ce n’est pas pour lui, mais pour le malheureux qui, en vendant son Maître aux Pharisiens, va VENDRE SON ÂME IMMORTELLE À SATAN!

Et c’est alors qu’il dit, toujours avec la même simplicité et la même modération: «L’un de vous me trahira.»

Sans doute, cette simplicité est bien peu de chose comparée au dévouement lui-même; mais elle en relève singulièrement la beauté.

La manière de donner, a-t-on dit avec raison, double le bienfait; de même, la manière de faire une belle action en double la valeur. Si nous n’avions pas encore bien compris cette vérité par le beau côté que Jésus nous en présente, il suffirait, pour achever de nous convaincre, de l’envisager sous la triste face que le bienfaiteur humain met trop souvent sous nos yeux.

Voyez, en effet, de quelle manière nous faisons le bien, en admettant que nous le fassions; nous obligeons un homme, mais nous aimons à le lui faire sentir, si non pour l’humilier, du moins pour nous obtenir sa reconnaissance.

S’il nous la refuse, soyez sûrs qu’à lui, ou à d’autres, nous le ferons savoir, et que, s’il nous paye d’ingratitude, notre indignation lui reprochera nos bienfaits.

Nous accordons un pardon; mais il serait souvent plus juste de dire que nous le vendons contre le droit de faire des observations pénibles et sermonneuses.

Nous donnons, mais sans être fâchés qu’on sache que le don vient de nous; peut-être prendrons-nous des précautions pour que notre nom de bienfaiteur ne soit pas écrit en toutes lettres, mais aussi des précautions pour qu’on puisse le deviner.

Tout cela n’est pas avarice, ce n’est pas même vanité, admettons même qu’un bon mouvement se mêle aux motifs qui nous inspirent; mais encore une fois, ne s’y mêle-t-il pas aussi quelque chose d’impur qui ferait croire que nous faisons plus le bien par devoir que par amour pour nos frères, et même plus pour notre satisfaction propre que par obéissance à Dieu?

Nous voulons tirer parti même de nos vertus;

et nous devenons mesquins dans leur pratique.

Aussi nos obligés, en tendant la main à nos dons, baissent-ils la tête au lieu de sentir battre leur cœur, et notre bienfait, loin de faire épanouir en eux de généreux sentiments, devient pour leur mémoire un lourd et pénible fardeau.

Mais, grâce à Dieu, nous sentons la vérité de ces paroles; elles ne nous apparaissent pas comme un reproche, mais comme un AVERTISSEMENT; et nous y puiserons un nouveau motif de nous humilier et de prier, afin d’apprendre de notre Dieu à faire, comme Jésus, le bien avec AMOUR, DÉLICATESSE et GRANDEUR.


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CLe MÉDITATION.

Lisez Jean XIV, 1 à 14.

Pourquoi fallait-il que Jésus allât nous préparer le lieu?

Nous nous sommes si souvent répété que toutes choses sont possibles à Dieu, que parfois nous sommes étonnés de voir le Créateur employer tel ou tel moyen pour arriver au but qu’il se propose.

Ainsi peut-être quelques-uns de nous se sont-ils, dit: Comment donc le départ de Jésus est-il nécessaire «pour préparer le lieu,» comme il le dit?

Dieu dans le Ciel, ou Jésus sur la terre, ne peut-il pas faire tous les préparatifs sans se déplacer et par un seul acte de sa volonté?

Des réflexions de cette nature paraissent d’autant plus plausibles, qu’elles s’appuient sur la toute-puissance de Dieu; mais, disons-le, sur sa toute-puissance mal comprise; et comme cette erreur a de graves dangers, nous ferons bien de donner quelques instants à la dévoiler.

Oui, Dieu peut tout;

mais tout ce qui est possible,

et non tout ce qu’il nous plaît d’imaginer.

Cette distinction est importante!

Ignorants comme nous le sommes de la nature intime des choses, nous devons nécessairement tomber dans l’erreur dès que nous voulons déterminer ce qui est possible, et ce qui ne l’est pas.

Comme nous n’avons rien à faire dans l’administration de l’univers et dans l’économie de l’éternité, nous ne craignons pas de donner carrière à notre imagination, et notre esprit, pendant la veille, rapproche et lie les diverses parties de la révélation, comme dans le sommeil il lie et rapproche les parcelles de nos connaissances terrestres; c’est-à-dire sans s’inquiéter de la possibilité de ses combinaisons et sans s’étonner ensuite des produits monstrueux que lui-même s’est créés.

Mais réveillez cet homme qui rêve, et vous le verrez sourire de la bizarrerie de ses conceptions; de même, si nous pouvions nous éveiller de nos méditations terrestres sous l’impression subite d’une céleste clarté, nous resterions confondus en voyant démenties les fausses imaginations que nous nous faisons chaque jour ici-bas.

Ce n’est pas tout: ce qui nous importe le plus de savoir:

Ce n’est pas ce que Dieu peut,

mais ce qu’il veut!

On nous aurait tant et plus démontré que Dieu peut nous faire vivre dix mille ans sur cette terre, que, si sa Parole et l’expérience prouvent qu’il ne le veut pas, ce serait bien en vain que nous perdrions notre temps à nous nourrir d’une vaine spéculation: autant la puissance de Dieu est vaste, autant sa volonté est immuable; et, après tout, il nous importerait peu de savoir que Dieu peut nous sauver, si nous ne savions pas qu’il le veut en effet.

Devant ces simples réflexions, tombent les questions vaines qu’on entend ou qu’on se fait si souvent.

Pourquoi Dieu ne nous sauverait-il pas aussi bien d’une manière que d’une autre, avec ou sans la foi, et plus ou moins sanctifiés?

Pourquoi ne convertirait-il pas dans le Ciel ceux qui ne seront pas convertis sur la terre?

Pourquoi?

Nous ne savons; mais ce que nous savons bien, c’est qu’il ne le veut pas; et cela nous suffit.

Toutes nos folles questions, toutes nos vaines espérances doivent tomber devant ce qui est écrit; or, la réponse écrite est celle-ci:

«Sans la foi, il est impossible d’être agréable à Dieu;

sans la sanctification personne ne verra le Seigneur,

et nul ne peut entrer dans le royaume de Dieu s’il ne naît de nouveau.»

Chassons donc ces conjectures sur le possible, qui ne nous sont inspirées que par le désir d’élargir «la porte étroite» et qui risquent de nous jeter dans «le chemin spacieux.»

Ce que Dieu veut est assez réjouissant pour que nous n’ayons pas la prétention d’y ajouter encore.

Écoutons seulement quelle est ici la volonté de Jésus à notre égard.

«Que votre cœur ne se trouble point,» dit le Sauveur. Vivez et dormez en paix, votre salut éternel est assuré.

Écoutons maintenant les motifs que Jésus va nous donner pour établir cette paix dans notre âme. D’abord, dit-il, «il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père;» c’est-à-dire le Ciel est vaste, et quelque nombreux que soient mes Disciples, tous sont assurés d’y trouver place; les uns n’en excluront pas les autres; le bonheur de ceux-ci ne retranchera rien à la félicité de ceux-là; Dieu vous a tous élus, tous créés, tous fait croire et aimer; ce ne sera pas pour vous jeter maintenant dans les ténèbres de dehors; votre place, votre propre place, est marquée dans les Cieux!

Non seulement tous les élus sont assurés de trouver place dans le Ciel, mais encore Jésus nous dit «être allé leur préparer le lieu,» leur dresser des trônes.

Hélas! nous savons comment il nous a ouvert et préparé ce séjour! Oui nous avons une demeure éternelle, mais UNE DEMEURE CIMENTÉE AVEC SON SANG! voilà la préparation, ou plutôt l’accomplissement de notre salut.

Jésus ajoute: «Je retournerai et je vous prendrai avec moi

Déjà, chrétiens, notre salut est accompli, notre place marquée; toutefois Jésus n’est pas encore revenu, afin de nous introduire auprès du Père. Mais, «Je viens bientôt,» dit-il.

Il descend de son trône, il est en marche, il touche à la porte du ciel, et la porte du ciel touche à notre tombe.

Quel doux spectacle que de voir, d’avance par la foi, Jésus venant pour nous en particulier du haut des Cieux à l’heure de notre mort, nous prendre par la main et nous conduire au céleste séjour!

Notre œil se ferme à la lumière du soleil, mais à l’instant même Jésus ouvre notre esprit à la clarté des Cieux; notre cœur cesse de battre, mais notre âme dégagée vient, sous la conduite du Sauveur, se mêler à la multitude des bienheureux.

Le souvenir de nos fautes ne devrait jamais être plus pénible qu’à cette heure suprême; mais Jésus est là, il nous rassure, il les efface, et c’est notre main dans la sienne que nous nous présentons devant Dieu.

Enfin «où je serai vous serez aussi

Si Jésus nous avait seulement dit qu’il nous a préparé un lieu d’éternelles délices, nous pourrions déjà nous réjouir. Mais remarquons que le lieu qu’il nous donne, c’est le lieu où lui-même va prendre place; en sorte que ce qu’il verra, nous le verrons; sa compagnie sera la nôtre, ses joies nos joies, ses amours nos amours, sa vie notre vie.

C’est ce qu’il a choisi pour lui qu’il nous offre;

bien mieux, c’est ce qu’il a choisi pour lui qu’il partage avec nous!

Oh! indicible amour de mon Dieu qui m’élève à sa gloire et me confond avec lui!

Cette perspective émeut le cœur, écrase l’imagination, et en même temps dispose à l’obéissance et à l’amour envers Celui qui nous a dit: «Que votre cœur ne se trouble point!»

Béni soit donc ce Sauveur qui nous procure ainsi la paix de l’âme, et qui, par cette paix, sanctifie lui-même notre vie.


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CLIe MÉDITATION.

Lisez Jean XIV, 15 à 31.

La paix que donne Jésus

La paix, la douce paix! ce mot seul fait du bien par la pensée qu’il apporte à notre âme.

Quand, fatigués par le travail, l’inquiétude, la maladie, le remords ou la discorde, nous formons un vœu, ce n’est pas celui de posséder tel ou tel bien, c’est de posséder la paix.

Que d’autres cherchent le bruit et le plaisir, le bruit et la fortune, le bruit et la gloire: pour moi, je ne veux ni plaisir, ni fortune, ni gloire; je demande une seule chose: la paix, la douce, la bienheureuse paix!

Sans doute, jeunes encore, vous avez peine à comprendre ce souhait; il vous semble que fêtes, agitations, émotions tumultueuses sont le sang de la vie.

Hélas! je reconnais que je ne puis rien pour vous désillusionner; l’expérience seule vous instruira, et vous un jour, comme d’autres aujourd’hui, vous demanderez la douce, la bienheureuse paix.

Mais peut-être entendez-vous par là la tranquillité du corps dans la solitude et de l’esprit loin des affaires. Non, ce n’est pas là la paix si désirable et si douce.

L’homme est en guerre constante avec tout ce qui l’environne, et même en guerre avec lui-même.

Là il dispute à ses voisins quelques parcelles d’or ou de terre:

ici il veut arracher à ses rivaux la gloire que ceux-ci lui disputent.

D’autres fois il s’inquiète et tremble sur sa vie terrestre; ses souvenirs le troublent, la pensée de la mort l’épouvante, et le plus sage frémit en songeant au jugement.

Donnez-lui fortune, gloire, santé, rien ne le délivrera de ces guerres incessantes avec ses semblables, ses pensées et son Dieu; rien, si ce n’est Jésus Sauveur venant lui dire: «Je vous donne la paix, non point comme le monde la donne; ainsi que votre cœur ne soit point agité ni craintif.»

Oui, le monde lui-même, après avoir traversé une vie agitée par toutes les passions, a fini par reconnaître que la paix était le bien le plus désirable, et au temps de Jésus déjà le souhait ordinaire d’un homme qui vous rencontrait ou vous quittait était celui-ci: «Que la paix soit avec vous!»

Mais que produisait ce vœu?

Ce que produit aujourd’hui notre adieu, vaine formule de politesse, parole d’habitude, étrangère au cœur.

De Jésus il en est tout autrement.

Ce qu’il exprime, il le sent, il le veut et le peut faire.

En même temps qu’il nous souhaite la paix sur la terre, il la puise dans le Ciel pour la déposer dans notre cœur; et si par nos péchés nous la chassons un instant, Lui peut encore la ramener par son Saint-Esprit.

Mais le vœu du monde pour nous procurer la paix n’est pas seulement impuissant, il est surtout incomplet.

Ce qu’il souhaite pour nous, c’est cette paix qui naît de l’indépendance des hommes, cette paix qu’attendait, de ses greniers combles, «l’insensé oubliant que cette nuit même son âme pouvait lui être redemandée.»

Riche, glorifié, plein de santé, vous vous lamentez encore; le pauvre et le malade étonnés vous disent: De quoi vous plaignez-vous? Pourquoi ne pas dormir en paix?

Vous n'avez rien à répondre à cette sagesse, et cependant, pour être réduit au silence, vous n’êtes pas satisfait; l’inquiétude, l’ennui, la crainte, remontons à la source, le remords empoisonnent votre vie.

Peut-être même ne soupçonnez-vous pas la véritable cause de votre mal, comme le malade qui n’ose s’avouer le germe de mort qu’il porte dans son sein.

Oui, voilà ce qui trouble et gâte tout dans la vie, c’est le malaise produit par le péché qui pèse sur la conscience; voilà ce qui mêle son amertume à tous nos aliments de bonheur; mais secouez le ver impur qui se promène sur ce fruit, extirpez le principe de gangrène qui ronge ce corps, aussitôt le fruit reprendra sa fraîcheur et le malade sa santé.

Voilà précisément la paix que Jésus donne; et pour purifier notre conscience, comme vous purifieriez ce fruit souillé et ce corps malade, il n’a qu’un seul mot à prononcer: PARDON, pardon sur vos péchés, effacés par mon sang. Aussi Jésus ajoute-t-il immédiatement: «Si vous m’aimiez, certes, vous seriez joyeux de ce que j’ai dit: je m’en vais au Père!»

Oui, si nous sommes ses disciples, son départ, sa mort nous donnent la paix jusqu’à la joie, puisque cette mort assure notre éternelle félicité par un éternel pardon.

Maintenant Jésus est parti; le croyant est pardonné; la paix est dans son cœur:

PAIX avec les hommes, car s’ils le haïssent, lui les aime; il ne peut donc plus avoir de guerre avec eux; paix avec ses passions qui sont encore là, mais que l’amour de Dieu tient en bride jusqu’à ce qu’elles soient domptées;

PAIX avec la conscience qui peut bien renouveler le souvenir de ses péchés, mais de péchés maintenant pardonnés;

PAIX avec l’adversité qui, sous la confiance en Dieu, concourt elle-même au bien de ceux qui l’aiment;

PAIX avec la mort qui n’a plus d’aiguillon, plus de terreur, plus de froide tombe, plus de néant, plus d’enfer, et qui se transforme en un passage ouvert sur la bienheureuse éternité.

La paix en toutes choses et toujours; la paix dans le cœur alors même que tous les hommes s’agiteraient autour de nous; la paix au milieu du monde, des luttes, des combats; la paix, alors même que la terre croulerait sur sa base, car cette paix ne repose ni sur les hommes, ni sur le monde, mais sur le rocher inébranlable, notre Dieu!

«Oh! si dans cette tienne journée, disait Jésus à Jérusalem, tu connaissais les choses qui appartiennent à ta paix!»

Oh! si dans ce jour nous aussi nous connaissions les choses qui appartiennent à la paix chrétienne, les inquiétudes dont elle délivre, les joies qu’elle procure, certes, comme Jérusalem, nous ne laisserions pas fuir cette courte journée pendant laquelle il nous est encore possible de l’obtenir!

Jetons-nous donc aux pieds de Jésus, et nous ne nous relèverions pas de dessus nos genoux, que cette paix céleste ne soit descendue dans nos cœurs!


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CLIIe MÉDITATION.

Lisez Jean XV.

Jésus est le cep; ses disciples, les sarments; son père, le vigneron

Je suis le cep, mon Père, le vigneron; vous les sarments. Unis à moi, vous porterez des fruits, c’est-à-dire des bonnes œuvres; mais, séparés, vous ne produirez rien.

Pour nous rendre bien compte de cette pensée du Sauveur, demandons-nous: qu'est-ce que demeurer en Jésus, et qu’est-ce qu’en être séparé?

Le but final du sarment est de porter du fruit;

le but final de l’homme est de faire le bien;

mais comment le sarment atteint-il ce but?

C’est en puisant sa force, sa vie, sa sève dans le cep!

De même l’homme fera donc le bien en puisant en Jésus la force pour l’accomplir.

Ainsi, quand il s’agit de se sanctifier, l’homme n’a donc de puissance que celle qu’il emprunte à Jésus-Christ.

Ensuite, quand le sarment cessera-t-il de produire?

Lorsque, détaché de la souche, il n’en recevra plus ni sève, ni soutien;

de même donc l’homme devient incapable de produire aucun bien dès qu’abandonné à sa propre faiblesse il veut trouver ses forces en lui-mème.

Examinez de près toute œuvre d’un homme séparé de Christ, et vous verrez qu’elle est frappée de stérilité, c’est un fruit avorté qui n’est bon ni à manger, ni à conserver, et qui, avec le temps, doit sécher, tomber, pour être jeté avec la feuille morte au milieu du fumier.

Voyez les peuples auxquels le christianisme est resté inconnu, tous ont successivement disparu de dessus la terre; si quelques-uns se sont distingués, c’est par leurs armes, c’est-à-dire par leurs crimes; ou dans les arts et les sciences, c’est-à-dire la recherche des biens matériels; mais aucun par l’amour de Dieu et du prochain, aucun par la pratique de la sainteté.

Babylone, Rome, Athènes, se sont évanouies...., et les peuples soi-disant chrétiens qui ont voulu se détacher de Christ, pour s’enter sur la créature, sont déjà à demi-morts, à demi-corrompus.

Voyez les simples individus, les philosophes de tous les temps, qui, de bonne foi, ont cherché la sagesse; les plus habiles en ont trouvé la règle, mais aucun la pratique, et aujourd’hui les sages les plus connus ne le sont pas moins par les souillures de leur vie que par la beauté de leurs maximes, à tel point qu’on n’ose pas nommer les vices et les crimes d’un Socrate ou d’un Rousseau!

Et sans aller si loin chercher vos exemples, prenez-les dans la foule incrédule qui fourmille autour de vous. Vous y trouverez des hommes qui s’instruisent, des hommes qui font des découvertes, des hommes qui acquièrent de la prudence et du savoir-faire, afin de traverser plus doucement la vie.

Mais voyez-vous beaucoup d'incrédules qui fassent des progrès dans la sanctification?

Qui soient aujourd’hui plus charitables ou plus purs qu’il y a dix ans? que dis-je?

Voyez-vous seulement des incrédules qui s’inquiètent de devenir purs ou charitables?

Leur poser à eux-mêmes ces questions serait les inviter à sourire; ils n’y songent même pas; ils ont bien d’autres affaires!

Chrétiens, vous trouverez des exemples en vous-mêmes.

Plus d’une fois, dans vos œuvres,

Vous avez perdu de vue Celui qui devait vous fortifier;

vous avez cessé de le prier,

vous n’avez plus cherché sa gloire,

mais vous avez compté sur vos propres forces et cherché votre propre satisfaction.

Pendant ce temps vous avez travaillé avec effort, avec persévérance, soutenus par des succès apparents; vous vous êtes réjouis en vous-mêmes de vous-mêmes; vous triomphiez déjà, lorsque votre œuvre a croulé par la base, et sa ruine a été grande.

Cette conversion, que vous aviez tentée chez un autre par vos raisonnements plus que par la Bible, s’est trouvée menteuse; cette mauvaise habitude, que vous pensiez avoir vaincue chez vous par vos résolutions orgueilleuses plus que par vos humbles prières, est revenue et plus hideuse.

Alors il vous a été évident que, séparés de Christ, vous n’avez rien fait, rien produit, pas plus qu’un sarment détaché du cep et enfoncé dans le sable, qui reste vert un instant et tombe ensuite desséché sur la terre.

Mais quand avons-nous porté quelques fruits?

Quand avons-
nous été heureux de nos travaux?

Quand avons-nous senti notre être intérieur se fortifier, alors même que nos œuvres extérieures n’avaient aucune apparence?

N’est-ce pas lorsque défiants de nous-mêmes, nous nous sommes tenus collés à Christ, enracinés en Jésus, le priant, le suppliant d’agir en nous et par nous, mais pour lui et pour sa gloire?

Avons-nous jamais plus progressé que lorsque nous avons consulté la Parole, imploré son Esprit, anéanti notre moi pour vivre de sa vie?

En terminant, remarquons une particularité de cette parabole admirable.

Le vigneron retranche les branches mortes et émonde celles qui portent du fruit, c’est-à-dire:

qu’il fait sur les unes et sur les autres la même opération

et obtient cependant des résultats complètement différents.

Telle est en effet la conduite de Dieu à l’égard des hommes; Il frappe l’incrédule et le croyant, et le coup qui fait blasphémer l’un, fait bénir l’autre; la maladie, qui aigrit le premier, exerce le second dans la patience; par là l’un est retranché et tombe; l’autre est émondé et redouble de vie.

C’est que pour le chrétien l’adversité même est une bénédiction; c’est par des afflictions qu’il avance dans la foi, et «toutes choses contribuent à son bien»; que Dieu frappe ou caresse, c’est toujours un Père, et toujours le fils en devient plus soumis et plus reconnaissant.

Comprenons donc enfin notre bien véritable et RESTONS ENRACINÉS EN JÉSUS-CHRIST, n’attendant de force que de Lui, ne cherchant que sa gloire, et soyons bien convaincus que chaque jour nous aimerons davantage, nous nous sanctifierons mieux; en un mot, nous porterons plus de fruits.



 

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