Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE III

LA LOI ECCLÉSIASTIQUE DU 1er JANVIER 1849

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L'Assemblée législative qui allait entreprendre la discussion du projet de loi ecclésiastique n'était autre que l'assemblée constituante du mois d'avril, transformée en grand conseil par un vote populaire.

Cependant, à M. d'Yvernois étaient venus se joindre par suite de remplacements, M. H.-F. Calame et M. Ch. Lardy, et ces trois hommes, qui à eux seuls représentaient l'opposition, se firent les interprètes des observations de la Classe.

Les pasteurs, en effet, n'avaient pas été vraiment entendus sur le nouveau projet de loi, comme le prévoyait la constitution; ils n'avaient eu que quelques heures pour en prendre connaissance avant la conférence de leurs délégués avec le conseil d'État, et celui-ci y avait ajouté au dernier moment une disposition transitoire très grave, en vertu de laquelle la Classe et les consistoires étaient supprimés. Cette suppression était sans doute dans l'esprit général de la loi; c'en était la conclusion logique, mais on ne l'avait pas jusqu'ici nettement formulée.

L'organisation nouvelle à donner à l'Église était, semble-t-il, une question d'une importance assez grande pour que la délibération n'en fût pas écourtée. Mais le gouvernement ne se souciait pas de prolonger les débats; il avait son siège fait, il estimait qu'en substituant son nouveau projet à l'ancien, il était allé aux dernières limites des concessions. Le grand conseil, entrant dans ces vues, ne jugea pas à propos de renvoyer ce projet de loi, comme il venait de le faire pour d'autres, à l'étude d'une commission: il décida même d'abréger les délais réglementaires, sous prétexte de ne pas fatiguer les députés par de trop fréquents déplacements, si bien que le projet, lu le 24 novembre, fut discuté dès le lendemain, adopté le 29, presque sans modification, à l'unanimité des voix moins quatre, et déclaré exécutoire dès le 1er janvier suivant.

Cette loi, si rapidement enlevée, différait du premier projet sur un point capital: le gouvernement de l'Église était remis non plus à l'État mais à l'Église elle-même et cette modification était à elle seule d'une telle importance qu'elle rendait la loi entière acceptable aux pasteurs, tandis qu'ils avaient été unanimes à rejeter la première organisation proposée. Cette distinction du domaine civil et du domaine religieux était le principe qui avait inspiré les dispositions essentielles de la loi et la répartition des attributions entre les diverses autorités.

Les autorités ecclésiastiques, sous réserve du droit de suprématie de l'État, étaient les paroisses, les colloques et le synode. L'institution des colloques, comme degré intermédiaire entre les paroisses et le synode, avait pour effet de diminuer la compétence et l'autorité du synode: les paroisses n'étaient directement représentées que dans les colloques, tandis que le synode comprenait pour chaque district deux députés ecclésiastiques nommés par le colloque et trois députés laïques élus par l'ensemble des paroisses du district. On avait craint, sans doute, que le synode n'eût une position trop influente, s'il était issu directement du suffrage universel et si toutes les paroisses y avaient été représentées par leurs délégués. Quoi qu'il en soit du mode de sa composition, c'était au synode qu'était exclusivement conférée l'administration de l'Église, quant au spirituel: il nommait les professeurs de théologie, dirigeait les études, surveillait les intérêts de l'Église et statuait sur les cas de discipline ecclésiastique (art. 11),

Quant à l'État, il avait renoncé au rôle prépondérant que lui attribuait le premier projet. Il exerçait son droit de haute surveillance en se faisant représenter au synode par deux délégués, l'un laïque, l'autre ecclésiastique, et il se réservait le droit de sanctionner les règlements élaborés par le synode, de présider aux élections, d'installer les pasteurs en leur intimant le serment et de recevoir les recours éventuels contre les mesures disciplinaires du synode. Cependant certaines dispositions de la loi étaient en désaccord avec ces principes généraux et elles pouvaient autoriser l'État à empiéter sur le domaine spirituel réservé au synode. C'est ainsi que les art. 41 et 48 attribuaient au conseil d'État la nomination des six diacres de district et des pasteurs allemands, et que l'art. 20 lui conférait le droit de présenter à l'élection des paroisses, sans contrôle du synode, des pasteurs suisses ou étrangers, en l'absence de candidats neuchâtelois ou lorsque la paroisse aurait refusé d'élire ceux qui se seraient présentés. Enfin, ce qui était plus grave encore, le conseil d'État, pouvoir exécutif, se réservait de juger souverainement toute contestation qui pourrait s'élever sur l'une ou l'autre des dispositions de la loi (art. 75).

On voit que l'État avait tenu compte dans une large mesure des vœux exprimés par les pasteurs; c'était à un corps ecclésiastique qu'était remis le gouvernement de l'Église, quant au spirituel. Le projet de la Classe avait l'avantage de distinguer plus nettement le religieux du civil, tout en donnant à l'État plus de moyens encore d'exercer son contrôle. Au cours des délibérations du grand conseil, il arriva même qu'un article de ce projet, d'une importance majeure, fut introduit dans la loi sur la proposition de M. Ch. Lardy (MM. F. Godet et Henriod attirèrent l'attention de M. Lardy sur cet article, qui était le quinzième du projet de la Classe, et ils l'engagèrent à le proposer en son nom personnel au grand conseil.): c'est l'art. 69 statuant qu'aucun droit civil et politique n'est attaché à la qualité de membre de l'Église. Cette disposition portait le coup de mort à l'ancienne notion de l'Église nationale, telle qu'elle avait existé jusqu'alors: un citoyen pouvait désormais jouir de la plénitude de ses droits, lors même qu'il ne se rattachait pas à l'une des deux Églises reconnues par l'État: l'adoption de ce principe si large et libéral devait avoir pour première conséquence l'établissement de l'état-civil. M. Steck, qui s'en rendait compte, trouva que c'était marcher trop vite et déclara que, si l'on voulait qu'il n'existât aucune contrainte, on ferait mieux d'adopter franchement l'Église libre. Mais M. Piaget se prononça énergiquement pour l'article proposé, disant que son adoption faciliterait beaucoup l'élaboration du code civil. C'est ainsi que cette disposition, la plus libérale de toute la loi, est due à l'initiative de la Vénérable Classe, qui se rendait parfaitement compte de l'évolution qui devait s'opérer dans les relations de l'Église et de l'État.

Mais il est un point sur lequel la nouvelle loi était en contradiction complète avec les vœux des pasteurs, elle prononçait la suppression définitive de la Classe. Les pasteurs en demandaient le maintien, en restreignant son action au domaine purement spirituel: ils étaient prêts à faire le sacrifice de ses privilèges entre les mains du synode, mais ils auraient voulu la conserver à côté du synode pour assurer la prédication de l'évangile et l'indépendance du ministère. Le gouvernement, qui était guidé par des considérations d'un tout autre ordre, arrivait à des conclusions opposées: ce n'était point qu'il prétendit s'ingérer dans des questions de doctrine, mais, au point de vue politique, il envisageait la Classe comme un état dans l'État, et comme il savait que la très grande majorité des pasteurs étaient partisans de l'ancien régime, il n'était nullement porté à user de ménagements envers eux: la Classe était à ses yeux le dernier reste d'un ordre de choses avec lequel il fallait en finir, et sa suppression une nécessité d'État. Il était à craindre d'ailleurs que la Classe, avec sa longue habitude des affaires, ne reprît peu à peu une influence prépondérante qui éclipserait le synode. Les républicains lui avaient gardé rancune de l'attitude qu'elle avait prise comme corps politique dans l'affaire du Sonderbund et c'est ce souvenir qui provoqua la seule parole violente qui fut prononcée au cours des délibérations sur la loi ecclésiastique: un conseiller d'État, M. Georges DuBois, déclara que le clergé s'était conduit d'une manière scandaleuse depuis 1830. Aussi le parti réclamait-il que la Classe fût supprimée, que tous les pasteurs fussent immédiatement soumis à une réélection, et, comme il pouvait arriver qu'aucun ecclésiastique neuchâtelois n'acceptât de remplacer ceux qui auraient été évincés, le conseil d'État était autorisé à admettre des étrangers, sans avoir à consulter l'autorité ecclésiastique. C'était donc uniquement pour des raisons politiques que le gouvernement réclamait cet ensemble de mesures qui froissaient si vivement les pasteurs; il ne voulait pas que l'Église devînt un foyer d'opposition royaliste et, sur ce point, il se montra absolument intransigeant. On objecta en vain qu'aucun canton suisse n'avait songé au lendemain d'une révolution à soumettre les ecclésiastiques à une réélection, que les passions politiques joueraient un rôle fâcheux pour la vie religieuse dans ces votations populaires, que d'anciens pasteurs qui avaient été nommés à vie, se trouveraient congédiés sans ressources du jour au lendemain.

Le parti républicain se refusa à toute concession.

Mais on aurait tort d'y voir une intention quelconque d'intervenir dans le domaine des croyances de l'Église, et, sous ce rapport, il y avait peut-être quelque malentendu entre la Classe et le pouvoir civil. Si la première désirait continuer à vivre, c'était uniquement pour maintenir l'unité de la foi; or le gouvernement ne songeait nullement à toucher à cette unité; il entendait même la sauvegarder. M. Steck estime qu'elle est indépendante de l'existence de la Classe, qu'elle aura désormais pour défenseur le synode et que les ecclésiastiques, jouissant du droit d'association comme tous les citoyens, pourront se réunir fréquemment pour examiner les questions de doctrine. (Bulletin officiel du grand conseil, p. 398.) Nous avons à Neuchâtel, dit M. A. Girard, un système religieux basé sur le maintien d'un ensemble de croyances, et il n'appartient pas à l'autorité temporelle d'y rien changer. » (Id., p. 444.) Et même, pour justifier l'article 74 qui donnait au conseil d'État le droit d'interdire la prédication de pasteurs étrangers, quelques députés déclarèrent que l'État devait être armé pour empêcher l'intrusion de doctrines fâcheuses, sinon on en viendrait à prêcher dans notre pays l'incrédulité, l'athéisme, les doctrines de Strauss ou même celles de Confucius et de Brahma.(ld., p. 464.)

On le voit, l'État non seulement ne voulait pas modifier le credo de l'Église, mais il entendait le défendre contre toute attaque. Cependant cette protection que l’État prétendait accorder à la saine doctrine inquiétait M. Lardy; il se défie de cette immixtion de l'État dans les affaires religieuses; il se demande qui sera juge de l'orthodoxie des prédications; qui appréciera ce qui est une perturbation de l'ordre public? «L'État se fera-t-il pape? La première des libertés, c'est la liberté religieuse: où la conscience parle, ni la force publique, ni les baïonnettes ne peuvent rien; rappelons-nous les réformateurs et les Vaudois des Vallées.» (Bulletin, p. 464 et 465.)

M. W. DuBois partant d'un tout autre point de vue posa la question de savoir si une paroisse aurait le droit de nommer un pasteur de son choix, lors même qu'il professerait des opinions religieuses différentes de celles du synode. (Id., p. 444.) Cette question demeura sans réponse; elle signalait le point faible de la loi: l'unité religieuse était-elle compatible avec le principe du suffrage universel? Ce problème ne devait reparaître que vingt ans plus tard, et comme il semblait alors affaire de pure théorie, personne ne chercha à le résoudre.

Les grandes questions de principe, en effet, ne furent point résolues, ni même abordées, dans la discussion de la loi de 1848; elles ne se posaient pas pour le plus grand nombre des députés: quelques esprits clairvoyants en comprenaient bien la gravité, mais ils estimaient que dans les circonstances du moment il serait imprudent de les discuter et qu'on devait se contenter d'une solution provisoire. Et cependant une première question préalable aurait dû être alors déjà franchement abordée; en la passant sous silence, on la tranchait de fait et dans un sens qui compromettait l'avenir: le grand conseil était-il compétent pour élaborer une loi ecclésiastique? Le grand conseil était un corps exclusivement politique: c'est à ce titre que les pasteurs en étaient exclus; ses membres pouvaient être dissidents, catholiques, juifs ou athées. Pouvait-il dans ces conditions donner à l'Église réformée sa constitution?

La gravité de ce problème n'avait point échappé à la Classe; le rapport de sa commission l'avait signalée en termes très nets: «Reconnaître au grand conseil le droit de donner à l'Église son organisation, c'est lui concéder la souveraineté dans l'Église: et si même cette organisation était bonne. l'État qui l'a donnée aujourd'hui pourra la modifier demain. C'est à l'Église seule qu'il appartient de se constituer elle-même.» Mais cette conclusion très juste se heurtait à une grosse difficulté: comment l'Église ferait-elle entendre sa voix? Si la Classe voulait convoquer les paroisses, l'État s'y opposerait certainement: et, si l'État décidait la nomination d'une constituante ecclésiastique, quelle en serait la composition et sous quelles influences serait-elle élue? Dans ces conditions, les pasteurs décidèrent par prudence de ne pas soulever la question de compétence et de se borner à demander que la loi ne traçât que les traits généraux de l'organisation et en renvoyât le détail à un règlement qu'élaborerait le synode.

Au grand conseil, ce silence des pasteurs sur une question aussi grave fut relevé par M. Ch. Lardy. 11 s'attendait à ce que le projet de loi réglerait simplement la position de l'État vis-à-vis de l'Église, comme juge d'ordre pour le temporel, et qu'il laisserait à l'Église le soin de se donner une constitution au moyen de délégués choisis dans son sein. «Au lieu de cela, que faisons-nous? nous faisons une constitution ecclésiastique. Sommes-nous les députés des Églises? Non; nous sommes un corps politique, et, comme tels, nous ne devrions pas nous occuper d'une organisation de l'Église. Le grand conseil est hors de son rôle, en discutant une loi ecclésiastique. Mais, comme MM. les pasteurs n'ont pas fait d'objection sur ce point, l'orateur se borne à l'indiquer.» (Bulletin, p. 424.)

La conclusion logique de ce remarquable discours, c'était la séparation de l'Église et de l'État. M. Piaget ne reculait point devant cette conséquence: il se déclara personnellement partisan de l'Église libre, mais le pays ne lui paraît pas encore mûr pour cette institution. «Si la majorité de l'assemblée préfère l'Église libre, dit-il, il vaut mieux jeter au feu tout le projet.» (id., p. 460.)

Cette question de compétence ne fut donc pas examinée avec l'attention qu'elle méritait; M. H.-F. Calame, tout en reconnaissant ce qu'il y avait de juste dans la manière de voir de M. Lardy, estimait que la chose importante, c'était que la loi fût bonne, plutôt que d'avoir été faite par telle ou telle personne. (Id., p. 425.)

M. F. Godet se résigna à regret à suivre cette voie opportuniste. «Pourquoi, écrivait-il quelques mois plus tard, les pasteurs n'ont-ils pas développé cette question dans le mémoire qu'ils ont adressé au grand conseil? De guerre lasse, peut-être; peut-être aussi par prudence; en jetant au milieu du grand conseil cette question de compétence, nous aurions craint d'irriter, d'aigrir. Je ne dis pas que nous ayons eu raison de nous laisser arrêter par cette crainte, car le droit qu'il s'agissait de réserver n'était pas seulement le nôtre, c'était celui de l'Église entière. (Trois dialogues sur la loi ecclésiastique, Neuchâtel, 1849, p. 13)»

Au reste une autre question de principe était intimement liée à la précédente: si l'on avait décidé de nommer une constituante ecclésiastique, qui aurait pris part à l'élection? en d'autres termes qui était membre de l'Église neuchâteloise?

De fait, la question était résolue déjà par l'incamération des biens d'Église. Du moment que l'État pourvoit aux besoins du culte, il doit envisager tous les citoyens comme membres de l'Église; il ne lui appartient pas de faire un triage, il a même le devoir de s'opposer à ce que Ion en fasse un.

M. Godet, dans son rapport à la Classe, avait lui-même clairement marqué cette conclusion logique: «Tant que l'État est uni à l'Église et qu'il est détenteur des biens ecclésiastiques, il ne peut tolérer un système qui exclurait de l'Église une partie de la nation.» Mais que devenait alors cette unité de foi que l'on réclamait comme la condition indispensable d'une Église digne de ce nom? Si tous les citoyens sont électeurs par droit de naissance, la foi de l'Église ne peut être que celle de la majorité, et la garantie que l'on pensait trouver pour le maintien de la doctrine dans La direction spirituelle du synode, devenait illusoire. Les pasteurs avaient bien le pressentiment qu'il y avait là un danger; mais, au lieu de le combattre dans son principe, ils se bornaient à proposer des palliatifs, dont le moindre défaut était d'être inefficace.

D'après le projet de loi, la paroisse comprenait tous ceux de ses ressortissants âgés de vingt ans qui acceptaient les formes de l'Église protestante. C'était, en termes un peu différents, la même définition que celle qu'avait donnée M. Henriod dans sa brochure: la paroisse est l'ensemble des Neuchâtelois protestants habitant une localité. (L'Église réformée de Neuchâtel, p. 27.) La Classe, tout en maintenant le principe national, aurait voulu apporter certaines restrictions à l'exercice du droit électoral, afin d'en exclure les dissidents, les individus privés de leurs droits civils et les étrangers en séjour momentané. Elle proposait de reconnaître comme membres actifs de la paroisse, les habitants de la circonscription qui sont âgés de vingt ans, qui acceptent la présente organisation, qui peuvent justifier de la ratification du vœu de leur baptême dans l'Église protestante et qui y persévèrent.

Le grand conseil fut d'accord pour refuser le droit électoral aux interdits et pour ne pas permettre aux électeurs de la paroisse allemande de voter aussi dans la paroisse française. Mais il se refusa absolument à toute mesure qui exclurait les dissidents et il ne voulut admettre aucune condition religieuse de l'électorat estimant avec raison qu'aucun tribunal n'était à même de décider si un électeur persévérait ou non dans le vœu de son baptême.

L'article que M. Lardy fit adopter portait sans doute qu'aucun droit civil n'était attaché à la qualité de membre de l'Église. C'était un grand progrès, mais il aurait fallu inscrire aussi dans la loi le corollaire de cet article, c'est qu'aucun droit ecclésiastique n'est attaché à la qualité de citoyen. En effet, s'il n'était plus nécessaire désormais d'être membre de l'Église pour exercer ses droits civils, tout citoyen était encore par le fait de sa naissance membre de l'Église, et toute restriction, toute condition religieuse ou morale, posée pour l'exercice du droit électoral ecclésiastique, était en contradiction avec le principe même d'une Église nationale.

Les délibérations du grand conseil n'étaient pas faites pour dissiper les inquiétudes des pasteurs et pour mettre un terme à leurs hésitations. D'une part, ils voyaient la possibilité dans les circonstances du moment de maintenir la prédication de l'Évangile au milieu du peuple; c'était pour eux la chose essentielle et, à ce point de vue, la loi leur paraissait acceptable. Mais cette même loi ne donnait pas de garantie sérieuse pour l'avenir; l'autorité religieuse du synode n'était qu'un bien faible rempart contre l'invasion de doctrines étrangères: la Classe n'avait pas osé toucher à la question de la compétence du grand conseil: elle avait proposé d'apporter à l'exercice des droits électoraux quelques timides restrictions, dont il n'avait été tenu aucun compte. Et, comme on avait dit dans la discussion que la loi était acceptée par les pasteurs, le doyen DuPasquier adressa au grand conseil une lettre, pour lui rappeler que les pasteurs n'avaient point encore donné leur assentiment à la nouvelle organisation et qu'à la suite du rejet de leurs réclamations, cet assentiment devenait de plus en plus problématique. ( Bulletin, II, p. 467.)

La loi n'en fut pas moins adoptée à l'unanimité des voix moins quatre et rendue exécutoire pour le 1er janvier 1849.

La Classe fut convoquée par son doyen pour le 6 décembre; elle devait décider quelle position elle adopterait. La délibération fut très sérieuse; chacun comprenait la gravité des décisions qui allaient être prises; serait-ce la révolution religieuse, s'ajoutant à la révolution politique? La Compagnie estima qu'elle ne devait pas user de son droit de prescrire à ses membres leur conduite et elle les laissa libres de prendre chacun le parti qui lui semblerait le plus conforme à sa conscience et au bien de l'Église et du pays.

Par ce vote, elle prononçait sa dissolution et renonçait à faire opposition à la loi. Elle estima que la prédication de l'Évangile était sauvegardée dans l'Église, autant qu'il était possible dans les circonstances présentes.

Au moment de déposer les pouvoirs qu'elle exerçait depuis trois siècles, elle décida d'exprimer une dernière fois, par une adresse, ses sentiments et ses vœux aux Églises qu'elle avait dirigées jusqu'alors. Ce mandement, signé par le doyen J. DuPasquier, pasteur, et par le secrétaire A. Perret-Gentil, professeur en théologie, est le dernier acte officiel de la Compagnie des pasteurs; il témoigne de l'esprit qui l'animait et il clôture dignement cette première et longue phase de l'histoire de l'Église neuchâteloise. (Ce mandement se trouve Appendice II.)



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