Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA DERNIÈRE PERSÉCUTION,

PROVOQUÉE ET CONTINUÉE PAR LES PAPES

CONTREL'ÉGLISE CHRÉTIENNE

DANS L'ESPACE DE QUELQUES CENTAINES D'ANNÉES.

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La persécution des papes accompagne celle des Turcs. Elle est d'autant plus dangereuse qu'elle est venue à l’improviste et d'autant plus cruelle, qu'elle est exercée par ceux qui devaient être les plus paisibles et les plus sincères dans la foi chrétienne. Ils veulent être reconnus comme les plus saints dans l'Église en prétendant que Christ leur a donné toute puissance sur l'Église, et qu'ils peuvent traiter des affaires de la religion selon leur plaisir, et qu'ils sont les chefs et pasteurs de l'Église universelle.

Il a été montré par une grande quantité d'écrits que les choses sont autres, non seulement quant à la foi et la religion, mais aussi touchant l'Église sur laquelle ils veulent dominer tyranniquement.

Il y a une grande différence entre l'ancienne Église romaine et ses premiers évêques, et l'Église romaine d'aujourd'hui avec ses papes et cardinaux.

Les anciens évêques de Rome depuis l'an 70 jusqu'à Constantin le grand, vers l'an 214 ont été au nombre de 32, tous prêcheurs et ministres de l'Église de Jésus Christ, ayant exercé fidèlement leur charge, ont enduré la mort pour l'amour du Seigneur Jésus Christ, et de son Évangile.

Ils n'ont pas dominé selon la mode des princes de ce monde;

Ils n'avaient point de Cour à Rome, ni un conseil de cardinaux,

Ils n’avaient nulle garde, ni rien de ce que les papes ont l’habitude d'avoir aujourd'hui.

Je m’en rapporte à toutes les vraies histoires qui n'ont pas été écrites par les flatteurs des papes.

QUANT au nom de pape, il n'a pas été seulement attribué à l'évêque de Rome, mais aussi aux évêques des autres pays : Aurèle et S. Cyprien à Carthage, S. Ambroise à Milan, et d’autres encore qui ont été évêques ailleurs, étaient aussi appelés «papes». S. Jérôme appelle «pape» S. Augustin, l'évêque d'Hyppone en Afrique.

PAPE signifie PÈRE, dans la langue de Syracuse, comme Suidas [Lexicographe onzième siècle.] le témoigne et comme S. Paul le dit aussi en déclarant que les ministres de l'Église doivent être comme des pères fidèles du peuple.

D’autre part, parmi les évêques de Rome, depuis le temps de Constantin le grand, et depuis Sylvestre jusqu’à Grégoire premier, ils furent 36 dans l'espace de 280 ans environ ; il n'y en a pas eu un seul qui ait eu cette pompe et cette magnificence des papes d'aujourd'hui.

S'ils ont été pris en grande considération et avaient une certaine autorité envers les autres Églises et leurs ministres, c'était parce qu'ils étaient le plus souvent des gens savants (instruits dans les Écritures), et parce qu'ils n'étaient pas, comme dans quelques autres Églises, souillés par l'enseignement des sectes, et principalement parce qu'ils ont été ministres de l’Église dans laquelle les Apôtres avaient plantée (la Parole de Dieu) au commencement. C'est pour cette raison qu'elle elle a été appelée «Apostolique», ou «siège apostolique» et «siège de l’Apôtre S. Pierre».

Néanmoins, ce titre de siège Apostolique a été attribué aussi à d'autres Églises, comme à l'Église de Jérusalem et d'Antioche.

«SIÈGE» ici ne veut pas dire un siège royal, mais une chaire où l'on prêche.

Les anciennes Églises, «sièges Apostoliques», ont acquis ce nom à cause de la doctrine apostolique et parce que les Apôtres ont prêché dans ces lieux-là et qu’ensuite ces Églises Apostoliques ont apporté la doctrine des Apôtres dans les Églises proches, et lointaines. Il ne faut pas que les lieux, d'où la prédication et la doctrine apostolique sont bannies, se vantent d'être des sièges apostoliques même s’ils ont été nombreux durant plusieurs années. S. Jean dit qu'il y a un siège de Satan: Apoc. 2. 13; Je sais où tu demeures, je sais que là est le trône de Satan.

Mille ans s'étaient écoulés depuis le temps des Apôtres jusqu’à Henri IV ; l'Église commença alors sa troisième période et changea sa doctrine, sa discipline et sa forme de gouvernement, avec des choses nouvelles et contraires (à ce qui avait été prêché auparavant).

Le premier âge de l’Église, durant les premiers 500 ans, fut d'autant plus entier et pur qu'il était près du temps des Apôtres et de leurs disciples. Quoiqu'elle ait eu de terribles combats contre les païens et les hérétiques, la victoire lui fut toujours acquise parce que la pure doctrine était son appui et qu'elle était fortifiée par les exemples de ceux qui confessaient le Nom de Christ et de ceux qui portaient constamment les difficultés et les ennuis à cause des bannissements, des tourments et des plus cruels supplices. Les erreurs ne pouvaient subsister ni tenir le coup dans de pareilles tempêtes.

Sur la fin de cet âge, elle fut entachée par quelques vices introduits par la superstition du menu peuple et par l'erreur de quelques personnages instruits. Par la suite, ces vices s’accrurent à cause des incursions des nations étrangères qui vinrent de divers endroits, lorsque l'Empire d'Orient commença à se déchirer.

Ainsi la discipline ancienne s'affaiblit, les superstitions commencèrent à prendre pied; de ce nombre furent la Moinerie, les vœux, le célibat, la vénération des saints et d’autres traditions humaines, semblables dont les semences commencèrent à prendre racine, et à sortir peu à peu au grand jour peu de temps après le Concile de Nicée.

L'autorité de ce Concile était toujours en vigueur parce que beaucoup d'excellents personnages s'y trouvèrent et avaient réussi à maintenir les principaux points de la doctrine chrétienne contre les hérésies; une partie d’entre eux avaient souffert la persécution pour sceller la vérité de la religion chrétienne.

Au reste, quoiqu'on eût fait dans ce Concile – quelques décrets touchant le gouvernement des Églises comme par exemple, que l'évêque d'Alexandrie serait surintendant des Églises d'Afrique, celui d'Antioche de celles d'Asie, celui de Rome de celles d'Europe, que les évêques seraient nommés par les voisins – toutefois on ne dressa point de police mondaine, ni ne donna l’autorité et la puissance à un des évêques pour commander tous les autres.

Tous ces décrets ne furent point faits pour être pris comme des articles de foi puisque ce sont articles hors la parole de Dieu qui, elle, ne se change pas avec le temps. Ils ont pris fin avec les Églises de cette époque, aussi n'appartiennent-ils point à l'Église qui n'est point assujettie à des doctrines, des inventions et des lois humaines, ni obligée de garder en tout temps et en tous lieux une même discipline extérieure, mais est liée uniquement à la parole de Dieu.

En ce temps-là, il n'était point possible à l'évêque de Rome ou d'Antioche, ou d'Alexandrie, d'assigner et d'assembler les Conciles, ou de charger les autres Églises de nouvelles cérémonies; encore moins de dresser des nouveaux articles de foi, ou d’introduire un service de Dieu contraire à celui que lui même demande.

La seule parole de Dieu avait toute autorité, comme il apparaît au travers des décrets et des déterminations de quelques Conciles chrétiens qui ont été tenus après celui de Nicée, comme le premier Concile de Constantinople où l'hérésie d'Eunomius fut condamnée [Eunomius enseignait à ses disciples qu’il ne fallait point faire de violence à la nature lorsqu'elle nous porte à des plaisirs immodérés du corps, ni résister aux voluptés, disant que l'âme n'en était pas souillée, et que la seule foi suffisait, pourvût qu'elle soit conforme à la sienne. (Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques … Par Remy Ceillier,Rondet)], celui d’Éphèse contre Nestorius, celui de Chalcédoine contre Eutyches, quelques autres depuis.

Or, malgré que les Conciles, tenus après les premiers susnommés, aient retenu la sainte doctrine touchant les articles de foi, toutefois ils ont donné trop d'autorité aux lois et traditions humaines, et se sont laissé gagner à la superstition qui commençait à lever la tête. Pour exemple:

Le Concile de Laodicée condamna à bon droit les Novatiens, mais il a blâmé sans raison les laïcs qui se remarient pour la seconde fois.

Le Concile Milevitain , où se trouva S. Augustin, maintint très bien la doctrine du péché originel, de la grâce, et de la justification; mais il accepte très mal la superstitieuse opinion touchant les vœux.

Le Concile d'Ancyre permit aux Diacres de se marier; depuis, celui de Carthage le leur défendit.

Voilà comment peu à peu la superstition s'avança lorsque les traditions humaines furent plus estimées et plus mises en avant dans l'Église que les lois de Dieu.

Quant à la puissance d'assembler les Conciles, spécialement les généraux, ce droit a toujours appartenu aux Empereurs et non à d’autres: c’est ce que l’on voit avec Constantin, Théodose et d’autres Princes chrétiens qui ont appelé les évêques pour régler les différents survenus dans la doctrine; eux-mêmes ont assisté et présidé des assemblées tenues pour examiner ces différents. Les Empereurs suivants ont conservé cette autorité fort longuement jusqu’à Lothaire de Saxe.

Après ce premier âge, survînt le second, qui augmenta et confirma les erreurs et superstitions que le premier avait laissées,ainsi, au fur et à mesure que le temps passait, on s’éloigna toujours plus de la règle des saintes Écritures à tel point que l'amas des superstitions et des erreurs accabla finalement et éteignit entièrement la lumière de la pure doctrine.

Il arriva que plusieurs peuples barbares, comme les Goths, les Lombards et leurs associés, se jetèrent sur l'Italie. Alors les bonnes lettres furent ensevelies, les Églises demeurèrent désertes, et, pire encore, ces Barbares, possesseurs de l'Italie, apportèrent avec eux, ou reçurent aisément beaucoup de superstitions, tellement que peu de temps après les abus se multiplièrent grandement.

Les persécutions du premier âge avaient engendré les Ermitages et les Moineries. Après elles survinrent les horribles dissipations de l'Empire et les confusions introduites par les nations étrangères. Les gens paisibles, à charge de femmes et d'enfants, en contemplant l'Italie ainsi déchirée, pensaient que c'était une chance d'être éloigné des gouvernements publics pour demeurer dans quelque désert, sans famille, sans enfants afin ne point voir le saccage des villes, et la désolation du pays, ils estimaient heureuse la condition des moines qui jouissaient d'un si grand repos.

Cela donna un grand éclat à l'opinion du célibat, et mit les moines en telle considération, que plusieurs commencèrent à désirer et à chercher des lieux solitaires. C’est ainsi que les Barbares, qui sont farouches de leur naturel, ont en admiration les nouvelles cérémonies qui ont l’apparence de la religion et qui semble avoir des attaches avec Dieu.

Ce n'est donc pas étonnant si les Moineries se multiplièrent et si chacun se laissa persuader qu'une telle manière de vivre (qui éteignit finalement la lumière de l’Évangile touchant la vraie foi et les bonnes œuvres) était fort excellente.

Quand le fondement de ces méchantes superstitions fût posé, et qu'avec le temps ces superstitions furent affermies et appuyées dans les esprits des hommes, survint alors l'autorité publique du pape Grégoire le grand qui monta sur le siège papal en 593.

Il établit le service et l'invocation des Saints;

Il commanda qu’on leur dédiât des temples, des chapelles et des autels à leurs os.

En plus, il fit valoir la fausse opinion de la moinerie et des traditions humaines contraires à la parole de Dieu,

Il fit aussi valoir des satisfactions canoniques, des vœux, du célibat; un joug qu’il imposa aux diacres de Sicile, qui jusqu'alors, avaient eu le droit de se marier indépendamment des degrés ecclésiastiques suivant la coutume de l'Église grecque et les décrets des anciens Conciles.

En ce même temps naquit l'idée de l'oblation du corps et du sang de Jésus Christ pour les morts. Cela produisit une horrible profanation du Sacrement. Le pape Grégoire mit en avant cette opinion, à cause de quelques fantômes qui apparurent alors.

Ces erreurs établies et reçues par l’autorité publique troublèrent l'Église et la polluèrent d'abus et d'idolâtries étrangères à la pure doctrine de la justice qu'ont les fidèles devant Dieu.

La vraie invocation doit être fondée sur notre Seigneur, l’unique Médiateur Jésus Christ Fils de Dieu, et appuyée par la doctrine et le vrai usage des Sacrements.

Pour le dire en un mot, les papes abolirent entièrement la doctrine de la foi en Dieu par un encouragement aux traditions humaines. Ils ensevelirent la promesse de l'Évangile touchant les bénéfices gratuits de notre seul Médiateur et Sauveur Jésus Christ Fils de Dieu; ils le remplacèrent par le méchant blasphème du mérite par les œuvres, par les services des hommes et sous l'intercession et l’assistance des Saints.

D'autre part, l'ambition et l'orgueil des papes commencèrent à croître si haut, qu'ils ne cessèrent jusqu'à ce que les autres Églises fussent toutes asservies et maintenues sous le joug de la tyrannie papale.

Environ 200 ans après la nativité de Jésus Christ, le pape Victor premier avait été si hardi qu'il imposa de nouvelles lois aux Églises d'Orient, et menaça d'excommunication ceux qui ne voudraient pas les recevoir. Irénée, évêque de Lyon, disciple de Polycarpe, s'opposa vivement à ce Victor.

Depuis, on observa le décret du Concile de Nicée approuvé par l'autorité de Constantin le Grand, jusqu'au temps des Empereurs Maurice et Phocas; c’est alors qu’un certain Jean, Patriarche de Constantinople, renommé à cause d'une humilité feinte qu'il avait montrée pendant qu'il était moine, sortit de son cloître par la ruse pour devenir évêque, au lieu de se contenter de sa charge et de sa dignité. Il voulut être, de nom et de fait, évêque universel de toutes les Églises; quoique Pelage second et Grégoire le Grand s'opposassent à cet orgueilleux, néanmoins il fut favorisé par l'Empereur Maurice.

Or, après que Maurice eût été tué, Phocas qui l'avait fait mourir craignant que l'Italie ne se révoltât contre l'obéissance des Empereurs Grecs, se servit des papes pour la maintenir en devoir, et donna ce titre d'évêque universel à Grégoire qui avait pourtant tonné et tempêté contre ce nom. La réalité montra qu'en détestant le mot, il avait ardemment désiré la chose même, vu qu'il usurpa la primauté et la domination sur les Églises qui n'étaient pas de sa charge.

Il est vrai est que quelque temps avant l'Empire de Maurice , Zosime et Gélase évêques de Rome avaient débattu de la primauté avec les évêques de Grèce et d'Afrique, mais tout cela s'était évanoui.

Après Grégoire, l'évêque de Ravenne s'attribua le même titre alors que les Goths ravagèrent l'Italie en prenant et en ravageant Rome, tandis que Valentinien le jeune établit le siège de l'Empire à Ravenne et y envoya des Exarques qui fortifièrent cette ville pour la faire capitale de l'Italie.

Mais après que Valentinien eut été tué et que Grégoire fut mort, ce même combat recommença entre l'évêque de Rome et celui de Constantinople au temps de Boniface troisième, et fut plus âpre que le précédent.

Sur ce, Phocas prit connaissance de ce différent, et jugea qu'il fut dit que l'évêque de Rome serait appelé évêque universel. Depuis il advint que les Églises d'Orient furent ruinées par les Mahométistes. Les évêques de Rome se voyant dans une situation délicate, commencèrent à se faire valoir pour obtenir le consentement, l'aide et le support des peuples barbares qu'ils avaient adoucis par des superstitions. Ils s'associèrent avec eux pour se maintenir en place par leur moyen en dépit des autres évêques, spécialement des Grecs, qui s'y opposaient.

Tels furent les commencements de la monarchie papistique dans l'Église. C'est ainsi que par de telles pratiques, les papes s'attribuèrent et occupèrent la primauté par-dessus les évêques en se servant des occasions que leur apportèrent les ruines des Églises orientales ainsi que des superstitions et des idolâtries de celles d’occident dont les nouveaux peuples s'adonnaient fort avidement en faisaient profession d'une ardeur incroyable.

Après que les évêques de Rome furent devenus des Monarques, l'ambition les poussa à aller plus en avant, mais au commencement ils n'osèrent pas manier toutes les affaires de l'Église selon leur fantaisie, ni commander tyranniquement aux autres évêques, pas plus que de prescrire des lois ou d’imposer des charges!

Encore moins entreprirent-ils de subordonner les droits des Empereurs, d'autant plus qu'ils étaient tenus par l'opposition et la résistance des autres évêques, et par l'autorité et la puissance des Empereurs, qui depuis Charlemagne, à l'exemple de leurs devanciers créaient les papes et les évêques, déposant ceux qui faisaient choses indignes de leurs charges, et y en établissaient d'autres. Ils convoquaient aussi les Synodes, et ne permettaient pas aux papes de les assigner, ni de s’y représenter avec l’autorité royale ou seigneuriale, ni faire quoi que ce soit sans l'autorité et le consentement des Empereurs et des autres évêques.

Plusieurs fois les Empereurs assignaient et assemblaient des Conciles en Allemagne et en Italie sans en demander avis ni le faire savoir aux papes: il n’était pas même question qu'ils fussent demandés pour y venir faire les maîtres.

Or quoique cette idée accablât et mît les papes en peine et les contraignît à tout remuer pour s'en défaire, les Empereurs, sachant bien pour quelles raisons Charlemagne avait dressé cet ordre dès le commencement, il importait au repos et à la consécration de l'Église et de l'Empire que les papes soient sujets et justiciables des Empereurs. Des lois spéciales avaient été renouvelées par Charlemagne et maintenues avec les armes par ses successeurs en voyant les machinations des papes, et jusqu’où ils iraient si on leur donnait la liberté et l’approbation qu'ils poursuivaient si chaudement. Il importait au repos et à la consécration de l'Église et de l'Empire que les papes soient sujets et justiciables des Empereurs.

Ainsi donc, ils empêchèrent les papes, jusqu’au temps de l'Empereur Henri quatrième, de secouer leur joug pour parvenir au but auquel ils tendaient depuis si longtemps.

Au reste, malgré les erreurs, les superstitions, les abus et les idolâtries qui étaient en vogue dans ce temps là, malgré que la lumière de la vérité était éteinte dans la plupart des pays où l'on faisait profession de la chrétienté, il y eut toujours plusieurs érudits et de bons personnages – surtout au commencement de ce second âge jusqu’à trois cents ans après – dans les Églises Grecques et Latines, qui enseignèrent uniquement la doctrine des principaux points de la religion. Parmi eux furent Vigilius, Bède, Alcuin, précepteur de Charlemagne.

Jean l'Écossais vivait au temps de Louis le Débonnaire, et comme il interprétait le livre de la hiérarchie de Denis et taxait l'erreur déjà reçue dans l'Église de l'oblation de la Cène du Seigneur pour les vivants et pour les morts, ses auditeurs le tuèrent à coups de poinçons. Voilà quels furent les temps du deuxième âge de l'Église!

S'en vînt le troisième âge qui commença du temps de ce Henri quatrième, et par la même occasion prit fin aussi la demie période de l'Empire depuis Charlemagne jusqu’alors.

Cet âge changea d’une façon surprenante les affaires de l'Empire et de l’Église; dès lors fut confirmée la tyrannie des idolâtries et des superstitions contre le règne, c'est-à-dire contre la doctrine, le service et l’invocation du Fils de Dieu.

La nouvelle puissance des papes, abolissant la juste et légitime autorité des Empereurs, fut lors établie.

En plus des idolâtries et des superstitions du second âge, il fut introduit dans l'Église le service du dieu Maozim, lequel fut adoré à la place du vrai Dieu, attirant à lui la foi les yeux et les cœurs de tout le monde.

[Maozim: Mot hébreu (voir Daniel, XI, 38: il honorera le dieu des forteresses sur son piédestal; à ce dieu, que ne connaissaient pas ses pères, il rendra des hommages avec de l’or et de l’argent, avec des pierres précieuses et des objets de prix.) qui signifie «des forteresses,» et qui s'applique, sans doute à Jupiter Capitolin qu'adorait Antiochus Épiphane. Ce mot a été pris à tort pour un nom propre par les Septante et la Vulgate: «Deum autem Maozim venerabitur.» Goulart, empruntant cette fausse traduction, a vu, dans ce dieu, le type de celui que l’on honore avec de l'or et de l'argent, dans la messe et dans les processions.]

Tandis que ce dieu commença à se montrer dans les processions et dans la messe, la parole de Dieu, quant à elle, commença à se taire. Ce dieu éleva en dignité les ecclésiastiques, amplifia leur puissance, augmenta leurs richesses, et fortifia le royaume des papes.

Ce dieu remplit de Moineries la chrétienté, et y logea une grande quantité de troupes de moines, qui, pour de l’argent, vendirent à quiconque voudrait acheter le sacrifice quotidien de la Messe ou d’autres exercices religieux.

Étant en garnison pour la garde du royaume papistique, ils ne cessèrent d'inventer, de jour en jour, force géhennes pour les consciences afin de les retenir en prison attachées par les illusions de l'idolâtrie, enchaînées par les liens des inventions et des traditions humaines; une prison dont il était plus malaisé de subsister contre ces tourments de conscience qui proviennent de la frayeur que donnaient les commandements des hommes, que s'il eût fallu être déchiré ou mis pièces.

Avec le temps, les moineries devinrent démesurément riches par leurs trafics. En même temps, il naquit une nouvelle sorte de docteurs, qui abolirent presque entièrement la doctrine contenue dans les livres des Prophètes et des Apôtres touchant le péché, la loi, la justification, les bonnes œuvres, par de nouvelles impositions contraires à la règle et au fondement de la religion Chrétienne. Ils enjolivèrent et soutinrent les abus, les erreurs, les idolâtries, et le trafic des pardons du pape.

La majesté et la dignité de l'Empire furent ébranlées et presque renversées par les papes; elles furent même abattues quand les papes firent tout leur possible pour secouer le joug des Empereurs en usurpant les droits impériaux, spécialement en ce qui concerne l'élection des papes et des évêques et dans la convocation des Conciles.

Ensuite, ils mirent le pied sur la gorge des Empereurs, les pressèrent et les foulèrent cruellement au point qu’il s'ensuivit l’établissement d’une nouvelle monarchie sur toute la chrétienté; bref il y eut un complet changement dans l'Empire et en Allemagne.

La première pratique des papes, qui plusieurs fois auparavant avait essayé (mais en vain et mal à propos) de rompre la loi qui donne la puissance aux Empereurs sur le pape et sur les évêques, fut de chercher des prétextes pour allumer les guerres civiles, désunir les Princes d'Allemagne, et les armer contre l'Empereur.

Ayant gagné sur ce point, cette pratique mit l'Allemagne en agitations, dissipant, ébranlant et rompant les forces de l'Empereur par la conspiration de ceux de Saxe, ils profitèrent alors de l’occasion pour demander ouvertement l'abolition de cette loi.

Finalement après que les Allemands se furent entretués, que les principales maisons eurent été exterminées, que les anciennes lois et mœurs furent abolies et l'autorité des Empereurs entièrement mise bas: les papes usurpèrent le droit de créer les évêques de Rome.

Ils établirent aussi un Sénat ou collège de cardinaux qui éliraient les papes, et commanderaient non seulement aux évêques, mais aussi aux Princes et Rois chrétiens, manieraient la religion et les affaires d'État à leur porte et, selon que leur profit et leur dignité le requerrait, ils donneraient et ôteraient les Évêchés et les royaumes à qui bon leur semblerait.

Les Empereurs et les autres Rois chrétiens devinrent alors les laquais des papes, et leur servirent de corps de garde pour maintenir leur tyrannie à l'encontre de tous les ennemis qui voudraient l’affaiblir par la force et les armes. De même, ils étaient à disposition pour faire connaître (l’autorité des papes) et agir de façon qu'elle demeurât dans son entier pour maîtriser les consciences et qu'ils se tiendraient prêts pour courir après tous ceux que les papes voudraient exterminer.

Outre cette résolution, qui renforça la cause des guerres civiles de l'Allemagne, l'impudence des papes fut sans retenue et d’autant plus détestable, qu’elle s'empara de l'autorité et du nom de Dieu.

Elle s’empara aussi d'une puissance qu'ils prétendaient leur avoir été donnée par Jésus Christ, pour exercer leur horrible tyrannie. Rien de pareil ne fut jamais montré dans l'ordre ecclésiastique avec un orgueil diabolique comme, par exemple, le montrèrent les paroles du pape Alexandre, qui mit le pied sur la tête de l'Empereur Frédéric. [«Vous marcherez sur l’aspic et sur le basilic, vous foulerez aux pieds le lion et le dragon».]

Tel fut l'état du troisième âge de l'Église et de l'empire malgré que plusieurs excellents personnages aient condamné et combattu de vive voix et par écrit cette tyrannie aussi longtemps qu’elle a duré. Elle demeura inflexible et resta appuyée sur sa propre force et sur la folle dévotion des pauvres abusés, jusqu’au temps de Martin Luther.

Jusqu’alors la monarchie de l'Église romaine avait subsisté depuis cinq cents ans. Il est vrai que Wiclef, Jean Hus, et d’autres s'y opposèrent comme nous le verrons au livre suivant, mais ces résistances n'étaient que les préfaces de ce qui s'est très clairement manifesté depuis cent ans.

Du temps de l'Empereur Lothaire, successeur de Henri cinquième, fils de Henri quatrième, vécut Gratien qui recueillit dans un volume les décrets des papes; plusieurs disent qu'avant Gratien il y avait un livre semblable entre les mains des hommes, recueilli par un certain Burchard, évêque de Worms.

Gratien mêla parmi ces décrets quelques fragments de canons des anciens Conciles, spécialement ceux qui lui semblaient plus convenables pour agrandir et élever la dignité de la hiérarchie romaine. Il y ajouta aussi les constitutions nouvelles, accommodées à l'état de son temps! Mais quant aux bonnes lois qui maintenaient la discipline et l'Église primitive en sa splendeur, il changea tout cela en batelages [en bruit qui n'aboutit à rien, en bouffonnerie].

À cause de cette compilation de Gratien, dès ce moment-là, les papes s’adonnèrent à plus de débauches sans aucune mesure , dressant et entassant décret sur décret, c’est ainsi que par de tels artifices ils changèrent ce qu'ils voulurent dans la doctrine céleste et dans les lois civiles selon leur avis en se fortifiant contre toute puissance céleste et terrienne. Ce comportement engendra de grands débats dans les Églises et les gouvernements politiques.

L'étude du droit civil était alors en grand vogue; les Italiens et les Allemands s'y adonnaient avec une grande passion selon que le naturel de l'homme est fort ami des choses nouvelles. Il semblait que cet établissement de lois – qui munissait et armait les Empereurs, menaçait la tyrannie des papes, laquelle ne faisait (comme on dit) – que sortir de terre, et n'avait pas encore pris racine.

Afin de prévenir de bonne heure les dangers qui pouvaient environner la Papauté si le droit civil avait le dessus, elle commença à magnifier l'autorité des canons, et la préférer aux lois romaines, alléguant que ces canons traitaient des choses ecclésiastiques, et que l'Église avait une plus grande autorité ayant la puissance de modifier et déterminer des choses civiles.

Pour cette raison, on commença à dresser des lois qui faisaient, en quelque sorte, des dérogations au droit civil, qui fut ainsi corrigé et limité par l'autorité de l'Église. Et comme ce nouveau droit et ces nouvelles lois avaient besoin de nouveaux protecteurs, on vit bien vite naître deux sortes de gens, à savoir les Canonistes et Scolastiques.

Les Canonistes prirent en charge de maintenir la hiérarchie et la tyrannie papale par le droit canon, ce qu'ils exécutèrent aussi vivement que les docteurs en droit civil soutinrent, par l'Écriture et par les lois Romaines, la puissance de l'Empereur.

Les Scolastiques, quant à eux, inventèrent une nouvelle doctrine, pour attirer et ensorceler par des erreurs et des superstitions les esprits des hommes afin qu'étant enlacés dans ces erreurs ils se maintiennent sous l'obéissance du siège romain. Ce que la doctrine scolastique a fait, fut de fouler aux pieds et d'éteindre ce qui restait de pureté et de clarté dans la doctrine céleste, touchant la Loi, l'Évangile, le péché, la grâce, la foi, la justification devant Dieu, le droit usage des Sacrements, la vraie invocation du Nom de Dieu, et les bonnes œuvres.

Comme on ne pouvait maintenir les erreurs et les abus reçus par la coutume, introduits ou approuvés par les papes, en les examinant à la règle de la parole de Dieu, on délaissa cette parole pour chercher d'autres appuis.

Sous l'empire de Frédéric premier, Pierre Lombard, maître des sentences, réduisit en quatre livres les fondements de la doctrine scolastique. Depuis toute cette racaille de sophistes et de moines fut tellement occupée à gloser et à commenter ces livres , que la sainte Bible disparut presque entièrement de leurs mains et de leurs esprits. Dans les chaires des docteurs et des prêcheurs, au lieu du Nom de Jésus Christ et de saint Paul, on n’osait pas parler d'autre chose que du maître des sentences.

Thomas d'Aquin et Lescot ,ses commentateurs, écrivains jaloux l'un de l'autre, cherchant à savoir qui serait le plus subtil, remplirent l'Église de tant de questions ineptes, méchantes et inexplicables qu’ils corrompirent et polluèrent tellement la philosophie, qu'ils contraignirent leurs successeurs, comme Guillaume Occam et d’autres, à inventer et suivre des opinions contraires. De là sortirent de nombreux conflits, que la lumière de la parole de Dieu a finalement écartés et fait évanouir.

Or cette doctrine, ramassée au travers de quelques passages de l'Écriture sainte, détournés de leur vrai sens et confondus avec les disputes morales, naturelles et surnaturelles d'Aristote et de Platon, mal entendus et dépravé aussi en quelques endroits, et par les constitutions des papes, cette doctrine fut enveloppée de difficultés inexplicables.

Tout ce que l'on pouvait désormais apprendre c'était d'avoir l'exposition de quelques commandements de la Loi, ou plutôt c'était de lire un discours sur la philosophie morale selon la façon des philosophes.

Au reste, elle abolit la doctrine de l'Évangile, anéantissant la certitude de la promesse et de la foi, et déboutant le seul Médiateur.

En somme, elle fut entièrement accommodée à la tyrannie des papes, et aux superstitions qui régnaient alors, et n’ont pas manqué de continuer depuis.

Elle est fondée sur des propositions fausses et méchantes, à savoir que: les décrets des papes et tout ce qu'ils approuvent, et ce qu'ils changent dans la doctrine ou les anciennes cérémonies sont de droit et commandement divin malgré qu'ils soient contraires à la règle de la parole de Dieu. Telles constitutions (disent-ils) sont valables à cause de l'autorité de l'Église qui ne peut errer, et que c'est une grande impiété de contredire notamment cette Église qui a l'évêque de Rome pour chef.

Mais pour connaître mieux cette doctrine des scolastiques, il faut lire leurs livres imprimés, qui font tellement rougir plusieurs qui s'en servent contre la vérité, qu'ils les condamneraient les premiers, s’ils avaient d’autres armes pour se défendre.

Cette doctrine contient ce consentement que les docteurs papistiques font sonner si haut dans leurs livres et dans leurs sermons, voulant que ce soit la règle selon laquelle on dresse et plie toutes les ordonnances dans l'Église, et que toutes opinions ou expositions d'idées lui soient rapportées afin qu’elle puisse les examiner.

Par là, ils se montrent si aveuglément obstinés, qu'ils aiment mieux rejeter les témoignages de l'Écriture sainte et des purs théologiens de l'Église primitive, que quitter un seul point de la doctrine de leurs scolastiques, tant ils ont peur que le royaume papistique, appuyé et fondé sur tels décrets, ne s'ébranle et trébuche.

Au reste, cette nouvelle doctrine du droit canon et des scolastiques engendra des envies très ambitieuses et de terribles affrontements (ou disputes) entre les jurisconsultes, les théologastres (docteurs en théologie) ou scolastiques, et les Canonistes. De là sortirent diverses factions, tant et si bien qu'en fin de compte la chrétienté fut divisée, les uns adhérents aux Empereurs, sous le nom de Gibellins, les autres tenants le parti des papes, et s'appelant Guelphes.

Dès lors, nous les voyons courir les uns après les autres avec une haine irréconciliable, se surprendre, se défaire et s’entretuer au travers de toutes sortes de séditions, de violences, de saccage et de cruauté incroyables.

Si quelqu'un demande: D'où vient que les papes ont ainsi mis le pied sur la gorge des Empereurs et pourquoi les grands Princes n'ont pas brisé la tyrannie démesurée des papes lorsqu'elle était encore faible et aisée à rompre, pour quelle raison ils ont souffert que l'Église et l'état public fussent réduits en une telle injuste et abominable servitude?

Je réponds que les Empereurs se sont laissés abattre, non point par crainte, ni par faute de cœur, ni pour l'appréhension des dangers, encore que ç'eut été un mal horrible de voir ruiner l'empire, meurtrir leurs fidèles sujets et perdre tant de vaillants seigneurs et gentilshommes; mais ils furent vaincus par l'opinion de la religion qui dominait puissamment les cœurs ensorcelés par la superstition et les erreurs d'alors déjà fort enracinées dans le monde.

De tout temps cette considération a eu un grand crédit envers ceux qui ont quelque conscience, cela de quelque source que procède la religion ou de quelques fondements qu'elle puisse avoir, pourvu qu'elle ait l’apparence de religion, et rassasie les yeux et les cœurs de quelque sentiment de divinité: c’est là ce que nous voyons au point d’avoir stimulé et fléchi même les païens.

Ainsi donc, l'opinion de la religion renversa ces bons Princes, et n'y eut pas d’autre moyen pour les abattre qu'en leur faisant croire assurément que tout ce que les papes proposaient et entreprenaient était saint, légitime, et réglé selon la volonté de Dieu révélée dans les saintes Écritures. C'était à ce titre que toutes choses se faisaient, aussi estimait-on commettre un grand péché en s'opposant tant soit peu à cela.

C'est ainsi qu'augmenta davantage l'audace et l'impudence des papes qui profitèrent de l’occasion pour machiner et mettre en avant des conseils qui apportèrent la ruine de l'Église et de l'empire. Les yeux du peuple étant aveuglés par de fausses et méchantes superstitions, les Princes étaient contraints d'endurer les outrages des papes. Presque personne n’osât dire un seul mot, ni découvrir l'impiété des ordonnances papistiques, à moins qu'on eut envie de perdre sa tête.

En ce temps-là, à savoir environ 1412 après la nativité de Jésus Christ naquirent dans l'Église plusieurs ordres de moines, pestes publiques et destructeurs de la vraie religion, de la doctrine chrétienne, et des sciences libérales.

Deux de ces ordres, faisant profession de suivre la règle de Saint Bernard, furent néanmoins fort différents dans leurs lois, leurs cérémonies et leur manière de vivre. Les uns s'appelaient les pauvres de Lyon, les autres humbles d'Italie.

Ces pauvres de Lyon vivaient parmi les autres hommes, prêchaient et exposaient les Écritures; les humbles d'Italie méprisaient les richesses, vivaient d'aumônes et se vantaient d'être imitateurs des Apôtres.

Les papes condamnèrent ces deux ordres; puis comme la superstition est fertile, et qu’une erreur en engendre d'autres, survinrent de nouveaux ordres, qui sous une apparence vaine et déguisée, ravirent tellement le monde, qu'en moins de rien ils commencèrent à se multiplier et se répandre dans tant d'endroits qu'ils remplirent tout l'Occident en peu d'années.

Ces monstres de diverses couleurs se fourrèrent dans les villes, les cours des Princes, les chambres et les cabinets des dames, où ils se faisaient écouter et croire. Cependant ils s'entre-haïssaient, et firent tout ce qu'ils purent, chacun de leur côté, pour élever leur ordre par-dessus les autres. Ils ne se servirent d'autres armes que celle de la langue.

Leurs principaux fondateurs furent François et Dominique.

    1. François était Italien d'une ville nommée Assise, dans le Duché de Spolète;

    2. Dominique était Espagnol.

    3. Les Carmes vinrent d'Asie en Europe, se vantant d'être descendus du mont Carmel, et furent amenés par un certain Albert, Patriarche de Jérusalem.

    4. Les Augustins naquirent en France par le moyen de Guillaume, Duc d'Aquitaine et Comte de Poitou, lequel les établit, afin de suivre la doctrine et la façon de vivre de Sainte Augustin, dont ils portaient le nom.

    5. Les moines Grecs nommés Calogeres (mot corrompu et composé de deux mots grecs qui signifient beau père) se disent suivre la règle de S. Basile.

Peut-être que l'intention des fondateurs de ces ordres n'était pas mauvaise. Je pense qu'ils voulaient appuyer la discipline de l'Église, laquelle allait de décadence en décadence, et qu'ils voulaient ramener les choses à quelque état plus étroitement réglé. En effet, les chapitres des chanoines et les autres couvents étaient déjà diffamés de gourmandise, paillardise, et autres telles dissolution; l'étude de la théologie était anéantie, et les ecclésiastiques s'arrêtaient après la pompe des grands du monde, et aux gouvernements politiques.

Les gens sages et craignant Dieu approuvèrent l'intention de ces fondateurs: là dessus les ordres se remplirent de moines qui s'y rendaient de toutes parts, puis l'hypocrisie fit bien valoir son oeuvre.

Mais quand la superstition se fut emparée des consciences, et que la tyrannie des papes eut le dessus, bien vite ces moines s'appliquèrent à maintenir et affermir leur état; ils ajoutèrent tant de nouvelles erreurs aux précédentes qu'ils cachèrent et éteignirent entièrement ce qu'il y avait de reste de lumière.

Ils forgèrent une sorte de doctrine toute nouvelle, inventèrent une autre sorte d'œuvres; le tout plus conforme à la philosophie mondaine qu'à la doctrine céleste, et convenant mieux à la tyrannie papistique qu'au royaume de Jésus Christ. Mais ils fardèrent cela de belles couleurs.

    1. Premièrement ils falsifièrent la doctrine touchant le péché, et ne dirent rien des ténèbres qui sont dans l'intelligence et des vices dans la volonté; puis ils firent croire que le mal qui reste est régénéré et qu’il n’est pas un péché insupportable à la Loi de Dieu.

    2. Après ils rapportèrent ce mot de concupiscence aux sens et aux désirs naturels, au lieu de dire que nos affections sont dépravées, que notre intelligence est aveugle et notre volonté méchante.

    3. Quant à la Loi de Dieu, ils la transformèrent entièrement en philosophie, qui parle seulement de la conduite de notre vie devant les hommes, et affirmèrent que l'on pouvait satisfaire à la Loi de Dieu par cette discipline civile, c'est à dire par des œuvres extérieures et un effort de la volonté même s'il reste des ténèbres dans l'intelligence et plusieurs mauvaises inclinations dans la volonté et dans le cœur. Ainsi soutinrent-ils que ces ténèbres et inclinations mauvaises n'étaient point péché.

    4. De là ils tirèrent d'autres fausses conséquences, par lesquelles ils effacèrent la promesse de l'Évangile, et tout le bénéfice de Jésus Christ; car ils enseignèrent que les hommes étaient justes devant Dieu, c'est à dire agréables à Dieu à cause de l'amour de leurs œuvres, au lieu de dire que nous sommes réputés justes PAR GRÂCE, pour l'amour de Christ notre Médiateur saisit par la foi, qui est la doctrine annoncée continuellement dans l'Église de Dieu et par les Prophètes et les Apôtres.

    5. Davantage encore! Ils confondirent la Loi avec l'Évangile, disant qu'il y avoir triple Loi, à savoir: Naturelle, Mosaïque et Évangélique. Et parce qu'ils maintenaient que l'homme satisfaisait à la justice de Dieu, leur folie les transporta jusqu’à inventer d'autres œuvres et un nouveau service de Dieu, préférant, en tout et par tout, leurs inventions aux œuvres commandées en la Loi.

    6. Puis, pour de l'argent ils firent part de leurs œuvres à ceux qui en voulurent acheter. Quelles absurdités ont-ils forgées touchant leur état de perfection? De quelles louanges ont-ils orné leur mendicité, qu'ils appellent renoncement volontaire aux biens du monde? Leur vilain célibat et autres tels fatras monastiques ont-ils pas été préférez par eux à tout ce qui pouvait être de plus parfait et d'excellent au monde? Finalement leur impudence parvînt jusqu’à prêcher que la moinerie était une manière de vivre établie pour mériter le pardon des péchés et la justice devant Dieu, que c'était un état de perfection, plus excellent et sans comparaison avec toutes les autres sortes de vocations ordonnées de Dieu.

    7. En plus, ils furent sans intelligence en voulant contrefaire les cérémonies légales, et en voulant avoir dans l'Église Chrétienne un souverain Pontife sur la terre ainsi que des sacrificateurs avec une sacrificature semblable dans les sacrifices et les cérémonies que celles promulguées dans les lois mosaïques. Tout cela est le fruit de la stupidité pour n'avoir pas su remarquer la différence qu’il y a entre l'Évangile et la Loi.

Combien de disputes inexplicables ont-elles obscurci et brouillé la doctrine de la repentance, et combien d'horribles tourments ont-ils accablé les consciences?

  1. Elles ont été chargées de la confession et enveloppées des cordeaux du dénombrement des péchés.

  2. Quant à l'absolution, elle n'avait aucune efficacité, car ils niaient qu'elle pût profiter sans les mérites précédents.

  3. Ils commandèrent aux personnes d'être toujours en doute.

  4. De plus ils commandèrent aux confessés certaines œuvres de nécessitée, établissant de leur propre autorité des satisfactions pour les péchés pour mériter délivrance des peines d'enfer.

Ces erreurs en engendrèrent d’autres, pleins de mensonges, d'impiété et de blasphèmes contre Dieu; elles touchèrent les vœux des moines, l'application de la messe pour les vivants et pour les morts, les pèlerinages les temples des saints, les pardons, le purgatoire, et bien d’autres observations d'œuvres vaines telles la différence de viandes, de jours, d'habillements, d'images, de vœux, de processions, de jeûnes, etc.

Toutes ces traditions humaines accablaient les consciences, les remplissant d'horreur et de crainte, les étranglaient, les liant de cordeaux en n’ayant d’autres témoins que les moines, les prêtres, et les inventeurs de nouveaux supplices d'âmes.

Si les papes travaillaient à établir leur tyrannie spirituelle pour persécuter cruellement la vérité de l'Évangile, ils n’étaient pas moins occupés à augmenter et affermir leur domination temporelle sur les pays où ils avaient pris autorité sur les Empereurs, les Rois et les princes terriens, afin de tenir tout le monde sous leurs pieds.

Ce fut l'an 1000 que les actes de la tyranniques des papes contre les Empereurs eurent la vogue, à tel point qu'ils furent délivrés de tout joug; ils gouvernaient tout à leur plaisir, sans se soucier d'aucun Magistrat. Ils foulèrent aux pieds les Princes et les Empereurs, les contraignant à les servir, les ensorcelaient par leurs impostures. Quels horribles tumultes le pape Grégoire septième montra-il contre l'Empereur Henri quatrième?

Il ne l'excommunia pas seulement sans tenir compte de sa défense, mais aussi il incita contre lui ses propres sujets, princes et seigneurs, les absolvant du serment qu'ils lui avaient fait, et donna ainsi le commencement à une grande effusion de sang. Cette cruelle histoire est décrite par Jean Aventin ainsi que par d'autres.

Le pape Urbain second, successeur de Grégoire, dont il avait été un fervent disciple, fut auteur de la Guerre des Chrétiens contre les Sarrasins au Concile de Clermont, ainsi qu'il en a été parlé ci-devant. Outre cela, il banda contre l'Empereur Henri quatrième son propre fils Conrad, Prince d'Italie, renversant en cela les lois de nature.

Le pape Pascal deuxième incita Henri cinquième contre son propre père Henri quatrième, qu'il excommunia par trois fois; il fit tant que les trois évêques de Mayence, de Cologne et de Worms, dépouillèrent le bon Empereur, déjà ancien, dans son palais d'Ingelheim, de ses ornements impériaux, et les attribuèrent à son fils Henri cinquième. Albert Krantz (Historien allemand, né à Hambourg, mort en 1517, enseigna la théologie a Rostock.) décrit cette histoire tragique au chapitre vingtième du cinquième livre de son histoire de Saxe.

Ce même Pascal fut l’auteur de nombreux maux contre l'Empereur Henri cinquième, et fut responsable d’avoir fait répandre beaucoup de sang, seulement à cause de la collation et de l’investiture des prélatures et prébendes dont l'Empereur avait disposé jusqu’à ce temps-là; le pape voulait lui arracher cette puissance des mains. Ne pouvant le faire, ce fut Calixte deuxième qui continua sa tâche contre l'Empereur, et ne cessa de le faire jusqu’à ce qu'il eût en ses mains cette puissance. L'Abbé d'Ursperg a diligemment écrit sur ces choses, lesquelles sont arrivées en 1122.

Mais ce ne fut pas encore assez; les papes qui suivirent furent aussi successeurs de leurs méchancetés en persécutant les Empereurs. Ils s'opposèrent à eux de plus en plus, et ne cessèrent point leurs excommunications, séditions, guerres et leurs continuelles pratiques déloyales, jusqu’à lassé les Empereurs en les oppressant et en plaçant leur siège au-dessus du leur, obtenant ainsi une puissance souveraine sur tous.

Celui qui veut avoir une connaissance plus grande de ces choses ;

Qu’il lise l'histoire de l'Empereur Frédéric Barberousse, et ce que firent contre lui les papes Adrien quatrième et Alexandre troisième, lequel, d'une arrogance extrême, lui mit le pied sur la gorge ;

Qu’il lise ce que fit le pape Célestin quatrième contre l'Empereur Henri cinquième;

Qu’il voit avec quel orgueil, quelles menaces et quelle violence le pape Innocent troisième, homme téméraire et orgueilleux, usa contre l'Empereur Philippe.

En ce temps-là tout l'esprit des papes fut occupé à brasser les guerres par lesquelles ils maintenaient leur tyrannie contre les Empereurs, ce qu'ils ont continué à faire pendant 200 ans.

Après, ils se sont montré vaillants à tirer de l’argent de tous côtés pour maintenir la grandeur, la pompe et la magnificence de la Cour de Rome; pour bâtir et publier des lois sur lesquelles toutes leurs méchancetés seraient fondées et fermement appuyées.

Pourtant le pape Grégoire IX. de ce nom (nom malencontreux pour toute la chrétienté dans la hiérarchie romaine, depuis Grégoire, le grand architecte de la superstition) voulant chasser d'Italie l'Empereur Frédéric second, dont il redoutait la force et la présence, s'avisa d'un tour de finesse: il fallait pousser cet Empereur en Asie, pour y faire la guerre!

Il renouvela et remit en avant le décret du Concile de Latran touchant la guerre sainte et commença à solliciter l'Empereur d'entreprendre ce voyage sous peine d'excommunication. Mais à peine l'Empereur fut-il à Chypre, que le pape se saisit de l'Apouille, qu’il avait longtemps désirée.

Parce qu'après le retour de l'Empereur il ne pût la retenir par force, il s'aida d'une nouvelle foudre d'excommunication forgée et aiguisée dans ce Concile de Latran qu’il lâcha contre l'Empereur pour le chasser au loin, comme nous le dirons plus loin.

Le même Grégoire fit recueillir, par un certain Raymond de Barcelone, les constitutions décrétales, qu’il utilisa pour lier cette hiérarchie romaine, qui ne pouvait branler ni tomber pensait-il. Cela fut fait environ en 1233.

GRÉGOIRE IX eut pour successeur Innocent quatrième, lequel tint un Concile à Lyon contre l'Empereur Frédéric où il remit sur l'enclume cette pointe de foudre d'excommunication, grossièrement forgée au Concile de Latran; il l'aiguisa tant et si bien qu'il lui fit trois pointes en ayant suscité les François, les Espagnols et les Anglais contre l'Empereur.

Quant aux Allemands il y avait longtemps qu'ils haïssaient leur Empereur suite aux artifices de ce pape. Le formulaire de celle excommunication est au sixième des Décrétales, «De Senentia et re judicata».

Ensuite, afin que le collège des cardinaux fort autorisé et élevé par Nicolas second fut reconnu à travers tout l'ordre ecclésiastique par certaines marques, Innocent ordonna qu'ils porteraient des chapeaux rouges et qu’ils seraient montés sur des haquenées blanches quand ils iraient d'un lieu à un autre [petit cheval ou jument facile à monter, docile et allant ordinairement l'amble, généralement réservé aux dames – dic. Larousse].

Parce que le service de la vierge Marie était de grand profit et qu'il rapportait beaucoup d’argent, il institua une fête de la nativité pour elle au mois de septembre.

Quelque peu de temps après, Grégoire X tint un autre Concile à Lyon. Pour élever davantage le siège de Rome, il appela Michel Palœologue, Empereur de Constantinople, qui se montra assez prompt à obéir. Il le fit, non par amitié ou révérence qu'il portait au pape, mais dans l’espoir d'obtenir le secours qui lui était nécessaire pour retenir l'Empire, dont il s'était emparé après avoir meurtri malheureusement Jean, fils de Théodore Lascaris, légitime Empereur.

Dans ce Concile il fut disputé de cette question, à savoir si le S. Esprit procède du Fils. Le pape voulait par ce moyen apaiser le différent entre les Églises grecques et latines sur ce point et attirer les Grecs sous le joug du siège romain. Mais les évêques qui étaient en Grèce rejetèrent ce qui fut arrêté en ce Concile avec une telle force, qu'ils excommunièrent de leurs Églises les députés qui avaient accepté la proposition des Latins, et ne voulurent pas permettre qu'ils fussent enterrés après leur mort.

Dans ce Concile on traita principalement des affaires de la guerre sainte; le pape faisait semblant de l'empêcher avec l’espoir secret de poursuivre cette guerre. Il exigea des ecclésiastiques les dîmes de tous leurs revenus pour cinq ans et tira d'entre les mains de l'Empereur Rodolphe l'Exarchat de Ravenne, qui est le pays de la Romagne, presque tout ce que les Empereurs possédaient de reste en Italie.

Quoique cette libéralité de Rodolphe apaisa quelque peu les papes, les guerres ne furent pas pour autant terminées. Henri de Luxembourg et Louis de Bavière, Empereurs, voulurent mettre le pied en l'Italie, les papes vomirent alors leur rage sur eux aussi impétueusement que sur leurs devanciers. Ils ne se contentèrent pas de l'Italie, mais cherchèrent des occasions pour entraver et assujettir la France pour rompre aisément l'autorité et la puissance des Électeurs de l'Empire.

Boniface huitième essaya de subjuguer la France, commandant une levée de deniers pour la guerre sainte. Le Roi Philippe refusa cette levée; le pape fut tellement irrité qu'il priva Philippe du royaume et l'adjugea au siège Romain, puis il se prit à tonner et foudroyer, interdisant aux Français d’obéir à un excommunié. De même il incita Albert, Duc d'Autriche, nouvellement élu Empereur, de faire la guerre à Philippe, afin que les Français et les Allemands s'entre-mangeassent par une nouvelle guerre. Il espérait aussi qu'après avoir détourné les sujets de l'amour de leur Roi, et semé des divisions entre eux, il serait en France ce que ses prédécesseurs avaient fait en Allemagne. Mais le Roi, ayant prévenu et encouragé les Français dans leur devoir envers lui, détourna et renversa les machinations et les embûches de Boniface, il le fit faire prisonnier par un Italien nommé Sarra Colonne, et par Nogaret de Saint-Félix, gentilhomme Français qui le prirent dans la ville d'Anagnie et le firent étrangler dans la prison.

Par cet exemple nouveau de juste vengeance contre un pape, ce fut le remède qui éteignit l'ardente convoitise des papes à tel point que depuis ils n’eurent plus d’appétit pour vouloir manger la France.

L'épitaphe de ce Boniface fut qu'il était parvenu à la fonction de pape comme un renard, avait régné comme un loup, et était mort comme un chien, car il avait frauduleusement supplanté Célestin cinquième, pour se mettre à sa place et faisant toutes les méchancetés et les cruautés qu'on ne saurait penser.

Ce fut lui qui ramassa le sixième des Décrétales, et le fit ratifier au Concile de Lyon. Son prédécesseur, Honoré quatrième, ne se contenta pas des dîmes que Grégoire dixième avait imposées, mais demanda la quatrième partie de tous les revenus annuels.

Clément cinquième, successeur de Boniface, se révéla lui-même dans ses Clémentines, [les clémentines, appelées en latin constitutiones clementinae, sont un recueil du pape, ordonné en 1317, mais publié en 1322 par son successeur Jean XXII.]. Plusieurs écrivirent qu'il se rétracta et les brûla.

Déjà avant lui, on n’entendait dans les temples rien d’autre que des messes à prix d'argent avec des cérémonies profanes contre l'institution de la Cène de notre Seigneur, qui étaient appliquées aussi bien aux vivants qu’aux morts. L’adoration du pain était en vogue partout à tel point que chacun venait et se prosternait devant le pain élevé par le prêtre après la consécration. Ce pain appelé hostie à cause de leur nouveau sacrifice, serré et enfermé dans la prison devant laquelle était entretenue une lampe continuellement ardente, comme pour un dieu spécial à la façon pratiquée jadis par les païens au temple de Delphes.

Afin qu'il n'y eût rien à redire au service de ce dieu, outre les processions, solennités, pompes et fêtes ordonnées par Urbain quatrième à la persuasion de Thomas d'Aquin, l'an 1264, Clément ratifia et confirma le tout par l'autorité du Concile de Vienne.

Auparavant, Innocent troisième avait ordonné quelque chose comme cela au Concile de Lyon. Après que les papes eurent introduit cette idolâtrie, les peuples de la chrétienté reçurent dévotement ce dieu de pâte, et amplifièrent tellement la dignité de son service, qu'il n'y avait honneur que pour lui entre eux: aussi était-il mis dans de magnifiques ciboires dans leurs temples, et superbement préféré par dessus toutes les autres idoles.

Ce Clément quitta Rome, et transporta le siège papal à Avignon où ce siège demeura 75 ans; de là vinrent des différends au sujet de l'élection des papes. Quelquefois, il y avait deux ou trois papes en même temps, l'un élu dans un endroit, l'autre dans un autre, et par-dessus tout cela c'était à celui qui déployait les moyens de fraude et de violence pour demeurer le maître, avec une ambition enragée et des cruautés les plus inimaginables. Bref ils troublèrent tellement la chrétienté, que non seulement l'Italie, agitée dans ces tempêtes comme d'un continuel tremblement de terre, et ébranlé dans ses propres entrailles, chancela, et se vit sur le point d'être accablée de partout.

Quant aux Empereurs et Rois chrétiens, ils étaient tellement occupés à apaiser les débats de ces furieux, que les forces d'Occident furent épuisées ce qui profita aux Turcs qui commencèrent à avoir le dessus.

-Le Concile de Pise démit deux papes, et en créa un troisième.

Celui de Constance, où Jean Hus et Jérôme de Prague furent brûlé, et l'usage de la coupe à la Cène du Seigneur ôté à ceux qu'ils appellent laïcs et séculiers, dégrada trois papes et en élire un quatrième.

Le Concile de Bâle ayant déclaré que le pape était au-dessous du Concile, énerva la tyrannie papale; s’en apercevant, Eugène assigna le Concile à Ferrare, puis il le transporta de là à Florence , sans se soucier de ceux qui s'étaient assemblés à Bâle.

Dans le Concile de Florence, Eugène fit tous ses efforts pour persuader les Grecs, entre autres fables, celle du Purgatoire, et qu'ils reconnussent aussi le Pontife Romain comme l’évêque universel. L'Empereur Jean Palœologue, le Patriarche de Constantinople, quelques évêques Grecs, Bessarion, entre autres, s'accordèrent sur ces articles: toutefois ils rejetèrent la transsubstantiation que l’on voulait faire alors approuver. Mais étant de retour en Grèce, Marc, évêque d'Éphèse, et plusieurs autres, s'opposèrent à ce qui avait été accordé.

Tout fut tellement débattu, qu'ils furent contraints de se rétracter de tout ce qu'ils avaient approuvé, et de le déclarer nul, car en ce temps là, et auparavant aussi, la doctrine des Églises grecques était plus solide que celle des Latines.

Même si l’Église grecque a été souillée par beaucoup d'erreurs, et soit tombée dans la triste servitude et l’horrible barbarie des Turcs, elle a été moins impure que la romaine. Sa servitude arriva peu après le retour de l'Empereur, Mahomet ayant emporté d'assaut la ville de Constantinople. La plupart des erreurs de l'Église grecque sont venues de l’évêque de Rome, qui elle, les a tirées par le moyen de quelques moines, et de son voisinage.

Finalement on en vint là: que le pape fut proclamé seigneur des Royaumes du monde! Il fut dit qu'il fallait croire, pour son salut, que tous les hommes doivent être soumis à l'évêque de Rome.

Si quelqu'un niait cela, il était déclaré hérétique, comme fut Pierre des Vignes, du temps de l'Empereur Frédéric, Marsille de Padoue, Guillaume Occam et d’autres sous l'empire de Louis de Bavière.

Après on disputa de l'autorité du pape et du Concile, et savoir si le pape devait être par dessus les Conciles: ce que plusieurs soutenaient, alléguant que le pape n'était redevable à personne et qu’à cause de son siège et de sa dignité, il ne pouvait errer. Tout cela est contenu dans les Décrétales, les épîtres de Grégoire, au sixième de Boniface, dans Clémentines et les Extravagantes [c'est-à-dire restées en dehors du code principal].


Le Concile de Bâle régla la dernière question, et assujettit le pape à la censure du Concile: ce qui fut ratifié par Nicolas cinquième, mais ses successeurs abolirent ce décret. Ce même Concile ayant élu, en concurrence à Eugène, Amé Duc de Savoye, qui se fit appeler Félix cinquième, provoqua un schisme que Frédéric troisième apaisa finalement.


Pour conclure ce discours, la chrétienté n'en vint là, qu'après la mort de Raoul et Adolphe, Rois des Romains, le pape se vanta d'être empereur au temps d'Albert premier, l'an 1300. C’est ainsi que Boniface huitième remit en avant l'année du jubilé (lequel avait pourtant été abrogé par les Apôtres) promettant une plénière indulgence et la rémission des péchés à tous ceux qui allaient en pèlerinage à Rome.


Un certain jour de cette année du jubilé, Boniface se montra à toute la multitude du peuple avec ses ornements pontificaux et leur donna la bénédiction. Le jour suivant il se présenta en habit et accoutrement d'empereur voulant montrer que la dignité impériale et papale, ainsi que la toute puissance civile et ecclésiastique lui appartenait. Albert Krantz en fait mention dans son histoire de Saxe, livre 8 chap. 36. Ce papes publia aussi les Décrétales qui portent encore son nom dans lesquelles il attribue encore plus effrontément que jamais, la toute puissance aux papes.

Après Boniface, Jean vingt-deuxième déclara et fit sentir à l'Empereur Louis quatrième, avec un extrême orgueil, cette puissance tyrannique: il l'excommunia, et lui fit mille outrages, lui jetant un fardeau sur les bras; ce fut une période durant laquelle une mer de sang fut répandu en Allemagne. Jean Aventin décrit largement cette histoire dans les Annales de Bavière, au septième livre.

Mais (dira quelqu'un) qu'ont de commun ces histoires des papes et des empereurs et l’accroissement de la puissance papale avec les persécutions de l’Église que nous avons entrepris d’écrire?

Elles vont de paire et on ne peut-on parler de l'une sans faire mention de l'autre. En effet, ce sont les papes qui ont suscité, dans ces derniers temps, la plus grave persécution dans la chrétienté alors que leurs prédécesseurs, à savoir les premiers évêques de Rome, n'ont persécuté personne, ils ont plutôt enduré la persécution et le martyre. Ils ont même été des pasteurs et des docteurs fidèles qui se sont soumis et ont été obéissants aux empereurs et au magistrat. Ils n'ont eu aucun domaine ni sujet, et n'ont jamais été princes!

Il faut donc que chacun comprenne par quel moyen, comment et pourquoi et à quel moment l'état des papes s'est si vilainement changé, tant et si bien que les derniers papes ne ressemblent en rien aux premiers. S'étant faits maîtres des Empereurs et des Rois, ils sont devenus les persécuteurs de l'Église.

Pourquoi ne tiendra-on pas pour des persécutions de l'Église les diverses et cruelles guerres qui ont répandu tant de sang humain, et dont les papes ainsi élevés et puissants ont été la cause?

Ce sont eux qui ont poussé les pauvres chrétiens dans des guerres bien longues, et dans des pays étrangers, particulièrement contre les Sarrasins et les Turcs, comme il a été dit auparavant. Ainsi, ils n’ont jamais cessé d'émouvoir la chrétienté par toutes sortes de persécutions et de discordes.

Pourquoi ne dira-t-on pas que l'Église a été persécutée, quand les empereurs chrétiens et leurs obéissants sujets ont ainsi été maniés et plongés par les papes dans leur propre sang lorsqu'ils ont été si rudement frappés par le fléau des guerres durant tant d'années avec une si grande et si inhumaine effusion de sang?

Dans cette grande misère et au milieu de ces malheurs, les pauvres rois et empereurs chrétiens ont souffert eux aussi et ont été tourmentés avec leurs sujets. Quant aux papes, bien au contraire, ils triomphaient et faisaient leurs œuvres, tellement fondés et fortifiés dans leur appétit, qu'ils ne craignent plus personne, mais dominaient et soumettaient tout à leur volonté, sans aucune peur ni aucun souci.

Pour certain ces événements s'accordent avec ce que le Prophète Daniel avait prédit en parlant d'Antiochus, figure de l'Antéchrist, au 8e chap. vers. 23 à 25:

«À la fin de leur domination, lorsque les pécheurs seront consumés, il s’élèvera un roi impudent et artificieux. Sa puissance s’accroîtra, mais non par sa propre force; il fera d’incroyables ravages, il réussira dans ses entreprises, il détruira les puissants et le peuple des saints.

À cause de sa prospérité et du succès de ses ruses, il aura de l’arrogance dans le coeur, il fera périr beaucoup d’hommes qui vivaient paisiblement, et il s’élèvera contre le chef des chefs; mais il sera brisé, sans l’effort d’aucune main.»

S'il fallait raconter toutes les grandes effusions de sang qui ont été causées par les papes dans les Royaumes de Sicile, de Naples, et de la Pouille, depuis Innocent 4 jusqu’à Clément 7 durant une période de 284 ans, chassant tantôt les Allemands, en y mettant à la place les Français, puis attirant les Espagnols contre les Français, y appelant ensuite les Allemands, les Français et les Hongrois afin de les mettre en discorde les uns contre les autres…, il faudrait faire un gros livre! Mais les historiens savent bien en parler dans leurs ouvrages.

La grande et injuste puissance tyrannique des papes a attiré, par d’autres moyens, une très cruelle persécution et effusion de sang humain. Les papes s'étant emparé (comme il a été dit) de toute la puissance ecclésiastique et civile, s’étaient aussi élevés par dessus les Conciles. Ils ont ainsi ordonné et disposé de la doctrine, de la foi, de la religion, de la constitution et des cérémonies de l'Église, selon leur désir.

De là sont venues les persécutions d'autant plus que ceux qui contredisaient les ordonnances des papes étaient immédiatement considérés comme hérétiques et persécutés comme eux. C’est ce que j'appelle ici proprement (après les guerres susmentionnées) «persécution des papes contre les chrétiens et contre l'Église Chrétienne», à cause de la foi et de la Religion, comme il en était dans l'Église primitive.

-De la même façon qu’au commencement les premiers fidèles ont été persécutés par les Empereurs ;

-ainsi les derniers fidèles au temps de la fin du monde, sont persécutés par les papes romains.

Afin que ceci soit mieux compris, on ne saurait nier que des erreurs et des abus se sont introduits dans l'Église depuis déjà longtemps si bien qu'à la longue on s'est accommodé de tout cela. Depuis, le nombre de ces abus s'est augmenté et renforcé, principalement par le moyen des papes qui les ont fait valoir afin que le monde les accepte, puis, ensuite, ils les ont mis en avant et maintenus à coups d'épée. Plusieurs qui voyaient l'énormité de tant d'erreurs, n'osaient pourtant pas prendre parti ouvertement, sachant bien que s'ils le faisaient, leur vie ne serait plus à eux.

Le décret ou droit canon recueilli par Gratien , et les 4 livres des sentences de Pierre Lombard, dont a été amplement parlé ci-dessus, servirent de soutient pour la tyrannie et la persécution papistique contre l'Église Chrétienne. Si quelqu'un n'approuvait pas la monarchie du pape et l'accord de l’Église, s'il ne parlait pas le langage des Canoniques et Scolastiques, tous se ruaient sur lui, et avec l'aide du pape et du bras séculier, le diffamaient partout, le persécutaient et l’opprimaient comme un hérétique. À ce propos, il y a, dans leurs Décrétales, une loi faite par le pape Lucius troisième, qui veut: «Que ceux qui sont d'une autre opinion, touchant les sacrements de l'Église Romaine, et tous ceux qui seront condamnés par les papes, soient tenus pour hérétiques et excommuniés

Puis la déclaration ajoute comment le magistrat doit procéder contre de tels gens, et que s'il ne le faisait, il était aussi indiqué comment il fallait procéder contre un tel personnage désobéissant: liv. 3. Tit. 7. de Hœreticis, cap. ad abolendum, etc.

Après cela sont venus les Conciles qui, comme il a été dit, étant à la dévotion du pape, l'accord susmentionné s'est donc maintenu et, par ce moyen, ils ont opprimé, défait et ruiné tous ceux qui s'opposaient au siège romain. Il fallait que tout ce qui était ordonné aux Conciles fût exécuté et mené à fin; et cela par le moyen des magistrats, et tous ceux qui pouvaient porter les armes.

Nous avons dit, ce qui est vérifié par les histoires, que les papes pour confirmer leur domination temporelle ont rempli de sang l'Allemagne et l'Italie.

Quant à l'établissement des idolâtries et des superstitions introduites peu à peu sous leur autorité dans l’Église du Seigneur, tous ceux qui ont voulu s’y opposer avant le temps de Wiclef, directement ou indirectement, ont eu de terribles assauts à soutenir.

Tout d’abord, dans ces temps défigurés par une ignorance brutale, il se trouvait bien peu d'hommes entendus, et si quelqu'un avait un peu de jugement, il était seul ou bien peu suivi et dans l’obligation de demeurer tranquille, laissant aux moines et autres telles bêtes le soin de brouiller le papier et de faire des contes à plaisir.

Quand il était question de parler de ceux qu'ils appellent hérétiques, c'est à dire des ennemis de la papauté, on les chargeait de crimes les plus horribles du monde, afin d'en rendre leur mémoire odieuse et exécrable.

Ceux qui s'opposaient à l'erreur étaient eux-mêmes dans les ténèbres et avaient besoin que Dieu les fortifie et les éclaire d'une faveur spéciale pour y voir un peu plus clair dans cette si profonde nuit. Il ne faut donc pas trouver étrange si ces hommes étaient rares, mais, grâces à Dieu, il y en a toujours eu quelques-uns, même lorsque les ténèbres de l’idolâtrie semblaient avoir étouffé toute la lumière! Ils l’ont cependant vue, comme à travers une petite fente cette lumière du salut et de vérité, lumière enfermée dans la doctrine de l'Évangile.

Toutefois, ni les mensonges des moines et autres tels brouillons, ni l'épaisseur des ténèbres d'ignorance, ni la fureur du monde n'a pu empêcher que, depuis que l'évêque de Rome se fit déclarer chef universel de l’Église, il ne se soit trouvé des gens de tous états en divers lieux qui ont détesté dans leur cœur premièrement, puis de vive voix, et mêmes par des écrits, la tyrannie exercée par les papes sur les corps et sur les consciences.

Cela requiert quelque considération plus ample, tirée de diverses histoires comme ce qui s'enfuit (Ce qui suit, jusqu'à la page 64, 2e colonne, alinéa, ne se trouve que dans l'édition de 1619. [numérotation PDF]).

Vers l'an 840, un bon et docte personnage, nommé Bertramus, voyant diverses erreurs se glisser dans les Églises, voyant que l'idolâtrie de la transsubstantiation commençait à prendre de l'ampleur à cause de l'ignorance et de la lâcheté des ecclésiastiques, publia un écrit dressé par le commandement de Charles le Chauve, Empereur et Roi de France, «De la prédestination» avec un autre «Du corps et du sang de Christ» où il propose la doctrine des Églises réformées et vraiment Chrétiennes.

Environ vingt ans après, un autre docteur appelé Jean l'Écossais, nommé principal du collège d'Oxford, écrivit aussi sur le même sujet, il condamna l'erreur de la transsubstantiation, et eut le même sentiment que Bertramus.

Leur doctrine, tirée des écrits de Saint Augustin, fut maintenue longtemps après par plusieurs de leurs disciples, qui continuèrent jusqu'à l'an 1040 où Béranger, ministre dans I’Église d'Angers, excellent personnage, maintint publiquement la doctrine conforme à celle de l'Apôtre S. Paul et à la nature et la vérité du sacrement de la Cène ainsi qu’au consentement orthodoxe de I’Église jusqu'au siècle de Charlemagne, où il y avait en France grand nombre de disciples.

Il fut assailli par les papes d'alors, et finalement accablé par Nicolas 2 lors d’un Concile qu’il proclama à Rome en tirant une déclaration de Béranger, portant qu'après la consécration, le pain et le vin posés sur l'autel ,ne sont pas seulement des signes sacrés, mais aussi le vrai corps et le vrai sang de notre Seigneur Jésus Christ , lequel est physiquement, non seulement en sacrement, mais en vérité, touché et rompu par les mains des prêtres puis brisé par les dents des fidèles.

Malgré cette injuste violence, Béranger enseigna dès lors la pure doctrine contraire à celle du pape Nicolas. Il écrivit contre cette confession qui avait été extorquée de lui. Ceci donna l’occasion à Lanfranc (archevêque de Cantorbéry qui a écrit un Livre sur le corps et le sang de notre Seigneur.) d'écrire contre Béranger le livret qu'on trouve encore aujourd'hui, lequel n'étant pas assez ferme au gré des Romanistes, vers l'an 1200, le pape Innocent troisième fit un décret dans lequel il annonça que, sous peine d'être déclaré hérétique, il fut imposer à chacun de croire et de recevoir ce point sur la transsubstantiation dans les articles de la foi Chrétienne.

Peu après, par le moyen de ce nouvel article de foi papale, confirmé par le volume des sentences de Pierre Lombard, évêque de Paris, publié vers l'an 1140, divisé en quatre Livres, s'introduisit dans les Églises d'Occident l'une des plus abominables idolâtries qui n’aient jamais été: savoir l'adoration du pain au Sacrement.

Sitôt après, elle fut accompagnée des quatre ordres de moines mendiants, suivis de nombreuses superstitions, impiétés et abominables hypocrisies. Il semble alors que c’est accompli la prédiction ou commandement apocalyptique du chap. 11. vers. 1 et 2 où un Ange dit à Jean: «Lève-toi, et mesure le temple de Dieu, l’autel, et ceux qui y adorent. Mais le parvis extérieur du temple, laisse-le en dehors, et ne le mesure pas; car il a été donné aux nations, et elles fouleront aux pieds la ville sainte pendant quarante-deux mois.»

Mais Dieu par sa miséricorde ne voulant pas perdre ses fidèles, qui sont son sanctuaire, suscita ses deux témoins pour prophétiser, c'est-à-dire annoncer la vue du salut dans cet espace de quarante-deux mois, jusqu'à la venue du temps du rétablissement, après l'accomplissement des temps, du temps, et de la moitié du temps.

Vers l'an 1152 parut en France Pierre Valdo, riche et notable bourgeois de Lyon, vivant sans reproche parmi tous ceux qui le connaissaient. Touché par quelque accident fort particulier, il donna tous ses biens aux pauvres, pour vaquer à la prière et à la méditation des Saintes Écritures qu’il traduisit ou (comme quelques-uns disent) la fit traduire en langue vulgaire Française, avec des annotations recueillies par des docteurs anciens.

Après s'être soigneusement exercé dans cette l'étude des S. Ecritures, il enseigna à ses amis la vérité qu'il y avait apprise, les détournant de ces idolâtries et abominations qui avaient déjà trop de popularité, afin de les ramener à la teneur de l'alliance, par l'adoration d'un seul Dieu, et l’intercession d'un seul médiateur Jésus Christ. Là dessus il assembla un fort grand nombre de disciples qui répandirent, en peu d'années, cette doctrine au loin et au près et dans divers pays de la chrétienté, malgré les résistances, les puissances, les persécutions, les ruses et les pratiques des ennemis de vérité.

Suivant, l'interdiction qu'on leur avait faite par l'Archevêque de Lyon, nommé le Sieur Jean de Belles-Majons (ou maisons) de ne plus prêcher contre la doctrine reçue dans l'Église Romaine, ils auraient répondu qu'il fallait plutôt obéir à Dieu qu'aux hommes. Ils furent donc excommuniés, chassés, et (comme en parle le S. Esprit) furent vaincus par la bête qui était montée de l'abîme, et même mis à mort.

Plusieurs d'entre eux se retirèrent dans la Picardie où ils convertirent à leur doctrine, non seulement une grande quantité du peuple, mais aussi une grande partie de la noblesse, si bien que quelque temps après, le Roi Philippe Auguste, irrité contre eux par les évêques et les autres Ecclésiastiques en voyant leur grande multitude et leur accroissement presque incroyable et ne pouvant en venir à bout, prit les armes contre eux.

On les poursuivit à feu et à sang jusqu'à faire ruiner et raser trois cents maisons de gentilshommes; on détruisit quelques villes murées, et on fit brûler un grand nombre d'hommes dans les Flandres avec l’intention de tous les exterminer tous. À cause de cette menace, ils se retirèrent en Allemagne, où leur doctrine fut aussi semée de long en large, principalement partout dans le pays d'Alsace et le long du Rhin.

Peu après, ils furent aussi cruellement persécutés par les Évêques de Mayence et de Strasbourg, dont l'un en fît brûler jusqu'à dix-huit en une seule foi! Ils endurèrent avec fermeté la mort qui leur était proposée. Une autre fois trente-cinq bourgeois de Mayence furent brûlés dans la ville de Binguen tandis qu’on en fit brûler environ quatre-vingts ensemble à Strasbourg,

Finalement, ils furent contraints de se retirer en Autriche et en Bohême, où on les nomma Picards parce qu'ils étaient venus de Picardie. Ils y répandirent tellement leur doctrine, que l'on trouva, aux environs de l'an 1315, qu’il y en avait en Autriche, dans la contrée de Passau, et les environs de la Bohême, jusqu'à quatre vingts mille hommes qui en faisaient profession. Ils furent persécutés avec sévérité par les Jacobins.

Quelques historiens les accusent de plusieurs crimes et erreurs dont leurs ennemis les chargeaient à tort, comme, par exemple, de l'innocence de Lucifer, de leurs douze Apôtres, qui tous les ans entraient une fois dans le Paradis, et je ne sais quelles autres telles badineries! On voit manifestement, même par les écrits de ceux qui ainsi les blâmaient, que l'occasion de les condamner comme hérétiques n'était autre, que le fait:

qu'ils maintenaient que la messe était une méchante corruption de la S. Cène du Seigneur;

que l'hostie était une idole forgée par les hommes,

-que l'Église romaine était entièrement abâtardie et pleine d'infidélités et d'idolâtries;

-que les traditions de l'Église n'étaient que des superstitions et des inventions humaines;

-que le pape n'était pas le Chef de l'Église;

-ainsi que plusieurs autres articles semblables pour lesquels plusieurs d'entre eux souffrirent résolument, avec joie et allégresse, le supplice du feu.

Pour tout cela, il fut impossible de tout vous montrer, vu que les historiens racontent que c’est par eux qu’est venu la compagnie et la doctrine des Bohémiens, maintenue au travers des écrits de Jean Hus et de Jérome de Prague qui, depuis, a toujours durée malgré les persécutions qu'on leur ait suscitées, cela; jusqu'au temps de Luther, après l'an 1517… ; soit, après que les 42 mois de leur témoignage ont été accomplis.

D'autre part, comme plusieurs d'entre eux furent disperser çà et là dès le commencement, leur doctrine se répandit aussi dans la Lombardie puis de là vers la Sicile ainsi qu’au royaume de Naples où elle a duré d'âge en âge jusqu'à notre temps tandis qu'en Calabre ils étaient fortifiés par la doctrine de Luther, de Calvin et d’autres ministres des Églises; vers l'an 1563 ou 64 on en a fait mourir un grand nombre.

D'autre part, pendant que la doctrine de Valdo se répandait, Dieu suscita d'autres personnages en Provence et dans le Languedoc, parmi lesquels les trois principaux nommés Arnould, Esperon et Joseph; leurs disciples furent appelés les Arnoldistes, Espernistes et Josephistes.

Étant donné que leur doctrine fut premièrement reçue à Albi, ils furent communément appelés Albigeois, d'autres les nommaient Agennois, d’autres Begards. De cette façon les Vaudois d’une part et les Albigeois de l'autre part étaient comme les deux olives [oliviers] ou les deux lampes dont parle S. Jean, dans Apoc. 11. 4. dont la graisse et la lumière se répandait par tous les bouts de la terre. (Apoc 11: 4  – Ce sont les deux oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur de la terre.)

De ce même pas suivit aussitôt Pierre de Bruis, que plusieurs nommèrent Pierre Brusiens, par la suite, il lui succéda en doctrine un nommé Henri; l'un avait été prêtre et l'autre moine. Ils enseignèrent dans les Évêchés d'Arles, d'Ambrun, de Die et de Gap d'où ils furent chassés, mais reçus à Toulouse.

Après la mort de Pierre Bruis, brûlé comme hérétique à S. Gilles , près de Nîmes, leur doctrine se répandit quand même dans tout le Languedoc, la Gascogne, au Comté de Foix, Quercy, Agénois, Bordelais, et presque dans tout le Comté d'Ingrane, qu'on appelle aujourd'hui le Comtat de Venice (Le comtat Venaissin), dont Avignon est la capitale.

La Provence reçut aussi cette même doctrine, presque partout si bien que les villes de Cahors, de Narbonne, de Carcassonne, de Rhodais, d'Agen, de Mageres, de Toulouse, d'Avignon et de Montauban, de S. Antonin,de Puy-Laurens, de Castre, Menerbes (Petite ville à 32 kilomètres d'Avignon, dans le Vaucluse.), Béziers, Beaucaire, Lombes, Pamiers, et le pays de Bigorne en furent tous remplis, sans compter plusieurs autres villes qui les favorisaient, comme Tarascon, Marseille, Perces d'Agenois, Martimande et Bordeaux. Par ce moyen, cette doctrine se répandit encore plus en avant, d’un côté jusqu'en Espagne et Angleterre, et de l'autre jusqu’en Allemagne, en Bohême, Hongrie, Moravie, Dalmatie et même en Italie.

La propagation se poursuivit quelque fut l’ardeur qu’eurent les papes, avec tout leur clergé et l'assistance des princes et magistrats séculiers. pour les extirper, ils utilisèrent:

premièrement le moyen de disputes,

puis des proscriptions, des bannissements, des excommunications, des publications de croisades,

ensuite des indulgences et le pardon à tous ceux qui leur feraient la guerre;

et finalement par toutes sortes de tourments, de feux, de flammes, de gibets et de cruelles effusions de sang.

En fin de compte, tout le monde fut mis en trouble et personne ne pût empêcher que les éclats n'en volassent et furent épars de long en large presque par tous les bouts de la terre.

Ils avaient leurs ministres ou pasteurs, et leurs diacres partout ; ils tenaient leurs écoles dans quelques endroits de la Lombardie. Ceux d'Alsace envoyaient des collectes et subsides, pour les entretenir, et des jeunes gens pour y être élevés dans la connaissance du vrai Dieu. Ainsi célébraient-ils leurs assemblées aussi bien de jour que de nuit, selon que la rigueur des persécutions le leur permettait. Ils établissaient des Églises dans plusieurs lieux ainsi que le montre l'exemple d'un Barthélémy, natif de Carcassonne, qui en Bulgarie, Croatie, Dalmatie et Hongrie, dressa des Églises et institua des ministres, comme le raconte Matthæus Paris.

Ce dernier le considère comme leur pape et leur évêque en alléguant à ce propos la lettre que l'évêque du Port, légat du papes, écrivit à l'archevêque de Rouen et à ses suffragants, demandant secours et assistance contre eux, jusqu'à ce que finalement ils furent contraints de se retirer dans les déserts, suivant la Prophétie de l'Apocalypse, chap. 12. disant que la femme enceinte qui enfanta le fils mâle, et est la vraie Église de Dieu, serait tellement persécutée par le dragon (qui jetterait de l’eau, comme un fleuve, de sa gueule après elle pour l'engloutir), quelle serait contrainte de s'enfuir au désert, où elle serait nourrie pour un temps, et par des temps, et par la moitié d'un temps, ou bien par l'espace de 4 mois ou de 1260 jours. En prenant un temps pour un an séculier, ou un siècle (c'est-à-dire pour un temps de l'âge d'un homme, qui est de 100 ans) il revient à 350 ans.

Or il est certain que, dès que la publication de la croisade fut faite par le pape Innocent troisième et ses successeurs contre les Albigeois, plusieurs princes de la chrétienté s'armèrent et leur coururent après, avec une grande abondance de fleuves que le dragon avait vomis.

C'est-à-dire qu’une grande multitude de peuples et de nations (ainsi que le S. Esprit même l'expose) fut assemblée par le moyen des papes pour les engloutir. (Les histoires racontent qu’à de nombreuses reprises il s'assembla un si grand nombre de croisés de toutes nations contre eux, que personne auparavant n'avait vu une si grande multitude de peuples en armes dont le nombre devait être de quatre-vingts ou de cent mille hommes;)

Ainsi furent-ils à la longue tellement harassés, épuisés et abattus, leurs villes ayant été saccagées, leur pays détruit et ravagé, les hommes, femmes et enfants misérablement tués par milliers, qu'ils furent finalement contraints de se retirer dans les déserts, comme dans les Alpes de Savoye, du Piedmont, et dans les montagnes du Dauphiné, de Calabre, de Bohême, et en Pologne, Livonie et autres pays déserts.

Dans ces endroits, depuis leurs Églises et par leurs prédications en petites troupes, ils étaient revêtus de sacs, c'est-à-dire de tristesse et en deuil jusqu'à notre siècle, ainsi qu'il apparaît d’après les déclarations que ceux de Cabrières, de Merindol et leurs associés firent à la Cour du Parlement en Provence, en vertu des lettres patentes du Roi. Ils démontraient que la doctrine, et la manière de vivre qu'ils avaient, leur avait été enseignée de père en fils, depuis l'an mil deux cent: tellement que le temps de 350 ans a été justement accompli, en comptant depuis qu'ils commencèrent à être persécutés jusqu'à la restauration des Églises, faite de notre temps par la doctrine de l'Évangile.

Il est certain que durant ce temps de 350 ans, qui sont les trois jours et demi, ou les quarante-deux mois mentionnés dans l'Apocalypse, les habitants de la terre ont triomphé avec grande joie et liesse, et de toutes sortes de congratulations les uns envers les autres, pour avoir (à leur avis) vaincu, extirpé, et comme déraciné ces deux témoins de Christ, qu'ils appelaient Albigeois, Bégards, Lollards, Turelupins, et celle des Vaudois, ou pauvres de Lyon, Picards, Bohémiens (car ainsi les nommait-on) qui avaient tourmenté les habitants de la terre, mis le règne de leur Souverain Seigneur et Chef en grande agitation.

C’est ainsi qu’on fit mourir par grosses troupes pour en exterminer la race à tel point que vers l’an 1304 on en brûla à Paris, en une seule fois, jusqu'au nombre de cent quatorze! Mais au bout de ces trois jours et demi, c'est-à-dire de ces 350 ans, qui fut environ l'an de notre Seigneur 1517 où l'esprit de vie procédant de Dieu les a ressuscités en remettant leur doctrine sur pied; si bien qu’une grande frayeur et l’épouvante tombèrent sur les habitants de la terre qui les virent....

Il est vrai est que les docteurs papistiques maintiennent que ces gens ne sauraient avoir été des témoins ou des Prophètes de Dieu, puisque non seulement ils ont eu des opinions contraires à celles de l'Église Romaine, mais qu'ils ont aussi été infectés par l'opinion des Manichéens touchant deux «Principes ou Dieux», en méprisant etrejetant les Évangiles et le baptême des enfants. Et mêmes ils se sont abandonnés à plusieurs vilaines et abominables souillures de paillardises et de sodomies, ainsi que le frère Pierre des Vallées Sarnay, moine de l'ordre de Cîteaux, a mis par écrit, ayant dédié son histoire au papes troisième, suivit par plusieurs autres historiens qui ont confirmé ses dires après lui. (Pierre de Vaux-Cernay a écrit en latin l'histoire de la croisade contre les Albigeois, traduite dans les Mémoires sur l'histoire de France, de Guizot.)

Comme on l’a vu clairement, son histoire a été falsifiée par le translateur, ou quelque autre de même origine puisqu'au deuxième chapitre il fait mention des calvinistes, disant qu'ils nomment les cloches, tabourins [petits tambours] du pape!

Quoi qu'il en soit, on répond là dessus, premièrement que, quant à la doctrine, il est manifeste que ce sont des calomnies qu'on leur a imposées. De ce fait, il se trouve plusieurs autres Chroniqueurs et historiens plus sérieux et véritables, qui convainquent ce maître moine de menterie; y compris Papyrius Masson (Né en 1544 dans le Forez, mort en 1611). Encore que partout il se découvre comme un ennemi mortel des Albigeois, et que dans ses Annales il suive le fil de l'histoire dudit Pierre des Vallées; tout en relevant les erreurs des Albigeois, il ne les charge pas d'autre chose, sinon: «Quod docebant templa diriu , cruces deiici oportere: in Eucharistia verum Christi corpus non esse : preces ad Deum pro mortuis frustra sieri,» c'est-à-dire qu'il fallait ruiner les temples et abattre les croix; que le corps de Christ n'est point dans l'hostie, et qu'il ne faut point prier pour les trépassés.

Ainsi est-il aisé à tout homme versé dans ces histoires, avec quelque jugement, de voir d'où ces blâmes ont prit leur origine; car dans ce même temps les papes avaient publié comme article de foi, que quiconque voudrait maintenir que l'Empereur eût reçu sa puissance immédiatement de Dieu – sans être un sujet du pape – serait tenu pour manichéen, comme s'il soutenait qu'il y eût deux principes ou deux souveraines puissances dépendantes immédiatement de Dieu.

Comme les Albigeois maintenaient ouvertement cette doctrine, ce frère Pierre des Vallées, et plusieurs autres cafards après lui, [genres d’hommes dépravés les plus misérables (Dictionnaire de la conversation et de la lecture, Volume  3, 1833)] pour obéir à l'ordonnance du pape, profitèrent de l’occasion pour les accuser d'être des Manichéens, et d'établir deux principes.

Et, parce qu'ils enseignaient la doctrine de la prédestination et de l'élection gratuite de Dieu, ils les blâmèrent, comme s'ils eussent introduit une fatale nécessité de toutes choses – à la façon des Manichéens – ainsi qu'ils calomnient encore aujourd'hui les fidèles en invoquant les même raisons. Comme ils rejetaient la messe et les livres qui en parlaient, ils dirent qu'ils rejetaient les livres des Évangiles et des Épîtres parce que dans les missels il n’y a que quelques lopins des Évangiles et des Épîtres de Saint Paul, que l'on nommait alors les saints Évangiles.

Et pareillement, comme souvent ils étaient contraints de différer le baptême des enfants parce que leurs ministres étaient dispersés deçà delà par l'âpreté des persécutions, plusieurs ne pouvaient recevoir le baptême, sinon après plusieurs années, on les accusait alors qu'ils rejetaient le baptême des enfants.

En vérité on découvre, par la déposition et le témoignage de plusieurs auteurs sérieux de ce temps-là, que ceux qui ont été leurs ennemis, et plusieurs autres depuis, ont été ceux qui ont recherché la vérité plutôt que les calomnies et que leur doctrine ne fut rien d’autre que celle de ceux qui s'appellent aujourd'hui évangéliques ou réformés, sauf qu’à cause des circonstances bien des simples gens parmi eux, ne pouvaient faire baptiser leurs enfants par des ministres de la parole de Dieu, si bien que l’on finit par croire que le baptême des enfants n'était pas profitable ou pas du tout nécessaire. Il semble, d’après le témoignage de saint Bernard, qu'aucun d'entre eux étaient de cette opinion.

Quant au reste, on trouve encore aujourd'hui leurs livres écrits en parchemin, dans l'ancienne langue provençale et du Languedoc; la prière à la sainte Trinité, faite en façon de rythme, qui commence ainsi: «O Dio paire etermel poissant conforta me, etc.

Et leur confession faite au Roi des Rois, qui commence: «O Dio deli Rey, et Seignor de li Seignor, yo mi confesso à tu, car yo soi cel peccador que t'ay mot offendu, etc».

Et leurs sept Articles de foi, dont la préface commence ainsi: «Les Articles de la se Catholica son set, par li qual li cor de li elcit son enlumena à creire totas à quellas cosas que son necessaras à l'incaminant al règne de la benuranze eternal, etc.»

Et plusieurs autres livres et discours semblables, comme le traité des dix Commandements, l'échelle de Jacob, contenant les trente degrés pour monter au ciel, les quatre paradis, la noble leçon contenant le sommaire de l'histoire du Vieux et du Nouveau Testament, les traités des tribulations des justes, de la consolation, du mépris que l'homme doit avoir de lui-même pour parvenir à la vie éternelle; et plusieurs autres sermons écrits dans la même langue, qui découvrent manifestement l'impudente fausseté des calomnies que les moines leur ont imposées.

Ils montrent à vue d'œil qu'ils ont eu en très grande révérence pour la parole de Dieu contenue dans les livres sacrés du Vieux et du Nouveau Testament, n'ayant rien rejeté sinon les traditions des papes qui n'ont point de fondement dans l'Ecriture.

Qui plus est, on trouve même, par les statuts et les ordonnances faites contre eux au concile de Toulouse et publiés en 1229 par un diacre, cardinal et légat du pape, nommé Romain, que tant s'en faut qu'ils aient rejeté les saintes Écritures qu'au contraire il leur fut à cet endroit expressément défendu de les avoir et de les lire en langue vulgaire, on leur permettait seulement des bréviaires ou quelque psautier en latin par crainte que la fréquente lecture et la connaissance des dits livres ne les rendrait hérétiques.

Et ce moine qui n'a pas eu honte de les calomnier si effrontément, vient lui-même à taxer le Comte de Toulouse, qu'il n'allait nulle part sans le Nouveau Testament, ce que d'autres d'autres ont témoigné dans leurs écrits.

Ainsi l'histoire que l'on trouve encore aujourd'hui, écrite à la main en rythme provençal, par un gentilhomme qui a toujours assisté à la guerre contre eux, montre évidemment que toutes les erreurs que l'on leur attribuait en ce temps-là consistaient:

en ce qu'ils tenaient le pape de Rome pour l'Antéchrist, et l'Eglise romaine pour la grande paillarde décrite dans l'Apocalypse;

qu'ils rejetaient l'adoration du Sacrement, l'invocation des saints trépassés, le service des images, des reliquaires des os morts, et autres superstitions forgées par l'Église Romaine, présentées comme «parole non écrite»: comme du purgatoire, du sacrifice de la messe, de l'intercession des saints, des pèlerinages, reliquaires, vœux de continence, règles de moineries et autres choses semblables.

Ajoutons que les disputes qui ont été tenues de ce temps là contre eux, dans les villes de Verseil, d'Anduice et de Pamier, le montrent fort évidemment, mais sur toutes les autres celle de Montréal (Près de Carcassonne.), qui a été la plus solennelle et a duré quinze jours, pendant laquelle, de la part du papes étaient députés :

Pierre de Casteinau, légat et moine de Cîteaux,

Rodolphe aussi envoyé du papes,

Didacq ou Jacques, évêque d'Osuicq (Diego, évêque d'Osma.), et son chanoine Dominique (qui ont été les deux premiers auteurs de l'ordre des Jacobins ou Dominicains).

Et de la part des Albigeois, Pond Jordain, Arnould d'Averisan, Arnould Othon, et Philebert Caslieus ou Philebert Casteux (car ainsi était-il nommé dans l'histoire de Toulouse) et Benoit Thermes ;

et y présidèrent deux gentilshommes, Bernard Villeneuve et Bernard Arrens, et deux autres, Raymond Gondi et Arnould Riberia (dont les originaux font encore aujourd'hui en être ).

Leur doctrine s'accordait en tout et par tout avec celle que maintiennent les protestants d'aujourd'hui . Et même le thème qui y fut proposé à disputer de leur part était:

«Que l'Église Romaine n’était pas sainte, ni l'épouse de Jésus Christ , mais l'Église du Diable, et la Babylone que saint Jean décrit dans l'Apocalypse, mère de toute fornication, souillure du sang des Saints

Joint aussi que Jaques de Riberia, secrétaire du Roi, racontant leurs erreurs, ne leur impose autre chose que ce qu'ils soutenaient dans leurs disputes:

-que le Seigneur n'approuvait point ce que l'Église Romaine approuvait,

-que Christ ou ses Apôtres n'avaient pas ordonné la messe, mais que c'était une invention humaine, avec d’autres choses semblables.

Pareillement l'abbé Pierre de Clugny, qui a vécu de leur temps, dans ses Épîtres, tâche de réfuter leur doctrine et ne leur impose d’autres articles, sinon qu'ils maintiennent:

-que le corps et le sang de Christ ne sont pas offerts dans la messe;

-qu'une telle oblation ne sert pas au salut des âmes;

-que la substance du pain et du vin n'est pas changée réellement;

-que les messes, oraisons et aumônes pour les trépassés ne profitent de rien;

que les prêtres et moines qui brûlent en la fournaise d'impudicité devraient se marier;

que les croix ne doivent point être adorées,

et que tant de croix qui servent à la superstition devraient plutôt être ôtées.

Pareillement S. Bernard, vivant dans ce même temps, confesse, comme par ouï-dire, qu'il y avait des hérétiques qui, dans leurs assemblées, exerçaient la luxure, toutefois il n'en charge pas les Albigeois, n'alléguant contre eux autre chose, sinon:

qu'ils se moquent des prières et des oblations pour les morts,

des invocations des saints,

des excommunications des prêtres,

des pèlerinages,

des bâtiments des Églises,

des observations des jours de fêtes,

de la consécration du chrême et de l'huile,

bref de toutes les traditions ou ordonnances Ecclésiastiques.

Et même Vincent de Beauvais (dans son miroir historial), assez libéral pour assurer mensonges et fables, ne les accuse pas d'autre chose, sinon de:

ce qu'ils tenaient le pape pour l'Antéchrist, et son Église pour la Babylone décrite dans l'Apocalypse,

qu’ils rejetaient la transsubstantiation, le purgatoire, l'invocation des saints, le franc arbitre, la moinerie et les autres superstitions de l'Église Romaine.

Tant et si bien que c'est une chose évidente que les blâmes qu'on leur a imposés ne sont que des calomnies inventées pour les rendre odieux au peuple.



Quant aux Vaudois que l'on a aussi appelés pauvres de Lyon, Picards et Paterins, Passagers, Lollards et Turelupins; par le témoignage de tous les historiens on trouve que les Bohémiens ont reçu leur doctrine. On ne saurait ignorer ce qu'elle a été de point en point!

Nous avons les témoignages d'Æneas Sylvius, qui a été lui même pape de Rome, nommé Pie second, et de Jean Dubraw, évêque d'Olmus, qui, dans leurs histoires de Bohême, racontent fort bien leur doctrine, ni plus ni moins que s'ils l'eussent extraite mot à mot des livres de Jean Calvin ou de Martin Luther.

Guy de Perpignan, inquisiteur de la foi et évêque de Lodève, dans le livre qu'il a intitulé «les fleurs des Chroniques», raconte l'histoire de Pierre Valdo, et, dans son livre des hérésies, met en avant les opinions des Vaudois, sans les charger d'autre chose, sinon :

qu'ils maintenaient que l'Église Romaine avait délaissé la foi de Jésus Christ,

qu’elle était la paillarde Babylone ,

le figuier stérile que le Seigneur avait jadis maudit;

qu'il ne fallait pas obéir au papes, comme n'étant nullement chef de l'Église;

que la moinerie était une charogne puante

et que les vœux de celle-ci avait les caractères et marques de la grande bête;

que le purgatoire, les messes et dédicaces des temples, la vénération des saints et la commémoration des morts n'étaient qu’inventions des diables et trappes d'avarice.

Bref, on voit, par la déposition de tous leurs plus grands ennemis, qu'ils ne se sont opposés à aucune doctrine contenue dans les saintes Écritures, mais seulement aux traditions des papes amenées au nom de l’Église et que les docteurs papistes reconnaissent qu’elles ne sont pas contenues dans la parole écrite, les nommant pour cet effet parole non écrite.

Touchant le blâme des souillures et des abominations dont plusieurs ont voulu les charger au regard de leur vie et de leurs comportements, on voit aussi clairement que ce ne sont que «piæ fraudes», c'est à dire des fraudes dévotes et des impostures que l'on a imaginé contre eux pour les rendre odieux, et empêcher qu'on ne vînt à rechercher quelle était leur doctrine. On craignait que cela n'apportât du préjudice à la cabale papistique, suivant la coutume ancienne de l'Église romaine, pratiquée de tout temps.

Je dis cela aussi bien du temps des anciens Pontifes Pompiliens et Capitolins que des modernes Vaticans. On ne peut ignorer que, jadis à Rome, on chargeait les pauvres chrétiens de ce que dans leurs assemblées, ils mangeaient des enfants la nuit, et se prostituaient à toute impudicité et paillardise; qu'ils adoraient la tête d'un âne, dont ils furent appelés «A finarij», comme on le voit clairement dans l'Apologétique de Tertullien. Pour notre temps, je n'en veux d’autre preuve que le témoignage de Charles le Quint, dans l'édit qu'il a fait contre Luther et sa doctrine en l'an 1522 dans la ville de Worms, lequel a été la source et le fondement de tous les autres édits qui ont été faits depuis, tant par ledit Empereur que par son fils le Roi Philippe, contre ceux de la Religion.

Voila comme il dit avoir été informé:

«que Luther maintient qu'il ne doit y avoir ni supériorité ni obéissance quelconque, rejetant et réprouvant tout ordre politique et ecclésiastique afin que le peuple ne soit poussé à se rebeller contre les supérieurs, temporels et spirituels, et de s'adonner à battre, à meurtrir, dérober ruiner et gâter tout au feu et à l'épée, à la manifeste ruine du bien général de toute la chrétienté.

Plus encore: Qu'il établit une manière de vivre, par laquelle il est loisible à chacun de faire tout ce qui lui plaît, à la façon des bêtes brutes, et des hommes qui sont sans loi, détestant et méprisant toutes lois tant temporelles que spirituelles, etc

C’est en vertu de ces informations que le Roi d'Espagne a fait une si cruelle et sanglante guerre contre les Provinces unies des Pays-Bas sans que personne n’ait voulu prendre connaissance si c’était la vérité ou non; condamnant aussi à une mort ignominieuse ceux qui par des humbles remontrances et supplications tâchèrent de l'informer de la vérité; faisant mourir mêmes les principaux seigneurs du pays qui furent envoyés comme ambassadeurs ou députés du peuple et de la noblesse, voire de la gouvernante et du conseil d'état, pour montrer leur innocence.

Ce n'est pas surprenant si de ce temps-là, presque tout le monde avait les yeux bandés par le voile de l'ignorance et le col pressé par le joug de l'orgueilleuse tyrannie des papes.

Ce n'est donc pas étonnant que l'on forgeât ces faux blâmes et ces calomnies contre ceux qui tâchaient de s'opposer à une cruauté si barbare en voulant ramener la vérité de l'Évangile à la lumière.

Pas étonnant qu’en les chargeant ainsi de toutes les calomnies que l'on pouvait imaginer, jusqu'à nommer tous sorciers, Vaudois, pour rendre leur nom détestable envers le pauvre peuple; comme si ces pauvres gens-là eussent été sorciers et enchanteurs. Mêmes on osait les présenter comme des monstres qui avaient quatre rangées de dents..., sans compter plusieurs autres mensonges semblables.

Cependant il est notoire que les plus sains et plus sérieux historiens les déchargent de ces faux blâmes en témoignant qu'ils avaient en abomination toutes souillures et corporelles et spirituelles; même que le nom qu'on leur donnait communément les justifie suffisamment, car on les appelait partout les bons hommes en raison de la sincérité qu’is avaient envers chacun. Le sieur de Haillan (Historiographe de Charles IX et Henri III, mort en 1610.), qui les blâme extrêmement au regard de leur doctrine, leur rend néanmoins ce véritable témoignage au regard de leur vie, disant:

«Que bien qu'ils eussent des mauvaises opinions, elles ne suscitèrent pas autant la haine du pape et des grands contre eux que leur liberté de langage dont ils usaient pour blâmer les vices et les dissolutions des princes et des ecclésiastiques. Allant même à taxer les vices et les actions des papes: à tel point que cela fut (dit-il) le principal point qui les mit en haine universelle, et qui les chargea des plus méchantes opinions qu'ils n'en avaient.

On voit donc que la haine et la détestation, qu’ils avaient des vices, était la cause de ce qu'on les persécutait si cruellement; tant s'en faut qu'ils aient été entachés de ces vilenies dont aucuns flatteurs du papes voulaient les charger dans leurs fausses histoires.

De ce fait, s'ils eussent été infectés de sodomies, d'adultère, de paillardises ou autres semblables pollutions qui sont les plus belles fleurs qui ornent les tiares, mitres et chapeaux catholiques romains, il est évident que les saints pères eussent bientôt ouvert les entrailles de leur miséricorde pour les recevoir dans le giron de leur douce mère, qui n'est que trop semblables à ses enfants; et que mêmes personne parmi les inquisiteurs ne leur eussent voulu leur faire la guerre pour des choses auxquelles ils sont ordinairement sujets eux-mêmes.

Témoins les deux inquisiteurs en France, du temps du grand Roi François, Roched (Il s'appelait Rochette, comme le dernier pasteur martyr, exécuté à Toulouse, en 1762.) et Richard, lesquels après avoir fait brûler une grande quantité de pauvres fidèles, furent finalement tous deux brûlés eux-mêmes pour sodomie dans la ville de Toulouse, en l'an 1538.

Témoins aussi les Cordeliers de Bruges qui, ayant été publiquement exécutés par le feu, avec des informations plus que suffisantes faites à leur charge, en l'an 1578 par le magistrat catholique romain, mais qui ont quand même été mis au catalogue des Martyrs par leurs adhérents, ainsi on voit encore des tableaux en taille douce dans la ville de Rome où leurs beaux martyres sont représentés au vif. Croyez donc que ce n'est pas cela qui incitait les saints Pères à leur porter une haine irréconciliable: ils voyaient que ces gens-là tâchaient de renverser la marmite.

Voilà pourquoi il y fallait employer le vert et le sec [employer tous les moyens] pour les exterminer, voire même pour ruiner tous ceux qui les favorisaient, ainsi que le montrent les exemples de Raymond, Comte de Toulouse, et mêmes de Pierre, Roi d'Aragon qui, pour ne pas vouloir reconnaître les intolérables cruautés et tyrannies que l'on exerçait contre ces pauvres créatures de Dieu, furent eux-mêmes cruellement persécutés et privés de leurs états, vies et pays, quoiqu'au reste ils fussent assez bons catholiques romains.

Voilà le sommaire de ce qui s'est recueilli de l'histoire tandis que l'Église de Dieu n'a pas cessé de subsister parmi les épaisses ténèbres de l'ignorance et l’apostasie romaine.

Dieu a de tout temps suscité et maintenu un grand nombre de ses fidèles serviteurs qui se sont constamment opposés aux impostures de l'hypocrisie papale, et été exposés à la mort pour maintenir la vérité de la doctrine évangélique.

Plusieurs autres gens instruits et craignant Dieu, n'ont pas eu le courage de s'opposer ouvertement aux idolâtries et superstitions de leur temps, mais n'ont jamais cessé de gémir dans leurs coeurs à cause de l'horreur et de la détestation dans laquelle ils voyaient les intolérables abus régner au milieu de ceux qu'ils estimaient être les pasteurs du peuple, tellement que Dieu, par leur bouche, a rendu beaucoup de témoignages à sa vérité.

Parmi eux, on range même le bon saint Bernard qui a vécu au temps où l'on faisait la guerre à ces pauvres Albigeois. Bien que, comme moine et abbé de Clervaux, il fût emporté avec les autres à tenir ces pauvres gens pour hérétiques puisqu'il reconnaissait le pape pour chef de l’Église. Parmi ces épaisses ténèbres, il ne se lassa pas d'enseigner beaucoup de points de la vérité de l'Évangile; si bien qu'il servit à son siècle comme une lampe pour éclairer plusieurs qui aspiraient à la pâture de la doctrine céleste.

Il ne flatta guère le pape et son clergé, disant: «Qu’en lieu des Prélats ils étaient Pilates, et en lieu de ministres de Christ, ils servaient à l'Antéchrist.» Et mêmes il écrivit au sujet de la prédestination et de la grâce de Jésus Christ contre les mérites des œuvres et du franc arbitre, comme s'il eût puisé sa doctrine à la source de Luther ou de Calvin. Qui plus est, en écrivant au sujet du sacrement de l'Eucharistie, il osa dire que c’était un signe qui, en lui-même, n'est rien, mais qu’il représente le corps de Christ, tout comme une bague à celui qui le donne, non pas au regard de la valeur de la bague en elle-même, mais seulement comme gage et témoignage de quelque investiture ou autre chose que l'on veut signifier.

On y range pareillement Jean de Sarisburi (Salisbury), Anglais, qui vécut environ l'an 1157. et écrivit un livre nommé Obiurgatorium Clericorum, et un autre nommé Polycraticus, lequel étrille tout le clergé en les appelant scribes, pharisiens, faux docteurs, et disant que le pape est pour tout intolérable.

Il est précédé d'Arnould , évêque de Bresse, qui, vers l'an 1127 s’en était pris aux prêtres et à leurs couronnes, disant que le glaive du magistrat ne leur appartenait en aucune façon; si bien que le pape Adrien le chassa de Rome comme hérétique.

Et Pierre de Blois, qui, de ce même temps, découvrit aussi le pot aux roses, écrivait que Rome était la vraie Babylone pour laquelle S. Jean avait prophétisé, que les officiers de la cour papale n'étaient que des harpies infernales, les prêtres, veaux de Bethel, prêtres de Baal et idoles d'Égypte.

Ils y ajoutent aussi un Nicolas Gaulois de Narbonne, qui fut quelque temps moine de l'ordre des Carmélites. Ayant découvert les abominations de ces cloîtres, il publia à tout le monde leur «sainteté», écrivant un livre qu'il appelle la Sagette de feu (la flèche de feu) qu'ils étaient des enfants réprouvés, des citoyens de Sodome, détracteurs du Testament, séducteurs et la queue du dragon mentionné en l'Apocalypse.

Laurent, docteur anglais, à Paris, vers l'an 1275 et en l'an 1306 un Pierre Cassiodore, gentilhomme bien instruit, tâchèrent tous deux comme à l'envie de «renverser la marmite».

Gérard Sagarelli, de Parme, Dulcin de Navarre, en l'an 1314 Arnould de Villeneuve, en l'an 1315 crièrent haut et clair que Satan avait fait détourné le peuple de Christ et de la vérité; que la foi de ceux qui se nommaient chrétiens n'était pas autre que celle des diables, et que les moines dans les cloîtres faisaient la doctrine de Christ en menant les pauvres chrétiens en enfer; que les théologiens avaient mêlé les songes des philosophes avec la sainte Écriture; que les messes ne profitaient ni aux vivants ni aux morts, et que l'Antéchrist était à la porte.

Cet Arnould de Villeneuve donna par écrit au Roi Jaques d'Aragon, et à son frère Frédéric, roi de Sicile, la liste des apostasies et les exécrables abominations du siège papal et de tout le clergé. Il montra qu'ils faisaient les Écritures en les détournant à leurs passions. Il exhorta lesdits rois à ce que, sans avoir égard à l'état de l'Église d'alors, par lequel ils avaient été tellement scandalisés qu'ils doutaient mêmes de la vérité de la religion chrétienne, ils s'adonnassent à lire soigneusement les Écritures, et à servir Dieu selon ses commandements, et non pas selon le traditions des hommes.

Ces rois résolurent à toujours d'avoir en abomination les abus du clergé de leur temps, les tenants pour apostats de la vraie doctrine des Apôtres; c’est ce qu’il apparaît par les lettres écrites et les colloques tenus de part et d'autre. C’est ainsi que Dieu faisait reluire la lumière de sa vérité, même dans le cœur des Rois et des Princes de ce temps-là, malgré la corruption générale de l'Église.

On fait aussi état de Michel Cesenas, qui vécut vers l'an 1320. En dépit qu'il fût général des Cordeliers, il montra ouvertement qu'il n'approuvait nullement les abominations qui avaient alors vogue dans le monde. Il écrivit que le pape était l'Antéchrist, et les prélats de l'Église romaine la vraie paillarde de Babylone, enivrée du sang des saints. Il ajouta qu'il y avait deux Églises, l'une des méchants, dans laquelle présidait le pape, et l'autre des serviteurs de Dieu qui souffrait la persécution. Pour ces raisons, il fût déposé de son état, mais ne cessa jamais de maintenir sa doctrine jusqu'à la fin.

Petrus Johannis, cordelier fit la même chose dans ce même temps, enseignant que le pape était l'Antéchrist, et la synagogue romaine la grande Babylone.

Et François Pétrarque, excellent poète Italien, ayant vécu sous l'Empereur Charles 4 vers l'an 1360, écrit ouvertement que Rome est le nid des trahisons, l'avare Babylone, qui a Vénus et Bacchus pour ses dieux, l’école d'erreurs, la fontaine de douleurs et le Temple d'hérésie.

Bref, il apparaît évidemment que même parmi ceux qui ont été les sujets du papes, il y en a toujours eu qui ont connu et détesté sa tyrannie et prié Dieu dans leurs cœurs qu'il veuille les en délivrer.

Il est étonnant qu'étant emporté par les vagues de superstitions et d’idolâtries romaines qui avaient comme inondé l'univers, ils ne se soient pas manifestement séparés de la communion de l'Antéchrist pour se ranger dans la vraie Église, qui était de leur temps encore comme cachée au désert.

Il ne faut-il pas douter que Dieu ait touché le cœur de plusieurs d'entre eux par son S. Esprit, et qu’il leur ait ouvert les yeux avant de les retirer de ce monde afin de les faire espérer parfaitement dans leur salut par la seule vertu du sacrifice de l'Agneau et de renoncer ainsi à toutes idolâtries et superstitions de leur temps qu'ils avaient déjà reconnues et détestés de leur vivant.

Cette multitude que l’on ne peut dénombrer, cette multitude de ceux qui, ayant été plus abondamment éclairés par la lumière des deux lampes, et arrosés de la sainte liqueur (huile) des deux olives (oliviers), dont nous avons parlé ci-dessus, se sont courageusement et avec une invincible force et vertu de l’Esprit de Dieu, opposés aux abominations et sacrilèges de leur siècle, quoi qu'ils aient été injustement condamnés et persécutés comme hérétiques. C’est ainsi que, par exemple, vers l'an 1340 Me Conrad Hager en Allemagne qui, durant vingt quatre ans, enseigna ses paroissiens que la Messe n'était pas un sacrifice pour les péchés, et qu’elle ne profitait ni aux vivants ni aux morts, tant et si bien qu’il retira une grande multitude d'hommes de l'obéissance aux papes et de l'Eglise Romaine.



***

Les exploits de la guerre en France contre les Albigeois sont largement décrits par nos historiens. En voici néanmoins le sommaire.

Raymond, Comte de Toulouse, était le principal protecteur des Albigeois; mais il n'était pas seul. Les Comtes de Foix et de Comminges, Gaston de Foix et Roger de Comminges, hommes fort renommés dans leur temps, étaient de la partie et Alphonse, Roi d'Aragon, s'était joint en soutenant la même cause avec eux. Les pays du Languedoc, Dauphiné, Guyenne, Gascogne, Provence étaient remplis de ces gens-là. Toulouse, Carcassonne, Albi, Castelnau d'Albi, Castre en Albigeois, Narbonne, Béziers, S. Giles, Arles, Avignon sont bien marquées dans l'histoire.

Le premier sujet de cette émeute fut le mécontentement qu'avait le peuple contre les gens d’Église, indigné par leur mauvaise vie. Du mécontentement naquit le mépris et enfin la querelle, qui précéda la guerre ouverte.

Les ecclésiastiques méprisés eurent recours au papes Innocent III qui y envoya le Cardinal de S. Marie , in porticu, et Nicolas, évêque de Thusculo, avec des prêcheurs, qui parcoururent tout ce pays-la, mais sans aucun avancement pour leur cause parce que le comte favorisait visiblement ce mépris, et qu’il était porté par la même humeur que son peuple.

Sur le rapport de son Légat, le pape Innocent décrète alors une sentence d'excommunication contre le Comte Raymond, et, dans ce but, envoya Pierre de Châteauneuf, légat, pour la lui communiquer, mais il fut tué.

Innocent, extrêmement courroucé de ce meurtre envoie Gallon, son légat pour le remplacer. Par lui, il le dénonce au Roi Philippe, surnommé Auguste, afin qu’il s’arme contre le Comte Raymond et ses peuples, comme contre des hérétiques et des ennemis jurés de l’Église. Par ce même moyen il commande à Odun, Duc de Bourgogne et à Guillaume, Comte de Nevers, de se joindre à cette guerre.

L'assemblée se tint à Paris, où un grand rassemblement de gens d'Église résolut de faire une croisade comme contre les infidèles. Les Archevêques de Toulouse, Rouen, Sens; les évêques de Lisieux, de Bayeux, de Chartres, de Comminges, de Coferans (Couserans) [Carte: https://fr.wikipedia.org/wiki/Couserans#/media/File:Dux_Wasconum_1150.png], de Lodève, de Béziers, et plusieurs abbés se croisent les premiers pour éteindre le feu avant qu'il ne passe plus loin.

Simon, Comte de Montfort, près de Paris, brave et vaillant chevalier, issu d'un bâtard de Robert, Roi de France, est élu chef de cette levée pour laquelle tous contribuent par une grande somme de deniers. Ce fut en 1210.

L'armée entre alors dans le Languedoc où le nom du Roi était respecté comme du Souverain; mais les villes ne voulaient pas ouvrir les portes à leurs ennemis armés pensant qu'ils abusaient du nom du Roi. Ainsi, suite au refus volontaire d'une ouverture, Simon menace de les assiéger. Béziers fut la première attaquée, le succès fut si effroyable, qu'ayant été emporté par la force, le sang coula à flot suite à la perte de bien 60.000 personnes. La ville fut ensuite pillée, saccagée, brûlée, désolée à tel point que tout le reste des villes effrayées se rendait sans difficulté.

Carcassonne voulut néanmoins résister, mais elle fut quand même prise suite à l’acceptation que les habitants sortiraient tous nus, leurs natures découvertes.

Castelnau aussi voulut résister, mais enfin se rendit, et Simon y fit brûler 50 hommes tout vifs, pour exemple.

Albi se rend sans force.

La Vaur, par la résolution de Gérarde, dame du lieu, voulut résister. Mais la ville fut prise par la force, et cette femme jetée dans un puits, et Amaulry, gentilhomme du pays, qui avait voulu tenir le siège contre Simon, fut pendu et étranglé.

Ainsi Cadres, Rabastens, Gaillac, la Caussade, Puy-Laurens, S. Antonin , S. Marcel se rendirent.

Cahors suivit, mais Moissac voulant résister, fut prise et saccagée. Cette subite exécution étonna le Comte Raymond , qui, s'étant excusé auprès du Roi touchant la mort du légat, et lui appartenant de si près comme étant son beau-frère, s’attendait à toute autre chose que d’avoir une armée ennemie sur ses bras; et même la sentant se lever et la voyant marcher, ne craignait rien de ce qui fut exécuté contre ses peuples. Il estimait seulement que c'était pour autoriser les prêches de S. Dominique , qui accompagnait l'armée avec fort grand nombre de gens d'Église.

Étant donc éveillé par une si grande perte, il recherche tous ses moyens, et ses amis, pour s'opposer au Comte Simon de Montfort, extrêmement craint et redouté partout suite à de si grand succès. Le Roi Alphonse d'Aragon, les Comtes de Foix et de Comminges (Ancien pays de France, dans la Gascogne, entre les Pyrénées et l'Armagnac.) lui amenèrent un grand peuple, animé par ces exemples à leur consécration. Raymond y employa le vert et le sec, si bien qu'on dit que son armée était composée de cent mille hommes. Les forces de Simon étaient moins nombreuses, néanmoins les voilà victorieuses de ce grand nombre de peuples rassemblés, et ceci à fort peu de perte.

La mort d'Alphonse fut ajoutée à la défaite, et ensuite la prise et le sac de Toulouse, où il fut tué 20000 hommes par les victorieux.

Les villes de Rouergue et d'Agenois, effrayées de ces grands châtiments, prirent le mords de la main de Simon, et lui rendirent obéissance. Cela arriva en 1213. Le lieu de la bataille est diversement marqué, ou à Marcel ou à Mirebeau. Après une ruine si surprenante, le Comte Raymond se voyant dépouillé de son bien, se retira en Espagne dans les États d'Alphonse attendant le moment propice pour rebâtir ses affaires.

Cependant Simon de Montfort se promet la propriété de tous les biens de Raymond qu'il s'était acquis par son épée; mais il ne faisait aucun doute que le Roi souffrirait qu'une si belle province ôtée à son allié fût donnée à un de ses sujets. Simon recourut au papes, par l'autorité duquel toute cette guerre avait été administrée par lui.

Innocent III voyant aussi que Philippe qui avait bien eu le cœur de passer outre à la poursuite de Jean Roi d'Angleterre, malgré toutes ses interdictions, ne serait pas touché par sa simple autorité pour remettre une pièce si importante, aussi assembla-t-il un grand Concile œcuménique, pour faire ployer le roi à sa volonté.

De fait, les Patriarches de Jérusalem et de Constantinople y furent en personne tandis que ceux d'Antioche et d'Alexandrie y envoyèrent leurs ambassadeurs. Il y avait 70 archevêques, 400 évêques, mille abbés et prieurs; les Empereurs d'Orient et d'Occident, les Rois de France, d'Angleterre, d'Espagne, de Jérusalem, de Chypre et autres Rois, Princes et grands États y avaient envoyé leurs ambassadeurs.

Suite à l'ordonnance d'une si notable assemblée, le Comte Raymond fut excommunié avec tous ses associés, et son bien adjugé à Simon de Montfort pour les services faits et à faire. Philippe n'eut rien à répliquer contre cet arrêt qui fut promulgué avec un si grand consentement. Il reçut Simon «à foi et hommage» le pays du Languedoc dont il prit possession paisiblement; mais elle ne fut pas longtemps entre ses mains.

Il commença à maltraiter ses nouveaux sujets comme les peuples asservis; mais à trop presser l'anguille on la perd.

Ayant repris haleine, ils se décident à rappeler leur Comte Raymond qui était en Espagne; et comme ses affaires n'étaient pas encore désespérées, les Comtes de Viuarez, Avignon et Die, où les armes de Simon n'étaient pas parvenues, fussent encore à son commandement.

Raymond revient donc à Toulouse, assez bien accompagné des Arragonois qui l'aimaient, et qui étaient touchés de la mort de leur Roi. Alors qu'il est revenu, il fortifie la ville où Simon est tué d'un coup de pierre; si bien que son Comté, acquis par les titres dont nous venons de parler, ne lui dura guère. Il laisse néanmoins un fils nommé Guy, qui se porta pour Comte. Mais dès que Simon fut mort, l'exemple de Toulouse fit soulever la plus grande part des villes qui étaient asservies. Raymond fit tuer ce Guy , et son frère Amaulry lui succéda.

Philippe, qui aimait mieux cette belle province pour foi que pour les enfants de Simon de Montfort, était néanmoins bridé par l'autorité du pape et du Concile. Il envoie donc son fils Louis dans le Languedoc pour le soumettre à son obéissance; mais à peine eut-il prit quelque château, que la mort de son père le rappela, et ses affaires le retinrent quelque temps; si bien que le Comte Raymond et ses sujets du Languedoc eurent loisir de recueillir leurs esprits.

La semence de vérité répandue ça et là en divers lieux de l'Europe, partie du Languedoc et des pays voisins, demeura couverte jusqu’en sa saison, et sous l'hiver des persécutions furent conservées maintes petites Églises des Vaudois et Albigeois.

Voyons maintenant quelques autres pièces de l'histoire de France touchant les Albigeois.

Comme le pape voulait redresser la persécution à main armée contre eux, Louis IX petit-fils de Philippe Auguste, Roi de France, ne voulut point permettre qu'on leur fît la guerre, disant qu'il fallait les persuader par la raison et non point les contraindre par la force, c'est ce qui arriva aux environs de 1227 jusqu'en 1328.

C’est ainsi que beaucoup de familles des Albigeois furent conservées dans le Languedoc et dans plusieurs autres provinces où elles étaient.

Les guerres entreprises par les artifices des papes en Orient pour conquérir la terre sainte, la querelle de Boniface 8 contre le Roi Philippe le Bel, et les cruelles dissensions guelfes et gibellines en Italie, dont les papes voulaient (comme il est arriver) chasser les empereurs, et dresser un puissant patrimoine ou domaine à S. Pierre, comme ils parlent, furent l’occasion de ce repos des fidèles surnommés depuis plus communément Vaudois.

Plusieurs familles se retirèrent dans les vallées et les montagnes de Savoye, Piedmont, Viuarez, Diois et en Provence, où la principale semence se garda à Lormarin , Merindol, Cabrières, comme il sera vu dans les histoires décrites ci-après selon l'ordre des temps.

Sous le règne de Philippe Auguste, vers l'an 1210, 24 Albigeois furent exécutés à mort dans Paris, à cause de la Religion. L'année suivante on y en brûla 400, 80 autres y eurent la tête tranchée, tous pour cette même cause.

Un nommé Beghard fut brûlé à Erford en Allemagne, l'an 1218 et un diacre à Oxford en Angleterre, l'an 1222; sans remonter vers la fin du siècle précèdent qui vit mettre à mort un très grand nombre de Vaudois et d’Albigeois surnommés par mépris, Publicains, Cathares ou Puritains, Paterins, et rejeté par d’autres sobriquets de la populace ignorante.

Mais ne laissons pas passer un autre acte mémorable de la tyrannie de l'Antéchrist dans ces mêmes temps.

L'an mil trois cent dix, il se trouva un homme de métier en Angleterre, qui endura le feu avec une persévérance merveilleuse. Voici ce qu'il maintenait: «Que le corps de Jésus Christ est pris sacramentellement dans l'Église, non point charnellement.»

Il fut impossible de détourner ce bon personnage de son opinion, ni par des menaces, ni par des flatteries: il resta ferme dans sa résolution de foi et préféra mourir plutôt que de se rétracter, c’est ainsi qu’il fut livré par les évêques au bras séculier.

Après la sentence prononcée contre lui, il fut mené sur une grande place hors la ville, et quoiqu'on lui fisse, il ne s'étonna point malgré que le tourment et le supplice de mort à quoi on l'avait condamné fût terrible et surprenant. On devait le mettre dans un tonneau pour y être brûlé à petit feu! Le fils aîné du Roi Henri voulut assister à ce beau spectacle, et étant touché à compassion contrairement aux évêques, il s'approcha du patient, l'exhorta d'avoir égard à sa vie et se dédire de ses opinions. Sa compassion était charnelle et avait un but pernicieux en voulant sauver le corps que ces suppôts de l'Antéchrist voulaient détruire. Mais le vaillant champion de Jésus Christ repoussa constamment les flatteries de ce Prince, autrement bénin, et surmonta courageusement toutes les machinations des hommes. Il était prêt à endurer toutes sortes de cruauté plutôt que de se laisser tomber dans une telle impiété et consentir à quelque blasphème contre sa conscience.

Sur quoi il fut mis dans le tonneau qui était préparé pour son martyre. La flamme commençant à monter, ce bon personnage criait au milieu du feu d’une façon effrayante. Le prince, touché par ce cri si horrible, s'approcha encore du patient pour le convaincre d’avoir pitié de lui-même. Il commanda donc que le bois fût ôté et le feu éteint. Puis, s'approchant de plus près, commença à parler fort doucement à ce personnage, promettant de lui sauver la vie s'il voulait le croire, et qui plus est, ajoutait ceci à sa promesse, qu'il lui serait donner tous les jours, prit sur le revenu du Roi trois pièces d'argent pour entretenir le reste de sa vie.

De nouveau ce vaillant martyr du Seigneur refusa ces belles offres. Ce qui est un certain, c’est que les arguments de son cœur était plus ardent à courir après les biens célestes qu'après les douceurs et les flatteries de ce monde.

Le prince, voyant qu'il demeurait ferme dans son opinion, commanda qu'on le rejetât dans le tonneau sans espoir de lui offrit à nouveau la grâce. C’est ainsi que les salaires proposés ne l'avaient point fait fléchir, pas plus que la frayeur et les menaces purent le décourager. Le combat était grand et difficile; mais la barbarie cruelle ne put le détourner de persévérer dans la confession de Christ.

L'an 1330, Eckhard, jacobin allemand, fut brûlé à cause de sa confession de la vérité.

Bref il n'y eut pas d’hommes, grands et petits, qui pussent s’opposer aux superstitions et traditions de l'Antéchrist, sans qu’on leur fit la chasse comme on le fit encore plus furieusement selon les récits des Livres suivant.

Outre ces efforts de Satan contre l'Église du Seigneur par le glaive des persécuteurs, il ne faut pas oublier l'autre glaive dans la main des hérétiques qui donnèrent beaucoup plus de peine à l'Église que toutes les persécutions de dehors.

Toutefois, comme le salut des élus de Dieu est en de bonnes mains et qu'il ne peut être anéanti, le Diable a toujours été confondu aussi bien d'un côté que de l'autre, de telle sorte que le juste juge du monde voulant faire connaître ses merveilleux secrets et jugements, donna une telle puissance d'erreur aux hérésies, que, renaissantes les unes des autres, comme une punition à cause de l'ingratitude des hommes, finalement elles produisirent l'Antéchrist d'Orient et d'Occident.

Mahomet et l'évêque de Rome, qui par armes découvertes et cachées (c'est à dire, Mahomet par une violence manifeste et le pape par l’hypocrisie et la trahison) ont fait plus de maux à l'Église de Jésus Christ que n'avaient fait tous les persécuteurs et hérétiques précédents.

Il n’y eu aucun article de la loi, ni de la foi, ni de la prière, ni des sacrements, que ces anciens hérétiques n'aient pollué et falsifié, les uns d'une sorte, les autres d'une autre.

Quant aux fidèles, ils regardaient sans cesse à Jésus Christ, Fils éternel du Père Eternel, vrai Dieu et vrai homme dans une seule personne, seul Sauveur, Prophète, Roi et Sacrificateur de l’Église.

Le but que Satan a visé était de les brouiller et de les abolir par ses instruments, s'adressant tantôt à la nature divine, tantôt à la nature humaine, puis à la personne, séparant ou confondant les natures, et finalement, sur tout en ces derniers temps, à ses offices.

Mais comme ce puissant Roi fortifia les siens au milieu de tous les assauts et les tourments des persécuteurs des corps afin qu’ils persévèrent dans la confession de son saint Nom, aussi suscita-t-il de temps en temps pour son Église quelques bons personnages qui s'opposèrent de vive voix et par écrit, avec heureux succès, aux chicanes, calomnies et blasphèmes des hérétiques. De la même façon que Satan avait mis aux champs quelques bandes pour assaillir la Jérusalem céleste, le Seigneur lui envoyait peu après quelques vaillants champions qui repoussaient les coups, tellement que les élus de Dieu sont toujours demeurés à couvert, et les hérétiques confus, périssant très malheureusement pour la plupart, comme les histoires ecclésiastiques en font foi.

Les principaux patriarches de ces hérétiques anciens ont été Simon le Magicien, Valentin , Cerdon , Artemon, Novatus et Arius.

Du premier et du second sont nés un grand nombre de sectes étrangement vilaines et fantastiques.

Le troisième a engendré une grande quantité d'hypocrites et de blasphémateurs contre les principaux articles de la foi.

Le quatrième a été comme la pépinière des Arianistes. De Novatus sont sortis les Justiciaires ennemis de la grâce de Dieu.

Et le dernier, plus pernicieux que les autres, a eu un million d'autres hérétiques ennemis jurés du Fils de Dieu, qui ont eu pour arrière-garde et pour fin de leurs bandes les deux Antéchrists déjà nommé.

Quant aux fidèles docteurs de l'Église qui se sont courageusement et heureusement opposés à ces malins esprits, les livres d'une partie d’entre eux sont en lumière parmi les vrais Chrétiens qui s’en servent encore aujourd'hui contre les hérésies renaissantes.

Vrai que ce que l'on dit qu'il ne se trouvera point d’homme qui soit parfait; on peut aussi rapporter, concernant ces saints personnages, qu’en travaillant à l'œuvre du Seigneur sur un fondement très précieux et très ferme, ils y ont parfois jeté du foin et d’autres matières de peu de durée, et appréhendé un peu trop la misère de leurs temps avec des matières bien solides et par eux adroitement agencées.

Ce que l'esprit de Dieu leur a donné de bonne adresse demeure encore et aura toujours son usage, le feu des saintes Écritures ayant réduit en cendres ce qui n'était pas durable.

Parmi tous ceux qui ont grandement servi à l'Église Chrétienne dans leur temps, saint Augustin, Evêques africain, mérite d'être rappelé, pour les grandes grâces que le Seigneur lui départit que ce personnage instruit, modeste et craignant Dieu fit merveilleusement bien valoir. Ce n'est pas pour exclure les autres qui se sont courageusement employés et dont les écrits sont encore aujourd'hui sont la preuve d'une érudition, d’une piété et d’une affection particulière; mais saint Augustin semble emporter le prix entre tous les instruments dont il a plu à Dieu de se servir jadis pour l'ornement et pour la défense de son Église.

Ce bon docteur, consolant les fidèles affligés à cause du sac de Rome fait par les Goths, propose des doctrines aux chapitres 10, 11 et 20 de son premier livre de la cité de Dieu, que tous chrétiens doivent souvent méditer, en jetant l'œil sur les désolations, les ruines et les tourments de leurs frères, afin de se fortifier dans le Seigneur contre les mêmes épreuves qu’ils apercevaient chez les autres. Nous les avons ici insérés, afin que le lecteur les eût promptement devant. Voici donc ses paroles, en faisant mention de ce qui était arrivé dans cette mise à sac de Rome où les chrétiens n'avaient été nullement épargnés ni dans leurs biens ni dans leurs corps.

«Les chrétiens (dit-il) ont perdu tout ce qu'ils avaient. Ont-ils perdu des biens, la foi, la crainte de Dieu, les biens de l'homme intérieur qui est riche au ciel? Les richesses des chrétiens sont celles dont l'Apôtre abondait, disant: I Tim. 6. 6. «C’est, en effet, une grande source de gain que la piété avec le contentement; car nous n’avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n’en pouvons rien emporter; si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira. Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments.»

Ainsi donc, les fidèles qui ont perdu les biens de la terre dans ce pillage fait par les Goths, les possédaient, comme «ce riche au dedans» et «pauvre au dehors» les avait enseigné, c'est à dire usant de ce monde comme n'en usant point (I Cor. 7.31.). Ils ont pu dire avec ce personnage si gravement éprouvé, et toutefois victorieux: «L’Eternel a donné, et l’Eternel a ôté; que le nom de l’Eternel soit béni!. (Job I, 21)» Afin que ce bon serviteur eût de grands biens, il s'est assujetti à la volonté de son maître, pour être riche en son âme, en la suivant, et ne s’attristant point en laissant dans ce monde les choses qu'il devait quitter en mourant après. Or, ces gens infirmes qui étaient tant soit peu attachés aux biens terriens, quoiqu'ils ne les préférassent point à Christ, ont néanmoins senti, en les perdant, quelle faute ils avaient commises en y mettant leur affection. Ils ont reçu de la tristesse selon qu'ils s'étaient pénétrés par la douleur de la perte de leurs biens, comme nous l'avons montré ci-dessus par les mots de l'apôtre. Il fallait aussi qu'ils apprennent par l’expérience, ce que la parole n’avait pu les persuader.

Au reste, quand l'Apôtre dit: «Ceux qui veulent devenir riches, tombent en tentation, etc.» certainement, il reprend la convoitise des richesses, non pas la possession de ces dernières, vu qu'il enjoint en un autre endroit: (I.Tim. 6, 17-19.) «Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire du bien, d’être riches en bonnes oeuvres, d’avoir de la libéralité, de la générosité, et de s’amasser ainsi pour l’avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable.»

Ceux qui ont ainsi gouverné leurs biens ont beaucoup gagné en perdant peu; ils ont eu plus de contentement des richesses par eux conservées en les donnant joyeusement, que de tristesse des biens tous perdus pour avoir voulu les garder soigneusement!

Aussi ce qu'ils ne pouvaient emporter du monde était périssable et corruptible. Mais ceux qui ont cru le conseil du Seigneur, disant (Matt, 6. 19.): «Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la teigne et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et dérobent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur.» ceux-là ont connu, au temps de l'affliction, combien ils avaient sagement bien fait de ne pas mépriser ce docteur véritable, fidèle et invincible gardien de leur trésor. Et s'ils se sont réjouis d'avoir caché leurs richesses dans un lieu dont l'ennemi ne pouvait approcher, combien plus certainement et assurément se sont-ils réjouis, étant eux-mêmes recueillis dans un lieu, où l'on ne les pouvait nullement attraper?

À ce propos, Paulin, évêque de Nole, notre bon ami, étant fort riche des biens du monde, très pauvre de volonté et de très sainte vie, se trouvant entre les mains des Barbares, quand Nole fut saccagée, priait en son cœur de cette façon, comme il le nous l’a déclaré après: «Seigneur, ne permets point que je me tourmente pour la perte d'or ou d'argent; car tu sais où sont tous mes biens.»

Or, il les tenait précisément dans ce lieu où Christ, qui avait prédit ces maux qui devaient arriver au monde, l'avait prévenu de ne pas thésauriser.

Ainsi, ceux qui ont bien écouté les enseignements du Seigneur, savoir où et comment ils devaient thésauriser, ceux-là n'ont point perdu les richesses terriennes lorsque les infidèles ont ravagé partout. Ceux, au contraire, qui se sont repentis de ne point avoir suivi ce conseil, ont apprit par l’expérience, ce qu'ils n'avaient pas sagement réfléchi auparavant.

Mais (dira quelqu'un) plusieurs bons chrétiens ont été tourmentés pour qu’ils révèlent leurs biens aux ennemis, je réponds qu'ils n'ont pu perdre le bien qui les faisait bons.

S'ils ont mieux aimé être tourmentés par leurs ennemis plutôt que de leur révéler les richesses iniques qu’ils possédaient, ils n'étaient pas chrétiens. Ils devaient être admonestés.

Si pour l'or ou l'argent, ils se mettaient dans de telles peines, combien plus doivent-ils souffrir volontiers pour Jésus Christ, en apprenant à aimer celui qui enrichit de la vie éternelle les témoins de sa vérité, non pas par de l'or ou de l'argent qui ne peuvent que rendre misérables ceux qui souffrent pour eux, soit qu'on les cache en mentant ou qu'on les révèle en confessant vérité.

Personne n'a jamais perdu Jésus Christ en le confessant et nul n'a jamais sauvé son or ou son argent qu’en niant qu'il en eût. Il faut donc dire que les tourments nous apprennent à aimer le bien incorruptible plus utile que ces biens de la terre, qui sans aucun profit donnent beaucoup de peine à ceux qui y ont mis leur affection, etc.

» La longue famine a dévoré beaucoup de chrétiens, soit; mais aussi les vrais fidèles ont transformé cela à leur avantage par le biais d’une sainte patience, car la faim fait comme la maladie en sauvant le corps des misères de ce monde. Elle a appris aux survivants à vivre plus sobrement et à jeûner plus longuement. Mais plusieurs chrétiens ont été tués, et un grand nombre parmi eux ont été exterminés par des supplices vilains et cruels.

La mort est une chose étrange et il faut que toutes les créatures vivantes dans ce monde passent par ce chemin-là. Je sais bien que nul n'est mort qui ne dut mourir quelquefois. Qu’importe-t-il en fin de vie, si elle a été longue ou brève? Car ce qui n'est plus, n'est pire ni meilleur, ni plus grand ni moindre.

Quel intérêt y a-t-il à savoir de quelle sorte de mort on meurt, puisqu’on ne peut contraindre le mort à mourir encore une fois?

Et sachant que diverses sortes de morts nous menacent tous les jours à cause des divers accidents de cette vie, autant de temps que l'incertitude des choses à venir dure, je demande lequel des deux est meilleur, ou souffrir une mort pour une fois en mourant, ou en craindre cent mille en vivant.

Je n'ignore point que plusieurs choisissent plutôt la vie accompagnée de la crainte de mille morts, que d’être délivré de toute crainte de la mort en mourant une fois. Mais c'est autre chose de ce que la chair étonnée et craintive déteste, et de ce que la raison bien instruite et éclairée connaît et confesse être avantageux.

Il ne faut point estimer malheureuse la mort qui suit une vie chrétienne, car il n'y a rien qui fasse la mort malheureuse, si ce n’est ce qui vient après la mort. Ceux donc qui sont nécessairement obligés de mourir ne doivent pas se soucier de savoir par quel accident ils mourront, mais plutôt de s’inquiéter de savoir où ils seront contraints d'aller après la mort.

Les chrétiens savent que la mort du pauvre fidèle parmi les chiens léchant ses plaies, a été meilleure que cette horrible perdition du riche malheureux vêtu de lin et d'écarlate! Quel dommage peut apporter la mort à ceux qui ont bien vécu?

Mais si les corps des fidèles n'ont pu être ensevelis dans cet horrible massacre, la vraie foi ne craint pas un tel accident, les bêtes se nourrissant de cadavres ne nuiront point aux corps qui doivent ressusciter, de la tête desquels ne périra pas un seul cheveu. C’est ainsi que la vérité ne dirait pas: (Matt. 10. 28) «Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme,» si les ennemis qui ont voulu massacrer des corps nuisaient d’une façon ou l’autre au bien de la vie à venir.

Si d'aventure quelque étourdi veut maintenir qu'avant la mort il ne faut point craindre les meurtriers qui tuent le corps, mais qu'après la mort il faut craindre qu'ils n'empêchent d'ensevelir le corps qu'ils ont tué : il faut rappeler ce que dit Christ, en affirmant que ceux qui tuent le corps ne peuvent pas faire davantage.

S'ils avaient tant de pouvoir sur les corps morts, la vérité serait alors vue comme un mensonge, car il est dit que les massacreurs font quelque chose en massacrant, parce que le corps sent les coups mortels; mais après la mort ils ne sauraient faire mal au corps puisqu’il n’a plus de sentiment ni de sensation.

Ainsi donc, donc plusieurs corps des chrétiens sont demeurés nus sur la terre, mais nul n’a pu les séparer du ciel ni de la terre, laquelle est toute remplie de la présence de celui qui sait bien d'où doit ressusciter ce qu'il a créé.

Il est dit au Psaume 79, 2-3: «Elles ont livré les cadavres de tes serviteurs En pâture aux oiseaux du ciel, La chair de tes fidèles aux bêtes de la terre; Elles ont versé leur sang comme de l’eau Tout autour de Jérusalem, Et il n’y a eu personne pour les enterrer.»

Cela est dit pour amplifier la cruauté des massacreurs, non pas pour faire penser que ceux qui ont souffert de telles indignités soient malheureux pour toujours. Même si cela, en apparence, semble dur et effroyable, n’oublions pas que la mort des fidèles est précieuse devant la face du Seigneur (Ps. 116. 15. Elle a du prix aux yeux de l’Éternel, La mort de ceux qui l’aiment.).

C’est pourquoi tout cet appareil d'enterrement, le tombeau, la pompe des funérailles, tout cela sert plus de réjouissance aux vivants, que de soulagement aux morts. Si la précieuse sépulture sert à quelque chose au méchant, il s'enfuit alors que le pauvre est malheureux s'il est pauvrement enterré, ou s'il ne l'est point du tout.

Ce riche vêtu d'écarlate a été pompeusement enseveli par une troupe de ses serviteurs, dans la présence des hommes; mais ce pauvre, tout couvert de plaies, a été beaucoup plus magnifiquement enseveli par les Anges dans la présence du Seigneur, étant porté, non point dans un tombeau de marbre, mais au sein d'Abraham, etc. (Luc. 16. 22-23: Le pauvre mourut, et il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli. Dans le séjour des morts, il leva les yeux; et, tandis qu’il était en proie aux tourments, il vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein.)

» Mais plusieurs disent que les chrétiens ont été emmenés captifs. Pour vrai, c'est un accident pitoyable s'ils ont été menés quelque part où ils n'aient pu trouver leur Dieu. Il y a dans l'Écriture sainte de grandes consolations contre de tels inconvénients. Les trois jeunes hommes ont été en captivité, Daniel et d'autres prophètes (Dan. 2) pareillement; mais le Dieu consolateur n'a jamais été loin d'eux. Ainsi donc celui-là n'a jamais abandonné les siens sous la domination d'un peuple barbare et toutefois humain, tout comme il a été près de son serviteur Jonas dans le ventre du poisson.

Nos adversaires aiment mieux se moquer de tels miracles plutôt que les croire, mais par contre ils tiennent pour vrai tout ce que leurs livres racontent sur le renommé joueur de harpe Arion, qui, étant jeté dans la mer, fut porté sur le dos d'un dauphin, et arriva finalement à bon port. Ce que nous lisons de Jonas le Prophète est plus difficile à croire, voire d'autant qu'il est plus admirable; et plus admirable, parce que la puissance de Dieu y brille magnifiquement.

Ainsi donc toute la famille du vrai et souverain Dieu a une consolation assurée qui n'est point fondée sur l'espérance des choses corruptibles; elle a aussi une vie temporelle accompagnée de plaisir, puisqu'elle y apprendra à méditer la vie éternelle.

Elle use des biens de ce monde comme étrangère, sans être enveloppée par eux; l'adversité lui sert d'épreuve et de correction. (Ps. 42. 4: Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit, Pendant qu’on me dit sans cesse: Où est ton Dieu?) Au reste, ceux qui s'élèvent contre ceux de cette famille quand elle est tombée dans quelque affliction et lui demandent: Où est ton Dieu? Ils répondent eux-mêmes: Où sont leurs dieux, au temps de l’adversité alors qu'ils les adorent afin de l’éviter?

L’Église, quant à elle, répond: Mon Dieu est présent en tous lieux, il est tout par tout, n'étant enfermé nulle part, qu'il ne puisse assister en particulier, et se retirer sans faire bruit. En me secouant par les afflictions, il examine ma foi, ou châtie mes péchés, et me garde un salaire éternel, pour les maux que j'ai endurés pour son nom dans la vie présente. Mais vous, qui êtes-vous que vous soyez dignes qu'on parle de vos idoles? oserez-vous bien parler de mon Dieu, qui est terrible sur tous les dieux: «Car tous les dieux des peuples sont des idoles, Et l’Éternel a fait les cieux.» (Ps. 96. 5.)

Nous avons beaucoup d'autres consolations proposées dans les écrits des autres docteurs de l'Église, mais parce que le contenu en sera proposé dans divers endroits, et que ce premier livre sert seulement de préface aux suivants, notre intention principale ayant toujours été d'arrêter les fidèles par ces recueils pour les amener à la considération de l'état de l'Église de Dieu depuis le temps de Wiclef, il n'est donc pas besoin de nous étendre davantage sur ce point.

Ajoutons ici ce mot, quant à la doctrine de l'Église primitive Chrétienne, qu'elle a été fondée sur la parole de Dieu, et malgré les efforts de Satan par les persécuteurs, hérétiques apostats, et par l'Antéchrist, les fidèles ont toujours retenu le fondement:

Que Jésus Christ est le seul moyen par qui nous obtenons rémission des péchés, grâce devant Dieu, et vie éternelle en corps et en âme sur les cieux.

Mais au reste ceux qui se sont ainsi furieusement attachés aux membres de Jésus Christ, ont senti dans la vie présente même son juste courroux dont il nous faut traiter maintenant, et parler surtout de ce qui est arrivé aux principaux persécuteurs de l'Église ancienne. Quant à ceux qui ont couru après les fidèles dans ces derniers temps, ils sont marqués en divers endroits des livres suivants.






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