Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA NEUVIÈME ET LONGUE PERSÉCUTION SOUS DIOCLÉTIEN,

MAXIMIEN ET MAXIMIN.

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Il n'y a personne qui ait écrit si diligemment au sujet cette persécution sous les Empereurs Dioclétien, et Maximien, qu'Eusèbe dans ses deux derniers livres de l'Histoire Eccles. car il a vécu de ce temps-là et raconte beaucoup de choses qu'il a vues lui même. Après Eusèbe, Nicéphore en a aussi traité amplement au 7e liv. de son histoire chap. 3, etc.

L'Église Chrétienne avait joui assez longtemps d'un grand repos, pendant environ vingt-huit ans, soit depuis le gouvernement d'Aurélien jusqu'au 19e de l'empire de Dioclétien. Les chrétiens avaient l'exercice entier de la religion, en toute liberté et sans aucune crainte. Les gouverneurs des Provinces qui avaient la connaissance de la religion y aidaient beaucoup comme le firent quelques grands personnages de grande autorité à la cour de l'Empereur, savoir Dorotheus et Gorgonius qui furent des seigneurs vraiment Chrétiens.

Ainsi étaient les chrétiens, au commencement de cette paix, de bon accord les uns avec les autres, ardents au service de Dieu, et vivant saintement. Par leur moyen le nombre des fidèles s'augmentait prodigieusement, tellement qu'il fallait agrandir les temples et maisons où ils s'assemblaient pour faire les prières et entendre la parole de Dieu.

Mais avec le temps ce zèle ardent commença à se refroidir et plusieurs débats et disputes prirent naissance, principalement entre les pasteurs et les ministres, lesquels étant devenus arrogants, ne cessaient de se quereller. Tout ceci ne créait que des scandales et retenait le peuple, qui de sa part aussi ne s'amendait pas beaucoup.

Le Seigneur retira donc sa main de dessus son peuple, permettant que les païens eussent puissance sur l'Église Chrétienne, afin de la nettoyer et écurer de la rouille qui s'y était mise et s'augmentait de jour en jour.

Il ne sera pas hors de propos de témoigner ici de ce que l'Évêque Ottho de Frifingen (Othon, évêque de Frifingen 1109-1158), a composé une Chronique depuis Adam jusqu'en l'an 1146) raconte au livre troisième chap. 45 touchant saint Maurice , lequel était capitaine d'une bande chrétienne sous Maximien, vint en Allemagne pour réduire, sous l'obéissance de l'Empire, les Bacharides ou Bacaudes qu'Eutropius appelle Bongarides.

C'était une troupe de gens mutins et séditieux. L'armée donc ayant passé les monts et étant arrivée au pays du Valais, Maximien commanda à ses soldats qu'ils sacrifiassent aux dieux, pour obtenir victoire contre les ennemis. Mais Maurice et sa bande qui étaient chrétiens ne voulurent point sacrifier, disant qu'ils étaient Chrétiens, et qu’ils pouvaient pas sacrifier aux Dieux.

Dès cet instant, ils furent astucieusement séparés, les uns à Soleure, Bonne, Cologne, Sandten et dans d'autres passages et détroits, comme pour y tenir garnison. Finalement, la plus grande part de la légion conduite par Maurice fut massacrée en pleine campagne, par les soldats païens auprès d'Oélodurum (lieu du bas Valais) et Agaunum, aujourd'hui Martigny, et Saint Maurice. Saint Jérome rapporte cette entreprise de guerre contre les Bongarides à l'an de Christ 290.

Cette affliction de l'Église et le jugement de Dieu en colère contre les siens n'ébranla pas beaucoup de gens, si bien que plusieurs persévérèrent dans leur stupidité, malice et ingratitude. Le Seigneur redoubla les coups et lâcha la bride aux persécuteurs, pour fouetter plus rudement son Église. C’est ainsi qu’en l'an 19 de l'Empire de Dioclétien, et l'an 306 la nativité de Christ, au mois de mars, le propre jour de Pâque, furent publiés des édits un peu partout de la part des Empereurs contre les chrétiens; savoir qu'on détruisit et rasât leurs temples de fond en comble, qu'on brûlât toutes les Bibles et livres saints, et que ceux d'entre les chrétiens qui étaient en dignité, ayant quelques titres, en fussent démis et privés de tous honneurs. Il y avait encore bien d'autres choses semblables dans ces édits.

Immédiatement après il fut publié et commandé par les Empereurs qu'on empoignait partout et qu'on mît prisonniers les pasteurs et ministres de l’Église puis on les força à sacrifier aux dieux. S'ils refusaient de le faire, alors on les y contraignait avec toutes sortes de tourments, ou on les mettait à mort.

Ainsi commença une pitoyable et cruelle boucherie. Les docteurs et ministres de l'Église chrétienne étaient menés, tirés et traînés par troupes dans les temples des idoles et à leurs sacrifices. Il y en eut quelques-uns de ceux qui les conduisaient, émus de compassion, leur disaient: «Nous vous prions de vous taire et faites pour le moins semblant d'avoir sacrifié et alors nous vous délivrerons.» Mais ils protestaient à haute voix qu'ils n'avaient point sacrifié, ni ne voulaient pas sacrifier, mais qu’ils étaient serviteurs de Jésus Christ.

Cette attitude fit que l’on inventa de nouveaux supplices contre les chrétiens; mais les bourreaux étaient plutôt las de les tourmenter tandis que les fidèles n'étaient point fatigués d'endurer leurs supplices. Par la grâce de Dieu ils persévéraient dans la foi chrétienne, jusqu'à la mort. Quelques-uns, effrayés des tourments, abjurèrent provoquant une grande tristesse parmi les fidèles.

Cet édit cruel ayant été assigné à Nicomédie, les deux Empereurs y étant avec leur cour, il y eut un citoyen de la ville, fort renommé pour sa Noblesse et sa dignité, qui déchira cet édit des Empereurs. Pour cet acte, il fut mené sans délai devant les Empereurs. Ayant confessé qu'il était Chrétien et ce qu'il avait fait avec d'un zèle ardent, il fut rapidement livré aux bourreaux, qui le tourmentèrent jusqu’au bout, puis le mirent à mort. Mais au milieu des plus cruels tourments, on n'aperçut en lui un seul signe de tristesse.

En même temps, on fit mourir plusieurs seigneurs de marque et des gentilshommes de la cour de l'Empereur, entre autres un nommé Pierre , lequel, après de grands tourments, fut grillé finissant sa vie suite à ce cruel supplice.

Dorotheus et Gorgonius, chambellans des Empereurs, après plusieurs tourments furent pendus et étranglés.

Anthimus, évêques de Nicomédie, fut aussi décapité de même que plusieurs citoyens avec lui. Ainsi les brebis suivaient leur pasteur dans la confession du nom de CHRIST, à travers les tourments et même la mort.

En ce temps-là, le feu se déclara à Nicomédie, au palais impérial. Dieu voulut châtier par ce moyen la grande cruauté des Empereurs païens qui rôtissaient et brûlaient tant de pauvres gens innocents. Mais il arriva, comme à Rome du temps de Néron qui avait lui-même été la cause de l'embrasement de Rome, qu’on en imputa la faute aux chrétiens qui en étaient innocents. Ainsi firent ces Empereurs qui commandèrent par nouveaux édits qu'on tuait et que partout on mît les chrétiens à feu et à sang.

En Syrie, les fidèles, tant ministres que nobles et roturiers, hommes et femmes, jeunes et vieux, étaient emprisonnés à grandes troupes, tellement que toutes les prisons en étaient remplies et les rues des villes désertes; on y voyait très peu de gens, ce qui ayant été signalé aux Empereurs, ils commandèrent qu'on délivrât ceux qui voudraient sacrifier, mais que les autres, ceux qui persévéraient à rester chrétiens, fussent mis à mort après toutes sortes de tourments.

À Tyr, en Palestine, hommes et femmes furent mis en spectacle, et jeter par troupes devant les bêtes sauvages, qu'on agaçait pour qu’elles leur courent après et les déchirent; mais elles furent plus pitoyables envers les chrétiens, que les hommes et, au lieu de leur nuire, elles se ruèrent sur leurs maîtres. Néanmoins les païens, plus cruels que les bêtes les plus farouches, se ruèrent sur les pauvres chrétiens, les massacrèrent et les taillèrent en pièces avec une cruauté plus que brutale.

En Égypte et Thébaïde, les païens exercèrent de surprenantes cruautés contre les fidèles et en tuèrent un nombre infini. Ils ployaient et courbaient les branches des arbres qui n'étaient guère loin l'un de l'autre, puis ayant lié un pied des fidèles à une branche et l'autre à une autre, laissaient tout d'un coup aller les branches, et ainsi les fidèles étaient misérablement déchirés. L'abbé d'Urfperg (Abbaye près d'Augsbourg en Bavière.) écrit qu'en ce temps-là en moins d'un mois furent mis à mort plus de dix-sept mille martyrs. Eusèbe raconte aux 9e et 10e chapitres du huitième livre de son histoire, les grands tourments de plusieurs chrétiens que lui même avait vu mettre à mort, parmi lesquels il fait mention de cet excellent personnage Phileas (évêque de Thmuis, en Égypte, martyrisé vers 509 à Alexandrie. A écrit une Lettre pastorale conservée par Eusèbe,) lequel ayant écrit en faveur des martyrs, fut martyrisé lui même.

Il y eut une ville renommée en Phrygie dans laquelle, tant le Magistrat que les sujets, jeunes et vieux, étaient de religion chrétienne. Les Empereurs ayant environné et assiégé avec leur camp cette ville, y mirent le feu, et toutes les personnes furent brûlé ensemble avec leurs biens à tel point qu'il n'en échappa pas un seul. Le même Eusèbe raconte beaucoup d'autres tourments par lesquels une grande quantité de chrétiens étaient mis à mort en Arabie, en Cappadoce, en Mésopotamie, en Alexandrie et à Antioche, ainsi que dans le royaume du Pont.

Et quoique ces deux exécrables chiens enragés, Dioclétien et Maximien, abandonnent le gouvernement, ceux qui vinrent à gouverner l'empire, Maxence fils de Maximien, et Galérius Maximin, ne persécutèrent pas moins aussi cruellement l'Église que leurs prédécesseurs, tellement qu'on tuait et massacrait sans fin et sans cesse.

Dorothée, noble et vertueuse vierge d'Alexandrie, fut chassée par Maximin; d'autres vierges, qui ne voulaient point satisfaire ses vilenies, furent tourmentées et mises à mort. Sophronia, dame Romaine, et femme d'un prêteur de Rome, aima mieux mourir de sa main propre, que d'être violée par ce sale tyran.

Un grand nombre de bons chrétiens furent mis à mort par ce tyran, ainsi qu'Eusèbe en fait mention en son dernier livre, entre lesquels furent trois serviteurs de Christ et de l'Église, renommés par tout le monde: Sylvain , Pierre Lucian , ministres de Tyr, d'Alexandrie, et d'Antioche. Lucian avait diligemment travaillé sur les S. Ecritures, comme S. Jérôme en fait mention. Ces excellents personnages n'ont pas seulement confirmé et rendu témoignage à la religion chrétienne par des prêches et par des écrits, mais aussi par leur sang. Ils ont persévéré dans la confession du nom de Christ jusqu’à la fin!

Cette cruelle et horrible persécution dura depuis l'an de Christ 506 jusqu’à l'an 520, à savoir 15 ans. Car l'an 321 la pauvre Église tant harassée et quasi détruite, fut soulagée par l'Empereur Constantin, l'an 10 de son Empire, sous lequel elle vécut en paix. La persécution dont il vient d’être question est la plus longue et la plus cruelle qui ait été depuis la nativité de Christ: période durant laquelle l'Église Chrétienne fut néanmoins invincible par la foi, et foula aux pieds toute fausse doctrine et idolâtrie.

Or pour retourner au propos tenu ci-dessus:

Qui est celui qui osera dire que la Religion des païens et des Romains était la vraie parce qu'elle avait de son côté les Empereurs qui plongeaient et arrosaient les chrétiens dans leur propre sang, obtenant contre eux tout ce qu'ils souhaitaient?

Au contraire! les chrétiens étaient sous la croix avec toutes sortes de calamités et de misères?

Qui entreprendra de disputer avec Dieu de ce qu'il permit que ses bien-aimés endurassent tant de souffrances par ces méchants qui, eux, se vautraient dans toutes fortes de vices et de vilenies?

À savoir si, oui ou non, cela était bien ou mal fait?

Dieu ne fait rien qui ne soit fait justement! Il éprouve et polit les siens par la croix et par les afflictions, ainsi que l'orfèvre éprouve l'or et l'argent au feu. Les fidèles savent bien cela et quand ils sentent des pensées procédant de l'impatience de la chair, ils s'humilient dans leurs cœurs suivant l'exhortation de l'Apôtre S. Pierre:»

Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu’il vous élève au temps convenable; et déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car lui-même prend soin de vous. (1 Pierre 5. 6-7).»


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