Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



SERMONS




TROP TARD
ou

DIEU FIDÈLE EN SES MENACES

« Or, dans ce même temps, quelques-uns de ceux qui se trouvaient là lui parlèrent des Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang avec leurs sacrifices. Et Jésus répondant leur dit : Pensez-vous que ces Galiléens fussent plus coupables que tous les autres Galiléens, parce qu'ils ont souffert de telles choses ? Non, vous dis-je, mais si vous ne vous convertissez, vous périrez tous également.
Ou pensez-vous que ces dix-huit sur qui est tombée la tour de Siloé et qu'elle a tués, fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, vous dis-je, mais si vous ne vous convertissez, vous périrez tous semblablement. »
(Luc XIII, 1-5.)

MES FRÈRES,

L'histoire ne nous apprend rien ni de ces Galiléens, que Pilate, magistrat sévère jusqu'à la cruauté, paraît avoir fait égorger pendant qu'ils célébraient un sacrifice ; ni de cette tour construite dans Jérusalem près des eaux de Siloé, qui était tombée en écrasant dix-huit personnes sous ses débris : mais peu importe à l'objet que Jésus se proposait auprès de ses auditeurs, et que je me propose auprès de vous. Dans cette destruction soudaine qui était venue, là par la décision du pouvoir ; ici par un accident naturel, surprendre quelques pécheurs dans leur sécurité, Jésus veut qu'on voie des jugements destinés à avertir tous les hommes dans la personne d'un petit nombre de victimes, Dieu ménageant les coups de sa justice, tout en la mettant au service de sa miséricorde.

Loin de se croire meilleurs que ceux qu'une catastrophe soudaine vient d'enlever, ceux qui y ont échappé doivent apprendre qu'un sort semblable leur est réservé, s'ils ne se convertissant pas.
Ainsi expliquée, la menace de Jésus ne s'adresse pas moins à nous qu'à ses contemporains. Que dis-je ? ne s'adresse-t-elle pas à nous plus spécialement, plus énergiquement qu'à tous les autres ?
Eh ! que voyons-nous de toutes parts autour de nous que Galiléens égorgés et que tours de Siloé qui s'écroulent, avec cette seule différence que si les Juifs comptaient leurs victimes par dix-huit, nous comptons les nôtres par centaines ou par milliers ?
Quand la terre fut-elle plus remuée, le ciel plus sévère, la colère de Dieu plus déclarée, la vie plus sérieuse et plus incertaine ?
« L'Europe, » disait naguère une feuille étrangère qui s'est placée au premier rang dans les influences morales de l'époque, « l'Europe a ressenti depuis quelques années des commotions telles que le monde n'en a point éprouvé depuis la chute de l'empire romain. »
Hélas ! et à compter les nuages qui s'amoncellent aujourd'hui sur notre horizon, on se demande si tout ce qui a précédé serait autre chose qu'un « commencement, de douleurs »... Grand Dieu, Dieu de justice, Dieu de miséricorde, épargne-nous ! Mais, soit que tu épargnes, soit que tu frappes, fais-nous recevoir instruction, pour que nous nous convertissions et que nous ne périssions point !

À faire un discours complet sur la matière qui nous occupe, il faudrait commencer par définir nettement les deux termes périr et se convertir. Mais pressé d'en venir à l'application pratique, je vous laisse à vous-mêmes le soin de cette double définition, et m'en rapporte là-dessus à votre bon jugement et à votre bonne foi.
Deux mots seulement.
Bien qu'en prononçant les paroles de mon texte, Jésus ait eu sans doute devant les yeux la destruction imminente de Jérusalem, sa pensée ne s'arrête pas là, vous en convenez tous : le châtiment qu'il dénonce contre les impénitents est avant tout le jugement à venir, la perdition de l'âme.
Cette perdition, en quoi consiste-t-elle ? qu'est-ce que périr ?
Périr, selon les Écritures, c'est-à-dire selon Dieu, c'est demeurer sous « la malédiction de Dieu ; » « c'est aller au feu Éternel préparé au diable et à ses anges ; » c'est être livré « au feu qui ne s'éteint point, et au ver qui ne meurt » point ; » c'est souhaiter « de n'être jamais né ; » c'est s'écrier : « Collines, tombez sur nous, et nous cachez de devant la colère de l'Agneau ; » c'est hériter, au lieu de la vie éternelle, « la colère à venir. »
Sur le sens de ces déclarations, mon cher auditeur, plus spécialement sur la durée des peines futures, pas de commentaires, pas de discussion contradictoire : là-dessus je m'en rapporte à vous.
Si les peines éternelles ne sont pas dans les Écritures, je ne veux pas que vous les y voyiez ; et si elles y sont, je veux que vous les y voyiez par vos yeux, non par les miens

Une simple question adressée à votre sens droit : dans ce langage, qui n'est pas de moi, mais des prophètes, des apôtres, de Jésus-Christ, et que je vous laisse (encore une fois le soin d'interpréter vous-même pour vous-même, il s'agit en tout cas, n'est-il pas vrai ? De quelque chose d'épouvantable, auprès de quoi toutes les calamités de la vie présente ne méritent pas d'être nommées ?
Eh bien ! Cela suffit à mon dessein présent.

Je ne m'étends pas davantage, et je m'en rapporte également à vous, sur ce que c'est que se convertir : vous le savez assez ; ce n'est pas la lumière qui vous manque.
La conversion est un changement intérieur et profond, qui a pour auteur l'Esprit de Dieu, pour principe la foi en « Jésus-Christ et lui crucifié, » pour fruit une vie nouvelle, et par lequel on devient, en deux mots, un vrai croyant et un vrai saint.
Ce changement, plusieurs de vous, beaucoup de vous, j'aime à le croire, l'ont éprouvé, ce qu'ils ne doivent se faire aucun scrupule de reconnaître, pourvu qu'ils en donnent toute la gloire à Dieu seul.
Mais il y en a d'autres, n'est-il pas vrai, qui, à les en croire eux-mêmes, n`ont rien éprouvé de semblable. C'est à eux, c'est à vous, c'est à toi, qui ne te juges pas converti, que je m'adresse aujourd'hui, pour vous demander une fois, bien sérieusement, ce que vous faites de la menace de mon texte. Vous entendez Jésus-Christ vous disant : « Si vous ne vous convertissez, vous périrez ; » vous n'êtes pas converti, selon vous ; vous êtes exposé à mourir tous les jours - et pourtant vous vivez tranquille : comment cela ?

À cette question, il n'y a qu'une réponse possible : vous ne prenez pas la menace de Jésus-Christ au sérieux.
Ce n'est pas que vous rejetiez la vérité de l'Écriture, ou l'autorité de Jésus-Christ : non, vous n'êtes pas impie ; je ne vous suppose pas même incrédule. Seulement, par une contradiction que je n'ai point à expliquer, vous êtes incroyant sur un point : les promesses de l'Évangile, soit ; ses doctrines, passe encore ; mais ses menaces, mais surtout cette menace terrible qui porte sur un mystérieux avenir, non, vous n'y sauriez souscrire sans réserve ; et la réserve, une fois mise à l'usage du pécheur inconverti, s'étend, avec une complaisante élasticité, autant que l'exige son repos. La colère de Dieu, c'est une figure ; Dieu est trop bon pour traiter ses créatures avec tant de rigueur ; l'homme est trop faible pour être jugé si coupable ; peut-on se perdre en faisant comme tout le monde, et le salut serait-il l'exception ? dépend-il de nous d'ailleurs de croire et de nous convertir ?...

N'est-ce pas là, mon cher auditeur, le fond de votre pensée ?
Je pourrais vous répondre par des raisons, par les raisons les plus fortes. Si Dieu est bon, il est saint aussi ; sa sainteté réclame une sanction pour sa loi ; et ce serait se moquer que d'abandonner cette sanction au jugement intéressé du pécheur.
Puis, si une partie de l'Écriture est contestable, le reste le sera aussi, et chacun pourra finir par n'en retenir que ce qui convient à ses idées, à ses goûts ou à ses besoins.

Enfin, c'est Jésus-Christ qui parle, lui, la vérité, la sainteté, la charité même : qui croirez-vous si vous ne le croyez ? Mais j'ai une réponse plus courte et plus péremptoire : celle des faits.
Si vous ne voulez pas juger de ce que Dieu fera dans l'avenir par les avertissements qu'il vous donne, jugez-en du moins par ce qu'il a déjà fait dans le passé ; car il serait trop vain de soutenir que Dieu ne puisse pas faire ce qu'il est constant qu'il a fait.
Dieu a plus d'une fois, dans le cours des siècles, fait aux hommes des menaces analogues à celle qui nous occupe en ce moment, avec cette différence qu'elles se rapportaient à la vie présente, ce qui permet d'en suivre l'accomplissement.
La plupart n'y ont point cru : il n'y a qu'à voir si leur espérance, fondée sur des raisons semblables aux vôtres, a été réalisée ou déçue. C'est une question d'histoire, et la réponse est dans les événements.
Cette réponse, la voici en deux mots : Dieu avertit les hommes d'autrefois, comme il vous avertit ; les hommes d'autrefois doutent de la menace qui les concerne, comme vous doutez de celle qui vous concerne ; et l'expérience donne raison à la Parole de Dieu contre eux, quand il est trop tard pour se mettre en garde, comme elle lui donnera raison contre vous...

Il ne faut pas m'opposer que les châtiments passés dont Dieu a visité l'incrédulité humaine, diffèrent trop d'avec les châtiments à venir qu'il a dénoncés contre l'impénitence finale, pour que l'on puisse conclure de la réalité des premiers à celle des seconds.
Cette objection serait fondée, si je prêchais sur la justice ou sur l'opportunité de ces châtiments à venir : autre est un châtiment temporel, autre un châtiment spirituel ; autre surtout est un châtiment temporaire, autre un châtiment éternel.
Mais je prêche sur la fidélité de Dieu dans ses menaces ; et je conclus de ce que l'événement a toujours vérifié les menaces qu'il avait faites pour le passé, quelles qu'elles aient été, qu'il vérifiera également les menaces qu'il a faites pour l'avenir, quelles qu'elles soient ; je dis, quelles qu'elles soient d'après vous-même.

Cette conclusion-là est parfaitement légitime, et d'autant plus conforme à l'esprit des Écritures, qu'elles nous représentent ces expériences visibles et passagères auxquelles j'en veux appeler aujourd'hui, comme destinées, dans le plan divin, à servir de type et de gage aux choses invisibles et éternelles, où tout vient aboutir. À ce point de vue, c'est plus que des exemples que je vais citer : ce sont des arguments, et des arguments ménagés tout exprès de Dieu.

Mais comprendrez-vous bien le sentiment dans lequel je vous présente ces effrayantes images ?
C'est presque sortir des habitudes de ma prédication, peu remplie de cette matière, vous le savez - peut-être trop peu - peut-être moins que celle de Jésus-Christ et de ses apôtres...
Serait-ce aussi de ma part un levain de doute et de concession à la mollesse du siècle ?...
Quoi qu'il en soit, ce sont là des sujets que je ne traite qu'en me faisant violence, et comme contraint par l'intérêt de votre salut.
Je parle plus volontiers de grâce et de pardon ; mais un serviteur fidèle de Jésus-Christ doit faire l'un, sans négliger l'autre.
Peut-être même la prédication de la loi et du jugement est-elle plus nécessaire que de coutume dans un temps où toutes les idées fortes s'effacent, où les sentiments et les caractères vont se ramollissant, et où tout accueil serait assuré à la miséricorde de Dieu, pourvu qu'elle fût séparée d'avec sa sainteté.
Erreur capitale, qui ne compromet pas moins la miséricorde que la sainteté : car la miséricorde suppose et mesure la sainteté ; comme la délivrance le péril. Quoi qu'il en soit, Dieu, non plus que Jésus-Christ, il ne saurait être partagé (1 Cor. I, 13.) : » il faut ou se passer de lui, ou le prendre tel qu'il est.


Premier exemple. Il ne tarde guère à se présenter. Le monde ne faisait que de naître. Dieu avait placé l'homme dans Éden, en lui disant : « Tu mangeras librement de tout arbre du jardin ; mais quant à l'arbre de la science du bien et du mal, tu n'en mangeras point ; car au jour que tu en mangeras, tu mourras de mort (Gen. II, 16-17.). »
Cette menace n'avait pas pour Adam le sens précis qu'elle a pour nous : qu'est-ce que la mort pour qui n'a connu que la vie ? Néanmoins il dut au moins comprendre que le châtiment dont il était menacé n'était rien moins que la destruction soudaine de toute la félicité dont il jouissait. C'en était assez pour le retenir, s'il avait cru, simplement et naturellement, à la menace de ce Dieu qui l'avait comblé de tant de biens.

Mais voici une voix inconnue (hélas ! trop connue depuis !) qui lui souffle à l'oreille cette séduisante espérance : « Vous ne mourrez nullement ; mais Dieu sait qu'au jour que vous mangerez, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal (Gen. III, 4, 5.). »
Et véritablement, dans l'ordre des réflexions qui vous rassurent aujourd'hui vous-mêmes, il y avait beaucoup à dire contre l'accomplissement de la menace divine, même sans recourir à l'hypothèse impie par laquelle le serpent l'expliquait.
Quelle que pût être cette mort qui lui était prédite, quel rapport rationnel Adam pouvait-il concevoir entre elle et l'usage d'un fruit, seul défendu entre mille autres permis : comment ce qui partout ailleurs nourrissait l'homme, pouvait-il ici le priver de la vie ?
Puis, quelle proportion reconnaître entre la perte non seulement de tous les dons de Dieu ; mais de la vie elle-même, et une seule désobéissance, petite et insignifiante entre toutes : où est le Père qui « châtie son enfant jusqu'à le faire mourir (Prov. XIX, 18 ; XXIII, 13-14.) ? »
Quelle apparence enfin que Dieu eût créé l'homme pour le détruire : ne se fût-il pas abstenu de le former, ou tout au moins de le former libre, plutôt que de le livrer, presque sans défense, par les penchants mêmes dont il l'avait pourvu, à une tentation aussi entraînante que les suites en devaient être terribles ?

La sagesse de Dieu, la justice de Dieu, la bonté de Dieu, tout défendait de presser rigoureusement sa menace ; sans parler de l'équité due aussi à son contradicteur, qui n'avait pas d'intérêt apparent à tromper l'homme, et dont le commentaire semblait confirmé par le nom même que Dieu avait donné à l'arbre fatal.

Ce fut remplie de toutes ces pensées, dont vous devez reconnaître l'analogie avec les vôtres, que la première femme, « voyant que le fruit était bon à manger, beau à voir, et désirable pour donner de la science, » y porta la main - écoutez le silence qui se fait dans toute la création, suspendue dans l'attente d'une expérience terrible...
C'en est fait, l'expérience est tentée, Ève a mangé et Adam avec elle, leur curiosité est satisfaite, leurs yeux sont ouverts.
Eh bien ! à ces yeux ouverts, comment apparaît la menace de Dieu ?
Était-elle vraie, ou ne l'était-elle point ?
Allez le demander à Adam agenouillé à côté du cadavre d'Abel égorge par Caïn - l'appelant, point de réponse - le secouant, point de réveil - et se persuadant par degrés que c'est là sans doute cette mort que Dieu lui avait annoncée pour prix de son péché.

Cette mort, non seulement elle était réelle, puisqu'elle était venue : mais elle était plus affreuse que toutes les idées qu'il avait pu s'en faire.
Cette mort, elle n'était pas pour lui seulement, mais pour toute sa race : et ses fils y participaient après lui, que dis-je ? avant lui !
Cette mort, ce n'était pas seulement la mort physique, c'était aussi la mort morale : et la perte d'un des frères était le crime de l'autre !
Cette mort, ce n'était pas seulement une mort future, c'était une mort présente : Adam voyait, tout vivant, en face de la porte d'Eden fermée, celle de toutes les douleurs ouverte pour cette vie - sans parler de ce qu'il en entrevoyait de réservées à celle qui est à venir.

Il n'a pas voulu croire avant de voir, il s'est instruit par la vue, mais instruit trop tard, et lorsqu'aucune puissance au monde ne saurait recommencer l'épreuve...

Eh bien ! si vous demandiez à Adam, tandis que le tentateur, désormais démasqué, lui redit avec un ricanement amer : « Vous ne mourrez nullement » si vous lui demandiez ce que vous devez faire devant la menace qui vous est adressée à vous, et qui n'est qu'une autre forme de la même épreuve, que vous dirait-il, que pourrait-il vous dire, à moins qu'il ne fût devenu un démon lui-même, sinon que vous devez croire sans hésitation ni réserve ?
Hélas ! s'il eût fait ainsi lui-même Abel ne serait pas mort, ni Caïn meurtrier !

Second exemple. Seize cents ans ont passé sur la création.
Dieu dit à Noé : « Je ferai venir un déluge d'eaux sur la terre, pour détruire toute chair en laquelle il y a esprit de vie sous les cieux ; tout ce qui est sur la terre expirera. Mais j'établirai mon alliance avec toi, et tu entreras dans l'arche, toi et tes fils, et ta femme ; et les femmes de tes fils avec toi (Gen. VI, 17-18.). »
Noé, « prédicateur de la justice, » bâtit l'arche et annonce à ses contemporains le jugement à venir, plus encore par ses œuvres que par ses discours, « tandis que la patience de Dieu les attendait (1 Pierre 3 : 20.).
Ainsi s'écoulent, avant le temps assigné à la justice, cent vingt ans de miséricorde, dont l'invincible incrédulité des contemporains de Noé fait cent vingt ans d'endurcissement.
« On mangeait et on buvait, on bâtissait et on plantait, on prenait et on donnait en mariage, jusqu'au jour que Noé entra dans l'arche (Luc 17 : 27), » et (où l'Éternel) en referma la porte sur lui.
Ici encore, les raisons de douter ne manquaient pas.
D'abord, la corruption, des hommes ne paraissait pas telle que voulait bien le dire Noé. « Que la malice des hommes soit très grande, » à la bonne heure ; mais « que toute l'imagination des pensées de leur cœur ne soit que mal en tout temps, » c'est une exagération manifeste.
Et puis, s'il est vrai que cette corruption soit universelle, cela même est. une sorte d'excuse : il faut qu'elle soit naturelle et inévitable, pour être commune à toute la race sans exception.
Qu'est-ce d'ailleurs que ce déluge dont en nous fait peur ?
Que Dieu vienne submerger l'espèce humaine à peine créée, quand cela serait croyable, cela est-il seulement possible ?
Dieu peut tout, d'accord ; mais il en faut toutefois excepter ce qui est contradictoire en soi. A-t-on jamais vu que les eaux, qui cherchent toujours le niveau le plus bas, se soient élevées par-dessus toute la terre, sans laisser même à ses habitants les montagnes pour refuge ? Cela n'est-il pas contraire aux lois de la nature les plus connues, au bon sens d'un enfant ?
Et puis, comment savons-nous que c'est Dieu qui a dit cela à Noé ?
Noé est un homme de bien, soit ; mais est-il donc infaillible ? En tout cas, la charité et l'humilité ne sont pas au nombre de ses vertus, à lui qui damne toute l'espèce humaine, excepté lui et les siens bien entendu, et qui nous donne tout cela pour des inspirations de Dieu !
De Dieu ? et quel Dieu nous fait-on ?
Un Dieu sans dignité, qui est capable de déplaisir et de vengeance ; un Dieu sans prévoyance, qui ne savait pas, en faisant l'homme, qu'il se repentirait après quelques siècles de l'avoir formé ; un Dieu sans pitié, qui brise de ses mains l'ouvrage de ses mains, et qui, insensible aux souffrances physiques, aux tortures morales de milliers et de milliers de ses créatures, anéantit d'un seul coup toutes les familles de la terre, à part ses huit privilégiés !
Et ce serait là le Dieu qui nous a créés ! le Dieu qu'invoquait Adam ! le Dieu qu'adorait Abel !
le Dieu devant qui marchait Hénoc !

Fort bien raisonné, tout aussi bien que vous raisonnez sur la menace de mon texte ; mais tandis qu'on raisonne de la sorte, le déluge vient, et emporte le raisonnement avec les raisonneurs. Où, si quelques-uns parviennent à gagner le sommet des montagnes, l'eau y monte après eux, comme si elle était douée de vie pour les poursuivre ; et quand le dernier homme, demeuré seul de la dernière famille, sent se dérober sous lui son dernier refuge, en laissant tomber, mais trop tard, un regard d'envie sur l'asile flottant des huit croyants, portés par ce même élément qui efface tout le reste de dessous les cieux - hâtez-vous d'aller lui demander, avant qu'il expire, qui avait raison, ou du prophète de Dieu qui disait : « Tout ce qui' est sur la terre mourra, » ou de la logique, et du sentiment, et de la conscience, et de tout ce à quoi le serpent ancien avait donné une voix pour dire encore : « Vous ne mourrez nullement ! »

Troisième exemple. Quatre siècles après le déluge, deux anges dirent à Lot dans Sodome : « Qui as-tu encore ici qui t'appartienne, soit gendre, soit fils ou fille, ou quelque autre qui t'appartienne en la ville ? Fais-les sortir de ce lieu : car nous allons détruire ce lieu, parce que leur crime est devenu grand devant l'Éternel, et il nous a envoyés pour le détruire. Lot sortit donc, et parla à ses gendres qui devaient prendre ses filles, et leur dit : « Levez-vous, sortez de ce lieu ; car l'Éternel va détruire la ville (Gen. XIX, 12-14.). ».

Cette fois, la menace avait quelque chose de plus admissible. II ne s'agissait que d'une ville au lieu d'un monde, et d'une ville si corrompue qu'aucun châtiment ne devait paraître au-dessus de ses crimes. Les anges d'ailleurs avaient légitimé leur mission par le prodige qu'ils avaient déjà accompli sur les détestables habitants de Sodome. Que de raisons de croire !

Oui, mais pensez-vous que les raisons pour douter manquassent aux gendres de Lot ? Apprenez qu'elles ne manquent jamais à qui en a besoin et les cherche.

Avant tout, il y a toujours un abri pour tout le monde sous le manteau commode et spacieux de ce grand mot, de ce mot magique, si cher à la création tout entière, si l'homme n'en avait tant abusé, la bonté de Dieu ; Dieu, que la multitude a ses raisons intéressées pour appeler le bon Dieu, est trop bon, non seulement pour détruire un monde, mais encore pour détruire une ville ; aussi bien pour moi, habitant de cette ville, elle est mon monde ; j'en dirais autant de ma maison.
Si Dieu peut détruire une maison, pourquoi pas dix, pourquoi pas une ville, pourquoi pas un pays, pourquoi pas un monde ?
La corruption de la ville, pensez-vous, lui ôte le bénéfice de cette bonté ?
Pourquoi cela encore ?
Une fois qu'un certain degré de péché peut s'assurer de l'impunité, pourquoi pas un degré plus grand ?
Marquez donc, je vous prie, la limite précise où finit la corruption qui peut compter sur l'indulgence de Dieu, et où commence celle qui doit ne s'attendre qu'à sa justice ?
Et puis, c'est vous qui trouvez si méchants les gens de Sodome : mais eux, ils n'ont garde de se juger si rigoureusement. Clairvoyant pour les défauts d'autrui, aveugle pour les siens, voilà l'homme naturel dans tous les temps.
Pensez-vous que les gens de Sodome fussent indifférents aux péchés des hommes qui avaient péri par le déluge ? Non, non ; mais les confondre avec ces gens-là, quelle injustice criante ! Il en coûte peu de s'indigner, quand c'est contre les autres, ou de se repentir, quand c'est pour le compte du prochain.
Mais toi, toi proprement, « tu es cet homme-là, voilà ce qui révolte, voilà ce qu'on ne saurait reconnaître sans un coup de la grâce, tel que celui qui éclaira David devant Nathan (2 Sam. XII.)
Il y avait même des considérations à demi saintes qui pouvaient rassurer les gendres de Lot et leurs concitoyens : n'étaient-ils pas les bons amis d'Abraham qui avait naguère armé sa maison pour les délivrer, avec leur roi, des mains de Kédor-Lahomer ? et qui sait si le saint patriarche, que Dieu a jusqu'ici toujours exaucé, ne se tient pas sur la montagne, priant pour Sodome en ce moment de péril ?
Et que serait-ce si on leur eût, dit comment elle devait être détruite : une pluie de feu et de soufre, qu'entend-on par là ?
Un déluge, cela se conçoit, il y a de l'eau sur la terre en abondance ; mais une pluie de feu et de soufre, où en prendre les éléments dans les airs, à moins que Dieu ne veuille créer un agent nouveau tout exprès pour en faire l'instrument de sa colère, comme si les forces ordinaires de la nature ne lui suffisaient plus contre la pauvre Sodome ?
J'omets bien d'autres raisons de sécurité que leur pouvait fournir le ciel, la terre ou l'enfer.

Aussi, chose incroyable ! tandis que la seule famille juste qui soit dans Sodome, la seule que le Seigneur a promis d'épargner, est aussi la seule qui tremble devant ses jugements ; tandis que Lot ne se donne point de repos que l'ange exterminateur n’ait promis d'épargner Tsohar ; tous les autres, à commencer par ses propres gendres, croient qu'il se moque d'eux, et se moquent eux-mêmes de lui ; « mangeant et buvant, achetant et vendant, plantant et bâtissant (Luc XVII, 28.). »

Eh bien, oui, malheureux, moquez-vous ! prouvez que la menace est vaine ! « mangez et buvez ! » mais quel est-ce nuage sombre qui s'étend sur votre ville et sur la plaine qui l'environne ?
D'où vient-elle, cette pluie nouvelle, mêlée d'un feu qui vous consume et d'un soufre qui éteint votre voix ?
Suspendez un moment vos démonstrations, pendant que Dieu fait la sienne .....
Ah ! quand « un feu éternel vous aura engloutis, » et mis pour servir d'exemple au reste des Cananéens, s'ils avaient des yeux pour voir (Jude 7) ; quand il se sera trouvé assez de feu et de soufre dans les airs et assez de bitume dans la terre pour renouveler la face de votre contrée tout entière ; quand au lieu d'une ville menacée, il en aura péri quatre, avec toute la campagne qui les séparait ; quand cette campagne fertile aura fait place à une immense plaine d'eau, que la postérité appellera tantôt le lac Asphaltite, à cause du bitume dont son onde sera trouvée saturée, tantôt la mer Morte, parce qu'elle ne pourra garder aucune créature vivante ; quand votre sol sera devenu l'effroi du monde physique, vos crimes l'effroi du monde moral, et votre nom même le type de l'opprobre et de l'infamie - alors ; trop tard pour vous-mêmes, puisse du moins votre folie apprendre aux générations futures si la menace était illusoire, et d'où sortait cette voix qui vous disait : « Vous ne mourrez nullement ! » de peur que le sort de Sodome et de Gomorrhe ne devienne digne d'envie pour Chorazin et Bethsaïda, je veux dire pour Bordeaux, pour Marseille, pour Lyon, ou pour Paris !

Voulez-vous quatrième exemple ? J'en ai déjà montré trois sans sortir de la Genèse, que je suis loin d'avoir épuisée. Dieu avertissant l'homme se rassurant, l'événement vérifiant, dépassant la menace, et convainquant trop tard ceux qui n'avaient voulu se rendre qu'à l'expérience, au lieu de marcher par la foi - voilà, à part la différence des temps, des lieux et des circonstances, l'histoire constante de l'humanité irrégénérée. C'est plus spécialement l'histoire constante de ce peuple à part, « qui semble avoir été proposé à tous les autres comme un exemple vivant de l'incrédulité humaine défaisant l'ouvrage de la fidélité divine.
Les Israélites du désert, avertis qu'ils seront privés du repos en Canaan s`ils continuent de « tenter Dieu, » le tentant une dernière fois au moment de franchir la frontière de la terre promise, et puis rejetés en arrière dans le désert jusqu'à ce que toute la génération sortie d'Égypte y ait péri dans un exil de quarante années, à l'exception de deux hommes trouvés seuls fidèles de tout un peuple ; les Israélites de la conquête, avertis que le repos de Canaan sera changé en calamité perpétuelle s'ils s'allient avec ses anciens habitants, s'alliant avec eux dès les premiers jours de leur nouvel établissement, et puis devenant du peuple favori de Dieu le peuple le plus malheureux de la terre, qui ne fait que changer de maître et de joug durant quatre cents années ; les Israélites de la royauté, avertis que Jérusalem sera prise et le temple brûlé s'ils persévèrent dans leur idolâtrie, persévérant dans leur idolâtrie, remplissant Jérusalem de dieux étrangers, et puis surpris un jour par le Babylonien qui prend leur ville, brûle leur temple et les emmène captifs pour soixante-dix années : je laisse tout cela, pour arriver à un exemple pris dans les temps du Nouveau Testament, et dans les discours de Jésus-Christ.


Quand la seconde Jérusalem, fière de son second temple, a fait succéder à la grossière superstition des temps passés, la superstition plus subtile, mais non moins funeste, des pharisiens ; quand elle a levé la main contre le fidèle Jean-Baptiste, et contre le Fils de Dieu lui-même, Jésus prononce cette prédiction contre elle, et la prononce en pleurant (ah ! que ne savons-nous, comme lui, mettre dans nos avertissements le poids de nos larmes !) : « Les jours viendront sur toi que tes ennemis t'environneront de tranchées ; ils t'enfermeront, et t'enserreront de toutes parts, et te détruiront, toi et tes enfants au dedans de toi, et ils ne laisseront en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as point connu le temps de ta visitation... Or, quand vous verrez Jérusalem investie par des armées, sachez alors que sa désolation est proche. Alors, que ceux qui sont en Judée fuient vers les montagnes, et que ceux qui sont dans la ville s'en retirent, et que ceux qui sont aux champs n'y entrent point. Car ce seront là les jours de la vengeance, afin que s'accomplisse tout ce qui est écrit. .. Il y aura une grande calamité sur la terre, et une grande colère contre ce peuple ; et ils tomberont par le tranchant de l'épée, et seront menés captifs parmi toutes les nations ; et Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils, jusqu'à ce que les temps des Gentils soient accomplis (Luc XIX, 43, 44 ; XXI, 20-24). »
Qui croit à cette menace ?
Qui peut la croire ?
Comment tomberait au pouvoir de l'ennemi une ville enfermée dans une triple enceinte de fortifications, et défendue par une population non seulement vaillante, mais furieuse et désespérée ?
Comment le Seigneur livrerait-il aux Gentils le peuple qu'il s'est réservé pour son partage, la cité qu'il a choisie pour « le lieu de son trône, » la maison dont il a dit : « Mon cœur et mes yeux seront là, » la terre que la prophétie assigne pour théâtre à son bienheureux empire ?
Comment, et selon quelles lois nouvelles de l'histoire, les Juifs seraient-ils dispersés parmi toutes les nations de la terre sans perdre leur nationalité, « errant, » dit le prophète, « parmi tous les peuples, comme le froment dans le crible, sans qu'il en tombe un seul grain en terre (Amos IX. 9.) ?

Comment. hélas ! multipliez les comment tant que vous voudrez ; mais toutes ces menaces irréalisables, les voici qui se réalisent trait pour trait. Voici la ville imprenable prise, par un ennemi si étonné de sa propre victoire, qu'il ne sait l'expliquer que par l'intervention de quelque Dieu Vengeur. Voici le Seigneur rejetant son peuple, le temple réduit en cendres, Jérusalem foulée aux pieds, et la terre d'Israël dévastée par les Gentils.

Voici les Juifs dispersés parmi tous les peuples, et promenant sous tous les climats ce sang innocent qu'ils ont appelé sur leur propre tête : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ; » et toutefois, les voici partout distincts d'avec le reste des hommes, conservant leur langage, leur accent, leurs mœurs, leur physionomie, leur caractère ineffaçable, et toujours prêts à se rassembler au premier signal, pour vérifier les promesses de la prophétie aussi exactement qu'ils en ont vérifié les menaces.

Allez demander au premier Juif venu si Dieu est fidèle dans ses menaces... Ou si un voile
étendu sur ses yeux l'empêche encore de discerner le crime qui a pu attirer sur la seconde Jérusalem une captivité datant déjà de dix-huit siècles sans avoir atteint son terme, quand l'idolâtrie elle-même n'avait attiré sur la première qu'une captivité de soixante-dix années - eh bien ! ne l'interrogez pas, regardez-le seulement, et sur son front, à la fois superbe et humilié, lisez la réponse que vous cherchez.
En chaque Juif qui se montre à vos yeux, voyez vivre et marcher une preuve certaine que la voix qui a dit : « Vous ne mourrez nullement » est une voix menteuse, et qu'il suffit que Jésus-Christ ait dit ; « Si vous ne vous convertissez, vous périrez, » pour que vous périssiez infailliblement, si vous ne vous convertissez pas !

Aussi, mon cinquième et dernier exemple, c'est vous qui me l'allez fournir.
Dans tous ceux que nous venons de rappeler, et auxquels il ne serait que trop facile d'en ajouter de nouveaux, nous avons trouvé une marche si constante et si uniforme, qu'on n'eût pas risqué de se tromper en pressentant l'événement par la prédiction. Eh, bien ! comme j'aurais pu sans crainte raconter la prise de Jérusalem. avant l'événement, sur le seul témoignage de la prophétie de Jésus-Christ, je puis aussi, sur le seul témoignage de la menace de Jésus-Christ, raconter aujourd'hui votre histoire future.

Je me place donc, par la pensée, au lendemain du jugement, et je raconte ce qui vous sera arrivé, à vous qui entendez aujourd'hui la menace de mon texte, et qui vous flattez d'une vague espérance qu'elle ne sera point exécutée.

Du temps que l`épreuve de la race humaine durait encore (je parle après le jugement), il y avait, au dix-neuvième siècle de l'ère chrétienne, sur le petit globe de la terre, dans une ville du nom de Paris, des hommes qui se glorifiaient, comme chrétiens, de posséder la parole du Seigneur, et, comme protestants, de la garder dans toute sa pureté.
Ils lurent dans le Livre divin : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez ; » mais leurs yeux étaient comme retenus.
Plus d'un serviteur de Jésus-Christ les pressa d'écouter ce sérieux appel ; mais leur parole se perdit dans les airs. L'un d'eux, en particulier, le quinzième jour du mois de janvier de l'année mil-huit-cent-cinquante-quatre de Jésus-Christ (1), les conjura de s'y rendre attentifs - mais en vain.

Comme Adam, comme les contemporains de Noé, comme les concitoyens de Lot, comme les Juifs de Jérusalem, ils prêtaient plus volontiers l'oreille à la voix perfide qui redisait de siècle en siècle : « Vous ne mourrez nullement. »
Le prédicateur leur disait : Dieu l'a dit ; mais ils répondaient en eux-mêmes : A la bonne heure, mais dans quel sens l'a-t-il dit ?
Le prédicateur leur disait : Rien de plus clair que sa menace ; mais ils répondaient en eux-mêmes : Une prédiction est toujours obscure.
Le prédicateur leur disait : Voyez ce qui est arrivé à Adam, aux contemporains de Noé, aux concitoyens de Lot, aux Juifs de Jérusalem ; mais ils répondaient en eux-mêmes : Les choses sont bien différentes !
Le prédicateur fit ce qu'il put ; mais ils s'en allèrent en disant, les uns : Cet homme a bien parlé ; les autres : Ceci est sérieux, il faudra y repenser ; et ils demeurèrent tels qu'ils étaient, jusqu'à ce que la mort vint les surprendre dans leur impénitence... et maintenant les voilà « dans ce lieu de tourment. »

Ce riche, qui avait amassé pour lui-même et qui n'était point riche en Dieu, qui jugeait la société en assez bon ordre pourvu qu'il y conservât ses avantages, qui « se traitait splendidement » comme celui de la parabole, qui se croyait irréprochable pour n'avoir pas acquis sa fortune par l'iniquité, mais qui ne connut ni la repentance, ni la foi ni la charité, ni la vie de renoncement et de sacrifice, le voilà qui souffre et qui crie à Abraham : « Père Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour mouiller dans l'eau le bout de son doigt et venir rafraîchir ma langue, car je suis grièvement tourmenté dans cette flamme (Luc XVI, 24.) » - mais maintenant il est trop tard.

Ce pauvre, qui, tout absorbé dans les épreuves de la vie, ferma obstinément l'oreille à cette voix si tendre : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et vous trouverez du repos pour vos âmes ; » qui, au lieu d'entrer dans les vues de Dieu qui le visitait, murmurait contre Dieu et contre les hommes et rêvait le bouleversement de la société pour y avoir une place meilleure, le voilà qui a échangé une vie misérable contre une éternité plus misérable encore, Il comprend aujourd'hui cette parole de l'Apôtre : « Ne regardez point aux choses visibles, mais aux invisibles (2 Cor. IV, 18.), » et souhaiterait avec ardeur de pouvoir recommencer l'épreuve de la vie - mais maintenant il est trop tard.

Cette femme mondaine, dont le cœur, dont la conscience, lui a dit plus d'une fois avec l’Évangile : Tu as besoin de te convertir, mais qui n'a pu se décider à rompre avec un monde qui l'encensait, ni avec une société dont elle était l'idole, la voilà, dans quel monde et avec quelle société, vous le voyez ! Oh ! que ne donnerait-elle pas aujourd'hui pour se retrouver au jour où ce ministre de Dieu la conjurait de « fuir la colère à venir ! » Ce jour-là, il était temps encore - mais maintenant il est trop tard.

Trop tard : mot amer, mot infernal, mot qui est l'enfer !
Trop tard : c'est-à-dire le ciel devenu d'airain, et tombant sur nous de tout son poids !
Trop tard : c'est à dire le feu brûlant qui brûle, brûle encore, et ne s'éteint point, le ver rongeur qui ronge, ronge encore, et lui seul ne périt point !
Trop tard : c'est-à-dire la miséricorde de Dieu épuisée par sa justice, liée par sa fidélité, et ne pouvant plus se faire jour d'aucun côté sans déchirer quelques-unes de ses perfections !
Trop tard : c'est-à-dire le désespoir du Je ne puis, avec l'amertume du « J'ai pu et je n'ai pas voulu ! »
Trop tard... Mais il n'est pas trop tard, pour vous qui m'écoutez !

Ce n'est pas de l'histoire que je viens de faire dans mon dernier exemple, c'est de la prophétie !
Démentez-la, comme les Ninivites celle de Jonas : vous le pouvez l
Pour vous, le jour dure encore ; pour vous, Dieu parle encore ; pour vous, la grâce est accessible encore ; que dis-je ? pour vous, les bras de votre Sauveur sont ouverts encore, et semblent ne s'étendre sur sa croix que pour vous recevoir.

Ah ! si vous avez pu douter ailleurs, ne doutez plus devant cette croix : malheur à qui pourrait discuter froidement la valeur d'une menace que la vérité arrache à un Sauveur crucifié !
Prenez-la, par la foi, sur le seul témoignage de Dieu, et sans attendre celui de l'expérience - qu'on n'a jamais attendu que pour se perdre.
Prenez-la, telle quelle, sans vos commentaires, sans les miens, terrible qu'elle est, mais vraie qu'elle est, mais miséricordieuse qu'elle est, et qui ne vous trouble que pour vous sauver !
Prenez-la, tout simplement, tout naturellement, comme un enfant, craignant moins de l'exagérer que de l'atténuer, et vous méfiant de tout ce qui ressemble, même de loin, au sifflement incessant de l'ancien serpent : « Vous ne mourrez nullement ! »
Prenez-la, sans vous tourmenter des moyens à employer pour vous convertir : si votre cœur est droit, vous les trouverez ; allez seulement, Dieu vous conduira.
Prenez-la surtout, ah ! prenez-la, sur la parole du Dieu « qui est amour, » non pas comme une menace de sa colère, mais comme un avertissement de son amour, mais comme un cri de son cœur paternel, qui vous présage tout ce que vous puiserez de secours et de délivrance dans l'inépuisable trésor de ses compassions :
« Je suis vivant, dit le Seigneur l'Éternel, que je ne prends point plaisir en la mort. du méchant, mais plutôt en ce que le méchant se détourne de sa voie, et qu'il vive. Détournez-vous, détournez-vous de votre méchante voie ; et pourquoi mourriez-vous, ô maison d'Israël (Ezéch. XXXIII, 11.) ?
« Aujourd'hui même, si vous entendez sa voix, n'endurcissez point vos cœurs »

Aujourd'hui, tandis que Dieu vous parle, Dieu dis-je, et non pas moi, qui ne vous ai rien dit que je n'aie tiré de sa Parole.
Aujourd'hui, tandis que vous vivez, tandis que vous pouvez, tandis que vous voulez.
Aujourd'hui, et non pas demain. Faut-il vous dire toute ma pensée ? Selon toutes les vraisemblances, aujourd'hui - ou jamais !...
Combien y en aura-t-il dans cette assemblée qui profiteront de ce discours ? Je ne sais - Dieu le sait : qu'il y en ait un du moins - et que ce soit vous !

Amen.


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1) C'est le jour que ce discours a été prononcé, à Paris, dans le temple de l'Oratoire.

 

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