Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



AU SERVICE DU MAÎTRE

Soeur Sophie de Pury





LA DERNIÈRE MONTÉE.

"Merci de m'avoir permis de venir ici, écrivait le 28 octobre Soeur Sophie B., dont les lettres vous permettront d'assister au déclin graduel de cette vie si bénie. Soeur Sophie en est si heureuse, elle dit que tu lui as envoyé une grande douceur et un grand repos. Je bénis le Seigneur de ce qu'Il m'accorde cette faveur, dont je suis si indigne, et je ne t'aurais pas répété la commission de ma Mère, si je ne pensais pas que cela rafraîchirait ton coeur d'avoir fait cela pour elle !

Que te dire de notre bien-aimée malade ? elle assure qu'elle se sent mieux depuis que je suis ici, il est sûr que le coussin à eau lui a fait un bien infini pour son pauvre dos, qui se guérit ; elle se disait couchée sur du feu auparavant. Mais le côté gauche est encore plus malade que le droit, le bras est comme paralysé, la jambe aussi, et le tout lui fait souvent bien mal. La main gauche a un peu, très peu de mouvement, mais les doigts sont comme morts ; elle a la bouche si enflammée qu'elle ne peut prendre que du liquide, et sa chère main, droite, le seul membre valide, est si faible ! Oh ! cela fait mal, et quand je vois son doux et lumineux regard j'ai de la peine à croire qu'il doit bientôt se voiler pour toujours sur cette terre ... et elle sait si aimablement s'intéresser à tant de choses ! M. Borel-Girard, qui a été ici, dit qu'elle a un regard céleste, et qu'en la voyant, il pensait à Étienne, dont le visage était semblable à celui d'un ange. "

Le lendemain de sa visite le sympathique pasteur de la Chaux-de-Fonds, qui est poète à ses heures, envoyait à la chère malade les vers suivants :

Nous tous qui contemplons la face du Seigneur,
Nous sommes transformés à sa vivante image :
L'oeuvre se fait sans bruit au plus profond du coeur,
Les souffrances sur nous mettent comme un nuage ;
Mais nos yeux sont tournés vers la porte du ciel,
Et le regard des saints est déjà sur la terre
Le reflet des clartés qu'aucune ombre n'altère
Oh ! comme il va briller au séjour éternel !

Au mois de septembre M. le professeur Frédéric Godet, ayant appris la maladie de Soeur Sophie, lui avait écrit la lettre suivante :

"J'apprends, en arrivant à Neuchâtel, d'une manière plus précise votre état de maladie et de grande souffrance, que je ne connaissais jusqu'ici que d'une manière générale. Ce n'est pas vous qui avez besoin d'être encouragée à souffrir et préparée au départ. Que de fois n'avez-vous pas été restaurée et n'avez-vous pas soutenu d'autres par ces paroles de Jésus : « Si quelqu'un me sert, qu'il me suive, et où je suis, celui qui me sert, y sera aussi. »

Même en saisissant cette assurance si encourageante, peut-être arrivera-t-il pour vous un moment d'obscurité où, comme le Maître lui-même, vous serez obligée de dire : « Maintenant mon âme est troublée !" Oh ! qu'alors vous puissiez vous jeter aveuglément comme Lui dans les bras de sa volonté paternelle et concentrer toute votre angoisse dans ce cri filial : « Père, glorifie ton nom ! » Et la réponse d'En-Haut ne tardera pas. Vous recevrez la promesse que "comme Dieu a été glorifié en vous ici-bas, Il le sera encore Là-Haut." (Jean 12, 26-28.)

Celui qui jusqu'à la fin restera votre ami, et que, s'il Lui plaît, notre Maître commun ne tardera pas à recevoir aussi Là-Haut dans sa grâce immense !

F. GODET.

Le fidèle serviteur entra encore avant elle dans la joie de son Maître, et en partant, il envoya à cette Soeur en Christ, à laquelle il avait de tout temps témoigné un si profond intérêt et qu'il savait si près du but, un message tout particulier.

"Cela ne l'a pas trop émue, dit Soeur Sophie B., elle est si douce et si courageuse, pensant aux autres et s'oubliant toujours elle-même", et quelques jours plus tard : "elle a été si heureuse de pouvoir expédier cette dépêche, elle est encore tout-à-fait elle-même quand il s'agit de faire du bien ou du plaisir. N'a-t-elle pas fait acheter à chacune des bonnes une provision de reinettes pour l'hiver ? et quand elle sait quelqu'un de pauvre ou de malade dans les environs, elle n'a de repos que quand une de ses soeurs y a été et a apporté un soulagement quelconque. - Oh ! comme sa douce, gracieuse bonté nous manquera !

Je ne puis croire qu'elle va nous quitter, et pourtant je le sais, je le vois, et elle le sent, mais elle n'en parle guère, si ce n'est pour me donner de temps en temps une petite recommandation pour "après".
Oh ! après ! comme nous serons pauvres et misérables, mais comme elle se reposera, comme elle jouira dans tout son être renouvelé, notre bien-aimée.

"Quelle tâche douloureuse d'assister jour après jour à tant de souffrance sans pouvoir y remédier. Dans ce pauvre corps décharné tout était douloureux, et malgré les plus infinies précautions les soins qu'on lui donnait ne faisaient que lui infliger de nouvelles tortures. Mais jamais elle n'eut un mot d'impatience. Dans les premiers jours de novembre il y eut une légère recrudescence de force. Soeur Sophie B. le constate avec une joie mêlée de tremblement.

"Notre malade continue à aller joliment, dit-elle le 5 novembre, elle est si reconnaissante de ne plus souffrir si fort. Ce matin, pendant sa toilette, elle nous dirigeait et nous nous sommes taquinées comme dans nos plus beaux jours. Maintenant elle repose après nous avoir tous reçus pour le café et écouté la lecture d'une bonne partie du "Journal religieux". Est-ce un vrai mieux ? Oh ! comme j'aime le texte d'aujourd'hui : « L'Éternel combattra pour vous, vous demeurerez en silence. » Et c'est ce que nous faisons, elle et moi. M. de Pury s'est remis à prier pour la guérison de sa soeur bien-aimée ! - Moi, je pense au texte, et je me tiens tranquille ! - C'est toute ma force."

Soeur Sophie B. était venue censément pour 15 jours, mais il n'était pas question de la rappeler, et malgré le petit mieux, il lui semblait impossible de parler de départ. En attendant l'hiver s'annonçait.

"On a mis les doubles fenêtres, écrit-elle le 9 novembre, nous ne pouvons plus ouvrir tout grand et laisser pénétrer des flots d'air, nous sommes réduites au "guichet" que nous connaissons par les histoires de Huguenin. Jeanne a apporté ce matin de magnifiques pavots rouges et des pervenches, le tout recouvert, d'une fine glace ! Soeur Sabine, qui a été se promener avec nos dames, est revenue, tenant d'une main un délicieux bouquet de fleurs des bois et de l'autre une boule de neige sur un plat de fougères et de sapin ! "

Le 11 novembre la chère malade demandait au docteur tout simplement : "N'est-ce pas, je marche vers la fin ?" et il répondait tout ému : " Oh ! ma Soeur, nous aurions tant voulu vous garder encore !"

"Tout son désir, ajoute Soeur Sophie B., tend vers le Seigneur Jésus seul. - Oh ! qu'il arrive maintenant la prendre doucement à Lui, sa pauvre petite tente tombe en ruines. Mais quelle grâce que les fortes douleurs ne soient pas revenues ! »

Lundi, 12 novembre. "Cet après-midi j'ai aidé à ma Mère à mettre ses papiers en ordre. - C'est tellement poignant et si bienfaisant pourtant, parce que tout est si simple ! C'est l'enfant qui retourne à la maison - il ne craindrait pas une petite prolongation de son temps d'école, mais il se réjouit tant de voir son Père, que le reste n'est qu'accessoire. - Et ses papiers ! oh ! quel désir de glorifier son Maître, de ne vivre que pour Lui dans tout ce qu'elle a fait, tout ce qu'elle a vécu !

Et plus loin : Les souffrances sont comme émoussées, elle en est si doucement reconnaissante que les larmes m'en viennent aux yeux quand j'entends ses actions de grâce. Demain elle veut me dicter une lettre au comité."

Mercredi, 14 novembre fut un jour de souffrance, mais vers le soir ses nerfs se sont détendus et elle a pu parler à son frère et à ses soeurs de choses qui lui tenaient au coeur. Elle a demandé que sa soeur lui chante : « O Désiré de la terre ! » puis « Sainte Sion, ô Patrie éternelle ! » Elle a récité elle-même de sa chère voix brisée les deux dernières strophes du cantique : « Il est en Israël une source abondante ».

Je reprendrai mes chants dans un plus doux langage
Quand la mort aura clos mes lèvres pour jamais,
Et mon âme, échappée à son dur esclavage,
Changera d'instrument et non pas de sujet.
Sur une harpe d'or par mon Dieu préparée
Je chanterai l'amour et le nom glorieux
Du Berger qui chercha sa brebis égarée
Et la prit dans ses bras pour la porter aux cieux.

Elle-même n'a aucune émotion quand elle nous parle de son départ et des choses du, ciel. Ce n'est que Jésus "mort pour ses péchés et ressuscité pour sa justification" qui lui fait verser des larmes d'amour. Puis il y a des moments où elle pleure à cause de ses péchés et où il faut lui rappeler qu'elle est couverte du sang de l'Agneau sans défaut et sans tache. Elle gémissait doucement hier au soir, je lui ai demandé si elle souffrait, elle m'a répondu : "Oh non, c'est une mauvaise habitude, mais tu sais, au ciel on ne gémira plus ! - Oh non, lui ai-je répondu, tu te souviens : « La douleur et le gémissement s'enfuiront » Tu aurais dû voir son joyeux et rayonnant sourire !"

Vendredi. 16 novembre. "Nous sommes en plein dans la mauvaise saison, le vent souffle triste et froid autour de la maison, et quand hier le bon M. de Pury est rentré tout gelé de ses visites aux malades, Soeur Sophie lui a dit si tendrement d'aller se réchauffer à la cheminée du salon. "Oh non, lui a-t-il répondu vivement, tu es notre soleil !"

Et c'est bien vrai ! il part d'elle une influence si bienfaisante, si réchauffante ! Oh ! notre chérie s'en va-t-elle vraiment ? Il me semble qu'elle a un petit regain de vie ces jours-ci et elle en jouit, mais elle ne demande qu'à être dans la volonté du Seigneur. Les crampes dans les jambes reviennent pourtant, mais elles sont moins douloureuses. Elle a toujours le pénible sentiment d'être en deux parties, et elle est si gracieuse, qu'elle nous le raconte en souriant gaiement."

La lettre au comité lui avait donne bien de l'émotion. En dictant les premières lignes qui, concernaient Mlle L. Berger, elle avait ajouté : "Je ne sais ce que je serais devenue sans elle ! " Tout était en ordre maintenant, son testament aussi. Par moments elle se reprenait à faire des projets : "Si ma vie se prolonge, disait-elle, il faudrait que mon Alice vienne encore une fois me voir. "

Dimanche, 18 novembre, M. de Pury lui lisait une méditation de M. Frank Thomas : « Jésus, roi de notre corps. » Et moi, dit-elle à la fin, que puis-je faire encore dans mon état ? plus rien du tout, hélas ! - Toi, ma chérie, lui a-t-il répondu, tu nous édifies par ta patience et tu glorifies le Seigneur par ta confiance, que te faut-il de plus ?" "Aujourd'hui, ajoute notre chère correspondante, notre chérie va bien joliment, grâces à Dieu (ce joliment, dans sa bouche, a toutes sortes de sens. Cela va toujours joliment, même quand elle a mal). "

En réponse à la lettre écrite par Soeur Sophie au comité de la Maison des Diaconesses, Mlle Berger lui avait exprimé avec la chaleureuse effusion dont elle avait le secret, les sentiments de vénération, d'affection, de regret et de reconnaissance de ces dames.

Lundi, 19 novembre. "Merci, répond Soeur Sophie B., pour ta chère lettre, que j'ai lue à Soeur Sophie et qui l'a fait pleurer de joie et de confusion. Elle dit que le Seigneur la jugera tout autrement, et moi je lui ai rappelé comme Il est doux et tendre envers le fils qui le sert ... et elle est la fille qui l'a servi dans l'humilité, dans la patience, dans la charité ! - Je ne lui ai pas dit ces derniers mots, à cette douce chérie !"

Et plus loin : "Notre chérie dort en ce moment. Elle est si misérable et voulait encore une fois écrire une lettre à toutes les Soeurs, écrire elle-même ! Elle veut essayer demain ! mais demain, de quoi sera-t-il fait ? d'un peu plus de misère encore ! - Sa douce et ferme confiance ne faiblit pas un moment ! La fidélité du Seigneur Jésus non plus ! oh ! comme nous Lui rendons grâces ! Le texte d'aujourd'hui fait ses délices : « Béni soit l'Éternel, mon rocher, mon bienfaiteur et ma forteresse, ma haute retraite et mon libérateur, mon bouclier, Celui en qui je me réfugie », elle aime tant ces derniers mots."

Lettre de Soeur Sophie de Pury aux Soeurs.

20. novembre. Vous toutes, mes bien-aimées, Soeurs, depuis la plus âgée à la plus jeune, de la plus ancienne à la plus nouvelle, je veux vous adresser un adieu, mais aussi un heureux au revoir.

Combien j'ai été heureuse auprès de vous, combien je vous ai aimées, combien je vous aime encore, oui, c'est pour l'éternité. Et maintenant je crois tout-à-fait que c'est mon tour de quitter ce monde et de rejoindre mon Sauveur. O mes bien chères Soeurs, je ne puis vous dire ses compassions infinies ! elles m'ont suivie toute ma vie, elles sont allées en augmentant, et Il me mène tout doucement et surtout Il m'assure du pardon. Oh ! quelle immense grâce ! et ma vie est plongée dans son sang du jour de ma naissance au dernier. Suppliez-le avec moi que Jésus me conserve cette ferme assurance jusqu'au moment où Il me fermera les yeux. Oh ! que sera-ce de les rouvrir dans l'éternité et d'y rencontrer Jésus, le Sauveur, et tous nos bien-aimés.

Mais, mes chères, ce qui me touche profondément de votre part, c'est que j'ai entendu que vous êtes toutes d'accord à regarder ma chère Sophie comme votre déléguée auprès de moi, et elle a vraiment tâché de bien vous représenter auprès de moi.

À Dieu, mes bien-aimées. Oh ! qu'Il vous bénisse, et que nous nous retrouvions toutes auprès de Lui.

Votre SOPHIE.

On célébrait de tristes fêtes à Strasbourg pendant ces jours d'angoisse. Un nuage de deuil avait plané déjà sur celle du 31 octobre, et maintenant Noël approchait, et l'absence de celle qui depuis tant d'années avait été l'âme de tous les préparatifs se faisait vivement et douloureusement sentir.

"Oh ! comme notre bien-aimée manquera à ces fêtes de Noël pour lesquelles elle se donnait tant de peine, écrivait Soeur Sophie B. le 21 novembre, comme elle avait à coeur que chacun fût réjoui par un rayon du soleil d'En-Haut ! Comme elle s'y est encore fatiguée l'année passée, malade comme elle l'était, sans que nous le sussions ! - Oh ! quel trésor le Seigneur nous avait prêté en elle !"

Le Seigneur lui avait fait la grâce de ne plus se préoccuper de toutes ces choses qui jusque-là lui avaient tant tenu à coeur, auxquelles elle s'était donnée si entièrement. Elle avait tout déposé aux pieds de son Maître et l'y avait laissé ; l'idée qu'elle pût être indispensable ne l'a jamais effleurée. Elle s'en remettait à son Maître pour faire faire dorénavant par celles qu'Il voudrait bien en charger, la besogne dont elle s'était si fidèlement acquittée, et elle se reposait sur Son coeur sans s'en mettre en souci."

Jeudi, 22 novembre. "Le docteur dit que la maladie attaque tous les organes à la fois et que la faiblesse augmente, mais il croit qu'il peut encore revenir de meilleurs jours. Le meilleur jour sera celui où le Seigneur viendra chercher sa servante fatiguée. Quand nous étions jeunes elle me disait : "Il faudra que nous puissions dire à la fin de notre vie : Seigneur, je me suis lassée à ton service, mais jamais de ton service, et c'est ce quelle peut faire maintenant en toute vérité."

Le 23 novembre notre chère malade priait son amie de finir ses ouvrages commencés, parce qu'elle ne pourrait plus le faire. Elle se sentait bien près du départ, quoi qu'elle n'en dît rien.

"Depuis trois jours, écrit Soeur Sophie B., je ne puis plus lui lire autre chose que le texte ; la dernière chose qu'elle ait demandé, c'est la lecture de la prière sacerdotale, à la fin de laquelle elle a dit : "Oh oui, amen !" Comme elle a aimé le texte d'hier et le petit verset qui l'accompagne : « Quand je suis dans la détresse, sauve-moi ! Aie pitié de moi, écoute ma prière ! - Seigneur, du sein de la poussière mon âme crie à toi ... » Mais elle n'est pas dans la détresse, notre bien-aimée, son pied repose sur le roc, son Sauveur est le réconfort de son âme. Mlle M. me disait que Soeur Sophie avait été comme un ange au lit de mort de Mad. Sch., j'ai le même souvenir d'elle, quand je pense aux derniers moments de notre chère Mlle de Coulon. Quand Soeur Sophie a prié près d'elle, je vois encore le sourire radieux de notre amie que nous croyions insensible ! Maintenant les anges entourent son lit, j'en suis sûre, et quand le moment sera venu, ils transporteront leur soeur au pied du trône de Jésus."

Pendant les derniers jours de novembre on crut sa fin prochaine, elle-même parlait de son départ.

Mercredi, 28 novembre, Soeur Sophie Baquol écrivait : "Je sens comme vos coeurs sont avec nous dans une même attente et une même foi. Notre douce chérie a eu un moment si pénible de faiblesse hier vers le soir, qu'elle a cru que le Seigneur allait venir. J'étais seule avec elle, elle m'a regardée, toute blanche, mais avec un rayonnant sourire : "N'aie pas peur, c'est Jésus. qui vient !"

Je sentais que ce n'était pas le moment encore, mais mon coeur tremblait d'émotion. Elle a demandé ses soeurs, mais elles étaient sorties ainsi que M. de Pury. À leur retour elle était un peu mieux, mais épuisée. Je lui ai dit le soir : "Cela ne te fait rien de rester encore un peu chez nous ? - Mais non ! je suis contente ! "

Et toujours. son doux sourire qui vous remonte. Oh ! si tu avais entendu hier au soir la prière de M. de Pury : "Tu sais, Seigneur, que Sophie croit que tu vas venir la chercher. Oh ! comme nous te bénissons de savoir qu'elle est ton enfant. - Lavée, purifiée dans ton sang, ne voulant d'autres mérites que les tiens, sachant que tu es là, les bras tendus, pour la recevoir ! garde-la de tout mal, qu'elle ne jette pas un regard sur elle-même, qu'elle reste en toi ..."

Oh ! qu'elle est douce et chère, notre précieuse chérie ! N'est-ce pas, vous ne vous fatiguez pas de prier que le Seigneur la garde de toute angoisse morale et physique, si c'est sa bonne volonté !"

Et le lendemain, 29 novembre, elle disait : "Hier au soir M. de Pury a de nouveau si tendrement recommandé sa soeur au Seigneur - comme un frère à un frère aîné tout-puissant : "Dis-lui que tu lui réserves une chambre dans ces demeures éternelles que tu as préparées pour nous !"

Le jour suivant, s'éveillant après un moment de somnolence : "Crois-tu que Jésus m'oublie ?" demandait-elle. - Je sentais si bien, dit son amie, qu'elle-même ne le croyait pas, mais comme il lui tarde d'être délivrée !"

L'oppression, les douleurs dans les deux jambes étaient revenues, les pieds étaient enflés, la main et le pied gauches étaient comme morts, et les palpitations de son pauvre coeur étaient visibles. "Je n'y fais pas attention", disait-elle. Souvent elle répétait : "Jésus est si bon !" et c'était chaque fois un baume pour ceux qui la voyaient si intensément souffrir. Elle n'avait plus qu'un désir, c'est que le Seigneur vînt la prendre pendant son sommeil.

"Hier au soir, écrit Soeur Sophie B. à la date du 2 décembre, quand nous sommes revenues du souper, elle m'a dit : "Je viens de me réveiller, et je vous attends pour que vous me portiez au cimetière !" - Je lui ai répondu : "Mais, chérie, Jésus te portera au ciel, et nous ne donnons pas une pensée au cimetière. - Mais c'est donc ! m'a-t-elle répondu joyeusement, et là-dessus elle invite de nouveau la famille à passer une heure auprès d'elle et à lui faire la lecture ! Quelle grâce qu'elle soit si patiente et si soumise."

Elle ne lisait plus les lettres, plus même son cher livre de textes, et ce n'est que par une douce déférence aux habitudes reçues qu'elle subissait ces lectures. Le texte du jour lui était toujours précieux et il lui arrivait encore de dire qu'elle se proposait bien de le vivre.

Aux lettres qui lui parlaient de son activité passée et de ce qu'elle avait été pour notre Maison, elle répondait que rien ne pouvait plus lui faire de mal, que Jésus "tout en tous" l'enveloppait, et qu'elle-même n'était que poussière.
Lorsque, le dimanche, 2 décembre, on lui dit que c'était l'Avent, elle répondit : "Oui, et toute mon attente est en Lui !" et un peu plus tard : "La paix ! j'ai la paix que Lui seul peut donner, l'assurance de son salut tout gratuit", et ses beaux yeux resplendissaient de joie.

Le 3 décembre elle eut tant d'oppression, et la faiblesse prenait tellement le dessus qu'on crut qu'elle allait partir. "Nous étions tous réunis autour d'elle, dit la lettre du jour, M. de Pury lui a lu la fin du chapitre VII de l'Apocalypse, et il a prié comme il sait prier. Puis notre bien-aimée a demandé Lament. III. « Quand je pense à ma détresse et à ma misère, voici ce que je veux repasser dans mon coeur, ce qui me donnera de l'espérance : les bontés de l'Éternel ne sont pas épuisées ... Oh ! que sa fidélité est grande. »

Puis Saint Jean XIV : les demeures dans la maison du Père ... et toujours les actions de grâces de notre bien-aimée ! Puis voici M. de Pury qui se lève et d'une voix presque joyeuse, O Sophie ! dit-il, te souviens-tu ? le vieux M. Pétavel nous disait qu'il lui semble que les enfants de Dieu forment une grande ronde sur la terre et chantent : "Nous avons un grand château ... et que les anges du ciel leur répondent : Le notre est plus beau !" et ils appellent un chrétien après l'autre, et voici, ils vont t'appeler. "Nous avons tous un peu ri, c'était si joli !"

Le lendemain, sans qu'on lui ait parlé du désir des Soeurs de voir sa dépouille mortelle reposer dans notre paisible cimetière du Schlössel parmi toutes les chères âmes qui nous ont devancées, elle dit tout d'un coup en se réveillant : "N'est-ce pas, cela ne fera rien à mes chères Soeurs qu'on me garde ici ? j'aimerais reposer près de ma soeur Louise, puisque je suis ici. Dis-leur que "toute la terre est au Seigneur". Cela me fait du bien de penser, ajoute Soeur Sophie B., qu'elle restera tout près de ses montagnes, de ses forêts qu'elle a tant aimées.

Jour après jour la famille vient s'établir à son chevet pour y passer la soirée. On lit les Paraboles de la nature de Mad. Gatty « La terre inconnue », « La résurrection de la chenille ». On fait le culte à neuf heures et Soeur Sophie y répond par un Amen si ferme, après quoi elle n'oublie jamais de prier qu'on fasse passer les pastilles avant de se séparer.

"Elle pense à tant de petites choses regardant notre confort, dit son amie, que cela fait pleurer, elle qui ne connaît plus aucune bonne petite place depuis si longtemps. Son médecin continue à être si bon, si attentif, si délicat, ajoute-t-elle. Hier au soir, par une pluie battante et un vent furieux, il a fait cinq quarts d'heure à pied pour arriver à l'heure, au lien d'attendre le petit régional, oui n'aurait pu l'amener que deux heures plus tard. Il était transpercé en arrivant."

"Ce lit est vraiment un autel, disait Soeur Sophie B., le 4 décembre, et cette chambre un sanctuaire ; mais cette victime qui est là, ce grand sacrifice que nous avons fait, que le Seigneur l'accepte maintenant et la prenne à Lui pour l'amour de son nom."

Mais le Seigneur tardait, et notre Mère bien-aimée passait par moments par des angoisses plus pénibles que les souffrances. "N'abandonnons pas notre confiance, répétait-elle, qui doit avoir une si grande récompense." Elle exprimait tous ses sentiments par des passages de la Bible, et comme elle la connaissait !

On avait fait venir pour elle de Strasbourg le compte-rendu autographié des derniers jours de M. Rein de Nonnenweyer, témoignage précieux et bienfaisant d'un chrétien vraiment primitif pendant les jours qui précédèrent son délogement, et elle jouissait d'en entendre lire des passages. De sa main presque paralysée, elle écrivit encore une dédicace dans le livre de texte d'une Soeur qui l'avait priée de n'y mettre que son nom.
"Cette nuit, dit Soeur Sophie Baquol, il faisait si clair que j'ai éteint la lampe et ouvert les grands rideaux, cela a été un ravissement pour elle de voir la grande étendue de neige sous la fenêtre et les rayons argentés de la lune qui l'éclairait."

Le lendemain elle fut si bien dans l'après-midi, qu'elle put avoir son frère et causer intimement avec lui.
"Il m'a dit, rapporta-t-elle ensuite à son amie, que je n'ai rien d'autre à apporter au Seigneur Jésus que ma misère et ma faiblesse, qu'Il est là tout prêt à me recevoir telle que je suis, que le reste est effacé, pardonné, lavé. Ne sommes-nous pas des gens heureux ! Oh ! quelle paix, et que c'est doux ! et ouvrant le recueil de cantiques, elle mit le doigt sur la strophe suivante :

"C'est un port à l'abri de toutes les tempêtes,
Un trône où le chétif accourt sûr, d'un appui ;
C'est le palais d'un roi dont les paisibles fêtes
Sont saintes comme Lui."

On se demande, ajoute Soeur Sophie Baquol, où elle prend la force de s'intéresser encore si vivement à tout. Oh ! n'est-ce pas que nous ne savions pas quel trésor le Seigneur nous avait donné en elle !"
Cependant le docteur constatait que le pouls devenait mauvais et qu'il y avait tous les jours baisse de forces. Lundi 10 décembre, elle était si faible que son amie crut sa fin toute proche.

"Je me demande, écrit-elle, en commençant cette lettre, si vous la recevrez avant le télégramme qui vous annoncera peut-être demain déjà que notre bien-aimée va partir ou est partie ! (Elle devait vivre encore dans cet indescriptible état de misère physique jusqu'au 4 janvier.) Ses forces baissent visiblement, sa chère figure si amaigrie continue à changer, elle dort beaucoup et ne se retrouve pas quand elle se réveille, la précieuse lumière s'éteint tout doucement. Comme je voudrais que vous puissiez la voir, vous et nos Soeurs ! elle dort si paisiblement, et son cher visage a une empreinte céleste, tout est tranquille autour de nous et je baise ses mains chéries pour vous, pour nos Soeurs, pour moi !

Oh ! que de choses on voudrait encore lui dire, mais c'est fini pour cette terre, son âme n'est plus ouverte qu'à la Parole de Dieu et aux choses qui sont En-haut, là où son coeur a toujours été ! Elle s'est éveillée un moment et m'a dit qu'elle ne fait que rêver, et qu'elle ne devrait pas tant dormir, puisque le Seigneur Jésus va venir, "et comment fera-t-Il pour me prendre avec Lui ?"

Elle semblait la plupart du temps absolument détachée des choses de ce monde, même les fleurs, qu'elle avait tant aimées, obtenaient à peine un regard, mais dans ses rêves elle en voyait et s'extasiait sur leur beauté. Tout ce qu'elle disait, même en divaguant, était si doux et si joli que cela faisait pleurer. Soeur Sophie B. lui ayant dit qu'une Soeur lui demandait pardon de l'avoir si souvent affligée, elle répondit avec quelque chose de son ancienne gaieté : "Je lui pardonne, tu me pardonnes, je te pardonne, et le Seigneur Jésus est notre suprême pardon." Et le même jour une mandarine lui ayant fait grand bien et grand plaisir, elle regarda joyeusement sa soeur et lui dit : "Il y a de grandes bénédictions et de petites bénédictions."

Elle parlait avec joie de son prochain départ, et le 12 décembre son frère eut le courage, pour la première fois, quand on se sépara pour la nuit, de prier le Seigneur de venir bientôt. "Nous te présentons, a-t-il dit, la requête de notre soeur ; à sa prière nous te disons : "Seigneur Jésus, viens !" L'Amen de notre Mère fut saisissant, dit Soeur Sophie B. et plus loin : "C'était si beau hier au soir de voir comme elle profitait de son petit moment de bien-être pour visiter en esprit ses Soeurs, ses amis ! - fidèle et tendre jusqu'à la fin !"

Que de fois elle se reprochait de trop dormir, d'être si engourdie. "J'ai quelque chose devant moi, disait-elle, j'ai à me recueillir, j'ai à prier." Et avec quelle ferveur elle demandait au Seigneur de lui continuer le sentiment de sa présence, de lui aider dans le passage difficile qui s'ouvrait devant elle.

"J'ai besoin de toi, de toi seul !" c'était le cri de son âme. "Le temps est si beau ces jours, continue Soeur Sophie B., elle a admiré de tout son coeur le ciel, la montagne, le marais couvert de neige ... puis tout d'un coup : "Oh ! que j'aimerais me promener encore une fois là-bas", et son frère tout doucement : "Tu iras te promener sur les montagnes d'où nous vient le secours ! le ciel est si beau !" Mais il est heureux, ajoute-t-elle, de chaque jour où le Seigneur nous la laisse."

Une nuit elle racontait à Soeur Sabine, qui reposait près d'elle, que c'était l'usage aux Ponts d'habiller les morts de leurs vêtements de dimanche, mais qu'elle désirait être arrangée comme les Soeurs diaconesses. "Puis tout-à-coup, dit Soeur Sophie B., elle a prié le Seigneur de la délivrer de ces pensées terrestres et de faire le silence dans son âme, pour que Lui seul lui parle. Le lendemain, pendant qu'elle était bien souffrante, je lui ai caressé la main en lui disant : "Pauvre chérie !" Elle m'a regardée de son lumineux regard et m'a dit : "N'est-ce pas, je suis bien misérable, pourvu que je ne devienne pas misérable en la foi ! » Non, non ! Jésus la gardera jusqu'au bout, notre vaillante amie !

Mlle de Pury lui chante en ce moment : « Agneau de Dieu, par tes langueurs. » Elle se le fait répéter. Quel mystère que la mort ! C'est bien comme me le disait Mlle Berger dans sa dernière lettre : "Le Seigneur met les dernières fleurs à la couronne de son épouse." Quel contraste entre le visible et l'invisible ! Le visible est une Oeuvre de destruction : Jésus ôte, enlève, brise - et l'invisible fait pressentir une Oeuvre si belle, Il orne, Il achève, Il rend parfaite en beauté celle qu'Il va présenter à son Père comme sa rachetée."

Et le lendemain elle écrivait : tout à l'heure elle a voulu choisir des passages pour les livres de textes de ses soeurs et de son frère, mais elle n'a pas pu, et cela m'a serré le coeur de voir son expression de tristesse et de lassitude ! Oh ! jusques à quand ? J'étais si triste en voyant sa souffrance, son dépouillement et je ne pensais pas au travail invisible du Seigneur Jésus ! mais est-il invisible ? Quand ses chers yeux si pleins de lumière et de paix se fixent sur vous, on sent un rayon du ciel pénétrer dans votre âme et quelque chose de l'au-delà se fixer sur vous !

Jeudi, 20 décembre. Tout à l'heure quand je lui ai donné son petit-déjeuner, elle a joint les mains en disant : "Il faut que je remercie pour tout ce qui viendra aujourd'hui. Merci, mon Dieu !" Oh ! que c'est beau, quand la vie de l'âme a passé d'outre en outre et triomphe même dans le délire, car il ne la quitte plus guère pour ce qui la regarde, pour les autres elle a parfois des pensées si touchantes encore. Elle croit qu'elle a des cadeaux de Noël à préparer. Donner est sa constante préoccupation, elle pense à tant de gens et a même fait inscrire le chargeur à la gare, parce qu'il a eu un surcroît de besogne pour elle et à cause d'elle."

Vendredi, 21 décembre. "Figure-toi que hier, après son long sommeil de l'après-midi, elle s'est réveillée bien, bien souffrante de toutes espèces de malaises et de douleurs, mais parfaitement naturelle et lucide - et voilà qu'elle reçoit, juste dans ce moment, la meilleure lettre possible de M. le pasteur Hoffmann de Stuttgart ; elle en a été si heureuse qu'elle a pleuré de joie."

Nous faisons suivre ici cette parole d'encouragement d'un frère en Christ qui avait comme elle, porté de longues années le fardeau de la direction d'une Maison de Diaconesses :

"Très honorée Soeur Sophie.

Mademoiselle L. Berger a eu la bonté de me mettre au courant de votre état de souffrance. En songeant aux rapports affectueux qui se sont continués entre nous, soit de vive voix, soit par écrit depuis tant d'années, j'éprouve le besoin de vous faire parvenir encore un message à cette heure suprême et de vous exprimer toute ma sympathie.

Que le Seigneur Jésus vous entoure de sa force, de ses consolations, de ses encouragements, qu'Il vous fasse sentir son amour jusque dans le calice amer de la souffrance, cet amour dont vous avez eu des preuves si visibles au cours de votre vie. Votre ministère a été béni et maintenant il vous reste encore à le glorifier en souffrant sans murmure, le regard fixé sur la Jérusalem qui est En-Haut. Que Celui qui en a jeté les fondements vous revête de l'Esprit de Gloire. (I Pierre 4, 14.) Il veut vous former à sa ressemblance dans le creuset de la douleur :

La souffrance, c'est le moule
Où le divin Maître culte
Son image dans nos coeurs.
Unter Leiden prägt der Meister
In die Herzen, in die Geister
Sein allgeltend Bildnis ein.

Reposez en paix dans les bras de votre Sauveur, ce sont des bras d'amour. Il continuera à les étendre sur la chère Maison de Strasbourg pour la bénir et la protéger.
Plusieurs chers amis ont été rappelés récemment. M. Dändliker, M. le docteur Sick. Ces âmes qui nous ont devancés sont de puissants aimants qui nous attirent En-Haut. Vous allez pouvoir les suivre, chère Soeur Sophie. Puissions-nous nous retrouver tous là-bas et mêler nos voix à l'Alléluia de l'Église triomphante.

Encore quelques semaines et j'aurai atteint la limite d'âge que le Psalmiste assigne aux "plus vigoureux". La fin ne saurait tarder.
En attendant nous voulons nous souvenir les uns des autres et accompagner en priant ceux qui vont entrer au port.

Dans l'espérance d'un joyeux revoir auprès de Celui qui est le Seigneur et Maître de tous les enfants de Dieu, je vous recommande à sa grâce et à l'efficace de son sang.

Votre compagnon de pèlerinage et frère en la foi.
HOFFMANN.

Le même soir, voyant son amie craintive, Soeur Sophie lui disait doucement : "Chérie, si le Seigneur venait cette nuit pendant mon sommeil, tu te souviendrais que c'est la plus grande grâce qu'Il pourrait me faire."

Lundi, 26 décembre. "Hier au soir je lui ai dit : Nous avons de nouveau à rendre grâces ! Te souviens-tu, quand nous étions jeunes, comme tu aimais ce passage : « Celui qui sacrifie la louange me glorifiera. » - Certes je m'en souviens, dit-elle, mais maintenant je pense à un autre passage : « La louange sera continuellement dans ma bouche." Ce sera pour le ciel et un peu sur la terre par sa grâce."

Aujourd'hui, oh ! qu'elle est faible, qu'elle a froid, qu'elle est oppressée ! mais toujours elle-même ! Ce matin, dès qu'elle s'est retrouvée un peu, elle a demandé les livres de textes de son frère et de ses soeurs pour y écrire leurs noms et un passage. Mais que c'était douloureux ! Elle récrivait toujours la même lettre sans s'en apercevoir et savait pourtant parfaitement ce qu'elle désirait écrire. Ce sera un souvenir bien poignant pour M. de Pury ; j'ai dû lui conduire la main pour les autres.

Ce même jour, la veille de Noël, Soeur Sophie envoyait à ses Soeurs de Strasbourg le télégramme : "Noël béni !" et le Bon-Pasteur lui répondait par le passage. Es. 60, 20. « L'Éternel sera pour toi une lumière éternelle, et les jours de ton deuil seront finis. »

Noël 1900.
"Hier nous croyions que notre chérie partirait peut-être aujourd'hui, mais il n'y a guère de changement, et notre douce malade restera encore un peu avec nous. Elle était si faible, que depuis onze heures du matin elle n'a plus ouvert les yeux jusqu'au soir. Elle n'a pas entendu les cloches de Noël qu'on a sonné au-dessus d'elle (Le Temple et la cure se trouvent sous le même toit) pour la grande fête de famille à l'église, mais elle a perçu les chants lointains des enfants, que nous entendions à peine, et elle a cru entendre les anges. Elle a écouté avec ravissement et nous a raconté ensuite combien c'était beau. Puis la faiblesse l'a reprise, elle a demandé à nous faire ses adieux. La nuit a été plutôt bonne, et aujourd'hui notre pauvre bien-aimée est encore là, mourante, mais vivante ! Elle reste si délicieusement bonne !

Ce matin de nouveau elle nous a demandé si tendrement pardon et ne pouvait se consoler de nous avoir alarmées en gémissant ! Les chères dépêches sont arrivées hier au soir après le chant des anges, et elles lui ont fait tant plaisir. Plus tard, quand elle était de nouveau un peu absente, elle répétait : "Montrez-moi encore les beaux cadeaux que j'ai reçus !" et on lui répétait les passages. Quand je lui ai dit cette nuit : "C'est Noël !" elle m'a répondu : "Quel jour de bonheur !" Et vraiment elle a gardé aujourd'hui une si douce expression de bonheur sur son visage amaigri ! Mlle de Pury pense que le Seigneur viendra quand M. de Pury sera prêt avec ses catéchumènes, il les reçoit en ce moment ; il a été bien occupé pas eux tous ces temps ! On a chanté hier au soir : « Stille Nacht, heil'ge Nacht », (Douce nuit, sainte nuit !) elle l'a trouvé si beau ! Nous avons une radieuse journée de Noël après bien des jours de brouillard, j'en suis si contente pour notre malade, qui aime tant le soleil."

Mercredi, 26 décembre, Soeur Sophie dictait encore un message pour ses Soeurs :
"Je les remercie toutes, disait-elle, pour leur fidèle affection, je les bénis, je les prie de continuer à me soutenir jusqu'au bout. J'ai besoin du Seigneur Jésus tout entier, et je suis triste de ne pas leur avoir dit assez combien Jésus est bon !"

Jeudi, 27 décembre, on la crut mourante. De dix heures jusque vers deux heures, dit Soeur Sophie Baquol, elle était couchée les yeux fermés, d'une pâleur livide, avec un pouls si faible que le docteur a cru aussi qu'elle allait mourir. À deux heures notre chérie a rouvert les yeux et a demandé un peu de soupe, tout en s'étonnant d'être encore ici. Puis la tristesse est venue, elle s'est souvenue que nous l'entourions tous ce matin et qu'elle croyait partir. Alors elle s'est demandé si le Seigneur veut lui dire quelque chose qu'elle ne parvient pas à comprendre ... et elle a un peu pleuré ! Oh ! ces pleurs des mourants ! Mad. Barrelet lui a dit que le Seigneur nous l'a prêtée encore pour une toute petite visite (et notre chérie a souri si délicieusement), et que pour sûr, sa demeure au ciel est déjà prête, que ses bien-aimés l'attendent et que le Seigneur Jésus, qui a tout préparé, ne tardera plus du tout maintenant à venir la chercher. Je lui ai répété les deux passages des dépêches, et de nouveau ils l'ont infiniment réjouie et restaurée.

L'attente se prolongeait douloureusement, mais la patience de notre Mère bien-aimée ne se démentait pas. "Malgré tout, écrivait Soeur Sophie Baquol le 28 décembre, malgré cette soif du départ, il fait si bon auprès de notre bien-aimée, ou sent son Sauveur si près d'elle, on voit son secours de tous les instants ! Jamais une plainte, jamais un mot d'impatience. Nos mouvements sont souvent bien maladroits. Elle a alors parfois la force d'en rire si gentiment, et son exquise politesse ne lui fait jamais défaut ; cela fait mal quand elle s'excuse pour des choses dont elle ne peut absolument rien. Et ses reconnaissants mercis pour de petits services qui vont de soi ! - N'est-ce pas, vous aiderez à prier pour que Jésus vienne bientôt chercher sa brebis fatiguée ? Je passerai cette nuit auprès d'elle, elle espère que le Seigneur viendra, mais rien d'extérieur ne nous le dit."

Samedi, 29 décembre. "Que de fois elle m'a dit cette nuit : "Crois-tu qu'Il viendra ? je n'ai rien du tout à Lui apporter, rien que mes péchés que je Lui ai confessés et qu'Il ma pardonnés, je le sais. Je sais qu'Il ne demande rien d'autre, ce bon Sauveur - et quand Il viendra, pourrai-je aller ?"

- Je lui ai répété combien nous demandons avec elle qu'Il vienne, qu'Il la prenne dans ses bras et la porte dans son royaume, où tout est paix et joie, où sa mère chérie, son frère, sa soeur l'attentent et se réjouissent - et elle souriait si joliment, si doucement en m'écoutant. Puis nous avons parlé de la ville de Dieu, dont il est dit des choses glorieuses." Pendant que je t'écris, elle ne cesse de prier tout bas, et j'entends comme elle dit : "Ami fidèle, mon ami !" - Oh ! Il l'est, et elle est son amie choisie, éprouvée et si précieuse ! "Jésus, s'il te plaît, aide-moi, oh ! aide-moi !" dit-elle en ce moment.

Cette nuit, dans l'ombre, je voyais comme de sa main encore un peu valide, elle cherchait la pauvre main enflée et paralysée, et les joignait avec effort et les élevait vers Dieu. "Si tu trouves bon de me faire encore souffrir, disait-elle, c'est égal, pourvu que tu continues à me tenir dans ta bonne main !"

Oh ! notre chérie, notre trésor ! Que ne pouvez-vous la voir, si paisible et pourtant si désireuse d'être délivrée. "S'il te plaît, cher Jésus, ne me laisse pas ! Jésus, Ami fidèle, achève tout dans ta grâce, je ne vis que par ta grâce !"

Samedi, 30 décembre. Elle m'a raconté comme son frère lui a fait du bien en l'exhortant à se tenir toute tranquille dans la volonté du Seigneur, prête à aller, prête à rester encore un peu. Ce soir je lui ai rappelé le cher petit verset :

Quand tu conduis comme en rêve
Par les portes de la mort,
Libres nous prenons l'essor...
 
Du kannst durch des Todes Türen
Träutnend führen
Und machst uns auf einmal frei.

Oh! si Jésus voulait le lui donner. Son cher visage resplendissait de joie à cette pensée. Elle est si parfaitement humble et demande qu'on lui aide à prier pour que le Seigneur la purifie complètement et qu'Il puisse la prendre à Lui. De quel ton douloureux n'a-t-elle pas dit ce matin à Mlle de Pury : "Julie, le Seigneur n'est pas venu !" Et sa soeur lui a raconté si joliment une arrivée à Monlézi : il pleuvait à verse, les prés n'étaient pas fauchés et les herbes si hautes qu'elles lui mouillait le visage, à elle, fillette de quatre ans. Elle disait à sa mère : "Je ne puis plus avancer", et sa mère la tenait plus ferme par la main et l'encourageait en lui rappelant qu'on allait à Monlézi, leur paradis terrestre. - Puis de nouveau les herbes mouillées l'empêchaient de marcher, et sa mère lui disait : "Encore quelques pas, et nous y seront !" Et enfin on y est arrivé ! Grittelet, la vieille bonne, était là, une bonne chaude réception les attendait, et les fatigues du voyage étaient oubliées ! - Cette petite histoire a rafraîchi notre bien-aimée, on peut si facilement la consoler, l'intéresser, pourvu qu'on lui parle du ciel et de son Sauveur. "

Elle vit encore l'aube du nouveau siècle, elle put encore se réjouir des bons messages qu'on lui envoya, et de toutes ces consolantes promesses, celle qui fit le plus de bien à son coeur, ce fut ce beau passage : « Je reviendrai et je vous prendrai avec Moi. »

Et le moment tant désiré n'était pas loin. Ce fut dans la nuit du 4 au 5 janvier que le Seigneur vint la délivrer. Pendant les derniers jours elle suppliait encore le Seigneur de lui montrer les péchés qu'elle n'avait pas encore reconnus et confessés, pour qu'Il les lui pardonne, afin d'être prête à partir.

"Maintenant, écrit Soeur Sophie Baquol, le matin du 5 janvier, elle repose sur son lit de douleur, la joie et l'allégresse se sont approchées, la douleur et le gémissement se sont enfuis ! Elle a encore tant, tant souffert physiquement, elle a appelé si souvent son fidèle Ami, le Seigneur Jésus, mais ce n'étaient plus de douloureux appels, elle a été paisible tout le jour et souriante si souvent. Elle a même souri à la neige, au beau ciel bleu ! et quel céleste sourire illuminait son cher visage quand on lui disait un passage de la Bible !

M. de Pury et le docteur disent que, sauf quelques moments de lutte, c'était une douce agonie. Je crois qu'elle a bientôt perdu connaissance, elle n'a rien dit que de temps en temps un "oui" si doux, et je suis sûre que c'était parce que son frère lui avait dit qu'elle était dans la volonté du Seigneur en attendant paisiblement son heure - elle le disait à Dieu avec un si beau sourire et un tel abandon. Et quand Mad. Barrelet lui a dit que peut-être le Seigneur viendrait avant la fin de la journée la chercher, elle a plusieurs fois répété avec extase : "Cet après-midi ! cet après-midi !"

Depuis avant-hier elle a toujours eu plus de 128 pulsations et tout son pauvre corps était douloureux ; la nuit passée pourtant a été si bonne. Elle avait un peu de délire, mais elle était si délicieusement gracieuse, elle m'a tendu plusieurs fois la main en me disant une de ses chères vieilles tendresses et en me demandant comment j'allais, elle allait si bien !

Quelle bonté de Dieu que notre douce chérie ne soit pas partie avant-hier, nous aurions toujours entendu ses plaintes ! - Tout le monde est resté réuni autour de son lit, M. de Pury a prié, et au moment de la mort, il a béni sa soeur bien-aimée en remerciant le Seigneur de ce que cette chérie a été, de ce que dès son enfance elle lui a appartenu, et de ce qu'Il lui a donné de faire du bien et de réjouir tant de coeurs ! - Oui, elle a fait du bien, elle n'a fait que cela sur la terre ! Et comme elle s'est fidèlement préparée à la rencontre de son Dieu, comme elle avait peur d'un péché non reconnu et non confessé, comme elle a cherché le pardon ! Oh ! ses prières, mon coeur en est encore tout plein ! Encore hier, comme elle a supplié le Seigneur de la sanctifier plus complètement ! Oh ! que je suis heureuse de penser qu'elle est dans son repos auprès de son Maître tant aimé - mais comme elle a souffert !

Je voudrais que vous vissiez comme elle est belle, paisible et recueillie, au-delà de toute expression, elle semble tout entourée d'une atmosphère de pureté, de sainteté, de prière ! Elle fait dire aux Soeurs qu'elle se réjouit de les retrouver Là-Haut toutes, toutes ! Elle était toute triste de ne pas l'avoir ajouté à sa dernière lettre, cela lui paraissait mal ! Il faudra avoir la bonté de le dire quand on parlera d'elle, cela lui tenait tant à coeur. Elle remerciait tant aussi pour les témoignages d'affection qu'elle recevait. J'ai écrit bien des lettres, mais je ne pouvais tout fournir. Vous ai-je dit qu'elle m'a dit ces derniers jours : Quant à l'oppression, je respirerai tout juste comme Il voudra, et tout ira bien !"

- Maintenant elle contemple son Sauveur, dans la paix, dans la joie, "elle sait pourquoi elle a dû tant souffrir, tant attendre".

Le lundi suivant, 7 janvier, l'église des Ponts voyait dans ses murs une grande famille en deuil. C'était la parenté immédiate de notre Mère, les enfants, les diaconesses venues de près et de loin pour accompagner sa chère dépouille, et les paroissiens de M. de Pury qui avaient suivi avec une sympathie toujours en éveil toutes les péripéties de cette longue maladie ; et tous écoutaient dans le plus profond recueillement les paroles de regret, de consolation, mais aussi d'actions de grâce prononcées par MM. les pasteurs Robert Tissot de Neuchâtel, Borel-Girard de La Chaux-de-Fonds, Zäslin et Stricker de Strasbourg, lesquels rendaient à notre Soeur Sophie ce témoignage unanime : "Le pèlerinage terrestre de celle que nous pleurons se résume en ces trois mots ; Amour et fidélité dans l'humilité", et M. Borel-Girard termina par une série de textes qui mettent en lumière d'une façon saisissante les phases successives de cette vie cachée avec Christ en Dieu.

« Heureuse est celle qui a cru ; car les choses qui lui ont été dites de la part du Seigneur auront leur accomplissement (Luc. 1, 45).

Parle, parle, Seigneur, car j'écoute (1 Sam. 3, 10).

Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis, afin que vous alliez et que vous portiez du fruit et que votre fruit soit permanent (Jean 15, 16).

Le fruit de l'Esprit consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité (Ephés. 5, 9).

La pureté incorruptible d'un esprit doux et paisible est d'un grand prix devant Dieu (l. Pierre 3, 4).

Ma vie ne m'est point précieuse, pourvu que j'achève avec joie ma course et le ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus, pour rendre témoignage à l'Évangile de la grâce de Dieu (Act. 20, 24).

En effet, aucun de nous ne vit pour soi-même, et aucun de nous ne meurt pour soi-même (Rom. 14, 7).

Nous avons connu la charité en ce que Jésus-Christ a mis sa vie pour nous ; nous devons donc aussi mettre notre vie pour nos frères (l. Jean 3, 16).

Celui qui aura conservé sa vie la perdra ; mais celui qui aura perdu sa vie à cause de moi la retrouvera (Matth. 10, 39).

Je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu (Act. 7, 56).

J'ai obtenu, miséricorde (l. Tim. 1. 16).

Au Roi des siècles, immortel, invisible, à Dieu, seul sage, soient honneur et gloire aux siècles des siècles ! Amen. »


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