AU SERVICE
DU MAÎTRE
Soeur Sophie
de Pury
« Consécration de mon
être entier au Seigneur. »
O Seigneur, mon Dieu et mon Sauveur ! il y
a longtemps que j'ai soif de t'appartenir plus
complètement, entièrement, tout de
bon, Seigneur ! Je suis jalouse de
posséder aussi les grâces excellentes
que Tu répands dans le coeur de beaucoup de
tes enfants dans ce temps-ci : Tu
leur fais éprouver que Tu
peux les sanctifier aussi bien que Tu les as
pardonnés et justifiés ; Tu leur
fais goûter une paix complète, une
grande joie et Tu dissipes tout à fait les
ténèbres spirituelles dans lesquelles
nous errons si souvent. Ta volonté leur
devient en tout temps facile, le
péché n'a plus d'attraits pour eux,
ils marchent dans la lumière, comme Tu es
Toi-même dans la lumière.
O Seigneur ! cette grâce immense,
donne-la moi aussi ! Mais le premier pas pour
y parvenir, c'est la consécration
entière de mon être à Toi. Mon
Dieu, pourquoi ai-je renvoyé si longtemps
à le faire ! J'ai eu peur du sacrifice
. . . . . j'ai oublié que quand Tu nous
dis : donne-moi à boire ! c'est
que Tu veux nous donner infiniment plus, c'est que
Tu veux verser en nous des flots d'eau vive,
capables de nous désaltérer jusqu'en
vie éternelle.
Mon Sauveur, Tu sais que dimanche dernier,
au sortir de notre conférence, à 5
heures du soir, je me suis enfin
décidée à Te dire : Me
voici, je veux être à Toi
entièrement, maintenant, oui maintenant, et
pas plus tard. Reçois-moi dans ton alliance,
dans ton intime alliance, ô Jésus, et
aide-moi à dire, à croire : Mon
Bien-aimé est à moi, et moi, je suis
à Lui ! - Seigneur, mon Dieu, je te
bénis de ce que Tu m'as accordé
l'immense grâce de me consacrer à Toi
solennellement, tellement que je puis me
répéter : Ce n'est plus à
moi-même que j'appartiens, mais à Dieu
qui m'a rachetée. Et c'est afin que cette
grâce et cette assurance soient toujours
vivantes dans mon coeur que je viens solennellement
par écrit Te le répéter
encore.
Mon Sauveur, Tu le sais, j'espérais
que par cette consécration
j'éprouverais beaucoup de joie, que je
sentirais une vie toute nouvelle, un amour fervent
pour Toi. - Tu n'as pas jugé bon de me le
donner ainsi ; il paraît que Tu trouves
nécessaire de me faire marcher par la foi
simple et nue . . . . . si telle est Ta
volonté, mon Dieu, je le veux bien - pourvu
que cette foi simple et nue soit forte en Toi,
enracinée en Toi, et qu'elle ne me fasse
jamais défaut - d'ailleurs un jour Tu me le
donneras, la joie viendra - il s'agit maintenant
d'obéir. Et puis, mon Sauveur et mon Ami,
j'ai pourtant à Te bénir de toute mon
âme de ce que depuis ce moment de ma
consécration complète j'ai cependant
goûté Ta paix, et Ta paix m'a
fortifiée et rendue heureuse au travers de
mes journées si remplies par tant de choses
et de difficultés. Tu es infiniment bon,
Jésus ! la première, la grande,
peut-être l'unique grâce que je Te
demande encore, c'est que Tu veuilles
répandre Ton amour dans mon coeur -
oh ! j'en ai soif, Jésus ! il faut
que je T'aime tout de bon, de toute mon âme,
et cela me suffira. Je sais que de Ton amour
découlera l'amour pour mes frères,
pour mes soeurs dans la foi. Et plus je les
aimerai, plus Ton amour augmentera encore en
moi.
Seigneur, je compte sur Ta
fidélité !
Amen !
Strasbourg, Mardi, le 20
octobre 1874.
à 11 heures du
soir.
Ruines du Staufenberg dans la
forêt. 17 mai 1877.
O Jésus, Tu le sais ! c'est avec
confusion et avec repentance que j'ai relu devant
Toi cette consécration que je Te fis de mon
être entier, il y a deux ans et demi. - Ce
qui m'humilie le plus, Seigneur, c'est
qu'après T'avoir tant dit que c'est Ton
amour dont mon coeur a soif, je me retrouve
aujourd'hui avec le même coeur vide,
hélas ! de Ton amour ! mais je
voudrais T'aimer ! oui, Tu le sais, c'est le
cri de mon coeur ; et maintenant, ô
bien-aimé Sauveur, maintenant que Tu m'as
permis de renouveler mon alliance avec Toi,
maintenant que Tu m'as reçue et
consacrée de nouveau solennellement à
Toi, maintenant, ô Jésus, j'attends de
Ta grâce que Tu répandes en moi Ton
amour par Ton Saint-Esprit. C'est là ma
prière, ô Père, ô Fils,
ô Saint-Esprit. Amen !
« Or l'espérance ne confond
point, parce que l'amour de Dieu a
été répandu dans nos coeurs
par le Saint-Esprit qui nous a été
donné. » Romains 5.
Soulzbach, 24 juin 1881.
N'importe, n'importe, n'importe !
Je suis assurée que ni la mort, ni la
vie ..... ni aucune puissance . . . . . ne me
séparera de l'amour que Dieu m'a
témoigné en Jésus-Christ mon
Seigneur !
J'élève mes yeux vers les
montagnes d'où me vient le
secours.
Tu m'as fait diminuer, mon Dieu, pendant ces
années, Tu m'as fait diminuer, merci mon
Dieu ; pourvu que Toi Tu aies grandi !
Augmente ma foi ! Toi, tout ; moi, rien.
31 août 1884.
Cinquante ans ! Mon Dieu, j'ai honte, je
suis trop confuse pour élever ma face vers
Toi ! Mais je crie, je crie ;
réponds-moi, mon Dieu et mon Sauveur !
- O Seigneur, lave et relave avec soin
- De mon péché la tache si
profonde,
- Et fais-moi grâce en ce pressant
besoin
- Sur Ta bonté tout mon espoir se
fonde
Ton amour, ô Jésus, j'en ai soif,
Tu le sais. Quand viendras-Tu ? Mon coeur
restera toujours un vieux coeur souillé par
le péché - mais, Tu as la victoire
sur ce coeur, Seigneur, il t'appartient. Merci pour
Ta grâce infinie pendant ce
demi-siècle, mon Dieu, et continue !
Mon passé : Réparateur des
brèches !
Mon avenir : Destructeur des
obstacles !
et puis, au bout, la vie éternelle par
Jésus-Christ, mon Seigneur et mon
Sauveur ! »
Ce fut tout spécialement dans son
ministère de Mère des novices que
notre Soeur déploya une activité
bénie. Elle s'y révéla comme
une admirable éducatrice, une directrice
dans le sens le plus profond et
le plus idéal du mot ; car elle
dirigeait non seulement fidèlement et
consciencieusement l'éducation pratique des
jeunes Soeurs, mais encore par son exemple, ses
paroles, par l'influence de sa seule
personnalité et l'atmosphère qui
l'entourait, elle dirigeait leurs pensées,
leurs aspirations vers les choses qui sont En-Haut.
Sa seule présence exerçait une
influence qui sanctifiait et préservait du
mal, imposait aux unes une réserve
salutaire, ranimait chez d'autres les
énergies latentes, réveillait ce
qu'il y avait de meilleur en chacune et
exerçait une discipline foncièrement
éducatrice.
Se rencontrer avec elle, n'importe
où, c'était être remise en face
de Celui qui sonde les coeurs, en face du but vers
lequel il s'agit de tendre, en face des choses
éternelles. Elle faisait luire le soleil de
son affection, une affection si sincère, si
profondément vraie, sur toutes ses enfants
sans distinction. Si jamais elle eut une
préférence, elle s'est gardée
de la trahir : toutes participaient
également à ce festin de tendresse,
chacune se sentait entourée auprès
d'elle d'une sainte affection, qui avait pour objet
son âme, d'un amour qui intercédait
pour elle devant le trône de grâce, de
la charité qui croit tout, qui espère
tout, qui supporte tout. Lorsqu'on venait à
elle, le coeur gros de quelque récent
déboire, pleine du sentiment d'avoir
été lésée dans ses
droits, ah ! comme toutes les revendications,
qui semblaient si fondées tout à
l'heure, paraissaient exagérées,
toutes les choses étroites, mesquines,
égoïstes, déraisonnables vous
apparaissaient dans tout leur néant, on
respirait auprès d'elle l'air
des hauteurs éternelles,
on voyait les choses à la lumière
d'En-Haut.
Et cependant, comme elle était
accueillante et maternelle, comme on se sentait au
large avec elle, comme on pouvait tout lui
dire ! Ce qui attirait à elle les
jeunes âmes assoiffées d'idéal,
c'était aussi un parfum de poésie qui
se dégageait de sa personne, une
poésie céleste, divine, qui
s'inspirait d'En-Haut. Et puis, les jours de
fête, quand elle présidait la table du
festin, quelle grâce, quelle douce et
gentille malice, quels jolis petits discours en
allemand ! tout ce qu'elle disait était
aimable et spirituel, assaisonné de ce sel
que nous recommande l'apôtre, sans jamais se
départir de cette simplicité et de
cette humilité qui étaient les traits
distinctifs de son caractère.
Aux heures de recueillement elle
était elle-même le recueillement
incarné ; quelle expression de profonde
concentration sur cette chère figure !
Les paupières baissées, elle semblait
inaccessible à tout ce qui pouvait
l'approcher du dehors. Et que sa prière
était bienfaisante ! sous une grande
sobriété de langage on sentait une
force contenue, qui vous émouvait
profondément. Des personnes qui se sont
rencontrées fortuitement avec elle pour de
courts instants ont assuré avoir eu comme
une sensation physique de la sainteté qui
était en elle, et les jeunes âmes qui
regardaient à elle avec une
généreuse admiration étaient
unanimes à la déclarer
impeccable.
Ce n'est pas une tâche facile que de
former des diaconesses. Combien de jeunes filles
entrent dans l'Oeuvre sans avoir la plus faible
idée de ce à quoi tend
l'éducation qu'elles se
croient prêtes à
subir. Elles voudraient offrir leur aide à
l'humanité souffrante et ne se rendent pas
compte, qu'il importe avant tout de se laisser
aider par Celui qui est venu pour servir et pour
donner sa vie pour notre rançon. Il s'agit,
pour ces âmes, de découvrir que ce qui
leur manque est la condition primordiale d'une vie
au service du Maître, et Dieu seul peut leur
ouvrir l'entendement à cet égard.
Mais à côté de la seule chose
nécessaire, indispensable à la
diaconesse, il y a bien des choses d'utilité
secondaire, qu'une éducation
appropriée peut contribuer à mettre
à leur portée. Combien d'entre elles
sont plus ou moins dépourvues de culture, et
elles ne tardent pas à s'en apercevoir au
contact des Soeurs. Soeur Sophie s'entendait d'une
façon magistrale à faire leur
éducation. Sans doute, il ne lui avait pas
été facile, dans les débuts,
d'enseigner à d'autres ce qui lui
était inné ou, du moins, ce qui lui
avait été inculqué sans
qu'elle s'en doutât, mais elle s'y
était appliquée de tout son coeur et
avait soigneusement pris note des
expériences faites dans ce domaine. Elle
faisait à ses jeunes Soeurs un cours de
bonnes manières au point de vue
chrétien. Elle avait coutume de dire :
"Je suis sûre que le Seigneur Jésus,
pendant son ministère terrestre, a
été le plus parfait gentilhomme. "
Le savoir-vivre qu'elle cherchait à
leur inculquer se distinguait de celui qui a cours
dans le monde en ceci, qu'au lieu d'être
basé sur des prescriptions plus ou moins
arbitraires, qui souvent ne tendent qu'à
déguiser l'égoïsme et à
satisfaire l'amour-propre, il était fait de
renoncement à soi-même et
d'égards pour les autres,
c'était cette politesse du coeur, dont les
statuts ont été énoncés
par St. Paul
(1. Cor. 13), que lui-même a si
bien mis en pratique dans son épître
à Philémon, et dont notre
chère Soeur Sophie était à
tout moment une illustration des plus
sympathiques.
Afin d'éveiller et de
développer chez les jeunes Soeurs le sens de
la fidélité dans les plus petites
choses, de la véracité, de la
discrétion, de l'humilité, elle avait
composé à leur intention une
série de récits traitant des
expériences pratiques d'une Soeur
Mélanie, nom choisi par elle tout
exprès pour ne froisser aucune
susceptibilité, puisqu'il ne figurait pas
sur la liste des Soeurs
Elle excellait à dépeindre
avec une finesse de touche, une profondeur et une
vivacité admirables les petites
négligences de Soeur Mélanie qui
amenaient une série innombrable de suites
fâcheuses, les ruses coupables qu'elle
inventait pour dissimuler de légers
méfaits, l'effet désastreux de ses
paroles inutiles, sa vie cachée toute
confite en adulation de son petit Moi, dont elle
faisait le centre de l'univers, et en analysant
ainsi de main de maître le coeur humain si
retors et si compliqué, elle
présentait avec une grâce charmante
à ses auditrices un miroir où les
âmes droites se reconnaissaient non sans
effroi et dont la fidélité
incontestable leur fut en
bénédiction.
Nous faisons suivre ici quelques lettres qui
nous montrent de quel amour saint et profond notre
Soeur Sophie aimait les âmes que le Seigneur
lui avait plus particulièrement
confiées. La première est
datée de 1862:
« Il est probable que le moment
viendra tôt ou tard, où il faudra nous
quitter. Si les chrétiens sont
appelés comme leur Maître à
être errants et voyageurs ici-bas, les
diaconesses le sont d'une manière plus
directe encore et pour elles « il n'est
point de cité permanente».
Je ne pourrais te quitter, sans t'avoir
adressé comme adieu quelques conseils que me
dictent mon affection pour toi et mon ardent
désir de te voir heureuse en ton Sauveur. Je
bénis, je bénis de tout mon coeur le
Seigneur de ce qu'Il a déjà fait pour
toi, j'ai la ferme assurance qu'Il achèvera
tout ce qui te concerne et que son Esprit Saint
prendra un soin jaloux de ton coeur. «C'est
Lui qui ouvre, et personne ne ferme».
Écoute, écoute bien cette voix
de l'Esprit, prête-Lui une oreille attentive,
que ton âme prenne garde à ses doux
avertissements, afin qu'Il n'ait jamais besoin
d'user d'une sévère discipline
à ton égard. Cet Esprit Saint t'a
enseigné bien des choses déjà
depuis ton enfance, mais tu es à une
école toute nouvelle, remplie
d'expériences nouvelles, ne te
décourage pas, si parfois il te semble
n'avoir rien appris encore, ne rien savoir encore,
cela t'est bon, cela te fera devenir petite et
misérable, cela te fera avancer. Plus nous
sommes petits, plus Jésus est grand.
« Il faut qu'Il croisse et que je
diminue. "
(Jean 3, 30.)
Rappelle-toi sans cesse que nous avons tout
pleinement en Lui et que dans son service Il nous
donne les dons et les capacités
nécessaires tant dans le domaine du
matériel que dans celui du spirituel. La
grande affaire consiste à
être assurés que
nous sommes où Il veut que nous
soyons ; avec cette assurance on peut aller en
avant.
Dans toutes les difficultés, grandes
et petites, ne te lasse pas d'aller à
Jésus, qu'il soit ton conseiller et ton
intime ami, qu'Il soit ta Sagesse et ton Espoir,
confie-Lui ce que tu n'oserais confier à
personne, tant la chose te paraît indigne, et
pourtant, si pour toi elle te tient à coeur,
il en est de même pour Jésus, qui
compte les cheveux de notre tête.
Apprends, ma Soeur chérie, apprends
toujours, partout et pour tout à voir la
main, la volonté de ton Dieu. Ne regarde les
hommes que comme des instruments, quelle que soit
la tâche qui te sera donnée,
l'entourage avec lequel tu auras à vivre,
vois en toutes choses la volonté du
Seigneur. Tu t'épargneras ainsi bien des
douleurs, bien des amertumes, bien des
péchés, et tu pourras facilement te
plier et accepter quoi que ce soit qui soit
demandé de toi. Applique-toi de tout ton
coeur à l'ouvrage, n'importe lequel, et ce
qui peut te paraître aride, insignifiant ou
sans but te deviendra intéressant, utile et
même cher. Sois fidèle dans les
petites choses, quand bien-même ce ne serait
que ramasser une épingle tombée,
fermer une porte ou enlever la poussière
d'un meuble. Ne te dis jamais que tu serais faite
pour quelque chose de mieux que ce que tu as
à faire, que l'on méconnaît tes
capacités - Jésus les connaît,
Jésus sait ce qu'il te faut, Jésus
conduit les coeurs comme il Lui plaît. Il a
en vue ton éducation, et il te
développera en te conduisant par la
vallée de
l'humilité.
Et puis, n'oublie pas que ton bonheur et ta
paix ne dépendent pas des circonstances
extérieures, mais bien des sentiments et des
dispositions intérieures ; si l'on
porte Jésus avec soi dans son coeur, le lieu
le plus sombre comme l'occupation la plus ingrate
sont transformés et embellis.
Ai-je encore besoin de recommander à
tes pensées, à ton imagination de ne
pas s'égarer loin du présent, de la
réalité, pour aller se perdre dans
les souvenirs du passé ... ? tu en as
compris les dangers, ma chérie, et tu les
combats.
Veille et prie, sois attentive à tes
péchés dominants, combats-les avec
ardeur, mais ne crois pas que parce que tu as
vaincu une fois, tu remporteras toujours la
victoire ; quand tu auras fait une chute ne te
désole pas loin de Jésus, mais cours
à Lui, dis-le Lui, tu recevras avec son
pardon, une force nouvelle, et tu reprendras les
armes, plus humble et plus aimante - et cette perte
te sera un grand gain.
Enfin, oubliant les choses qui sont
derrière toi et t'avançant vers
celles qui sont devant toi, cours vers le but, vers
le prix de ta vocation céleste de Dieu en
Jésus-Christ. En avant, en avant !
L'Éternel te bénisse et te
garde, ma Soeur aimée, l'Éternel
fasse luire sa face sur toi et te soit propice,
l'Éternel tourne son visage vers toi et te
donne sa paix. Que le nom du Dieu de Jacob te mette
en une haute retraite. "
TA SOPHIE.
En 1867 elle écrivait à la
même Soeur à l'occasion de sa
consécration :
«Que la grâce, la
miséricorde et la paix de la part de Dieu
notre Père et de la part de notre Seigneur
Jésus-Christ te soient données et
multipliées par la communication de
l'Esprit.
Te voilà arrivée à
l'acte le plus solennel de ta vie de diaconesse,
mon enfant bien-aimée, oh ! puisses-tu
te consacrer à ton Dieu, Lui donner tout, Le
choisissant pour ta portion pour le temps et pour
l'éternité. La vie est
sérieuse, elle est courte, il ne vaut la
peine de vivre que pour Celui qui nous a
aimés, nous voulons tenir ceci pour certain
que si Lui est mort pour tous, tous aussi sont
morts, et qu'Il est mort pour tous, afin que ceux
qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes,
mais pour Celui qui est mort et ressuscité
pour eux. - Mais qui est suffisant pour ces
choses ? C'est que nous avons notre
trésor dans des vases de terre, afin que
l'excellence de cette force soit de Dieu et non pas
de nous.
Il n'est pas nécessaire que je te
dise tout ce que mon coeur sent pour toi et tout ce
qu'il demande en ce jour à l'Auteur de toute
grâce excellente et de tout don parfait.
Qu'Il te rende de plus en plus participante de son
don inexprimable, de Lui-même en toi, c'est
ma prière la plus ardente pour celle que
j'aime à nommer ma chère enfant dans
le Seigneur. Que notre affection mutuelle soit
cimentée par Lui et qu'elle contribue
à nous le faire aimer toujours davantage, et
qu'Il nous fasse puissamment éprouver
qu'avec son amour dans le coeur
nous pouvons tout supporter, tout accepter. Qu'Il
te conduise jusqu'à la fin de ta route, ma
Soeur chérie, Il t'a beaucoup aimée,
et son amour reste le même hier, aujourd'hui
et éternellement, qu'Il en soit
béni !"
Elle était une vraie mère en
Israël, et parce qu'elle pouvait dire en
vérité avec le psalmiste (Ps. 87,
7) : "Toutes mes sources sont en Toi", le
Seigneur avait pu faire d'elle une ouvrière
avec Dieu pour préparer les matériaux
de cette Maison à la direction de laquelle
elle devait bientôt être
appelée.
Le 31 octobre 1881 Soeur Sophie
célébrait son jubilé de 25
ans, et à cette occasion elle recevait de M.
le professeur Godet la lettre suivante :
Neuchâtel, octobre
1881.
MA CHÈRE
SOEUR,
J'apprends que c'est
demain que vous célébrez le
vingt-cinquième anniversaire de votre
entrée dans la carrière de
diaconesse. Ce qui se présentait alors
à vous dans l'obscurité de l'avenir,
vous pouvez le contempler maintenant en jetant un
regard en arrière dans la clarté d'un
beau passé. Si vous avez été
trompée, ç'a été en
beau. Le Seigneur a été pour vous et
a fait pour vous plus que tout ce que vous
demandiez et pensiez le jour où vous
fûtes reçue dans la maison qui est
devenue celle de votre seconde famille.
Que la joie la plus
sereine et la plus pure, celle de
la reconnaissance, remplisse votre coeur et fasse
de ce jour un jour tout éclairé de
l'Étoile du Matin, un prélude de la
joie des fidèles servantes à leur
entrée dans la maison de leur fidèle
et plus fidèle Maître ! Quelle ne
serait pas la joie de votre vénérable
mère, si elle pouvait partager avec vous les
douces émotions de ce jour. Celui qui est
venu pour rapprocher et réunir toutes
choses, tant celles qui sont au ciel que celles qui
sont sur la terre (Eph. 1, 10) saura y pourvoir. Il
a donné à Abraham de contempler
d'En-Haut le jour de sa venue sur la terre, Il
saura bien donner aussi à une tendre
mère le bonheur de contempler du ciel le
jour de la joie de son enfant.
« Réjouissez-vous
donc dans le Seigneur, je vous le dis encore :
Réjouissez-vous !" "Le sentier du juste
est comme la lumière resplendissante qui
augmente d'éclat jusqu'à ce que le
jour soit arrivé à sa perfection. "
(Prov. 4, 18.) Que le quart de siècle qui va
succéder à celui qui est maintenant
écoulé, réalise en plein cette
divine promesse ! Toutes les promesses de Dieu
sont oui en Jésus et amen en Lui.
»
Croyez à la
respectueuse affection de celui qui fut
peut-être le premier confident d'une
pensée maintenant déjà devenue
une vie ! Ses voeux vous accompagnent dans
cette seconde entrée comme ils vous
accompagnaient dans la première.
Mes amitiés
à tous les coeurs joyeux et aimants qui vous
entourent.
Votre
dévoué en Christ
F.
GODET.
Le 4 décembre 1887, Soeur Sophie fut
élue Soeur supérieure. Avant sa
consécration solennelle, qui eut lieu le 18,
elle prit un temps de retraite à Bade.
Après sa mort on trouva parmi ses papiers un
pli, daté du 16 décembre, avec
l'inscription : Pacte entre mon Dieu et moi.
Nous faisons suivre ici ce précieux document
qui nous permet de pénétrer dans le
sanctuaire intime de cette grande âme et nous
révèle les dispositions qui
l'animaient à ce moment décisif de sa
vie.
Mon Seigneur et mon Dieu,
C'est dans ma profonde indignité que je
viens à Toi ; mais Tu viens de me dire,
de me faire comprendre et sentir combien Tu m'as
aimée, Tu m'as rappelé vivement ton
abaissement, tes souffrances, tes humiliations, ton
abandon de Dieu, ta mort sur la croix, et tout cela
pour me sauver, moi aussi ! 0 mon
Sauveur ! tout mon coeur, toute mon âme
te bénissent et te louent. Que demandes-Tu
en retour ? Tu me veux toute entière
...... c'est un pauvre et misérable don que
je peux te faire, ô mon Dieu !
Quand je regarde en arrière, non
seulement depuis mon enfance, mais depuis le moment
où Tu m'as appelée à ton
service, ô Seigneur, que de
péchés ont souillé ma
conscience ! que de péchés qui
me font me voiler la face devant tes yeux trop purs
pour voir le mal ! Ma vie, Seigneur
Jésus, ma vie n'est qu'un long
péché, et elle a besoin d'être
plongée tout entière dans ton sang.
Fais-le Seigneur ! Oui, Tu l'as fait et je
t'en rends grâce mille et mille fois, et ce
ne sera pas trop de toute l'Éternité
pour te bénir et t'adorer.
- Puisque Tu m'as tant aimée, mon Dieu, il
est juste et raisonnable que je te donne tout en
retour. Tu veux bien te contenter de ma pauvre vie,
de mon pauvre coeur, Tu veux y faire ta demeure, Tu
veux y régner en vainqueur et disposer de
moi comme Tu le juges bon.
Qu'il en soit ainsi, mon Dieu-Sauveur !
merci de ta grâce infinie ! je
t'appartiens. Je ne me sens en sûreté
que cachée dans ton coeur. Même en ce
moment où je me consacre à Toi, je
sais, je sens que mon coeur est mauvais et que
l'ennemi de mon âme guette sa proie ;
entoure d'épines ce coeur pour qu'il ne
puisse pas t'échapper.
Et puisque Tu te plais, ô mon Dieu,
à te glorifier dans la faiblesse de tes
instruments, puisque Tu as bien voulu me choisir et
me donner une grande tâche dans ton service -
eh bien, Seigneur, j'accepte ! Ce qui fait ma
force et mon repos, c'est ma grande faiblesse,
c'est mon impuissance - cela te force, ô
Seigneur, à tout me donner, à tout
faire en moi ; je ne veux être qu'un
instrument docile dans ta main, un canal qui sert
à transmettre tes grâces et tes
bénédictions. Mon Dieu, remplis mon
coeur de ton amour ! mon Dieu, que pour moi
soit aussi la promesse pleine de grâce
céleste que Tu fais entendre par ton
prophète
Osée, chapitre II, 21 et
22.
Alors, avec cet amour dans le coeur, je
saurai aimer ce que Tu m'appelles à aimer
ici-bas - je saurai aimer mes Soeurs que Tu
m'appelles à diriger, hélas !
Seigneur, dans toute ma faiblesse ! Mais
l'amour est tout-puissant : si j'aime
véritablement, je serai rendue capable
d'accomplir ma tâche.
Fais-moi aimer, mon Dieu ! et
donne-moi, comme à Salomon, un coeur
intelligent pour conduire tout ce peuple.
Dans deux jours, ô mon Dieu, je
promettrai solennellement et devant toutes nos
Soeurs, d'obéir à ta voix et de
remplir fidèlement les devoirs de mon
nouveau ministère ; dans deux jours je
serai consacrée pour cette
tâche ! ô mon Sauveur, cette
promesse, cette consécration, que ce ne soit
que la ratification de la promesse que je te fais
maintenant, de la consécration que
Toi-même Tu veuilles bien me donner
maintenant dans le silence et la retraite.
Amen !
Écrit et prié à Bade,
le 16 décembre 1887. SOPHIE DE PURY,
servante du Seigneur.
En même temps elle adressait aux Soeurs la
circulaire suivante :
Mes bien-aimées Soeurs,
Nous pleurons encore sur la tombe de notre
chère et bienheureuse Soeur Louisa, nous
demandons encore : pourquoi, Seigneur ?
et déjà nous devons penser à
la remplacer et à rentrer dans l'ordre.
Vous avez bien voulu me choisir, et vous
n'avez pas craint de me charger de ce fardeau. Mes
chères Soeurs, c'est dans le profond
sentiment de ma misère que j'accepte cette
tâche. Je désire de toute mon
âme la remplir comme Dieu me le demande,
c'est-à-dire en me
déchargeant sur Lui de
toute responsabilité et en Lui demandant la
grâce de Le suivre fidèlement dans le
chemin de l'obéissance et de
l'humilité.
Je n'ai pas besoin de vous dire de m'aider,
mes chères Soeurs ; vous m'avez dit que
vous êtes toutes disposées à le
faire ; vous comprenez qu'en bien des choses,
il me sera plus difficile qu'à une autre de
suffire à cette tâche, et le coeur me
manque quand je regarde à moi-même.
Demandez donc à Jésus de
détourner mes regards de moi et de les fixer
invariablement sur Lui. Je demande à nos
Soeurs anciennes de m'aider de leurs conseils et de
leur expérience ; je demande aux jeunes
Soeurs de m'aider par leur obéissance et
leur fidélité dans les petites
choses ; je vous demande à toutes de
m'aider par votre intercession journalière.
Je veux le faire de mon côté pour
vous, et nous ne voulons avoir d'autre mobile que
celui de glorifier notre Dieu dans notre
faiblesse.
Ce que notre cher pasteur nous
écrivait dans la circulaire d'octobre
pendant la maladie de notre bien-aimée Soeur
Louisa, c'est encore maintenant qu'il faut le
réaliser ; notre mot d'ordre à
toutes doit être : Père, glorifie
ton nom ! - Notre vie journalière est
semée de beaucoup de difficultés,
mais elles seront plus facilement vaincues, elles
disparaîtront même en partie si nous
regardons toutes et toujours droit au but, nous
laissant dépouiller de notre moi et ne
voulant que glorifier notre Maître. Acceptons
comme Lui le chemin douloureux de la croix, c'est
le seul par lequel nous glorifions Dieu, et c'est
celui qui nous amène nous-mêmes
à la gloire.
Soyons fidèles à nous aimer,
et fidèles à prier les unes pour les
autres ; vous ne vous étonnerez pas,
mes bien chères Soeurs, si je vous demande
de me laisser chaque matin une heure au moins de
solitude avec Dieu, j'en aurai besoin pour
être d'autant plus fidèle à la
tâche qu'Il me donne auprès de
vous.
J'ai besoin de vous demander aussi, je
demande à toutes mes chères Soeurs de
ne pas craindre de me dire la vérité,
de me rendre attentive à mes manquements,
à mes erreurs, à mes fautes, je
tâcherai, avec l'aide de Dieu, d'en
être toujours reconnaissante, et j'examinerai
soigneusement devant Dieu en quoi j'aurai
manqué. À mon tour, vous me
permettrez de vous dire ce qui me paraîtra
n'être pas bien, et nous demanderons toutes
ensemble au Seigneur que Son Esprit de
vérité et de charité
règne au milieu de nous.
«Ayant purifié nos âmes en
obéissant à la vérité
pour avoir un amour fraternel sincère,
aimons-nous ardemment les uns les autres, de tout
notre coeur, puisque nous avons été
régénérés, non par une
semence corruptible, mais par une semence
incorruptible, par la parole vivante et permanente
de
Dieu."»1 Pierre 1, 22 et 23.
Votre Soeur Sophie.
Le jour de sa consécration comme Soeur
supérieure, Soeur Sophie recevait de M. F.
Godet la lettre suivante :
Neuchâtel, 17 décembre
1887.
MA CHÈRE SOEUR ET
AMIE,
En vous chargeant
aujourd'hui de la tâche qu'Il vous confie, le
Seigneur ne s'en décharge pas
Lui-même. Il y a entre vous et Lui le
même rapport qu'autrefois, quand Il
était sur la terre, entre Lui et son
Père. Le Père Lui montrait l'oeuvre
qu'Il voulait, et Jésus, entrant dans la
pensée du Père, l'exécutait
ici-bas avec Lui, pour Lui (Jean 5, 19-20) Jésus veut entrer dans la
même relation avec vous dans
l'accomplissement de la tâche qu'Il vous
confie. Il vous le dit Lui-même dans une
parole qui est une inépuisable promesse.
(Jean 6, 57.)
Je ne puis que vous
souhaiter dans ce jour de réaliser dans
l'accomplissement de votre mission
journalière le contenu de cette parole. Cela
exige en même temps que le revêtement
journalier de Christ, un constant
dépouillement de soi-même. Vous
êtes exercée dès longtemps
à ces deux actes, qui marchent de pair. Ils
vous deviendront plus habituels par l'accroissement
de la tâche et de la
responsabilité.
Si Monsieur Haerter,
ce vénérable père spirituel,
était encore là, il vous dirait un
mot comme mot d'ordre : servir ! servir
en dirigeant, servir en commandant, servir en
reprenant ... Le désir de servir et, par
là, de sauver, voilà l'âme de
la charge que vous confient les hommes, Cette
âme est le souffle de Dieu, la charité
qu'inspire l'Esprit.
Oh ! que comme
pour Jésus s'ouvrit le
ciel et descendit l'Esprit et
retentit intérieurement le témoignage
divin, vous aussi vous soyez fortifiée,
enrichie, bénie pour le Ministère
nouveau que vous allez commencer ! Tout ce que
le Seigneur a reçu, Il l'a reçu pour
nous en même temps que pour Lui.
Votre bien
affectionné
F. GODET.
Soeur Sophie se rendait compte de la grandeur et
des difficultés de l'oeuvre à
laquelle le Seigneur l'avait appelée, et
cependant, au moment de sa consécration
comme Soeur directrice, en réponse à
la question solennelle relative aux dispositions de
fidélité dans lesquelles elle
abordait sa tâche, elle ne se contenta pas de
prononcer les paroles prescrites :
« Oui, je promets de le faire avec l'aide
de Dieu », mais elle put ajouter du fond
de son coeur « et avec
joie ! »
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