LE SOIR DE
LA VIE
OU
PENSÉES
POUR LES VIEILLARDS
LE SOIR DE LA
VIE
La partie active de la journée est
passée : ses plaisirs, ses devoirs, ses
inquiétudes, tout est passé. Les
rayons de soleil, les ombres qui tour à tour
en ont éclairé ou assombri le
sentier, ont disparu aussi ; les teintes
adoucies de la soirée se répandent
dans le ciel.
Le soir de la vie ! Oui ! la vie a son
soleil couchant, son heure de crépuscule.
L'oeil affaibli, les cheveux argentés, la
démarche chancelante, indiquent que la
dernière période de l'existence
terrestre arrive.
Quelle a été rapide la fuite du
temps ! l'éternité est tout
près de nous !
Le déclin graduel de la santé, la
chute de nos forces, sont une dispensation de
miséricorde et d'amour destinée
à nous préparer au changement
solennel qui nous attend. Cette préparation
atténue jusqu'à un certain point la
répugnance naturelle que nous
éprouvons à quitter la vie ;
elle nous sèvre peu à peu des
attraits si variés que la
terre nous offre encore ; elle adoucit la
brusque transition de notre état actuel
à notre état futur ; elle nous
permet de nous familiariser avec la pensée
de la mort, et de mieux comprendre celle de
l'immortalité.
Le soir de la vie !
La soirée, c'est le moment du repos !
Le petit oiseau recherche son nid caché dans
le feuillage. L'enfant aux joues roses jette de
côté ses jouets et s'endort ; le
laboureur fatigué rentre chez lui, son
travail est terminé. Les soucis du jour sont
oubliés, tout est calme et tranquille.
Les dernières heures de la vie, lecteur
chrétien, doivent aussi être
marquées par la
sérénité et le repos. Les
occupations qui jadis étaient à leur
place et appropriées à votre
âge, ne doivent plus vous troubler, ni vous
préoccuper ; et il ne faut pas vous
dépenser en vaines lamentations, parce que
vous ne pouvez plus agir comme vous le faisiez
autrefois. Votre affaire maintenant c'est de rester
tranquille, c'est à quoi vous devez employer
vos forces. La vieillesse, c'est le temps du repos
dans le voyage de la vie, c'est la fraîcheur
du crépuscule après la chaleur
fiévreuse du jour.
Un esprit inquiet, mécontent, avide, est
incompatible avec le caractère du
pèlerin qui atteint les limites de la vie.
Son extérieur et toute sa manière
d'être doivent être empreints d'un
état de quiétude
habituelle et d'un véritable empire sur
soi-même. L'excitation du monde, et
même les agitations religieuses ne doivent
plus troubler l'égalité de son
humeur. Le chrétien âgé est un
voyageur trop expérimenté dans cette
vallée de larmes et de misères, pour
se laisser détourner par les distractions
qui l'entourent, ou pour douter de la sagesse et de
la fidélité de Celui qui fait
concourir toutes choses pour notre plus grand
bien.
Son attente en Christ, son espoir en Lui comme son
Sauveur, doivent être plus parfaits, plus
inébranlables encore que dans les
premières années de sa vie :
Car je sais en qui j'ai cru, et je suis
persuadé qu'il a la puissance de garder mon
dépôt jusqu'à ce jour-là
(2 Tim. I, 12).
Ne sont-ce pas là les paroles qui expriment
parfaitement sa confiance en Lui. Fermement
planté sur le rocher des siècles et
avec la certitude que vous êtes en
sûreté, la fin de votre vie doit
être la réalisation de cette promesse
par laquelle Dieu s'est engagé à
garder dans une « paix
parfaite » ceux dont l'âme s'appuie
sur Lui.
La foi joyeuse, la foi inébranlable d'un
vieillard chrétien est l'un des plus
puissants témoignages en faveur de la
vérité et de la beauté du
christianisme, et l'un des exemples les plus
encourageants pour les agneaux du troupeau,
à marcher dans le même chemin que ceux
qui les ont
précédés.
Fatigué et découragé par le
rude combat dans lequel il se trouve engagé,
le jeune chrétien est trop souvent
prêt à dire avec le patriarche
affligé : Toutes ces choses sont
contre moi
(Gen. XLII, 36 v. D.), ou à
s'écrier avec le psalmiste accablé de
chagrin : Je périrai un jour
(1 Sam. XXVII, 1).
Lorsque le jeune chrétien passe par les
expériences difficiles de la vie, et qu'il
peut contempler la paix, le calme d'esprit de
quelque fidèle avancé en âge,
mais qui a passé par les mêmes
expériences, les mêmes
épreuves, les mêmes tentations, et qui
les ayant traversées sain et sauf, jouit
maintenant d'un avant-goût de ce repos promis
au peuple de Dieu, la foi, dis-je, du jeune homme
en sera fortifiée, son espérance en
sera vivifiée. Ce repos qu'il voit
goûter à d'autres est pour lui le gage
de la délivrance qu'il espère
à l'issue de la bataille dans laquelle il
est encore engagé ; à cette vue,
il ceint les reins de son esprit et se dispose
à parcourir la carrière qui lui est
assignée avec un redoublement de
courage.
C'est pourquoi, mon cher lecteur, il faut que ceux
qui vous entourent voient que l'espérance
sur laquelle vous vous appuyez est pour vous une
ancre sûre et solide, et que vous vous
reposez avec confiance sur les principes qui
jusqu'à présent vous ont guidé
et soutenu. Qu'aucune inquiétude ne trouble
votre paix, qu'aucun doute n'altère votre
foi. Vous avez lutté
longtemps contre les difficultés et les
tentations, vous avez éprouvé, par
expérience, la vérité des
promesses de Dieu, vous avez travaillé
à son oeuvre au milieu de vos semblables et
maintenant il ne vous reste plus qu'à
attendre avec tranquillité le moment
où la voix de votre Père vous
appellera à venir à Lui.
Le soir de la vie !
La soirée, c'est le moment de la
réflexion. Au milieu des occupations et des
agitations de la journée, on trouve rarement
l'occasion de se livrer à de
sérieuses réflexions. Il est vrai que
certains esprits bien équilibrés,
savent exercer un grand empire sur leurs
pensées et les concentrer sur des sujets
élevés et religieux, même dans
les moments nécessairement consacrés
aux affaires de ce monde, mais c'est là une
exception ; la plupart des hommes sont au
contraire tellement harassés et
absorbés par d'incessantes demandes de leur
temps et de leurs facultés, qu'à
peine peuvent-ils jeter à la hâte un
coup-d'oeil sur les choses qui sont invisibles et
éloignées ; ils
apprécient d'autant mieux l'heure du soir
consacrée à la méditation,
à l'examen de soi-même et au
désir de prendre de bonnes et sages
résolutions.
Et vous, ne consacrerez-vous pas aussi votre heure
du soir, à des pensées calmes et
élevées. Pendant la longue
période que vous avez traversée,
peut-être n'avez-vous pas
donné beaucoup de temps à de saintes
réflexions. Comme Marthe, vous vous
êtes probablement embarrassé de
beaucoup de choses, ou comme Israël, il se
peut que vous ayez oublié votre Dieu.
Mais quelle qu'ait été votre
existence passée, vous êtes
maintenant, par les infirmités de
l'âge, retiré de la vie active, afin
que vous puissiez contempler les
réalités qui sont à venir. Ne
devriez-vous pas être reconnaissant de ce
moment de répit que vous pouvez employer
à une sainte préparation, avant que
vous ne « partiez d'ici », et
que vous ne quittiez cette terre.
Dans cette heure paisible du crépuscule,
lorsque nous sommes seuls avec nous-mêmes,
nos pensées se tournent tout naturellement
sur les événements du jour qui finit.
Nous repassons dans notre souvenir de petits
incidents, trop insignifiants, peut-être,
pour en parler ; notre conscience approuve
certaines bonnes actions, mais elle déplore
aussi certains devoirs trop négligés.
Des souvenirs agréables, des
contrariétés, des épreuves
mêmes occupent tour à tour notre
esprit. Ah ! quelles sont variées les
scènes que le panorama d'un jour
ramène devant nos yeux ! Puis nos
regards se dirigent volontiers sur l'avenir. Nous
combinons nos plans pour le lendemain, nous
envisageons d'un oeil content les joies qui nous
attendent, ou nous frissonnons,
découragés,
craintifs, en entrevoyant les
afflictions, les chagrins qui, pour nous, sont
intimement unis à ce jour de demain.
Vos pensées au soir de votre vie, mon cher
lecteur, ne se porteront-elles pas aussi
alternativement sur le passé et sur
l'avenir ?
Le Passé.
Et qu'il te souvienne de tout le chemin par
lequel l'Éternel, ton Dieu, t'a fait marcher
durant ces quarante ans dans le désert
(Deut. VIII, 2).
La vieillesse est le moment le plus favorable
à cette revue du passé. Le jugement
et la raison ne courent plus le danger d'être
faussés ou altérés par la
chaleur de l'action, et les sentiments ne subissent
pas si facilement l'influence de la passion que
dans vos jeunes années. Le
vétéran, lorsqu'il repasse dans son
souvenir le jour de la bataille, s'en forme une
opinion plus vraie que le jeune soldat
engagé dans le fort du combat. Contemplez
votre vie, depuis votre tendre enfance
jusqu'à l'âge avancé que vous
venez d'atteindre, retracez les détours du
sentier que vous avez parcouru au milieu du monde,
représentez-vous les moindres traits de
votre histoire si variée dans ses
aspects.
Mais est-il agréable de regarder en
arrière ? N'y a-t-il pas dans notre
pèlerinage plus d'une circonstance sur
laquelle notre souvenir préférerait
ne pas s'arrêter ? N'y a-t-il pas dans
notre vie bien des passages que nous serions
heureux d'oublier ? C'est
vrai ; le souvenir de nos
péchés, de nos chutes, est douloureux
et nous condamne ; mais ne vaut-il pas mieux,
cependant, ouvrir les yeux à la
vérité. Entrez donc dans un examen
complet et sincère de votre histoire ;
scrutez vos motifs en vous éclairant de la
Parole de Dieu ; éprouvez votre
conduite au moyen de la pierre de touche de sa
sainte Loi. Que ni l'orgueil ni les
préjugés ne vous dérobent le
véritable état des choses.
N'est-il pas d'une extrême importance que,
parvenu à la porte de
l'éternité, vous ne vous abusiez en
aucune façon sur vous-même. Demandez
à Dieu de vous diriger dans cette
étude et que ces paroles soient votre
prière : 0 Dieu fort !
sonde-moi, et considère mon coeur ;
éprouve-moi, et considère mes
discours ; regarde s'il y a en moi aucun
mauvais dessein, et conduis-moi par le chemin de
l'éternité
(Ps. CXXXIX, 23, 24).
Maintenant quel est le résultat de cette
investigation ? Quel verdict votre conscience,
éclairée de la lumière
d'en-haut, prononcera-t-elle sur votre
passé ?
Il est possible, ou plutôt, il n'est que trop
certain que vous aurez trouvé dans vos
souvenirs de quoi vous accabler de douleur et de
honte : la mondanité et
l'égoïsme, mêlés à
vos meilleures actions, l'infidélité
ayant entaché la profession que vous aviez
faite d'appartenir à Christ ; vous
découvrez, en un mot, par cet examen
sévère., tant d'impureté
dans votre coeur, de souillure
dans votre vie, que vous êtes prêt
à vous écrier avec le
psalmiste : N'entre point en jugement avec
ton serviteur, car nul homme vivant ne sera
justifié devant toi
(Ps. CXLIII, 2).
Il se peut encore que vos réflexions vous
convainquent que vous avez vécu jusqu'ici
sans Dieu et sans Christ dans le monde, ou que les
bagatelles de la terre vous ont tellement
absorbé que vous en avez perdu de vue les
attraits du ciel, et que, quoique créature
responsable et sujette à être
appelée au moment où vous vous y
attendez le moins à rendre compte de toute
votre vie, vous n'en avez pas moins continué
de parcourir avec insouciance la voie du
péché et de transgresser les
commandements du Très-Haut.
Dans tous les cas, cette vue rétrospective
est humiliante, et cependant elle conduit à
la seule espérance, à la paix, au
salut. La bonne et réjouissante nouvelle de
l'Évangile est aussi précieuse au
chrétien inquiet et troublé, qu'au
pécheur repentant : Le sang de
Jésus-Christ nous purifie de tout
péché
(I Jean I, 7) ; Crois au
Seigneur Jésus-Christ et tu seras
sauvé
(Actes XVI, 31) ; Quand vos
péchés seraient comme le cramoisi,
ils seront blanchis comme la neige, et quand ils
seraient comme le vermillon, ils seront comme la
laine
(Esaïe I, 18) ; Venez
à moi vous tous qui êtes
travaillés et chargés et je vous
soulagerai
(Matth. XI,
28).
Un pardon gratuit et complet est offert à
tous ceux qui vont le chercher au pied de la croix.
Jetez-vous avec tous vos péchés,
quels que soient leur nombre, leur grandeur, leur
profondeur, dans les bras du Sauveur, en
disant : « Seigneur, sauve-moi, je
péris ! » Et sa
réponse d'amour sera : Tes
péchés te sont pardonnés, va
en paix
(Matth. VIII, 25 ;
IX, 2).
Le souvenir douloureux et humiliant de votre
iniquité, doit vous rendre Christ toujours
plus précieux. Votre péché est
l'arrière-plan obscur qui met en relief son
amour et son oeuvre d'expiation ! Sans son
sacrifice et son intercession, le soir de la vie ne
serait que ténèbres, aucun rayon
d'espérance n'éclairerait le ciel,
aucune lueur de joie n'illuminerait le coeur ;
tandis qu'à présent, la gloire de
Dieu qui resplendit en la personne de Christ, jette
tout autour et devant vous une douce
clarté.
Puisque vous envisagez par la foi l'Agneau de Dieu
qui ôte les péchés du monde, et
que vous l'acceptez avec gratitude comme votre
miséricordieux médiateur et votre
puissant intercesseur, ne pouvez-vous pas vous
écrier avec le vieillard rempli de
joie : Seigneur, tu laisses maintenant
aller ton serviteur en paix selon ta parole, car
mes yeux ont vu ton salut
(Luc II, 29, 30).
La revue de votre passé ne doit pas
seulement vous provoquer à la repentance,
mais à la reconnaissance. Vous avez
été merveilleusement
préservé de
beaucoup de dangers, vous avez été
conduit en sûreté à travers
mille et mille difficultés, vous avez
été enrichi de
bénédictions que vous ne sauriez
compter. La miséricorde et la providence de
Dieu vous ont accompagné pendant les jours
de votre vie.
Rappelez-vous quelques-unes des occasions
multipliées où Dieu a pris, de vous,
un soin tendre et paternel ; il vous est
impossible de vous souvenir de toutes, car la
mémoire, toujours imparfaite, est maintenant
bien affaiblie ; - mais « n'oubliez
pas un de ses bienfaits. »
Les consolations dont vous avez joui, vous les
tenez toutes de sa main libérale ; vos
impulsions pour le bien, vos résistances au
mal, c'est par sa grâce que vous avez
été capable de les mettre à
exécution. Ne pouvez-vous reconnaître
la vérité de ces paroles sur
lesquelles le serviteur du Seigneur insistait avec
tant de force auprès du peuple
d'Israël, au moment de mourir : Vous
connaîtrez dans votre coeur et dans toute
votre âme, qu'il n'est point tombé un
seul mot de toutes les bonnes paroles que
l'Éternel, votre Dieu, a dites de vous, tout
vous est arrivé ; il n'en est pas
tombé un seul mot
(Josué XXIII, 14).
Oh ! oui, les chrétiens avancés
en âge témoigneront que le Seigneur
accomplit fidèlement ses promesses. En
retrouvant dans votre souvenir plus d'un trait de
votre histoire, vous vous rappellerez que sans
l'intervention de la providence de Dieu ou le
secours de son Saint-Esprit, vous
auriez été dominé par la
tentation et la douleur. Elles sont nombreuses les
occasions que vous avez eues d'élever une
pierre de mémorial et de confesser
que le Seigneur vous a aidé ; et
même à l'égard de vos
épreuves, vous pouvez avouer, au moins de
quelques-unes, qu'elles ont été des
bénédictions
déguisées, et qu'elles vous
ont été dispensées dans un but
d'amour et de sagesse. Ne pouvez-vous donc pas
envisager votre vie passée avec une
reconnaissante émotion ?
Cette reconnaissance pour le passé ne
sera-t-elle pas accompagnée
d'espérance et de confiance pour
l'avenir : Paul rendit grâces
à Dieu et prit courage
(Act. XXVIII, 15).
Lorsque vous pensez à la faiblesse
croissante, aux souffrances qui vous attendent
encore, à votre séparation
inévitable et prochaine d'avec ceux que vous
aimez, à la vallée de l'ombre de la
mort par laquelle il faudra passer et au moment
solennel où votre âme quittera ce
monde, votre homme naturel frémit de cette
perspective : Ne me rejette point au temps
de ma vieillesse ; ne m'abandonne point
maintenant que ma force est consumée
(Ps. LXXI, 9).
C'est là le langage de votre coeur, n'est-il
pas vrai ? Mais écoutez la
réponse du Dieu de votre salut : Je
ne te laisserai point, je ne t'abandonnerai point
(Hébr. XIII, 5) ; Ne
crains point car je suis avec toi ; ne sois
point étonné car je
suis ton Dieu, je (ai
fortifié, et je t'ai aidé, même
je t'ai maintenu par la main droite de ma justice
(Esaïe XLI, 10).
Ah ! vous pouvez lire ces paroles, non
seulement dans les pages du livre de Dieu, mais
aussi dans votre propre expérience. Vous
pouvez en toute sécurité
inférer de la conduite de Dieu envers vous
dans les jours écoulés, de ce qu'Il
fera dans les moments qui vous restent encore
à passer sur la terre. Il est le même
hier, aujourd'hui, demain et toujours, et c'est
pourquoi la bonté paternelle dont il a fait
preuve jusqu'à présent en ce qui vous
concerne, vous est un gage qu'Il peut et qu'Il veut
la continuer jusqu'à la fin. Il a
délivré, il délivre, et Celui
en qui vous vous confiez vous délivrera. Le
Dieu qui vous a nourri pendant toute votre vie, est
votre Dieu pour l'éternité, et il
sera votre conducteur jusqu'à la mort.
L'Avenir.
Vos regards jetés en arrière doivent
aussi se porter en avant. Le pèlerin
fatigué qui se souvient avec un
mélange de joie et de douleur des
événements qui se sont
succédés pendant son voyage,
entrevoit avec bonheur le repos et l'accueil qui
l'attendent dans son heureuse patrie. Le voyageur
chrétien, à mesure que les ombres de
la nuit s'étendent autour de lui et que les
objets de la terre disparaissent à ses yeux,
aime aussi à arrêter sa pensée
sur ces demeures de la maison de son Père
où une place lui a été
préparée :
Puis quand l'affliction, par ta
grâce bénie,
Aura porté des fruits de justice et de
paix,
Qu'au séjour du bonheur mon âme
recueillie,
Puissant et doux Sauveur te contemple à
jamais !
Pour toujours, près de toi, cesseront mes
alarmes :
Plus de déception, de deuil, ni de
regrets :
Là ! mes yeux te verront et n'auront
plus de larmes,
Là, rien ne troublera mon indicible
paix.
Le réveil, et un réveil tout
à la joie, est près de vous. Les
choses invisibles et éternelles s'approchent
de vous à chaque instant. L'héritage
qui vous a été promis, qui ne se peut
ni souiller, ni flétrir, vous appartiendra
bientôt.
Réfléchissez à la gloire qui
dans peu vous sera
révélée ; dites-vous que
le bonheur que Dieu vous a préparé
dans son royaume est parfait dans sa nature,
éternel dans sa durée.
Un jour, un ministre du Seigneur, passant un
après-midi avec des amis chrétiens,
était plongé dans un silence
inaccoutumé. Tiré de sa rêverie
par une question qui lui fut adressée, il
répondit qu'il avait été
absorbé par la contemplation du bonheur
éternel. « O ! mes
amis, » s'écria-t-il avec une
énergie qui frappa tous ceux qui
étaient présents, « pensez
à ce que ce sera d'être pour toujours
avec le Seigneur, pour toujours, pour
toujours, pour
toujours ! »
Mais la perspective du ciel est-elle une joie pour
vous ? Éprouvez-vous un besoin
véritable du bonheur qu'il vous
réserve ? êtes-vous en sympathie,
en communauté d'esprit avec ses glorieux
habitants ?
Il va sans dire que vous espérez en mourant
aller au ciel ; les esprits les moins
sérieux, les plus mondains l'espèrent
aussi, non pas qu'ils aspirent à une
communion plus intime avec le Seigneur, ni qu'ils
désirent être de plus en plus
conformes à son image, mais parce qu'ils
associent l'idée de bonheur avec le ciel et
que c'est le désir instinctif de leur coeur
d'être heureux.
Mais à moins que nous ne soyons rendus
dignes de l'héritage des saints qui vivent
dans la lumière, les joies du ciel, s'il
nous était permis de les goûter, nous
seraient certainement
désagréables.
L'homme injuste et impur continuerait sans aucun
doute à être injuste et impur, et ne
trouverait par conséquent aucune jouissance
dans un monde de vérité et de
pureté.
Un ecclésiastique conversait un jour avec
une femme de sa paroisse, personne fort
intelligente, qui paraissait près de sa
fin ; lorsque le pasteur eut fini de parler,
elle lui dit avec une expression de
dégoût : « Si le ciel
ressemble à la description que vous en
faites, je n'ai aucun désir d'y
aller. »
Cet aveu peut vous sembler étrange, et
cependant ce devrait être la confession
franche de tous les coeurs non
sanctifiés, mais qui se seraient
demandé sérieusement en quoi consiste
le bonheur éternel. Les chants
d'allégresse des rachetés n'auront
pas la puissance de changer le coeur, ni la gloire
de la cité céleste, celle de
transformer une âme. Quel rapport la
lumière peut-elle avoir avec les
ténèbres ?
Ne soyez donc pas satisfait, mon cher lecteur,
d'une demi-préparation pour les
bénédictions qui vous attendent. Il
est facile de porter le nom de chrétien,
« mais sans la sanctification nul ne
verra le Seigneur. » Si quelqu'un
n'est né de nouveau, a dit Jésus,
il ne peut point voir le royaume de Dieu
(Jean III, 3).
Comment arriverez-vous à cette
préparation ?
Tout simplement par la foi en Christ, par la
grâce du Saint-Esprit. Des actes
extérieurs de dévotion, des
aumônes, des legs charitables, le renoncement
même ne pourront vous servir de passeport
pour entrer au ciel. Il faut que la justice de
Dieu, qui repose sur tous ceux qui croient, et la
sanctification du coeur, effectuée par la
puissance du Saint-Esprit, vous appartiennent si
vous voulez avoir part à la gloire
éternelle. Ces grâces peuvent
réellement vous appartenir, et dès
à présent.
Mettez voire confiance en Celui qui a
déclaré qu'il ne repousserait point
ceux qui iraient à Lui ; et demandez le
don de ce Saint-Esprit qui a été
promis à tous ceux qui le
demandent sérieusement et avec
persévérance, et vous aurez la vie
éternelle.
Mais il se peut que quelque chrétien timide
et humble hésite encore, par la crainte
d'être présomptueux et de se tromper,
à s'approprier ces joies qui sont à
la droite de Dieu.
Vous verriez venir d'un coeur content le moment du
départ si vous étiez assuré
d'une entrée aussi facile que large dans le
royaume de Christ. Mais, quoique vous vous
attachiez à votre Sauveur comme à
votre seul espoir de salut, et que vous luttiez
pour produire les fruits de l'Esprit, vous ne
pouvez parvenir à posséder cette
heureuse confiance que tant de chrétiens
éprouvent en pensant à
l'éternité.
Vous ne vous sentez pas à l'unisson de cette
déclaration, faite avec l'accent de la paix
et de la conviction : Car nous savons que
si notre habitation terrestre de cette tente est
détruite, nous avons un édifice de
Dieu, une maison éternelle dans les cieux,
qui n'a point été faite de mains
(2 Cor. V, 1).
Vous ressemblez aux pèlerins sur les
montagnes Délectables (Voyage du
chrétien) ; leurs mains
étaient si tremblantes qu'ils ne pouvaient
soutenir la lunette à travers laquelle ils
devaient apercevoir la Cité céleste.
Cependant ne craignez rien ; c'est le bon
plaisir du Père de vous donner le royaume,
la promesse vous en a été faite
quoique vous ne soyez pas encore capable de
discerner quel en est l'avantage
personnel pour vous. C'est à la fois votre
privilège et votre devoir de chercher
sérieusement l'assurance de cette
espérance ; mais rappelez-vous pour
votre consolation et votre encouragement, que celui
dont la foi en Christ est encore faible est en
sûreté aussi bien que le
chrétien qui vit déjà dans la
joie.
Que vos yeux soient fixés sur votre
Sauveur : efforcez-vous de suivre ses traces,
usez constamment et sans vous lasser des moyens de
grâce qu'il a mis à votre disposition,
et vous finirez par goûter cette paix
parfaite qui ne connaît pas la crainte. Au
temps du soir il y aura de la lumière
(Zach. XIV, 7).
Heureux ceux dont l'espérance est positive,
dont la foi est forte et qui dans la persuasion que
l'heure du départ approche, peuvent jeter un
regard en avant, en arrière, et
déclarer avec douceur mais avec
fermeté, comme Paul avancé en
âge : J'ai combattu le bon combat,
j'ai achevé la course, j'ai gardé la
foi. Au reste, la couronne de justice m'est
réservée
(2 Tim, IV, 7).
Assurance joyeuse ! Brillant avenir ! Des
fidèles tels que ceux-ci peuvent se
réjouir du départ pour être
avec Christ ; ils peuvent souhaiter cette
heure qui approche rapidement, où
Jésus les présentera avec une joie
excellente, purs de toute souillure, à Dieu
son père.
Le soir de la vie !
Le soir, c'est le moment de la prière. Le
petit enfant joint ses mains et murmure ses simples
paroles de supplication et d'actions de
grâce ; la famille se réunit pour
le culte domestique ; le chrétien se
retire dans le silence du cabinet, il ferme sa
porte et il prie son Père qui le voit dans
le secret. La tranquillité comparative qui
règne autour de lui, le repos qui se
répand sur toute la nature calme l'esprit du
fidèle fatigué par le faix du jour,
et l'invite à des rapports intimes et
bénis avec son Créateur.
Le soir de la vie ne devrait-il pas lui apporter
aussi du calme et de l'élévation dans
les sentiments ? La prière
particulière, privilège et devoir de
tous ceux qui ont été
enseignés de Dieu, est une action tout
spécialement appropriée au
chrétien âgé.
Obligé d'abandonner les occupations actives
des jours d'autrefois, souvent incapable de lire
beaucoup, même les meilleurs livres, et
privé peut-être des bienfaits du culte
public si vivement apprécié, avec
quelle reconnaissance il goûte le
privilège inestimable de verser son coeur en
secret devant Dieu et de converser avec son
Père céleste : « Je ne
puis presque plus parler ni lire, »
disait un vénérable serviteur de Dieu
dont les jours étaient comptés,
« mais, » et un sourire de
bonheur illumina son visage ridé,
« je peux prier. Dans les moments
où je suis le plus faible, et sans
même ouvrir la bouche, je
puis présenter mes requêtes à
Dieu et le louer de la miséricordieuse
bonté dont il a usé envers
moi. »
Que le soir de votre vie soit consacré
à la prière, car au terme aussi bien
qu'au début de votre carrière de
chrétien, vous êtes entièrement
dépendant de la providence de Dieu. Allez
donc avec hardiesse au trône de la
grâce, pour obtenir miséricorde et
demander à Celui qui l'occupe de vous aider
dans les moments difficiles.
La vieillesse a ses épreuves et ses besoins
particuliers, mais : « Demandez et
il vous sera donné ; » telle
est l'inscription qui surmonte le trône de
miséricorde. Oui, demandez la force qui vous
est nécessaire pour accepter joyeusement la
volonté de Dieu, demandez le secours dont
vous ne sauriez vous passer à l'heure de la
mort, à ce moment où le coeur et la
chair vous feront défaut ; demandez
pour ceux que vous laisserez derrière vous,
la consolation et la direction que vous
désirez pour eux. Celui qui est capable de
faire infiniment plus que nous ne pouvons penser et
demander, entendra vos prières quelque
faibles qu'elles soient, et vous
répondra.
Le soir de la vie !
Ces paroles vous paraissent-elles
mélancoliques ? Elles disent, il est
vrai, que le brillant soleil de la jeunesse et de
la maturité est passé, que la
santé et l'énergie qui accompagnaient
vos pas dans la carrière que vous avez
parcourue, vous ont
abandonné ; que la nuit de la mort
s'étendra bientôt sur vous, et qu'il
faudra fermer vos yeux à tout ce que vous
aimez, à tout ce qui est aimable
ici-bas.
Mais ces faits seront-ils donc mal reçus du
chrétien ? Bien au contraire, ils
devraient l'encourager à la joie,
aiguillonner son espérance. Longtemps
étranger et voyageur sur la terre, ces
signes de décadence ne sont-ils pas pour lui
la preuve qu'il est sur les frontières de
cette céleste patrie qu'il a
recherchée avec ardeur ?
L'homme du monde peut se laisser aller à la
douleur en voyant se faner les fleurs qu'il serrait
dans ses mains, mais le trésor du
chrétien est au ciel et son coeur avec lui.
L'âme orpheline peut frémir à
la pensée de cette éternité
inconnue ; mais l'enfant de Dieu ne peut que
se réjouir en se disant que bientôt il
ira « vers son
Père. »
Le soir de la vie !
Ah ! pour le chrétien avancé en
âge, c'est le gage d'une matinée
éternelle qui bientôt va luire sur son
âme rachetée et
sanctifiée : Car le salut est plus
près de nous que lorsque nous avons cru
(Rom. XIII, 11). Soyez reconnaissant
lorsque les ombres du soir s'épaississent
autour de vous, elles sont les précurseurs
inévitables du jour qui approche. Avec calme
et confiance, comme un enfant qui s'endort dans les
bras de sa mère : « Vous
dormirez en Jésus, » pour vous
réveiller dans ce monde
meilleur et saint où II
n'est besoin ni du soleil, ni de la lune pour luire
en lui, car la clarté de Dieu l'a
éclairé, et l'Agneau est son flambeau
(Apoc. XXI, 23). Absent de ce
corps, vous serez immédiatement avec le
Seigneur
(2 Cor. V, 8). Vous verrez sa face
en justice, et vous serez rassasié de sa
ressemblance lorsque vous vous réveillerez
(Ps. XVII, 15).
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