LE SERPENT
D'AIRAIN
CHAPITRE 1er
La blessure mortelle.
« L'Éternel envoya sur le
peuple des serpents brûlants, qui mordaient
tellement le peuple qu'il en mourut un grand nombre
de ceux d'Israël. - Et l'Éternel dit
à Moïse : Fais-toi un serpent
brûlant, et mets-le sur une perche ; et
il arrivera que quiconque sera mordu et le
regardera sera guéri. Moïse donc fit un
serpent d'airain et le mit sur une perche ; et
quand quelque serpent avait mordu un homme, cet
homme regardait le serpent d'airain, et il
était guéri »
(Nombres, XVI, 6, 8, 9).
« Comme Moïse éleva le
serpent dans le désert, de même il
faut que le Fils de l'homme soit
élevé, afin que quiconque croit en
lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie
éternelle ; car Dieu a tellement
aimé le monde, qu'il a donné son Fils
unique afin que quiconque croit en lui ne
périsse point mais qu'il ait la vie
éternelle ; car Dieu n'a point
envoyé son Fils dans le monde pour condamner
le monde, mais afin que le monde soit sauvé
par lui »
(Jean, III, 14, 16).
Le serpent attaque sa victime d'une manière
qui lui est tout à fait particulière.
Les bêtes carnassières et les oiseaux
de proie détruisent par la violence. La
puissance de l'aigle réside dans ses serres,
celle du lion dans ses mâchoires, tandis que
celle du serpent est tout entière dans le
venin caché sous sa langue. Dès qu'un
serpent malfaisant a mordu sa proie, elle succombe
presque immédiatement. Le venin subtil,
introduit dans les veines par la morsure, se
mêle avec le sang et l'empoisonne
aussitôt.
Satan, notre grand adversaire,
possède toutes les ressources
nécessaires pour nous nuire. Il a la
férocité du lion ; et l'Agneau
de Dieu le savait bien, quand il s'écriait,
par la bouche de David :
« Sauve-moi de la gueule du
lion ! »
Saint Pierre emploie aussi cette image et
recommande au troupeau qu'il était
appelé à diriger de se garder du lion
rugissant, qui rôde autour de nous, cherchant
à nous dévorer.
Satan est encore comparé à un
serpent, dans les Écritures. Il a
été meurtrier dès le
commencement, et il est menteur et père du
mensonge. Remarquez cette double
épithète : menteur et
meurtrier. L'union de ces deux
caractères fait sa force. Il tue par le
moyen de ses mensonges. Les faussetés qu'il
fait pénétrer dans nos coeurs, pour
les détourner de Celui qui est la
Vérité et la Vie, lui ont
mérité le nom de Calomniateur.
Depuis le jour funeste où notre
première mère écouta sa
parole, il s'attaque sans se lasser à
l'humanité tombée, pour la
séduire en la trompant ; son but unique
est de produire en elle le doute ; et pour
atteindre ce but il emploie toujours les
mêmes arguments. Il est le prince des
ténèbres, et, dans son royaume, ses
misérables sujets n'ont que de trompeuses
lueurs pour éclairer leur marche.
Avant la chute, Adam jouissait d'une vie
spirituelle pleine de lumière et de paix.
Dieu se manifestait à lui dans sa divine
excellence, saint, aimable, adorable ;
aussi lui inspirait-il sans
peine une confiance filiale ; voilà ce
qui explique pourquoi Satan se servit du mensonge
pour séduire Adam.
S'efforcer de dénaturer, aux yeux de nos
premiers parents, le caractère même de
Dieu, n'était-ce pas le meilleur moyen de
changer leur confiance en soupçons et leur
soumission en révolte ?
Quand Dieu lui-même, manifesté en
chair, vint habiter parmi nous, notre grand
Adversaire essaya contre lui les mêmes
armes : « Si tu es le Fils de
Dieu ? » lui dit-il ; en
d'autres termes, « si Dieu est ton
Père, comment te laisse-t-il ainsi quarante
jours au désert sans nourriture ? Il ne
mérite sûrement pas ton
affection. »
C'est ainsi qu'il cherche à ébranler
la confiance de Jésus et qu'il le presse de
suppléer lui-même à ses
besoins.
Repoussé sur ce premier point, le diable
transporte le Sauveur sur le pinacle d'or du
temple. « Jette-toi d'ici en
bas, » lui dit-il ; « car
il ordonnera à ses anges de te porter, de
peur que ton pied ne heurte contre quelque
pierre ; » c'est-à-dire mets
la puissance et la fidélité de Dieu
à l'épreuve, et contrains-le de te
protéger par une intervention
miraculeuse.
Le Tentateur, déçu encore une fois,
essaie d'une troisième vision. Il montre
à Celui qui a été
établi héritier de toutes choses,
tous les royaumes du monde et leur gloire. Et comme
ce brillant spectacle passait devant ses
yeux : « Je te donnerai toutes ces
choses, si tu m'adores, » lui
dit-il.
« Il est vrai que Dieu te les a
promises ; mais tu sais bien que le sentier
qui doit te conduire à la possession de
cette gloire, c'est le sentier de l'ignominie, de
la croix et du sépulcre. Je
t'épargnerai celle coupe amère ;
je ne te parle ni de mort sanglante, ni
d'expiation ; je te dis seulement :
Prosterne-toi devant moi ! »
C'est ainsi que le serpent ancien essaya
d'ébranler, mais en vain, la parfaite
confiance que Jésus avait en son
Père. Notre ennemi sait très bien que
l'amour ne survit pas à la confiance, et que
nos coeurs en viennent bientôt à
haïr l'objet qu'ils suspectent. Mais le Prince
de la vie, auquel il avait à faire, un avec
Dieu de toute éternité, sut opposer
à ses mensonges les paroles de
l'éternelle vérité. Il
triompha.
Sa vie remplie de douleurs et de privations, sa
mort ignominieuse et sanglante, volontairement
acceptée, furent couronnées par une
résurrection glorieuse, en attendant
qu'elles le soient par la possession des royaumes
de la terre.
Mais quand le second Adam remporta sur notre ennemi
mortel une éclatante victoire, le premier
Adam avait déjà succombé
à ses attaques. Quel contraste pourtant dans
leurs situations respectives !
Au désert tous les avantages étaient
du côté du Tentateur ;
Jésus était affaibli par un long
jeûne, sa vie était en
danger ; les gloires du monde qui lui
étaient promises, non moins que
les souffrances qui l'attendaient
et qu'il pouvait éviter, tout était
combiné pour rendre sa résistance
difficile. Le premier Adam, au contraire,
placé dans un jardin délicieux,
rempli de fruits de toute espèce, ne
connaissait pas les tourments de la faim. Aucun
sentiment de crainte ne troublait la
sérénité de son
âme ; il n'avait rien à
désirer, et cependant il succomba !
Apprenons, en étudiant cette double
tentation, quelle est la puissance de notre
adversaire, et la divine excellence de Celui qui
seul a pu lui résister.
Jamais aucune des créatures que la terre a
vu naître ne reçut plus de
témoignages de l'amour de Dieu que ne
l'avait fait Adam, dès le jour de sa
création. Tout ce qui pouvait charmer ses
regards ou rendre son existence agréable et
facile lui fut donné avec profusion. Sa
nourriture était abondante et variée,
son travail un exercice exempt de fatigue, et son
intelligence se développait sans effort en
considérant les magnificences de l'Eden.
Les habitants du jardin de délices
passèrent devant lui ; il les admira,
il leur donna des noms. Mais aucun d'eux ne pouvait
le comprendre ; leur coeur ne correspondait
point avec le sien. Alors Dieu lui créa une
compagne semblable à lui, afin qu'il ne
fût jamais seul ; il les unit ensemble
pour s'entr'aider et s'entr'aimer.
Adam était, avant la chute, l'image et la
gloire de Dieu ; il devait
être pour Eve comme le
représentant de l'amour du Créateur,
de sa bonté et de ses soins. La femme, elle,
devait être la gloire de l'homme,
reflétant ses qualités morales, lui
rendant amour pour amour, et lui témoignant
une confiance sans limites. Le Dieu qui les
comblait de tant de grâces ne
méritait-il pas leur coeur, en retour de ses
bienfaits ?
Mais le plus précieux de tous les dons du
Créateur ce fut l'étroite et sainte
communion qu'il établit entre lui et ses
créatures privilégiées. Eden
était comme un appendice du ciel. Le roi des
anges se plaisait à descendre dans le
paradis terrestre. Il parlait avec Adam au vent du
jour, dès le matin, avec une intimité
dont l'ineffable douceur est au
dessus de notre faible conception.
Plus tard, Dieu permit à Abraham, bien qu'il
ne fût qu'un pauvre pécheur,
d'intercéder en faveur de Sodome. Il
proclama ensuite aux oreilles d'un autre
pécheur, de Moïse, son glorieux
nom ; il parla avec lui face à face,
comme un ami parle à son ami.
Ces exemples peuvent nous donner quelque
idée de la sainte familiarité qui
existait en Eden entre l'Éternel et nos
premiers parents. Dieu leur révélait
sans voile son amour, amour immuable et sans
mesure ; et ses créatures,
inondées de la félicité
même des esprits célestes, remplies de
confiance et de gratitude, devaient épancher
sans crainte leurs sentiments et leur
adoration.
Une seule chose montrait aux habitants du paradis
terrestre qu'ils étaient des êtres
dépendants ; un ordre leur avait
été donné dont la violation
devait entraîner une mort certaine : ils
ne devaient pas toucher à l'un des arbres du
jardin.
Satan saisit cette circonstance pour les
perdre.
Dans ce but, il commença par mettre en
question la réalité de la
défense. « Quoi ! Dieu a
dit : Vous ne mangerez point de tout arbre du
jardin ?... » Ce fut un premier
mensonge adroitement présenté. Un
second suivit bientôt, plus hardi que le
premier ; il ose donner un démenti
à l'Éternel : « Vous
ne mourrez nullement ! » Puis vient
un troisième mensonge, plus audacieux
encore : « Dieu sait qu'au jour
où vous en mangerez, vos yeux seront ouverts
et que vous serez comme des dieux, sachant le bien
et le mal. »
« Soyez donc assez sages, »
semble-t-il leur dire, « comprenez assez
vos véritables intérêts pour
secouer votre humiliante dépendance.
L'amour, de la part de Dieu, n'est qu'un
prétexte qu'il met en avant pour vous mieux
tenir en tutelle. Jaloux de ce qu'il
possède, il vous ravit un bonheur parfait,
et vous prive d'une dignité qui vous
appartient de droit. »
Sans doute, rien ne doit nous étonner de la
part du père du mensonge ; nous savons
que lorsqu'il ment, il parle de son propre chef
(Jean, VIII, 44). Mais, ce qui peut
à bon droit nous surprendre, c'est que nos
premiers parents, comblés
comme ils l'étaient, de tous les dons de
Dieu, aient pu écouter un pareil langage
sans indignation.
Hélas ! les faits sont là pour
nous prouver qu'ils succombèrent
honteusement.
Aussi longtemps qu'ils eurent foi en la
vérité, leur âme fut
inondée de lumière ; mais
dès qu'ils crurent au mensonge, leurs coeurs
furent enveloppés des ténèbres
de la mort.
Le venin du démon était entré
par le chemin du doute, et, dès lors, leur
Créateur et leur Père devint l'objet
de leurs soupçons. Une lâche frayeur
les saisit ; leurs consciences coupables
redoutèrent une punition
méritée ; l'amour avec la
confiance s'enfuirent de leurs âmes. Ils se
cachèrent ; et quand l'Éternel
descendit, à l'heure que, dans sa tendresse,
il avait mise à part pour s'entretenir avec
eux, Adam ne vint point à sa rencontre. Il
l'appelle : point de réponse.
Enfin, quand l'homme coupable se décide
à faire entendre sa voix, les paroles qui
sortent de sa bouche montrent déjà le
profond désordre produit par le
péché : « J'ai entendu
ta voix et j'ai craint. »
Ah ! ils avaient donc cessé d'aimer,
puisque leurs coeurs connaissaient la
crainte ! Ils comprirent sans doute la
grandeur de leur chute, à cette heure
où ils cherchaient un refuge pour
échapper à leur Créateur. Mais
il y a plus : la chaîne d'or de l'amour
qui les unissait à Dieu les liait aussi
ensemble ; dès l'instant où
celte chaîne fut rompue, ils
furent à la fois
séparés de Dieu et
séparés l'un de l'autre.
Adam avait dit avec joie, en recevant la femme des
mains de l'Éternel :
« Celle-ci est os de mes os. »
Que son langage est maintenant
différent ! « La femme que tu
m'as donnée pour être avec
moi, » s'écrie-t-il,
« m'a donné du fruit de l'arbre.
Je ne me méfiais pas du don que tu m'avais
fait ; j'ai pris sans crainte le fruit qu'elle
me tendait comme un témoignage de son
affection ; en sorte qu'en définitive,
c'est toi qui m'as trompé ! Cette
femme, que je croyais la plus excellente de tes
grâces, n'a été pour moi qu'une
malédiction... »
Quelle accusation ! Comme on sent bien
qu'avant qu'elle ait pu sortir de la bouche de
notre premier père, Satan avait
empoisonné son coeur ! Le triomphe du
Tentateur est complet. Ses victimes sont là,
avilies, dépouillées, incapables de
demeurer en la présence d'un Dieu saint. Que
fera ce Dieu ? Un seul parti lui reste :
il les mettra hors du jardin.
Si le venin mortel du péché n'avait
atteint que nos premiers parents, leur chute
eût été un malheur relativement
de peu d'importance ; mais ce venin devait
empoisonner toute la race humaine.
Aux portes mêmes d'Eden, le
péché produisit ses plus
déplorables conséquences.
Caïn, meurtrier de son frère, raidit
son coeur contre Dieu, et devint le père
d'une race qui remplit la terre de crimes. Le fatal
levain fermenta, et
bientôt, toute chair ayant corrompu sa voie,
une seule famille put échapper à la
submersion du déluge. Quand la terre, sortie
de ce terrible baptême, se couvrit de nouveau
de verdure et de fleurs, l'humanité,
sauvée du naufrage, n'en devint pas
meilleure.
Le venin du serpent circulait toujours dans ses
veines, et, avant que Noé fût
recueilli avec ses pères, tous ses
descendants étaient déjà
plongés dans l'idolâtrie.
La connaissance du vrai Dieu ne put être
conservée sur la terre que par la vocation
d'Abraham, et par la division de la race humaine en
deux fractions distinctes : les Juifs et les
Gentils. Mais l'histoire des uns et des autres est
là pour nous montrer la puissance
invétérée du
péché originel. Suivez les
récits de la Bible, et vous verrez le peuple
élu, le peuple que Dieu enseigne, qu'il
aime, qu'il porte comme sur des ailes d'aigle, vous
verrez ce peuple fatiguer constamment
l'Éternel par ses rébellions.
Au désert, où il est nourri et
conduit avec tendresse, il manifeste à
chaque pas le fond de sa nature.
Dans le pays découlant de lait et de miel,
il oblige Celui dont il lasse la patience à
l'envoyer en captivité.
Revenu de Babylone et rétabli dans sa terre,
dès qu'il voit apparaître le Messie
qu'il attend, sa haine naturelle contre le Saint
des saints le porte à clouer sur une croix
le Fils même de
Dieu !...
Le monde des Gentils ne présente pas
à nos regards un tableau plus satisfaisant.
Livrés aux passions effrénées
de leurs coeurs, ils peuplent le ciel et la terre
d'impures divinités. Pleins d'envie, de
meurtres, de malice, ils sont encore aujourd'hui
tels que saint Paul les dépeignait, il y a
dix-huit siècles.
Les révolutions des empires, les
progrès de la civilisation, rien n'a pu
changer la mauvaise nature du coeur de l'homme. Que
de fois la Bible nous montre la ruse et la calomnie
jusque dans les actes des saints hommes de
Dieu ? Et ce virus du péché, qui
souille même les vies les plus pures,
manifeste sans obstacle ses hideux effets en tous
ceux qui ne craignent point l'Éternel...
L'Écriture nous raconte simplement les
faits, tels qu'ils sont, tels que Dieu les voit, et
ne manque pas de nous dire quels châtiments
le péché attire sur la tête des
coupables enfants d'Adam.
Ainsi la blessure est mortelle, et pour avoir
traversé les siècles, elle n'a rien
perdu de sa gravité. Tu n'échappes
point au venin du serpent, ô toi qui es un
enfant de Dieu, adopté par la foi en
Jésus-Christ !
Le Calomniateur a des artifices variés et
subtils pour séduire ton coeur. Il essaie
constamment de te tromper par ses mensonges. Il te
fait prendre le change sur le vrai sens de la
Parole, sur l'état réel de ton
âme, et même sur ce que Dieu est en
soi.
Mentir, en mêlant adroitement
à ses mensonges des
lambeaux de vérité, mais mentir
toujours, voilà son secret depuis la
chute : ne l'oublie pas ! Le
chrétien, quelque avancé qu'il soit
dans les voies de la piété, porte
cependant en lui sa vieille nature ; elle peut
être dominée par la puissance de la
grâce ; néanmoins, Satan trouve
encore en elle un auxiliaire toujours à son
service ; et, pour la fortifier, il met en
oeuvre tout ce qu'il possède de ruse et
d'adresse.
Pour mieux séduire l'enfant de Dieu, il lui
parle un langage approprié à ses
connaissances ; il se déguise au besoin
en ange de lumière. Il lui présente
des motifs, bons en apparence pour justifier une
action coupable, ou bien il oppose de
prétendus devoirs à des devoirs
réels, et l'excite à l'action sous
prétexte qu'il faut agir pour la gloire de
Dieu.
Dans la prière, il lui persuade que l'ardeur
de ses désirs personnels, que la recherche
de sa volonté propre, c'est la vraie
foi ; et quand le chrétien, ainsi
abusé, attend en vain l'exaucement ;
quand il commence à reconnaître qu'il
a fait fausse route, l'ennemi vient encore le
décourager par le doute.
Le doute, c'est le venin mortel qui détruit
la vie de l'âme ; c'est l'arme la plus
sûre de notre Adversaire ; c'est notre
plus grand péché. Que notre foi
s'ébranle, nous sommes aussitôt
vaincus. Que cette pensée :
« Dieu a-t-il vraiment ordonné
ceci ? m'accordera-t-il cette
grâce ? pourra-t-il exaucer
cette
prière ? » que de telles
pensées nous saisissent, aussitôt
notre paix disparaît, notre coeur se trouble
et Satan triomphe. Il cherche à calomnier
notre précieux Sauveur. Il nous le
représente comme indifférent à
nos peines, lent à nous entendre ; il
suscite dans nos âmes de continuels
pourquoi, au sujet de ses dispensations.
Son but est de nous faire mettre en question le
parfait amour du Père. Si le chrétien
n'est pas chaque jour revêtu de sa
complète armure, les flèches
empoisonnées du Malin l'atteindront
inévitablement, et il sera réduit
à déplorer les manifestations
journalières de sa corruption
intérieure.
Les iniquités multipliées qui ont
souillé la terre depuis la chute proviennent
toutes de la même source ; elles sont le
déplorable résultat de la morsure du
serpent ancien. Le meurtre d'Abel, l'apostasie des
descendants de Noé, les rébellions
constantes du peuple juif, les abominations de
l'ancien et du moderne paganisme, les superstitions
d'un christianisme falsifié et
l'incrédulité de chacun de
nous : toute cette longue succession de
péchés, que la race humaine a commis,
nous montre que le venin qui pénétra
dans le coeur de son premier père circule
encore dans les veines de ses descendants.
Oui, la blessure est mortelle. L'âme qui se
méfie de Dieu et qui se tient loin de lui
est nécessairement privée de sa
communion :
« Quelle union y a-t-il
entre Christ et Bélial, entre la Justice et
l'iniquité, entre la lumière et les
ténèbres ? »
s'écrie saint Paul. « Notre union
avec Dieu peut seule nous communiquer la vie ;
notre séparation d'avec lui produit en nous
la mort. » - « Vous
étiez morts dans vos fautes et dans vos
péchés, » dit encore le
même apôtre.
Et comme la morsure d'un serpent venimeux est pour
le corps la cause assurée d'une dissolution
prochaine, de même la morsure morale du
démon nous donne dès ici-bas la
certitude du sort fatal qui attend nos âmes
dans une autre vie.
La vie à venir, que Dieu prépare aux
élus dans la gloire, ne saurait être
le partage de créatures souillées
dont la vie spirituelle est viciée par le
péché. C'est la mort éternelle
qui les attend, c'est-à-dire la
séparation définitive de leurs
âmes d'avec Dieu.
La vie matérielle s'éteint au moment
où l'âme quitte le corps, et celui-ci,
livré à la corruption, va se
décomposer dans les ténèbres
du sépulcre.
La véritable vie spirituelle de toute
créature humaine est en Dieu ; il est
donc évident que si nous sommes
éloignés pour jamais de sa
présence nous souffrirons une mort
éternelle. Quel affreux spectacle doit
présenter cette multitude d'êtres
immortels, privés de toute relation avec
Celui qui est la source unique de la
sainteté et du bonheur !
Ce malheur suprême est le salaire
inévitable du péché ;
puisque celui-ci nous
sépare de Dieu
déjà sur la terre, il doit nous en
séparer encore au delà de la tombe.
Il est évident que dans le ciel rien d'impur
ni de souillé ne saurait entrer : des
créatures innocentes ou pardonnées
peuvent seules y être admises.
Les pécheurs qui meurent sans être
purifiés et transformés iront dans ce
séjour de ténèbres
où le ver ne meurt point ; ils
seront tourmentés aux siècles des
siècles par le sentiment d'un malheur
sans remède. Là le feu ne
s'éteindra point, - le feu de la
colère divine, c'est-à-dire
l'indicible angoisse qu'éprouve une
âme abandonnée de Dieu. Il y aura
des pleurs, en enfer, et des grincements de
dents. Quel tableau !
Aussi, le Sauveur, qui l'esquisse à grands
traits, recule, en quelque sorte, devant la
tâche de nous le décrire en
détail. À l'heure solennelle
où les cieux et la terre passeront, la
réalité de ce tableau sera
manifestée à tous. Nous
connaîtrons alors toute la profondeur de la
chute en Eden, et toute la puissance du
Tentateur.
Hélas ! nous jouons, pour ainsi dire,
tous les jours avec les séductions de
l'ennemi de nos âmes ; mais quand nous
verrons les choses d'ici-bas telles qu'on les voit
dans la lumière des cieux, nous saurons que
Satan était un meurtrier et le
péché un poison mortel.
N'essayons pas de pénétrer les
secrets de Dieu et de raisonner sur les causes de
la chute ; le fait est là qui nous
domine. Nous sommes pécheurs, nés
dans la corruption, incapables
par nous-mêmes d'aucun bien.
L'histoire de la race humaine, aussi bien que
l'étude de notre propre coeur, ne nous
confirment que trop la vérité de
cette déclaration de
l'Écriture : Il n'y a point de juste,
non pas même un seul.
À qui regarderons-nous donc pour avoir la
vie ?
À Dieu seul il appartient de nous secourir,
et de nous indiquer où nous pouvons trouver
la délivrance.
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