Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



POUVEZ-VOUS MOURIR TRANQUILLE?




 « II est réservé aux hommes de mourir une seule fois, et après cela suit le jugement (1). »

Mes FRÈRES,
Ces paroles qui nous mettent devant les yeux la mort, mais la mort rapprochée du jugement qui la suivra, doivent exciter dans tout esprit sérieux une question que nous venons proposer aujourd'hui à chacun de vous et qui fera tout le sujet de ce discours.
« Il est réservé à tous les hommes de mourir une fois. »
Qui que vous soyez, il faut mourir. Et vous ne savez pas quand vous devez mourir. Peut-être dans quelques années. Peut-être dans quelques jours. Peut-être demain. Peut-être aujourd'hui.

« Après la mort suit le jugement. »
Quand vous serez mort, vous aurez à comparaître au tribunal du souverain juge pour y recevoir une sentence dont les suites seront éternelles. Vous n'êtes pas un incrédule, du moins vous n'êtes pas un impie : jugement, sentence, éternité, ce ne sont pas pour vous de vains mots, c'est la plus terrible des réalités.

Cela étant voici ma question : Pouvez-vous mourir tranquille ? je veux dire : Si vous deviez mourir aujourd'hui, dans ce moment même, et comparaître tel que vous êtes au tribunal suprême, êtes-vous assuré que vous y seriez acquitté et non condamné ? (2)

La question que nous venons de vous proposer est si simple et si pénétrante à la fois, qu'il ne devrait pas être nécessaire de la justifier. Et pourtant cela est nécessaire. Il règne dans le monde une opinion, plus commune qu'on ne pense, d'après laquelle notre question serait presque sans intérêt et sans utilité. On se flatte qu'aucun homme ne sera condamné d'une manière absolue au jour du jugement. Si cette espérance était fondée, il suivrait de là que vous, qui que vous soyez, vous ne serez pas condamné, et par conséquent que vous, qui que vous soyez, vous pouvez mourir tranquille : merveilleuse imagination pour se rassurer soi-même contre les terreurs du jugement, que d'en affranchir d'un seul coup tous les hommes ! Mais je demande à ceux qui affirment que personne ne sera condamné comment ils le savent, et surtout comment ils le savent avec cette certitude qui est nécessaire pour mourir tranquille ?

J'entends bien qu'on me répond que Dieu est trop bon pour condamner aucun homme à un malheur éternel. Mais on oublie en raisonnant de la sorte, que la bonté de Dieu n'est pas seule ici à considérer et qu'il faut faire encore la part de sa justice, puisque la bonté séparée de la justice, une bonté qui laisserait le crime impuni ne serait qu'une faiblesse indigne d'un homme chargé de juger ses semblables, et combien plus indigne de « celui qui juge toute la terre (Gen. XVIII, 25) » ; que pour savoir ce qu'un Dieu parfaitement bon et tout ensemble parfaitement juste ordonnera de l'homme pécheur, c'est folie de s'en rapporter à l'opinion de l'homme lui-même, qui ne peut être ni juge désintéressé dans sa propre cause ni juge éclairé dans celle de Dieu ; et qu'il en faut appeler enfin à une autorité plus haute à la fois et plus pure ; et où trouverons-nous une autorité semblable, si ce n'est dans ce livre inspiré qui nous parle de Dieu dans le langage de Dieu même, selon cette belle pensée d'un poète chrétien : « Qui m'instruira de Dieu si ce n'est Dieu lui-même ? » Eh bien ! ce saint livre loin d'attribuer à Dieu une bonté qui l'empêche de condamner aucune de ses créatures, nous déclare au contraire dans une même page que « sa bonté est par-dessus toutes ses oeuvres » et « qu'il exterminera tous les méchants (Psaume CXLV, 9, 20 ; XCLI, 7, 8.). »

Mais voici d'autres docteurs qui plus téméraires encore que les premiers, ne se contentent pas d'annoncer une sentence favorable à tous les hommes, mais proposent encore les plans d'après lesquels ce résultat doit être obtenu ; et comme on le pense bien, celui-ci propose un plan et celui-là en propose un autre.
Quelques-uns se persuadent que l'homme pourra encore se préparer au jugement après la mort ; et que sait-on ? s'y préparer peut-être avec de plus grands avantages qu'ici-bas, puisqu'il est vraisemblable que son esprit aura plus de lumières et moins de tentations, quand il sera dégagé de la matière et sorti de ce monde.
Mais qui est revenu du séjour des morts pour vous informer de ce qui s'y passe ? Qui a calculé les effets du changement immense et mystérieux que la mort apporte dans notre condition, pour vous donner l'assurance qu'il sera seulement question de conversion après la mort ? Et que peut-on affirmer enfin concernant les morts, sinon ce qu'en enseigne la parole de Dieu ?
Eh bien ! cette Parole, qui à la vérité ne nous donne guère de lumières sur la condition des morts, en dit assez toutefois pour détruire l'espérance que vous entretenez, puisqu'elle ne vous parle jamais ni de conversion des morts, ni de prières pour les morts, ni de rien de semblable ; puisqu'elle fait partout envisager la vie présente comme étant le temps de l'épreuve et la mort comme en étant le terme ; puisqu'elle nous peint la mort « surprenant l'homme dans son péché (Ezéch., XXXIII, 6, etc.) » et qu'elle donne à entendre qu'un homme qui sera « mort dans ses péchés » ne pourra jamais aller où est allé Jésus-Christ (Jean VIII, 21.), c'est-à-dire dans la félicité éternelle ; puisqu'elle lie étroitement dans notre texte et ailleurs le jugement avec la mort sans tenir compte de l'intervalle qui les sépare :
« Il est réservé à tous les hommes de mourir et après cela suit le jugement ; » puisqu'elle répète en plus d'un endroit « qu'on ne connaîtra pas les merveilles de l'Éternel dans les ténèbres, ni sa justice dans le pays d'oubli ; que les morts ne loueront point l'Éternel, et que le sépulcre ne le célébrera point ; que les morts ne s'attendent plus à sa vérité, mais que ce sont les vivants, les vivants qui le célébreront, et qui enseigneront à d'autres vivants le chemin de la vérité (Esaïe XXXVIII, 18, 19 ; Ps. VI, 6 ; XXX, 10 ; LXXXVIII, 11 ; Ecclés. IX, 10) ; » enfin puisqu'elle déclare dans un passage qui se rapporte directement à la question qui nous occupe, que c'est « suivant les choses que nous aurons faites dans le corps (3», c'est-à-dire dans la vie présente, que nous serons jugés au tribunal de Jésus-Christ.

Il est enfin des hommes qui vont encore plus loin, et qui se figurent qu'en quelque état que l'on paraisse au tribunal de Dieu et quelque sentence qu'on y reçoive, il ne sera question pour personne d'un malheur éternel ; ne craignant pas de régler le jugement d'après une théorie de leur invention. Il ne faut pas s'imaginer, disent-ils, qu'au tribunal de Dieu les uns seront absolument condamnés et les autres absolument acquittés ; il faut laisser au peuple et aux enfants la croyance d'un paradis et d'un enfer ; en réalité les choses ne seront pas si tranchées, mais voici à peu près ce qui aura lieu.
À la suite du jugement tous les hommes seront rangés sur une échelle immense mais unique, comprenant toutes les nuances possibles de félicité et de misère depuis le souverain bonheur jusqu'à l'extrême infortune, et dont chacun occupera le degré correspondant exactement à sa valeur morale, calculée d'après une juste appréciation de ces deux éléments, les ressources dont il aura joui et le parti qu'il en aura tiré ; puis commencera un mouvement universel qui ne doit jamais s'arrêter, chacun montant de degré en degré pour occuper la place de celui qui le précède et laissant la sienne à celui qui le suit : éternité mobile, où les récompenses et les peines ne seront éternelles que parce que les distances premières seront éternellement conservées, et où il n'y a point de degré si élevé de félicité où ne puissent aspirer avec le temps ceux-là même qui auront d'abord été rejetés à la dernière place.

Mais qu'est-ce que cela ? C'est une conjecture ingénieuse qui amuse l'imagination, qui charme l'esprit, qui plaît au coeur, qui endort agréablement la conscience ; mais ce n'est rien de plus. Que dis-je ? et ne voyez-vous pas tout ce que cette conjecture a contre elle ?
Elle a contre elle le bon sens de tous les peuples, qui, sans convention et comme par instinct, se sont accordés à croire deux séjours éternellement distincts, l'un de félicité et l'autre de misère.
Elle a contre elle la philosophie, puisqu'elle perpétue la figure mobile de ce monde et transporte le temps, dans l'éternité ; le temps qui n'est, s'il en faut croire de grands philosophes, qu'une forme de la pensée qui n'aura pas même de nom dans notre condition future.
Elle a contre elle la morale, puisqu'elle suppose qu'il n'y a qu'une transition insensible de la sainteté et de la bénédiction qui lui est promise au péché et à la malédiction dont il est menacé, et que les crimes les plus détestables, y persévérât-on jusqu'à la mort, ne sont après tout que du temps perdu. Mais elle a surtout contre elle la Bible : la Bible, qui déclare ou suppose partout, par son ensemble et par ses détails, par son esprit et par sa lettre, qu'il y aura un jugement véritable, où les uns seront mis à la droite et les autres à la gauche, et à la suite duquel « ceux-ci s'en iront aux peines éternelles et les justes à la vie éternelle (Matth. XXV, 46. ) ; »
la Bible, qui nous fait entendre Abraham disant au mauvais riche : « II a été établi entre vous et nous un grand abîme, afin que ceux qui voudraient passer d'ici vers vous ne le puissent pas, non plus que ceux qui voudraient passer de là » ici (Luc XVI, 26. ) ; » la Bible enfin qui nous dépeint la condition d'un Juda, mort dans son impénitence, « comme tellement désespérée qu'il vaudrait mieux pour lui n'être jamais né (Matth. XXVI, 24.). »

Coupons court à toutes ces vaines imaginations. Tous les raisonnements dont on essaie pour se persuader qu'aucun homme ne sera éternellement condamné, n'ont rien de solide, parce qu'ils ne peuvent se fonder ni sur la raison de toutes ces matières, ni sur la révélation qui n'en parle que pour se prononcer contre cette espérance.
Ce ne sont là que des théories sans appui qui peuvent bien amuser les loisirs d'un philosophe dans son cabinet, mais qui ne peuvent pas donner de tranquillité sur un lit de mort ; puisque dans tous les cas et pour dire le moins, elles ne présentent aucune certitude à celui qui tente de s'y réfugier. Car quel est celui de vous qui dans ce moment terrible, aux prises avec les angoisses de la mort, pourrait dire avec une assurance inébranlable : « Je sais qu'il n'y aura personne de condamné au tribunal de Dieu ? »
Non, non : tous ces systèmes sortis de votre cerveau ne peuvent pas plus vous rassurer contre les frayeurs du jugement, que ne le pourrait une peinture que vous feriez suspendre devant vos yeux et dans laquelle vous auriez pris soin de vous faire représenter jouissant de la félicité éternelle.

C'est pourquoi, laissant la ces pompeuses puérilités d'une sagesse faussement ainsi nommée, et prenant les choses comme elles sont, je veux dire comme nous les trouvons dans la parole de Dieu ; admettant qu'il y aura un jugement proprement dit où les uns seront acquittés et les autres condamnés, et qu'ainsi tous les hommes ne peuvent pas mourir tranquilles, mais ceux-là seulement qui ont une assurance fondée qu'ils ne seront pas condamnés, je vous demande si vous êtes de ce nombre, vous, qui que vous soyez dans cet auditoire.

La question est terrible.
Examinons-la, je ne dis pas froidement, cela est impossible, mais de sang-froid. Évitons tout entraînement de sensibilité, tout écart d'une imagination qui se joue, et discutons ce redoutable sujet aussi simplement, j'ai presque dit aussi familièrement que si j'en parlais à chacun de vous dans son cabinet !

Si tous les membres de cette assemblée devaient se lever l'un après l'autre et répondre à ma question, il n'est pas vraisemblable que la plupart le fissent avec cette fermeté qui marque une assurance bien établie. Des espérances vagues, une confiance irréfléchie, tout au plus des raisons mal pesées, voilà ce qu'on trouve chez le plus grand nombre.
Toutefois, s'il en faut juger par la tranquillité qu'ils font paraître et la sécurité dans laquelle ils vivent, ils se persuadent sans doute qu'ils peuvent mourir tranquilles ; et si on leur demande pourquoi ils le peuvent, voici à peu près ce qu'ils répondront et ce qu'où entend dire en effet tous les jours.

L'un dira : « Je suis un honnête homme ; je ne fais de tort à personne ; ne remplis-je pas mes devoirs de père, de mari, de citoyen ? et quel crime ai-je commis pour mériter une condamnation éternelle ? »
Un autre : « Je ne suis pas un impie ; j'assiste au culte chaque Dimanche et je communie plusieurs fois l'année. »
Un troisième : « Dieu n'est-il pas miséricordieux envers ceux qui se rendent dignes de sa grâce, et que peut-on blâmer dans ma vie ? »

Ces diverses réponses n'en font réellement qu'une : elle se rencontrent toutes dans ce point capital, que ceux qui parlent ainsi pensent que leur conduite est telle qu'ils n'ont pas à redouter le jugement d'un Dieu juste et bon.
C'est à cette pensée commune que je veux m'arrêter ; et m'adressant à tous ceux qui s'appuient ainsi sur leur conduite pour se persuader qu'ils peuvent mourir tranquilles, je vais rechercher avec eux si ce fondement est solide et si leur tranquillité est bien établie.

Pour qu'un accusé comparaissant devant un tribunal humain, puisse être assuré qu'il n'a rien à redouter du jugement auquel il va être soumis, que faut-il ?
Évidemment, il faut qu'il ait comparé la conduite qu'il a tenue avec la loi selon laquelle il va être jugé et qu'il ait trouvé la première conforme à la seconde.

Pour que vous puissiez avoir une assurance semblable en marchant vers le tribunal de Dieu, il faut aussi que vous ayez comparé votre conduite, sur laquelle vous vous appuyez, avec la loi d'après laquelle le jugement doit être prononcé, et que vous ayez trouvé la première conforme à la seconde.
Avez-vous fait ce rapprochement et trouvé cette conformité ? Voyons si vous ne vous êtes point fait illusion.

La loi selon laquelle vous serez jugé au tribunal de Dieu, c'est la loi de Dieu. Vous la connaissez d'abord par la conscience ou Dieu l'a écrite au commencement ; mais cette première lumière ayant été plus ou moins obscurcie par le péché, Dieu nous en a donné une autre, la Bible.
C'est donc par la Bible que vous pouvez apprendre à connaître la loi. Vous l'y trouvez tantôt résumée en quelques maximes fécondes : « Tu aimeras Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même (Matth. XXII, 37-39.) ; » ou encore : Soit « que vous mangiez, que vous buviez ou que vous fassiez quelque autre chose, faites tout à la gloire de Dieu (I Cor. X, 31. ; » tantôt répandue en préceptes de détail, tels que la charité, l'humilité, la tempérance etc., dont chacun se subdivise encore en diverses applications : par exemple, la charité, en charité envers nos proches ou devoirs domestiques, charité envers nos concitoyens ou devoirs sociaux, charité envers tous les hommes ou amour du prochain. Voilà la loi.

Cette loi, l'avez-vous pratiquée ?
Et quand vous avez entendu lire tantôt les commandements de Dieu, auriez-vous pu vous lever et dire, ce que crut pouvoir dire ce jeune homme de l'Évangile à qui Jésus-Christ venait de les rappeler : « J'ai gardé toutes ces choses dès ma jeunesse ? (Matth. XIX, 20.) »
Si vous me répondez affirmativement, écoutez le simple récit d'une conversation que j'eus un jour avec un homme qui avait cette opinion de lui-même. Je lui avais adressé la question qui fait le sujet de ce discours : « Pouvez-vous mourir tranquille ? » II m'avait répondu sans hésitation qu'il le pouvait ; et pressé d'expliquer sur le motif de sa tranquillité, il m'avait dit comme vous que la vie éternelle est promise à ceux qui ont obéi aux commandements de Dieu, ce qu'il avait fait toute sa vie. Je pris alors, presque au hasard, l'un des commandements du Décalogue ; c'était, je crois, le cinquième : « Honore ton père et ta mère » ; et en lui proposant des questions telles que celle-ci : « Ne vous est-il jamais arrivé de faire une chose que vos parents vous avaient défendue ? ou de parler sans nécessité de leurs défauts ? ou de manquer au respect, aux égards, à l'affection que vous leur devez ? ou de faire à leur égard quelque chose que vous ne voudriez pas que vos enfants fissent à votre égard ? »
Je l'obligeai à reconnaître qu'il avait péché en beaucoup de manières contre le commandement que je lui avais rappelé. Je lui demandai alors si, à supposer qu'il n'eût péché que contre ce seul commandement et qu'il eût observé tous les autres d'une manière irrépréhensible, il pouvait se donner pour observateur de la loi ?
Il fallut répondre que non, d'après cette parole si profonde à la fois et si simple de St. Jacques : « Quiconque aura gardé toute la loi, s'il vient à pécher en un seul point, il est coupable de tous. Car celui qui a dit : Tu ne commettras point adultère, a dit aussi : Tu ne tueras point. Si donc tu ne commets point adultère, mais que tu tues, tu es transgresseur de la loi (Jacq. II, 10-11.). » Mais je n'eus pas de peine à lui faire voir que ce n'était pas le seul commandement contre lequel il eût péché : je lui en citai un second, concernant lequel je lui adressai encore quelques questions, lui laissant toujours le soin de juger lui-même sa conduite ; après celui-là un troisième ; puis un autre : toujours même résultat, avec même évidence ; il marchait de surprise en surprise et d'humiliation en humiliation.
Enfin, je l'invitai à me citer à son tour un commandement qu'il n'eût point transgressé. Il choisit le second : « Tu ne te feras point d'images taillées et tu ne te prosterneras point devant elles. »
Pour le coup, il se croyait sûr de son innocence : assurément il ne s'était jamais prosterné devant des images. Mais je lui représentai qu'il y a une idolâtrie spirituelle, dont on se rend coupable toutes les fois qu'on détourne sur la créature les hommages ou les sentiments qui ne sont dus qu'au Créateur ; en sorte que l'avare est un idolâtre, parce qu'il se fait un Dieu de son or, et que l'intempérant est un idolâtre, parce qu'il s'en fait un de son ventre, selon une pensée de St. Paul (Eph. V, 5. Col. III, 5.).

Ne lui était-il jamais arrivé de préférer à Dieu et à sa volonté, ou la fortune, ou les plaisirs des sens, ou l'affection de la créature, ou la gloire du monde ? Ces questions l'amenèrent bientôt à reconnaître qu'il n'y avait pas jusqu'au commandement qu'il se croyait le plus éloigné d'avoir violé, qu'il n'eût violé mainte et mainte fois. Enfin je lui fis observer que « si son coeur le condamnait, » Dieu le condamnait plus sévèrement encore ; Dieu, qui « est plus grand que notre coeur et qui connaît toutes choses (1 Jean III, 20.) ; » Dieu, qui découvre en nous tout le mal qui nous échappe à nous-mêmes, et qui se rappelle tout celui que nous oublions ; et j'ajoutai qu'alors même qu'il ne se serait pas senti coupable, « il ne serait pas justifié pour cela, parce que celui qui nous juge, c'est le Seigneur (1 Cor. IV, 4.) ; » et le Seigneur a déclaré expressément dans sa Parole que « tous ont péché et sont entièrement privés de la gloire de Dieu ; qu'il n'y a point de juste, non pas même un seul ; qu'il n'y en a point qui fasse le bien, non pas même un seul (Rom. III, 10, 12, 23.). »

L'homme dont je viens de parler était sincère : il convint avec candeur, avec émotion, qu'il s'était fait une illusion complète ; que sa conduite, loin d'avoir été conforme aux commandements de Dieu, y avait été toute contraire, et qu'ayant si évidemment mérité la condamnation il ne pouvait pas mourir tranquille.
L'histoire de cet homme ne m'était guère moins inconnue que celle d'un membre quelconque de l'assemblée que j'ai devant les yeux ; et tout ce que je lui avais dit, j'aurais pu le dire à tout autre aussi bien qu'à lui. C'est pourquoi cet entretien peut suppléer à ceux que je voudrais avoir, si je le pouvais, avec chacun de vous ; avec quelques différences dans les détails, le fond en serait le même ; et si vous y portiez la même candeur que lui, vous seriez conduits inévitablement au même résultat. Si donc vous n'avez pas d'autre fondement à votre tranquillité que la conformité prétendue de votre conduite avec la loi de Dieu, vous êtes dans l'erreur ; cette conformité n'existe pas ; ce fondement est illusoire ; vous ne pouvez pas mourir tranquille.

Nous pourrions, ce semble, nous arrêter ici, et sans aller plus avant conclure que vous devez renoncer aux espérances que vous avez nourries jusqu'à présent et en chercher quelqu'autre plus solide, puisqu'enfin si votre conduite n'est point en accord avec la loi du tribunal suprême, on ne voit pas comment il est possible que vous échappiez à la condamnation.
Et pourtant je me trompe, ou la plupart de ceux à qui je m'adresse aujourd'hui se flattent encore d'y échapper.
Aidons-les à démêler l'espérance qui leur reste et qu'ils seraient peut-être embarrassés d'expliquer eux-mêmes, tant elle est vague et incertaine.

C'est qu'ils estiment que la loi ne sera pas appliquée à la rigueur, mais qu'il y sera apporté dés adoucissements et que le juge se contentera d'une obéissance imparfaite. « Dieu », pensent-ils, « n'exigera pas de sa faible créature le parfait accomplissement de sa loi : mais voici ce qu'il fera. Il considérera d'un côté la faiblesse de la nature humaine, de l'autre sa propre sainteté ; et de ces deux éléments combinés équitablement entre eux, il fera une loi mitigée, qui n'exigera de l'homme que ce qu'il est capable de faire dans son infirmité, et d'après laquelle ceux qui sans avoir entièrement satisfait à la loi, ont évité du moins les grands péchés et rempli honorablement les devoirs de la vie, ne seront point condamnés. »

Voilà donc l'espérance qui vous reste : C'est que la loi sera mitigée. Mais d'où vous est venue cette pensée (4? Me répondrez-vous que c'est un raisonnement tout simple qui vous l'a suggérée ? « Ce n'est pas moi seulement, dites-vous, ce n'est pas seulement tel ou tel homme qui n'accomplit pas la loi dans le sens que vous venez de développer ; ce sont tous les hommes, sans exception d'un seul. Il paraît de là qu'il y a dans la nature de l'homme, quelque chose qui fait que cette loi est impraticable pour lui. S'il en est ainsi, Dieu, qui ne saurait nous punir de n'avoir pas fait ce que nous ne pouvions pas faire, ne nous appliquera pas cette loi à la rigueur ; sa justice exige qu'il y apporte des adoucissements qui l'accommodent à la faiblesse de notre nature. »

Ce raisonnement paraît concluant à première vue : mais il n'est pas besoin de beaucoup de réflexion pour en démêler toute la fausseté. Et d'abord, ne voyez-vous pas où il vous conduit ? « Qui prouve trop ne prouve rien », dit un proverbe véritable. Et n'êtes-vous pas effrayés de tout ce que prouve le raisonnement que vous proposez ? Pourquoi vous arrêter à moitié chemin ? Poursuivez, poussez jusqu'au bout cette argumentation qui vous paraît si solide.

Ce qui garantit à l'homme les adoucissements que vous lui annoncez dans la loi de Dieu, c'est qu'il ne peut pas, dans son état actuel, la pratiquer exactement ; en d'autres termes, c'est que le péché est devenu en lui comme une seconde nature, tant il a asservi sa volonté.
Sur ce principe, pour assurer à l'homme des adoucissements plus considérables encore dans la loi, il ne faudra que trouver en lui un asservissement plus complet encore au péché : d'adoucissement en adoucissement, on finira par avoir droit à une tolérance parfaite, c'est-à-dire à l'exemption de tout jugement, quand on sera devenu parfaitement criminel ; et si l'homme pécheur peut compter sur l'indulgence de Dieu, le démon, plus favorisé, peut s'assurer de l'impunité.
Assurément un raisonnement qui conduit à de telles conséquences doit renfermer quelque sophisme : et vous allez le découvrir sans beaucoup de peine. Il y a ici une double confusion.
Premièrement vous comprenez mal le fait que vous affirmez. Vous affirmez que l'homme ne peut pas obéir à la loi de Dieu : cela est vrai ; mais vous oubliez de remarquer en quoi consiste cette impuissance. Ce n'est point qu'il manque absolument à la nature humaine les forces nécessaires pour obéir, ce qu'on ne saurait prouver ; mais c'est qu'il lui manque la volonté d'obéir (5; l'impuissance de l'homme est une impuissance morale, qui loin de pouvoir le justifier, est précisément ce qui le constitue pécheur et coupable au jugement de Dieu.
Mais ensuite, et c'est là surtout ce que nous vous prions de remarquer, la conclusion que vous déduisez de ce fait n'est nullement légitime aux yeux d'une saine raison. Parce que l'homme ne peut pas obéir, vous concluez que Dieu ne saurait exiger de lui l'obéissance. Mais ne voyez-vous pas que cette conclusion n'est légitime que si Dieu est l'auteur dé cette impuissance, et qu'elle cesse de l'être si cette impuissance est venue de l'homme lui-même ?

Oui, si Dieu a fait l'homme incapable d'obéir à sa loi, si Dieu a fait l'homme pécheur, si Dieu est auteur du péché, vous avez raison de conclure qu'il ne saurait exiger de l'homme l'accomplissement de sa loi : mais comment soutenir une telle assertion sans folie et sans blasphème ?
Que si c'est l'homme qui s'est volontairement abandonné au péché, comme la Bible nous le déclare expressément, et comme la raison et la conscience le confirment, l'une parce qu'elle voit bien que « Dieu qui ne peut être tenté par aucun mal » ne peut aussi tenter personne (Jacq. I, 13), » l'autre parce qu'elle nous rend responsables de nos désobéissances en nous les reprochant intérieurement ; s'il est vrai que « Dieu a fait l'homme droit » et que « c'est l'homme qui a cherché beaucoup de discours, qui s'est séduit lui-même par de vains raisonnements, et qui, repoussant volontairement les lumières que Dieu lui avait accordées, a étouffé la vérité par l'injustice », et s'est rendu inexcusable », selon cette doctrine si lumineuse de St. Paul dans le premier chapitre de son Épître aux Romains (Eccl. VII, 29. Jacq. 1, 22. Rom. I, 18, 20.) ; s'il en est ainsi, l'impuissance de l'homme pour obéir, loin de pouvoir lui fournir une excuse, ne peut qu'aggraver sa condamnation parce qu'elle montre avec quel abandon il s'est livré au péché.
Dites tant que vous voudrez que vous ne comprenez pas comment le péché est entré dans le monde : mais au nom de toute justice, comme au nom de toute piété, reconnaissez qu'en tous cas il ne peut pas venir du Créateur, mais qu'il vient de la créature ; qu'il ne saurait par conséquent la dispenser d'une obéissance qu'elle s'est elle-même rendue impossible ; et que tous les raisonnements par lesquels on cherche à se persuader que Dieu n'appliquera pas sa loi à la rigueur, sortent, non d'une saine raison, mais d'un coeur corrompu, et ne séduisent à première vue le jugement de l'homme que parce qu'il est égaré par le péché.

Ne pouvant justifier par la raison l'espérance que vous entretenez d être jugés d'après une loi mitigée, essaierez-vous de la justifier par la Bible ?
Par la Bible ! Écoutez. Si j'ouvrais la Bible qui est devant moi et que je lusse ainsi : « Si vous ne pouvez pas accomplir toute la loi, faites ce que vous pourrez, et Dieu vous tiendra quitte du reste. »
Si vous ne pouvez pas vous abstenir de tout péché, gardez-vous au moins des grands crimes ; ayez une certaine mesure de charité, de patience, de sainteté ; faites cela, et vous pouvez compter alors que la loi sera adoucie autant qu'il est nécessaire pour que vous soyez absous, » reconnaissez-vous la Bible à ce langage ?
Ne vous écriez-vous pas : « Arrête ! ministre prévaricateur ! tu ne lis pas, tu inventes ? »
C'est que cette doctrine d'une loi mitigée est si contraire à l'esprit de la Bible, que si vous tentez un moment d'invoquer en sa faveur le témoignage de ce saint livre, tous vos sentiments, tous vos souvenirs, tout ce qu'il y a en vous de chrétien se soulève contre cette tentative.

Mais voici que je lis et n'invente plus, Épître aux Galates, chapitre troisième, verset dixième :
« Tous ceux qui sont des oeuvres de la loi, sont sous la malédiction ; car il est écrit : Maudit est quiconque ne persévère pas dans toutes les choses qui sont écrites au livre de la loi pour les faire ; » et encore, Épître de Saint Jacques, chapitre second, verset dixième :
« Quiconque aura gardé toute la loi, s'il vient à pécher en un seul point, il est coupable de tous » ; et encore, Épître aux Galates, chapitre cinquième, verset troisième :
« Je proteste à tout homme qui se fait circoncire (voulant être justifié par ses oeuvres) qu'il est obligé d'accomplir toute la loi. »

Que dirai-je encore ? « C'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant (Hébr. X, 31) ; notre Dieu est un feu consumant (Hébr. XII, 29) ; ses yeux sont trop purs pour voir le mal (Habac. I, 13) ; il ne tiendra point le coupable pour innocent (Exod, XXXIV, 7) » ; et mille autres endroits semblables.
Qu'en dites-vous ?
Vous semble-t-il que ce soit là le langage d'un Dieu disposé à fléchir sa loi pour l'accommoder à la faiblesse de l'homme pécheur ? et si votre loi mitigée ne peut subsister devant une raison raisonnable, que fera-t-elle devant la Bible ?

Mais lui chercherez-vous enfin un dernier refuge à l'ombre de la croix de Jésus-Christ ?
Direz-vous : « II est vrai que la loi devait d'abord être appliquée à la rigueur. mais Dieu consent à la fléchir en considération du sacrifice de son Fils ; et la rédemption de Jésus-Christ nous a mérité cette faveur que Dieu n'exige plus de nous une sainteté parfaite, et qu'il se contentera si nous ajoutons à cette rédemption une certaine mesure d'obéissance » ?
C'est ici, mes frères, c'est ici que je ne puis contenir le sentiment qui m'anime ! Grand Dieu, où en sommes-nous, si dans une Église chrétienne, si dans une Église protestante on substitue à la bienheureuse et sainte doctrine de l'expiation du péché par le sang de Christ, la doctrine renfermée dans les discours que nous venons de rapporter, et qui vous le savez ne sont point sortis de mon cerveau, mais que vous avez pu entendre souvent comme moi, si vous ne les avez proférés vous-mêmes ?
Doctrine cependant, dont celle du salut par Jésus-Christ est aussi éloignée que le ciel est éloigné de la terre, dirai-je ? ou de l'enfer ; doctrine, qui n'emprunte quelques mots de la Bible que pour mieux voiler le renversement de ce qu'il y a de plus fondamental dans ses enseignements ; doctrine, qui non contente d'accuser Dieu d'accommodement avec le péché, fait encore Jésus-Christ complice de cette prévarication ; doctrine enfin, qui ne fait descendre le Fils sur la terre que pour proclamer devant les anges indignés que la justice du Père n'est point intraitable, et qui fait couler le pur sang du Fils de Dieu pour effacer quoi ? les péchés de la créature ? non, mais la sainteté du Créateur !

Ah ! plutôt il faut dire que si jusqu'alors vous aviez pu entretenir l'espoir que la loi sera fléchie, il faudrait l'abandonner en présence de la croix de Jésus-Christ ; parce que nulle part Dieu n'a proclamé son dessein arrêté de ne pas fléchir sa loi, d'une manière aussi publique et aussi éclatante que sur cette croix.
Et que déclare en effet le spectacle que Dieu y donne aux hommes et aux anges, si ce n'est que Dieu, placé dans cette alternative, ou de fléchir sa loi ou de frapper son Fils unique et bien-aimé, frappe son Fils unique et bien-aimé ? Tant il lui est impossible de porter aucune atteinte aux saintes rigueurs de sa loi ! et tant cette loi mitigée que vous avez imaginée pour vous mettre à l'abri des frayeurs du jugement, déjà condamnée par la raison, puis repoussée par la Bible, achève d'être foudroyée par la croix de Jésus-Christ !

Mais après avoir renversé successivement tous les appuis que vous essayez de donner à votre loi mitigée, voulez-vous qu'à mon tour je vous explique d'où cette espérance vous est venue ?
Cela ne me sera pas très difficile ; et en voyant où elle a pris son origine, vous achèverez de comprendre aussi quelle créance elle mérite.

C'est que vous avez senti que vous en aviez absolument besoin pour vous rassurer contre le juste jugement de Dieu. D'une part en effet vous étiez forcé de reconnaître, car la chose est trop évidente, que pour que vous puissiez comparaître avec assurance en jugement il faut qu'il y ait accord entre la loi de Dieu et votre conduite ; mais en même temps vous ne pouviez pas vous dissimuler, averti par un instinct de conscience qui a précédé tous mes raisonnements et que vous eussiez vainement cherché à étouffer par les vôtres, que votre conduite n'est pas conforme à la loi.

Que vous restait-il après cela, que pouvait-il vous rester pour échapper à l'attente d'une condamnation certaine, sinon que la loi fût rendue conforme à votre conduite, c'est-à-dire qu'elle fût mitigée ?
Et là-dessus vous avez admis sans autre preuve qu'elle sera mitigée en effet, parce qu'il fallait, ou qu'il en fût ainsi, ou que vous fussiez condamné, ce que vous ne vouliez pas absolument vous avouer. En sorte que l'invention même d'une loi mitigée, à laquelle vous recourez comme à une dernière ressource pour échapper aux frayeurs du jugement, achève de démontrer combien vous avez sujet de le redouter !

Mais prenez-y garde. En concevant cette espérance illusoire, vous ne faites pas seulement une chose inutile quant à vous, mais vous commettez une grave offense contre Dieu. Car sur qui comptez-vous pour mitiger la loi, si ce n'est sur le législateur lui-même ?
C'est-à-dire que vous vous figurez Dieu sous l'image d'un père faible, pour ne pas dire d'un vieillard débile, dont on peut tout obtenir par les larmes ; que des circonstances, qu'il n'a pas prévues sans doute, font changer de dessein ; et qui, selon ce mot bien connu, « n'aura pas le courage de damner » ; un Dieu qui rétracte ses menaces, qui compose avec la corruption de l'homme, et qui n'ose apporter à son tribunal qu'une loi accommodée aux péchés de sa créature !
J'ai vu, sous un ciel étranger, à la porte d'une église, une petite statue de bois peinte en rouge, qui figurait un vieillard avec une longue barbe tenant dans les mains un crucifix, et qui était surmontée d'une planche triangulaire : c'était le Père éternel, couvert de l'emblème de la Trinité, qui présentait le Fils aux hommes... Vous frémissez - ah ! réservez plutôt voire indignation pour vous-mêmes ! Car après tout ces adorateurs aveugles n'avaient prêté à Dieu que le corps et la forme de l'homme, et n'avaient mérité que ce reproche : « À qui ferez-vous ressembler le Dieu fort (Esaïe XL,18.) » ? mais vous lui avez prêté les pensées même de l'homme, ses faiblesses, sa connivence pour le péché, et vous avez mérité ce reproche plus accablant encore : « Tu as estimé que que j'étais comme toi (Psaume L, 21.) », pour pouvoir dire, en regardant ce Dieu dépouillé de sa sainteté, et cette loi mitigée que vous lui avez mise dans la main : « Je puis mourir tranquille, car j'ai accompli cette loi là ».

À la bonne heure, je le veux, vous l'avez accomplie. Mais prenez-y garde, au nom de Dieu, au nom de votre âme, au nom du jugement, prenez-y garde, mon frère égaré : cette loi que vous avez accomplie, ce n'est pas la loi de Dieu, ce n'est pas la loi par laquelle vous serez jugé au dernier jour.
C'est une loi que votre coeur corrompu et votre conscience angoissée ont enfantée ensemble ; une loi que vous avez dictée vous-même à votre juge ; une loi qui le déshonore, une loi qu'il repousse, une loi qu'il rejettera avec indignation sur ses auteurs comme la plus grave de toutes leurs offenses contre sa majesté sainte.
Arrière donc, arrière cette coupable doctrine d'une loi mitigée ! arrière cette espérance qui ne rassure l'homme qu'au mépris de Dieu !
La loi de Dieu ne sera point adoucie.
La loi de Dieu est une, immuable, absolue, éternelle.
La loi de Dieu est comme l'acier : on la rompt, mais on ne la fléchit pas. Si donc vous n'avez pas d'autre fondement a votre tranquillité que l'espérance d'être jugé d'après une loi mitigée, vous vous séduisez vous-même : cette loi mitigée est une chimère ; ce fondement est illusoire ; vous ne pouvez pas mourir tranquille.

Je ne me flatte pas toutefois de vous avoir entièrement convaincus. Je sais trop combien cette doctrine d'une loi mitigée est profondément enracinée dans le coeur de l'homme pécheur. Je crois vous entendre : « Non, vous ne me persuaderez jamais que l'homme ne sera pas jugé d'après une loi mitigée. Je ne sais rien contre les arguments que vous venez de nous présenter : mais j'en crois un sentiment intérieur plus fort que tous vos discours. »
Cette loi mitigée qui vous indigne tant est après tout une nécessité, une justice, une vérité enfin ; je le sens, je le sais, j'en suis sur ».

Eh bien, soit : j'admets pour un moment l'inadmissible doctrine d'une loi mitigée ; je veux supposer que les choses se passeront exactement comme vous l'imaginez : vous n'y aurez rien gagné ; même alors vous ne pouvez pas être assuré que vous ne serez pas condamné.
La loi de Dieu est devenue tolérante, selon vous ; mais vous ne pensez pas qu'elle soit devenue indifférente. Résultat d'une combinaison de la sainteté de Dieu avec la faiblesse de l'homme, la loi mitigée a un élément de condescendance qui tient à la faiblesse de l'homme, mais elle a aussi un élément de sévérité qui tient à la sainteté dé Dieu. Elle autorise une certaine mesure de relâchement et admet dans le royaume de Dieu des hommes qui n'ont pas accompli toute sa volonté ; mais elle n'autorise pas tous les vices et n'admet pas indistinctement dans le royaume de Dieu tous les hommes, jusqu'aux plus vils scélérats : vous n'oseriez le penser. Si elle n'exige pas que vous ayez gardé tous les commandements de Dieu, elle exige du moins que vous en ayez observé..... quoi ?
Sans doute ce que l'homme en peut observer dans son état actuel. Ici je pourrais vous arrêter et vous demander si vous avez fait seulement ce que vous avez pu, je dis ce que vous avez pu dans votre état actuel ; si vous n'avez pas négligé le bien que vous auriez pu faire tel que vous êtes, ou fait le mal que vous auriez pu ne pas faire tel que vous êtes ; et si par conséquent vous n'avez pas transgressé jusqu'à la loi mitigée, mitigée par vous-même ?

Je pourrais vous demander s'il y a un seul homme au monde qui puisse dire : « J'ai fait ce que j'ai pu » ; un seul homme qui n'ait pas transgressé jusqu'à la loi mitigée, mitigée par l'homme lui-même ?
À ce point de vue, la question qui nous occupe serait tranchée en deux mots : car si vous n'avez pas même gardé la loi mitigée, si nul homme ne l'a gardée, comment pourrait-elle vous rassurer, ou rassurer qui que ce soit à l'heure de la mort ?
Mais laissons cela : je n'ai pas besoin de vous convaincre d'avoir viole votre loi mitigée ; il me suffit de vous montrer que vous ne pourrez jamais être certain de l'avoir observée, c'en est assez pour que vous ne puissiez pas mourir tranquille.


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(1) Version de Martin : « II est ordonné. » Nous substituons à cette expression qui manque de justesse, le terme par lequel Martin lui-même rend ailleurs le même mot grec qui se trouve ici : Coloss. I, 5 ; 1 Tim. IV, 8.

(2) Il ne s'agit pas ici de savoir si on peut mourir sans angoisses. La mort, cette marque de la malédiction de Dieu, a toujours quelque chose d'affreux pour la nature ; la maladie y ajoute souvent une horreur nouvelle, et nul ne peut connaître à l'avance jusqu'à quel point il plaira à Dieu d'adoucir pour lui ce dernier combat.
On a vu des hommes dont la foi ne saurait être mise en doute, troublés en ce moment solennel ; tandis qu'on en voit d'autres mourir dans une paix profonde et voyant comme à l'oeil Jésus-Christ prêt à les recevoir « au sortir de ce corps ». On a vu aussi des incrédules attendre la mort avec une entière sécurité (Ps. LXXIII, 4) ; tandis qu'on en voit d'autres livrés dans leurs derniers moments à des angoisses ou à des fureurs qui sont comme un sinistre présage du partage qui leur est réservé dans l'éternité. Ce qui importe, ce n'est pas tant de se sentir tranquille que d'avoir sujet de l'être ; et l'on a sujet de mourir tranquille quand ou peut s'assurer qu'on ne sera point condamné au jour du jugement.

(3) 2 Cor. V, 10. Nous suivons ici la version d'Ostervald, qui est conforme aux versions anglaise et allemande, et aux interprétations des meilleurs commentateurs.

(4) Il ne faut pas confondre l'opinion qui est ici combattue sous le nom de loi mitigée, avec la doctrine d'une gradation dans les peines que la loi prononce contre ceux qui l'ont transgressée.
Autre chose est que la loi soit dépouillée d'une partie de ses exigences en raison de l'infirmité de l'homme, autre chose que la loi châtie ceux qui l'ont transgressée avec une sévérité plus ou moins grande en raison des circonstances différentes où ils se sont trouvés placés.
Autant la première de ces assertions est clairement contredite par l'Écriture sainte et par la saine philosophie, autant la seconde nous paraît clairement établie, par l'une et par l'autre , comme nous l'avons montré ailleurs (Sermon sur la compassion de Dieu four le pécheur inverti.)

(5) Rom. VIII, 7, rapproché de Matth. VII, 18, et surtout de Jean VII, 7.

 

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