Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LES SEPT PAROLES JÉSUS-CHRIST SUR LA CROIX




QUATRIÈME MÉDITATION.

  Et à la neuvième heure, Jésus jeta un grand cri en disant : « Eloï ! Eloï ! Lama sabachthani ; » c'est-à-dire « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ? »Marc XV, 34.

  Jusqu'ici les paroles du Sauveur sur la croix, les trois que nous avons déjà méditées avec vous, ont été, si l'on ose ainsi dire, des élans de charité particulière pour ses ennemis et pour ses amis, pour ceux qui l'avaient crucifié, pour celui qui, cloué à une croix à côté de la sienne, l'avait confessé et adoré, pour ceux qu'il aimait le plus tendrement ici-bas, et qui gémissaient au pied de sa croix.

Celles qui nous restent encore à méditer, se rapportent plus directement à Jésus-Christ lui-même, et à son oeuvre envers tous.
Celle d'aujourd'hui, en particulier, nous présente le Seigneur Jésus au plus fort de ses douleurs, et par conséquent au plus profond de son amour pour nous. C'est sans doute pourquoi les deux Évangélistes qui nous l'ont transmise, ont conservé pour cette parole les sons mêmes qui sortirent de la bouche du Seigneur, dans la langue du pays où vécurent Jésus et ses Apôtres, dans cette langue dans laquelle il annonçait l'Évangile aux pauvres, commandait aux maladies, aux tempêtes et aux démons, dans celte langue dans laquelle Saint-Marc nous a rapporté aussi l'invitation efficace et vivifiante de Jésus à la fille de Jaïrus : Talitha coumi : Jeune fille, lève-toi ; je te le commande, et le seul mot prononcé non moins efficacement sur l'oreille du sourd de la Décapole : Epphatah ! ouvre-toi.

C'est dans cette même langue que Saint-Matthieu et Saint-Marc nous ont conservé ces mots : Eli ! Eli ! ou Eloï ! Eloï ! Lamma Sabachthani ; c'est-à-dire : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ?

Les ennemis de Jésus crurent ou feignirent de croire, qu'il appelait à son secours le prophète Élie. Nous, chers frères, ces mystérieuses paroles nous ont été traduites, et nous en pouvons comprendre le sens, ou au moins la lettre. Mais toi seul, Seigneur ! et nous te le demandons, toi seul qui les as prononcées, tu peux nous en faire pénétrer l'esprit, toi seul peux nous donner de sentir ce qu'elles ont d'instructif, de terrible à la fois et de consolant pour nous, et surtout quel était ton amour pour nous quand tu les prononças, ton amour de tout temps, ô Christ ! toi qui es toujours le même hier, aujourd'hui et éternellement. Amen !

I.

  Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ?
Ces mêmes paroles se lisent au commencement du Psaume XXII. Souvent David, en faisant sa complainte à l'Éternel sur ses propres maux, et parlant comme le Christ, l'Oint du Seigneur en tant que roi d'Israël, David parle aussi au nom et à la place du Christ qui devait sortir de sa postérité selon la chair.

Dans ce Psaume XXII, en particulier, il dit des choses qui ne se sont accomplies qu'en Jésus, entr'autres : Ils ont percé mes mains, et mes pieds ; ils ont jeté le sort sur ma robe.
C'est donc bien en vue du Christ, et à la place du Christ, que David a écrit aussi les premières paroles du Psaume : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ?
C'est bien David qui les a écrites, parce que Jésus-Christ devait les prononcer, et non pas, comme l'ont prétendu quelques interprètes, Jésus-Christ qui les prononce parce que David les avait écrites.
Chez Jésus-Christ, elles sont l'expression d'un sentiment personnel, qu'il éprouvait réellement dans son âme d'homme, lui qui a été tenté comme nous en toutes choses, mais sans péché.

Nous tenons aussi à le dire en commençant ; nous devons connaître assez Jésus-Christ par l'Évangile, pour écarter de ces mots toute idée de révolte ou de murmure contre la volonté de son Père, comme aussi toute idée d'ignorance et de doute sur la volonté de son Père, et sur la cause de ses propres souffrances, et il faut entendre ce pourquoi, moins comme une question que comme une exclamation : « Hélas ! je suis donc abandonné de toi, moi ton bien-aimé ! »

Au reste, ces mots, chers frères, quoi qu'il en soit, laisseront toujours devant nous un abîme que l'intelligence humaine ne saurait sonder jusqu'au fond ; et toutefois, ils peuvent nous donner de grandes, de sérieuses leçons et avant tout, nous apprendre à nous connaître nous-mêmes ou à nous connaître mieux en tant que pécheurs.

Ne laissons jamais échapper le fil qui doit nous diriger et nous conduire à travers toutes les circonstances de la passion du Sauveur, et particulièrement ici.
Jésus souffre à notre place, comme notre représentant, le représentant des pécheurs.
Il parle aujourd'hui comme pourrait parler un homme rejeté et maudit de Dieu ; et en effet, comme le dit Saint-Paul : Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous.
La malédiction de la loi,
c'est-à-dire la malédiction que nous tous, mes chers frères, que vous et moi et chacun de nous avons méritée par nos transgressions de la loi, par nos péchés, ou plutôt par notre péché. Car tous nos péchés, toutes nos transgressions particulières ne sont que des branches ou des fruits d'un même arbre mauvais, arbre qui ne peut porter que de mauvais fruits.
Ce péché unique, c'est l'abandon de Dieu. C'est là le grand reproche que Dieu fait à son peuple. Ils m'ont abandonné... et s'il dit : Mon peuple a fait deux maux, (deux péchés) ; ils m'ont abandonné, moi la source des eaux vives, et ils se sont creusé des citernes crevassées qui ne retiennent point l'eau... on voit bien qu'au fond, ces deux péchés n'en font qu'un, abandonner Dieu ; car comme l'homme ne peut pas tout abandonner, qu'il a toujours besoin de quelque chose, quand il abandonne Dieu, c'est toujours pour quelque chose, pour autre chose que Dieu.

Abandonner Dieu pour autre chose, pour quoi que ce soit, abandonner la source pour se creuser des citernes, voilà le péché, voilà la malédiction ; car il est écrit aussi : Maudit est quiconque de la chair fait son bras.

Le péché, digne de malédiction, c'est donc d'abandonner Dieu pour les choses du monde, de la chair, et par là nous ne devons pas entendre seulement les oeuvres de la chair les plus brutales, les plus grossières, celles qui sont manifestes aux yeux mêmes et au jugement du monde, mais ce que de très honnêtes gens selon le monde, respectables à divers égards, ne songeraient pas même à se reprocher.

Abandonner Dieu pour autre chose, ce fut le péché de nos premiers parents, c'est le péché de quiconque n'est pas devenu un homme nouveau. C'est aussi un reste du vieil homme chez l'homme nouveau, souche, qui coupée, fût ce même à ras terre, mais non extirpée, déracinée, ne repousse encore que trop de rejetons.

Abandonner Dieu, c'est le péché de tout homme naturel. Je dis abandonner Dieu, non ignorer Dieu, car il a connu Dieu dit Saint-Paul. Tout ce qui se peut connaître de Dieu lui a été manifesté... Mais Dieu n'est pas présent à sa pensée ; il n'agit pas par amour pour Dieu. Les choses du monde le préoccupent tellement, qu'il n'a pas le temps, il vous le dira naïvement ; ne l'avez-vous jamais entendu ? ne l'avez-vous point dit peut-être ? il n'a pas le temps de penser à Dieu.

Hélas ! quelquefois après être devenu, ou plutôt avoir commencé à devenir sérieux, après avoir commencé à penser a Dieu, a son âme, à ses péchés, à son salut, à l'éternité, après avoir été effrayé comme Félix, il dit comme Félix à Saint-Paul, il dit à sa conscience, il dit à la Loi de Dieu qui est là, devant lui, menaçante, et même à l'Évangile qui se présente à lui, message du salut, il dit par conséquent à Dieu lui-même, au Dieu de la Loi et de l'Évangile : Quand j'aurai le temps, je te rappellerai.
Il jouit tous les jours des bienfaits de Dieu comme de son soleil, et il n'a pas le temps de le remercier, de solliciter la continuation de ses bienfaits. Il sent au fond de sa conscience, qu'il a péché, qu'il pèche contre Dieu, et il n'a pas le temps de lui demander le pardon et la sanctification.
Ah ! l'on sait bien trouver le temps pour ce qu'on aime.
Aussi ce même homme sait bien trouver du temps non seulement pour les besoins les plus pressants, pour les affaires indispensables de la vie, ou ce qu'on appelle ainsi ; mais pour travailler à s'enrichir, pour se faire un nom dans le monde, pour devenir savant dans les sciences humaines, souvent tout simplement pour s'amuser, pour se livrer à des plaisirs qui l'étourdissent et l'aveuglent toujours plus.
II sait bien trouver du temps pour se faire du mal... et quelquefois aux autres. Il est à peine besoin d'ajouter, qu'il ne trouve pas de temps pour glorifier Dieu par de bonnes oeuvres, par des oeuvres vraiment chrétiennes, par des oeuvres faites en vue et pour l'amour de Dieu.
L'homme, s'il n'est converti du coeur à Dieu, songe-t-il à faire quelque chose pour Dieu ? Le bien même qu'il fait, bien au jugement des hommes, et qui peut être un bien pour les hommes, pour la société, et digne d'éloges sous ce point de vue, le fait-il pour glorifier Dieu, ce Dieu auquel il pense à peine ?


Et cependant, il est écrit : Tout ce que vous faites, faites-le comme pour le Seigneur, parce qu'il est écrit aussi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée.

L'homme n'est-il donc pas éloigné de Dieu ? N'a-t-il pas abandonné Dieu ? Tel est notre état, mes frères, aussi longtemps que nous n'avons pas connu Christ, ou que nous ne l'avons connu que de la mémoire et de l'intelligence, que nous ne l'avons confessé et honoré que des lèvres, et après même que nous l'avons connu, que nous avons cru en lui du coeur, il ne nous arrive que trop souvent encore d'avoir des retours, des rechutes, je ne dirai pas d'abandon de Dieu, mais d'éloignement de Dieu.

Abandon de Dieu, éloignement de Dieu, péché commun de tous les pécheurs. Péché énorme, non seulement en ce qu'il comprend tous les autres, en ce qu'il entraîne tous les autres, mais énorme en lui-même !
Ne pas aimer Dieu qui nous a faits, en qui nous avons la vie, le mouvement et l'être, qui nous a aimés le premier ; abandonner celui qui ne s'est jamais laissé sans témoignage en nous faisant du bien, quelle ingratitude, et que mérite-t-elle, disons mieux, qu'entraîne-t-elle naturellement, nécessairement ?

Oui, il est dans la nature des choses, dans la nature nécessaire du Dieu saint et juste, que Dieu t'abandonne, pécheur, toi qui l'as abandonné, que, si tu n'es plus à Dieu, Dieu ne soit plus à toi ; et si tu ne sais pas sentir encore à cette heure quel malheur c'est pour toi, à cette heure, où toutes tes idoles préoccupent et remplissent ton coeur dans lequel Dieu devait régner, ... quand ces idoles, comme Dagon, seront renversées par son bras puissant sur le seuil de l'éternité ; que te restera-t-il, qu'auras-tu pour l'éternité ?

Tu n'as plus Dieu ; tu l'as abandonné, il t'a abandonné. Maintenant, toutefois, qu'il en est temps encore, si tu veux te rejoindre à Dieu, ravoir Dieu, qui te rendra Dieu ? Et toi, pécheur, qui te sens réconcilié avec Dieu, qui invoques Dieu comme un père, et qui peux dire ainsi que Jésus : Le Père est avec moi, qui t'a rendu Dieu ? O si nous pouvions le dire de chacun de vous, de chacun de nous ! Qui nous a rendu Dieu ?

II.

  Qui donc ? celui qui est là, sur la croix, sur cette croix, de laquelle nous nous reprocherions, chers frères, de vous avoir tenus, quelques instants, éloignés, si ce n'était pour faire sentir à nos consciences ce que devait faire, et ce que fait maintenant sur cette croix, celui qui s'écrie : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ?

Abandonné !
C'est pourtant celui en qui le Père avait mis son affection, celui qui, tandis qu'il a vécu ici-bas, était en communication continuelle avec le Père, toujours occupé du Père, ayant pour nourriture de faire la volonté du Père, travaillant au milieu de la foule à l'oeuvre du Père, ou se retirant à l'écart dans le désert pour prier le Père, toujours exaucé du Père.
Les anges du ciel montaient et descendaient sur le Fils de l'homme ; et voilà que ces glorieuses communications sont interrompues.
Ici, en Golgotha, pas même un ange pour le fortifier comme en Gethsémané, et l'angoisse est bien plus grande qu'en Gethsémané. Là, elle ne fait que commencer.

Jésus dit encore : Père, s'il est possible ! Ici à cris redoublés : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ? Il n'ose plus dire Père, comme au jardin des Oliviers, ni même comme dans la première parole de Golgotha, Père, par donne-leur ! et pas encore comme dans son dernier cri : Père, je remets mon esprit entre tes mains !

Mon Dieu ! mon Dieu !
Non ce n'est pas son père ; c'est son Dieu, son juge.
C'est qu'il est là à la place de ceux qui ont abandonné Dieu, et que Dieu doit aussi abandonner, s'il n'écoute que sa justice, et pour que son Dieu ne les abandonne pas à jamais, il faut que lui souffre cet abandon, cette colère de son Dieu qui devait tomber sur le pécheur.
Et ici, ne disons pas : Cette parole est dure, qui peut l'entendre ? Car c'est la parole de Dieu. Esaïe avait dit : L'Éternel a voulu le froisser, le mettant en langueur.

Quand on dit que Jésus a souffert tout ce qu'on peut souffrir de mauvais traitements de la méchanceté des hommes les plus haineux et les plus pervers, tout ce qu'on peut souffrir de douleurs physiques dans le supplice le plus long et le plus cruel, on dit la vérité, mais on ne dit pas encore toute la vérité.
Quand on dit qu'il s'est offert en sacrifice à Dieu pour nos péchés, et que Dieu a accepté son sacrifice, on dit la vérité, une grande vérité ; mais on ne dit pas encore toute la vérité.
Quand on dit qu'il a donné sa vie pour nous, on dit la vérité, une grande vérité ; mais on ne dit pas encore toute la vérité. Il y a certainement quelque chose de plus dans ces paroles : L'Éternel a voulu le froisser, le mettant en langueur. L'Éternel le froissait dans ce moment ; il ne le traitait pas comme son bien-aimé.

Jésus, s'étant mis à la brèche pour nous, ayant plaidé la cause de nos âmes, n'a pu gagner cette cause qu'en éprouvant à notre place ce que nous avions mérité, l'abandon de Dieu, la colère de Dieu due à nous qui avions abandonné Dieu.
Dieu, dit aussi Saint-Paul, Dieu a traité comme un pécheur, comme le péché même, c'est la force et le sens du texte original, Dieu a traité comme un pécheur celui qui n'avait point connu le péché, afin que nous fussions justes devant Dieu par lui.

Voilà, chers et bien-aimés, tout ce que nous pouvons vous dire et tout ce que la Parole de Dieu elle-même nous laisse entrevoir de cette mystérieuse malédiction qui pèse sur le juste, mystérieuse et pourtant bien significative. Il reste toujours du mystère, de quoi s'écrier avec Saint-Paul : O profondeur ! et toutefois il y a assez de lumière, pour voir ce qu'est le péché, et ce qu'est l'amour de Dieu, l'amour de Jésus pour les pécheurs.

Voulons-nous bien savoir ce que c'est que le péché, ce que c'est que d'abandonner Dieu. Écoutons le cri de Jésus ; il nous apprend que c'est une chose amère, d'abandonner l'Éternel, puisque le Dieu qui est riche en miséricordes n'a pas épargné son propre Fils, devenu le représentant des pécheurs, de ceux qui ont abandonné Dieu, et que pour expier cet abandon, lui Jésus, le saint et le juste a dû éprouver l'abandon de son Père, au point de pousser ce cri déchirant.

Mais aussi nous voyons bien ici quelles sont les richesses de la grâce de Dieu, et combien il est vrai qu'il ne prend point plaisir à la mort du pécheur, et surtout nous voyons combien Jésus nous a aimés, puisque pour nous, si mauvais, si souillés de péchés, il a consenti à être privé, ne fût-ce que pour quelques instants, du sentiment de l'amour de son Père qui faisait son bonheur dès les jours éternels, dès le commencement, la Parole était auprès de Dieu, .où elle était Dieu.

 Ah ! si nous l'avons compris, si nous l'avons sent i,ne verrons-nous pas le péché bien plus odieux, bien plus horrible? Ne craindrons-nous pas d'abandonner encore le Dieu vivant... et d'abandonner celui qui nous a tant aimés ?
Ne désirerons-nous pas de suivre l'Agneau quelque part qu'il aille, de marcher sur ses traces dans une vie nouvelle, vie où Dieu soit toujours avec nous, Jésus toujours avec nous, notre Emmanuel, toujours devant nous ou à nos côtés, présent à notre pensée, but et modèle à la fois de toutes nos oeuvres, objet de nos louanges et de nos actions de grâces, de notre bonheur et de notre amour ; dans une vie de charité, de support, de pardon, de patience, de dévouement, vie cachée avec Christ en Dieu, mais qui se manifeste par l'odeur de nos bonnes oeuvres, vie consacrée à celui qui pour nous est mort et ressuscité, et qui plus encore, a dû s'écrier pour nous, à notre place : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ?

 Ah ! si nous ne nous attachons pas sérieusement et pour toujours à celui qui, pour nous, a dû pousser ce cri de détresse, nous aurons à le pousser nous-mêmes tôt ou tard. Vous ne vous étonnerez pas sans doute, mes frères, si à l'occasion de chacune des paroles de Jésus-Christ sur la croix, nous nous transportons à notre lit de mort.
La croix de Jésus-Christ n'a-t-elle pas été son lit de mort, et puis ne fut-elle pas dressée pour adoucir, pour bénir, pour sanctifier nos lits de mort ?
O si nous avions été infidèles, qu'il serait, à notre dernière heure, qu'il serait déchirant ce cri : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ? Ah ! je ne le sais que trop, dirions-nous ; c'est que moi-même je t'ai abandonné, Dieu Fort, mon Juge, lorsque tu avais tout fait pour m'appeler, pour m'attirer à toi par des cordages d'amour, lorsque pour moi tu avais donné ton propre Fils, ton Fils unique ; c'est que je t'ai abandonné, Seigneur Jésus, qui t'étais donné toi-même pour moi.

Mes frères, nous ne nous sentons pas le courage d'aller plus loin.... ni vous non plus, je crois, et nous aimons mieux penser au lit de mort de quiconque s'étant mis à l'abri sous la croix, ne sera pas abandonné finalement.
Je dis finalement ; car si le saint et le juste a dû souffrir l'abandon de son Père, nous qui l'avions abandonné, et qui ayant été ramenés à lui, achevons rarement notre carrière, sans qu'il y ait eu pour nous des moments plus ou moins nombreux, plus ou moins longs de relâchement dans son service, des moments de rechute et d'infidélité, des moments où nous le perdons de vue, nous pouvons rarement aussi achever notre carrière, sans passer par quelques moments pénibles, angoissants, où il peut nous sembler que Dieu cache sa face.
Mais cette face, qui, pour ceux qui l'ont réellement abandonné, se cache derrière d'épaisses et éternelles ténèbres, elle ne se cache pour les enfants de Dieu, que derrière un nuage, qui laissera bientôt percer, puis reparaître dans tout son éclat le soleil de justice, et en attendant, ils peuvent dire avec confiance au nom de Jésus : Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'as-tu abandonné ? Ne suis-je pas à toi ? N'ai-je pas auprès de toi Jésus, qui te prie pour moi ? Rends-moi tes consolations, ô mon Dieu ! mon Dieu ! rends-moi la joie de ton salut. « Rends-moi, Seigneur, rends-moi ta douce paix. »
Et bientôt exaucés, bientôt, voyant se dissiper le nuage et reparaître la lumière, ils peuvent dire avec David : Quand je passerai par la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrai pas, ton bâton et ta houlette sont ceux qui me consolent.
Oui, appuyés sur le bâton et la houlette du bon Berger, ils le trouveront, lui, de l'autre côté de la vallée, sur la montagne de Sion, pour ne plus être abandonnés de lui, pour ne plus l'abandonner.

Seigneur Jésus ! pardonne, si nous avons bégayé sur ces paroles de ta croix plus encore peut-être que sur toutes les autres. Mais quelle bouche humaine cent fois plus éloquente, plus savante, surtout plus pure que la nôtre, mais humaine toutefois, pourrait, là-dessus, faire autre chose que bégayer. Fais retentir toi-même à nos oreilles, ton Eloï ! Eloï ! lama sabachthani ?
Que nous n'ayons pas à le dire nous-mêmes ! ou que s'il nous faut le dire comme toi, nous entendions bientôt la voix de ton Père, notre Père, de ton Dieu, notre Dieu, répondre à notre coeur : Je ne t'ai point abandonné. Je ne te laisserai point, je ne t'abandonnerai point. Non ; je suis toujours avec toi. Oui, Seigneur ! « Unis nos coeurs à toi par de forts et doux noeud. » Que nous ne t'abandonnions plus, et toi, ne nous abandonne jamais !
Amen


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