Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



RAFARAVAVY MARIE
(1808-1848)

Une Martyre Malgache sous Ranavalona 1re,



CHAPITRE VII

Fuite et poursuites

Rafaravavy avait été menée au marché des esclaves mais plutôt comme signe extérieur de la condamnation intervenue. Car Rainiharo avait obtenu de placer la condamnée chez un de ses aides de camp, Andrianandraina.
Il se trouva que ce dernier avait un lien de parenté assez éloigné avec le mari de Rafaravavy qui depuis assez longtemps avait été envoyé comme officier sur la côte ouest. Andrianandraina lui fit écrire pour le mettre au courant des événements.

En apprenant ce qui était arrivé, le mari de Rafaravavy demanda la permission de monter à la capitale pour quelques mois. Cela lui fut accordé. Il eut de longues conversations avec Andrianandraina, puis avec sa femme, qu'il fut extrêmement ému de revoir.
Il avait toujours conservé une vive affection pour elle, mais n'avait pu la suivre dans sa conversion et avait souffert en silence de tous les malheurs fondus sur son foyer. Il en souffrait d'autant plus qu'il n'avait pas la ressource de s'appuyer, comme sa femme, sur le secours d'En-Haut.

Ses entrevues nouvelles avec Rafaravavy le rendirent plus perplexe que jamais. Il fut surpris de la force d'âme extraordinaire manifestée par sa femme au milieu des circonstances si critiques qu'elle traversait, et, sans pouvoir aller jusqu'à adopter ses idées, il sembla comprendre qu'il y avait en elle quelque chose d'infiniment respectable.
Il obtint alors d'Andrianandraina que Rafaravavy fût traitée non comme une esclave, mais comme une parente, au moins autant que faire se pouvait sans attirer les soupçons du dehors.
De fait, Rafaravavy fut laissée à peu près libre d'aller et de venir, en dehors de certaines heures de travail qu'Andrianandraina dut, malgré tout, lui imposer pour éviter tout commentaire suspect de la part des autres domestiques.
Elle en profita pour aller à la recherche de quelques chrétiens et put assister deux ou trois fois à ; des réunions chez un ami, Rafaralahy, qui s'était largement dépensé pour secourir les persécutés.

Malheureusement, cela ne dura pas longtemps. À peine deux mois après l'heureux changement dans la situation de Rafaravavy, ce Rafaralahy fut accusé par un de ses débiteurs qui voulait être libéré de sa dette et pouvoir mettre la main sur quelques-unes des nombreuses propriétés de son créancier, et fut mis à mort.

Après l'exécution de ce nouveau martyr, on emprisonna sa femme, alors enceinte, et un jeune chrétien, Andriantsalama.
Durant plusieurs jours, ou les battit cruellement pour leur faire dénoncer quelques personnes, et, dans un moment de dépression, la femme de Rafaralahy prononça quelques noms : la plupart avaient déjà été indiqués par l'accusateur de son mari, mais quelques-uns ne l'avaient pas été, et parmi eux celui de Rafaravavy et de Rainitsiheva.
Des amis de ces derniers comprirent que le cas était des plus sérieux. Il n'y aurait plus d'espoir pour les accusés d'avoir la vie sauve, puisqu'il s'agissait, pour Rafaravavy surtout, d'une troisième récidive.
Ils se hâtèrent donc d'avertir les intéressés.

Ce jour-là, Rafaravavy était allée avec deux amies à une certaine distance de la ville, afin de rendre visite a un autre chrétien. Tous les quatre causaient avec animation sur les sujets qui les préoccupaient avant tout - la destinée des hommes après la mort, le salut, la force que l'Esprit peut donner à chacun -, quand quelqu'un frappa un peu vivement à la porte.
On ouvrit ; c'était un inconnu qui tendit un papier portant le nom de Rafaravavy. Elle déplia le billet et le lut rapidement sans que son visage laissât voir ses sentiments. Elle attendit pour parler que le messager, dûment remercié, eût disparu.
On lui annonçait ce qui venait de se passer - la mort de Rafaralahy, l'arrestation de sa femme et la dénonciation arrachée à la faiblesse de cette dernière.

Après un moment de silence, elle lut ce qu'on lui mandait. Les deux amies qui l'avaient accompagnée se trouvaient aussi compromises dans l'affaire. Il fallait aviser ait meilleur moyen de préserver leur vie, si cela était encore possible.
Le maître de la maison, après quelques paroles de réconfort, exposa à nouveau la situation, d'où il ressortait qu'en fait, il ne pouvait songer à les cacher. Elles seraient vite repérées, et lui-même englobé au nombre des victimes.

La difficulté était de savoir où aller ? Elles se décidèrent à quitter la maison où elles étaient et se dirigèrent en droite ligne vers Tananarive, comme les brebis vont à l'abattoir. Elles ne voyaient absolument pas le moyen de fuir. Mais elles ne sentaient aucune terreur à l'approche de la mort. Tout le long du chemin, elles causèrent du Seigneur et de leur rencontre au Ciel. Arrivées au bas de la colline d'Ambohipotsy, qui forme l'éperon sud de la capitale, elles s'arrêtèrent pour prier et demander à Dieu la force de rester fidèles à leur foi. Puis elles se dirent adieu, comptant bien ne se revoir qu'au ciel. Les deux compagnes de Rafaravavy se dirigèrent à l'est d'Ainbohipotsy. Quant à Rafaravavy, elle obliqua vers l'ouest d'Ambohijanahary, pour gagner directement Isovaka, où habitait Andrianandraina, à qui elle avait été donnée comme esclave. Elle pensait y trouver déjà les soldats chargés de la saisir, mais, de fait, personne n'avait paru. Il ne restait au logis qu'une servante : maître et maîtresse, avec tous les autres esclaves, étaient sortis pour moissonner le riz. Rafaravavy demanda à la servante si quelqu'un était venu porter un message à leur maître.
« Non, personne », répondit la domestique.

L'ordre de l'arrêter n'était donc pas encore donné, car son maître aurait été averti d'abord, et quelqu'un serait venu s'informer de lui.
Elle repartit, afin de remonter en ville.
Elle passa devant la maison d'un de ses amis, Siméon Andrianomanana. Elle ne voulait pas y entrer de peur de lui nuire. Mais lui l'aperçut et lui fit signe d'entrer. Il y avait chez lui David Ratsarahomba.
Elle s'aperçut vite qu'ils étaient au courant de tout, et elle apprit, à sa grande émotion, que les deux amis qui la recevaient ainsi étaient eux-mêmes parmi les gens récemment dénoncés. Ils avaient justement l'intention de la chercher, tandis que d'autres étaient partis pour amener Paul Rainitsiheva et Andrianantoaindro eux aussi sous le coup des mêmes poursuites. Il l'allait se concerter sur les mesures à prendre.
Bientôt arrivèrent Andrianinianana et Basoamaka. Les autres n'avaient pu être rejoints.

Après un entretien sur la situation, ces amis décidèrent que le mieux était de chercher à fuir, invoquant la recommandation du Seigneur lui-même de se sauver ailleurs en cas de persécution. Ils convinrent de s'en aller à Fihaonana, au Vonizongo, chez Rafaralahy Andrianizy et Andrianilaina, son neveu, tous deux connus comme ayant été des premiers au Vonizongo à accepter l'Évangile.

Une rue de Tananarive (Quartier bas d'Isotry)

Il fallait partir la nuit même. Mais, avant de se mettre en route, Andrianomanana, Ratsarahomba et Rasoamaka voulurent mettre en ordre les marchandises qu'ils avaient chez eux : esclaves de Rainiharo,
ils avaient reçu de lui une certaine somme à faire fructifier dans le commerce : ils réunirent les différents objets bien empaquetés et écrivirent dessus : « A remettre à Rainiharo ». Ces paquets restèrent ainsi trois mois avant que quelqu'un ne les découvrît. On trouva au dedans l'argent produit par la vente, ainsi que le compte exact de la recette et de la dépense, y compris le montant des, dettes de certains acheteurs à crédit, et une somme de soixante centimes « pour frais de route ». Grand fut l'étonnement de Rainiharo de constater la scrupuleuse honnêteté de ces chrétiens.

Vers minuit, les compagnons se levèrent : leur coeur était profondément angoissé, d'autant plus que, par suite de la maladie de sa femme, Andrianomanana devait rester en ville. D'autre part, Rainitsiheva et Andrianantoandro, qu'on avait fait chercher, ne parurent point. Ils ne furent que cinq au départ : Rafaravavy, Andrianimanana, Rasoamaka, Ratsarahomba et sa femme.

Au moment de se mettre en route, une autre difficulté vint les préoccuper : le riz vakiambiaty se trouvait mûr, et par crainte des voleurs, les gens surveillaient étroitement leur récolte. Comment traverser toute la plaine du Betsimitatatra (1) sans être surpris ? Mais Dieu même avait préparé leur chemin : à peine avaient-ils franchi le seuil qu'ils virent arriver derrière eux toute une troupe de gens s'en allant chercher du bois dans la forêt. Ils se mêlèrent à eux, sans exciter la curiosité des gardiens de rizières. Le surlendemain, ils arrivaient sains et saufs à Fihaonana.

Ils reçurent de leurs hôtes (à savoir : Rafaralahy Andrianizy et Ramanjaka sa femme, Andrianilaina et Sarah Razafy sa femme) un accueil des plus chaleureux. Les recevoir, c'était pourtant faire preuve d'un grand esprit de sacrifice. Ce n'étaient pas, en effet, des hôtes ordinaires, c'étaient des chrétiens, et l'on se rappelle la sévérité des ordres royaux à ce sujet : « Quiconque recèlera un baptisé sera traité comme la feuille d'arum enveloppant un mets quelconque et qu'attend un sort commun. » Les maîtres de la maison connaissaient tout cela et savaient au-devant de quels dangers ils allaient ; mais ils n'hésitèrent pas. De fait, ils furent cruellement persécutés dans la suite pour l'aide qu'ils avaient apportée aux chrétiens.

Revenons à Tananarive. Le lendemain du départ de nos amis, des soldats arrivèrent à Isovaka pour s'emparer de Rafaravavy ; ne la trouvant pas, ils la cherchèrent par toute la ville.

On avait donné ordre à ces soldats de tuer Rafaravavy aussitôt trouvée. C'était la seconde fois que cette chrétienne était l'objet de la part de la Reine d'un arrêt de mort et la seconde fois qu'elle échappait à cette condamnation. La première fois, ce fut l'incendie d'une partie de Tananarive qui la sauva ; cette fois-ci, Dieu même la déroba à la vue de ses bourreaux. Ce jour-là, pourtant, on s'empara de Rainitsiheva. Sa femme voulut le suivre, mais, il l'en empêcha, pensant qu'on la tuerait aussi si elle venait. « Attends patiemment ton heure, lui dit-il ; la mienne est proche. » On arrêta aussi Andrianantoandro, qu'on enchaîna étroitement, aussi bien que Rainitsiheva ; on les mit tous deux au secret, et leurs parents furent persuadés qu'on les avait exécutés.
En réalité, on voulait arrêter d'abord Rafaravavy et Andrianimanava, afin de faire mourir ces quatre chrétiens ensemble. On pensait qu'une exécution de quatre coupables à la fois produirait une impression de terreur bien plus vive.

Les cinq fugitifs arrivés à Fihaonana passèrent une partie de la nuit à raconter à leurs hôtes ce qu'ils savaient et aussi à étudier le meilleur moyen de ne pas être surpris. Il était évident qu'ils ne pouvaient rester tous les cinq sous le même toit. L'attention des voisins en eût été trop vite éveillée. Il fallait se séparer et chercher des endroits aussi sûrs que possible. Les uns parlaient de s'enfuir chez les Sakalava. Mais on se rendit compte que, si cette région lointaine était bien faite pour dérober les fugitifs aux recherches des agents du gouvernement, elle serait beaucoup moins bonne pour y vivre longtemps. On n'y avait point d'amis ; on risquait d'y mourir de faim ou d'y être massacré par les habitants.

À la fin, Rasoamaka se décida à aller chercher un refuge chez un de ses amis qui avait une propriété près de la forêt de l'est. Les autres pensèrent à se diriger au contraire davantage vers l'ouest. Rasoamaka les accompagna pendant deux à trois kilomètres, puis se remit en route vers la capitale.
Il n'avait pas fait un kilomètre qu'il rencontra précisément l'ami auquel il songeait et qui avait fait soixante kilomètres à sa recherche. Ils virent tous deux dans ce fait une précieuse marque de la protection divine.
L'ami offrit de cacher aussi David Ratsarahomba. Les trois autres restèrent alors environ une semaine chez leurs premiers hôtes.

Rafaravavy, au bout de ce temps, reçut de nouvelles informations de Tananarive. Les amis veillaient attentivement sur tout ce qui pouvait la concerner et étaient prêts à l'avertir chaque fois qu'on envoyait des émissaires à sa recherche. Elle finit par se convaincre que, pour quelque temps du moins, il lui fallait rester là où elle était.
Toutefois, pour éviter tout ennui à ceux qui voulaient bien l'héberger, elle ne passait chez eux que la nuit. Et chaque matin au chant du coq, elle se glissait hors de la maison et allait se réfugier dans une excavation taillée dans la montagne d'Ambohitriniandriana, un peu au nord de Fihaonana. On voit encore aujourd'hui l'espèce de grotte où elle passait ses journées, la plupart du temps avec Sarah Razafy qui lui était très attachée. Quand arriva la saison des pluies, l'abri n'était guère satisfaisant : certains jours, les deux pauvres femmes rentraient le soir absolument trempées.

Un jour Rafaravavy, qui cette fois était seule et qui se sentait toute transie, voulut essayer de revenir avant la nuit tombée. Mal lui en prit : car ce fut la source d'une assez grosse complication. Elle fut aperçue par une petite esclave envoyée à la recherche d'un boeuf à ramener à l'étable. En rentrant, l'esclave raconta ce qu'elle avait vu, ajoutant que probablement c'était une esclave en rupture de ban.
À l'époque, quiconque ramenait un esclave fugitif touchait deux piastres et demie de récompense.
Le maître de la petite servante s'en alla chercher Rafaralatitiasoa, chez qui justement Rafaravavy était cachée. Il lui rapporta les dires de sa servante et lui dévoila son intention de gagner la prime d'usage.
Mais Rafaralahy se mit assez véhémentement à le dissuader de son dessein et l'affaire en resta là.

Seulement un jeune homme, secrètement chrétien, quoique n'ayant jamais osé le déclarer, soupçonna que la soi-disant esclave fugitive était une chrétienne recherchée par la police. Il s'en ouvrit plus tard à Rafaralahy qui lui avoua ce qui en était. Il réussit à avoir des entretiens avec Rafaravavy, et en jouit personnellement beaucoup.
Malheureusement il commit l'imprudence d'y faire allusion devant un ami bien moins sûr que lui. Et ce dernier, ayant ainsi appris le lieu de retraite de Rafaravavy, s'en alla tout droit en faire part à Rainiharo, le ministre de la Reine, afin de se bien faire venir de lui.

Rainiharo envoya huit hommes. Deux d'entre eux se détachèrent du groupe pour aller épier leur victime au pied d'une colline où elle se rendait à peu près quotidiennement. Ce jour-là, par hasard, Rafaravavy n'y vint pas à cause du froid trop vif. Nos émissaires se rendirent alors chez Rafaralahy. Rafaravavy paraissait prise, mais la main de Dieu la protégea de nouveau. Du riz séchait dans la cour : des corbeaux cherchaient à le picorer. À l'arrivée des soldats, ils s'enfuirent en croassant. En les entendant, Razafy sortit pour chasser les corbeaux. Elle aperçut les soldats, toussa légèrement pour avertir Rafaravavy qui se glissa dans une natte sous le lit.

Les soldats entrèrent. Il n'y avait dans la pièce qu'Andrianilaina et sa femme en train de faire cuire leur dîner près du foyer. Rafaralahy et sa femme étaient allés visiter un parent malade. La maison était petite et étroite ; elle ne se composait que d'une pièce, sans cloison ni étage. En une minute les soldats eurent terminé leur inspection ; ils jetèrent un regard dans le réduit au-dessus du foyer, dans le grenier à riz, sur le lit ; ils n'oublièrent qu'une chose, cette natte roulée sous le lit. Ils interrogèrent les deux occupants, mais ceux-ci firent mine de ne pas comprendre. Les soldats s'installèrent dans la maison pendant une heure et demie, afin de cuire leur riz et de manger : ils se mirent à causer parlant de la fureur de la Reine contre Rafaravavy et du châtiment terrible qui l'attendait. Rafaravavy entendit tout et pouvait même voir les soldats par les fentes de la natte. Au début elle tremblait comme une feuille, mais peu à peu le calme lui revint. Elle se rappela la parole de l'Écriture Sainte disant :

« Ne crains point la terreur soudaine
Ni la ruine causée par les méchants,
Car Jéhovah est ton refuge
Il gardera ton pied de tout piège. »

Les bûchers de Faravohitra

Quelques chrétiens du lieu apprirent soudain l'arrivée des soldats chez Andrianilaina et se précipitèrent chez lui pour lui venir en aide. Andrianilaina leur devait une petite somme, et ils firent semblant de venir la lui réclamer. Andrianilaina et Razafy sa femme venaient de finir leur dîner. Razafy sortit et vit venir ses amis. Elle rentra chez elle et dit à son mari : « T'es créanciers sont là, mais ils refusent la piastre que tu leur a donnée, et veulent que tu la changes.
- Je n'en ai pas d'autres, dit Andrianilaina.
- Montrez-nous cette pièce, dirent les soldats ; mais elle est très bonne, pourquoi ne la reçoit-on pas ?
- Je t'en prie, va toi-même, reprit Razafy, ils ne me croient pas. »

Andrianilaina sortit de la maison, et voici qu'arriva Andrianomanana, fuyant Tananarive où il ne trouvait plus à se cacher. Quel ne fut pas l'effroi d'Andrianilaina en le voyant ! Et quelles complications ! D'un côté Rafaravavy cachée chez lui dans le plus grand danger d'être découverte, et de l'autre Andrianomanana venant se jeter dans la gueule du loup. Andrianilaina le mit rapidement au courant de ce qui se passait ; il partit et s'en alla rejoindre Rasoamaka et Ratsarahomba. Sans cette sortie d'Andrianilaina, c'en était fait d'Andrianomanana.

Andrianilaina alla se cacher de son côté. Ne le voyant pas revenir, les soldats s'imaginèrent qu'il était parti, afin d'aider Rafaravavy à échapper à leurs poursuites, et ils se mirent à sa recherche. Quand Andrianilaina, de sa cachette, les eût vus s'éloigner suffisamment, il rentra prévenir les deux femmes restées chez lui.
Ils partirent alors tous les trois, mais chacun par une route différente.

Andrianilaina, qui avait pris sa Bible, descendit dans une excavation non loin de la maison. Razafy, sa femme, se rendit chez sa belle-mère qui n'habitait pas bien loin. Elle pensait que Rafaravavy s'y réfugierait aussi. Toutefois elle l'attendit en vain jusqu'au soir. Son mari, arrivant dans l'après-midi, fut aussi anxieux qu'elle de ne pas trouver leur amie. Ils se mirent à sa recherche et furent assez heureux pour la découvrir dans un village non loin de là.
Elle leur raconta ce qui lui était survenu.

En quittant la maison, le matin, elle avait assez longuement hésité sur la direction à suivre et sur l'endroit où finalement elle chercherait un refuge.
Toutefois, elle prit soin de s'écarter autant que possible de la colline où on l'avait une fois aperçue.
Elle marcha lentement, cherchant à prendre une démarche aussi naturelle que possible pour ne faire naître aucun soupçon chez ceux qu'elle pouvait croiser en chemin.
À un moment donné, elle aperçut, au détour d'une route, les deux soldats partis à sa recherche. Elle s'avança alors en redoublant de précaution, parvint à disparaître derrière un monticule et prit alors ses jambes à son cou pour courir dans le village où on l'avait enfin découverte.

La nuit était noire, le chemin glissant, l'herbe, très haute, dépassait parfois la taille d'un homme. Plusieurs fois elle dut s'arrêter haletante et s'accroupir sous les herbes, en entendant des pas. Elle dut elle-même faire peur à plusieurs passants. Dans le village où elle arriva enfin, Rafaralatitiasoa se trouvait déjà avec sa femme, et peu après Andrianilaina et Razafy se joignirent à eux.

Cette même nuit, les soldats revinrent fouiller la maison qu'ils avaient quittée si récemment à Fihaonana. Ils y découvrirent dans une caisse, une Bible. Aussi, quelques jours après, la Reine fit faire dans tout le Vonizongo une proclamation déclarant Rafaralahy et Andrianilaina hors la loi, ordonnant à qui que ce fût de les arrêter et de les tuer en cas de résistance.
Il fallait donc se cacher de plus en plus et même songer peut-être à changer de région. Rafaralahy était très partagé. Il ne voulait pas abandonner sa femme, et celle-ci, ayant encore de tout jeunes enfants, ne pouvait l'accompagner. Toutefois il fut décidé qu'ils s'en iraient tous dans un village plus éloigné.

Les autres chrétiens poursuivis trouvèrent tout d'abord un abri non loin de l'endroit où Rafaravavy avait failli être prise, chez un ami des plus dévoués qui voulait absolument continuer à les cacher. Mais bientôt ils se rendirent compte qu'ils ne sauraient échapper longtemps aux recherches en restant là.

Ils quittèrent donc de nouveau ce refuge provisoire et, marchant toute une nuit, allèrent demander l'hospitalité à un autre chrétien habitant beaucoup plus au nord. Ils y demeurèrent quelques jours. Mais ils pensèrent qu'il fallait résolument se retirer en pays sakalava, les hommes allant d'un côté et les femmes de l'autre.
Il était en effet temps de s'en aller : car plus de cent émissaires de la Reine, aidés de toute la population, fouillaient le Vonizongo jusque dans ses moindres recoins, battant les rizières et les champs de manioc, pénétrant dans les grottes, sondant les rochers près de la berge des cours d'eau et inspectant jusqu'aux tombeaux.

Avant de partir, il fallait toutefois s'assurer de quelques vivres et de quelque argent. Andrianilaina partit en chercher jusqu'à Tananarive. Rafaralahy en recueillit de son côté. Pendant ce temps, Sarah et Rafaravavy firent une ou deux visites. En revenant de l'une d'elles elles durent longer un petit hameau. Il faisait déjà nuit. Elles entendirent du bruit, une discussion, et distinguèrent une voix irritée criant : « Cela ne peut durer longtemps ainsi. Il nous les faut, sinon on nous arrêtera tous en bloc. » Les deux femmes comprirent vite qu'il s'agissait des chrétiens et leur angoisse redoubla.

Aussi, le jour suivant, elles se cachèrent dans un ancien silo à riz dont l'ouverture était dissimulée sous des épines et des bruyères. Elles y restèrent serrées l'une contre l'autre, n'ayant pas la place de remuer, pendant trente-six heures. Après cela elles passèrent deux ou trois jours dans un champ de manioc appartenant à la brave femme chez qui elles étaient d'abord allées.

Tombeau

Pendant plusieurs nuits, elles couchèrent sur de grandes pierres près d'une rivière ; puis elles élurent domicile sur le haut d'un tombeau, entre les dalles duquel une herbe assez épaisse avait poussé, les cachant ainsi à la vue des passants.

Un matin, la femme qui les avait ainsi nourries et en partie hébergées pendant une douzaine de jours vint les avertir que les soldats étaient au village voisin.
Elles s'enfuirent donc de nouveau sous la conduite d'un jeune garçon qui devait les conduire chez une autre amie. Le guide avait reçu l'ordre de faire un signe convenu à la moindre apparence suspecte. En approchant d'un marché, le jeune homme monta sur une petite éminence ; de là il aperçut une vingtaine de soldats se dirigeant vers eux.
Il fit aussitôt le signal indiqué. Sarah et la femme de Rafaralahy qui l'accompagnait se sauvèrent à toutes jambes et furent bientôt hors de vue. Rafaravavy ne put les suivre, et ne trouva d'autre moyen d'échapper que de se jeter dans un marais, non loin de la route, et de se cacher dans la vase et les roseaux.

Elle était enfoncée dans l'eau jusqu'à la bouche, et demeura sans bouger jusqu'à ce que les soldats lancés à sa recherche fussent passés.
Mais alors elle se sentit si profondément enfoncée dans la vase qu'il lui fut impossible d'en sortir. Heureusement ses compagnes vinrent à sa recherche et la tirèrent de là. Mais ses habits. et, ce qui lui fit plus de peine encore, sa Bible, n'étaient plus qu'un paquet de boue gluante.

Il leur fallut ensuite marcher aussi vite qu'elles le pouvaient pendant toute la soirée et une bonne partie de la nuit. À un certain moment, elles virent quatre hommes qui semblaient se mettre à leur poursuite et elles se cachèrent de nouveau dans les buissons.
Tard dans la soirée, elles parvinrent à ce qu'elles croyaient être le but de leur fuite... Mais là, elles trouvèrent précisément un messager envoyé à leur recherche par Rafaralahy et Andrianilaina qui désiraient s'entendre avec elles sur la conduite à tenir, car ils avaient enfin réuni ce qui était nécessaire pour partir.
Les pauvres femmes, malgré leur état d'épuisement, suivirent le messager et firent encore plus d'une heure de marche avant de pouvoir enfin se reposer. Le reste de la nuit se passa à discuter des plans de fuite.

À l'aube, ils partirent tous, afin d'aller avertir un homme important de la région qu'ils savaient très favorable aux chrétiens. Il les reçut à bras ouverts et les prit chez lui pendant toute une journée, afin qu'ils pussent se reposer.
Il les dissuada de continuer leur voyage chez les Sakalava et leur fit dresser une tente dans une plantation dont les tiges dépassaient le toit assez bas de cette demeure improvisée. Il mit dans sa plantation un « Kiady », c'est-à-dire une sorte de poteau sacré, qui écarta toute visite éventuelle. Il avait d'ailleurs une grande autorité dans le pays et il fit défense à qui que ce soit d'entrer dans son champ.

Les fugitifs demeurèrent là trois mois, sans que personne dans le pays soupçonnât leur existence, merveilleusement soignés par leur excellent ami.
Au bout de ce temps, les soldats, découragés de ne rien trouver, retournèrent à la capitale.


Passage d'une rivière en pirogue.

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(1) Plaine ou plutôt grande étendue de rizières entourant la capitale.

 

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