Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



RAFARAVAVY MARIE
(1808-1848)

Une Martyre Malgache sous Ranavalona 1re,



Préface

La mode est, depuis deux ans, aux biographies romancées, et l'on pourrait, à certains égards, faire rentrer dans ce genre littéraire le nouveau volume que nous donne aujourd'hui la plume féconde du Missionnaire Gustave Mondain. N'a-t-il pas essayé de dresser, toute vivante, son héroïne devant nos yeux, dans le détail extraordinairement dramatique de sa vie ?
Toutefois une biographie romancée est généralement une oeuvre, où l'art et même l'imagination ont autant de place que le souci scrupuleux de l'exactitude historique. Tel n'est pas le cas pour Rafaravavy Marie. Ici, nul artifice, nulle recherche de style ; une seule préoccupation, celle de la stricte vérité. Pour la dégager et nous la présenter, en quelque sorte, toute nue, l'auteur à mis à profit toute la documentation écrite ou orale, qui s'est trouvée à sa portée. Habitant Madagascar depuis trente-deux ans, intimement mêlé à l'élite intellectuelle et morale des indigènes, il était mieux placé que qui que ce soit pour nous retracer fidèlement cette histoire.
Et quelle histoire

Il y a juste un siècle, alors que le christianisme évangélique venait d'être apporté depuis huit ou neuf ans au peuple hova, par les admirables missionnaires de Londres, une jeune femme malgache, une jeune mère de vingt ans, Rafaravavy, de race noble, assujettie jusque là à toutes les absurdes superstitions de son peuple, est gagnée à l'Évangile. Elle devient de toute son âme, et dans toute la force du terme, une chrétienne. C'est l'heure où la reine sanglante, Ranavalona Ire, vient de monter sur le trône et s'apprête à déchaîner, contre ses sujets chrétiens, une persécution violente qui durera plus de trente ans. Les missionnaires anglais sont chassés, le culte chrétien interdit. Dans ces circonstances tragiques, Rafaravavy déploie vue constance, une fermeté, et aussi une prudence extraordinaires chez une femme de son âge, de son sexe et de sa race ; mais surtout une douceur exquise, une pureté de coeur vraiment cristalline. Menacée de mort, emprisonnée, miraculeusement délivrée, réfugiée plus tard, au péril de sa vie, dans an village du Vonizongo, à l'ouest de Tananarive, elle revient secrètement à la capitale, en descend, avec quelques autres chrétiens, par la route de l'est, jusqu'à la mer, courant toutes sortes de dangers, risquant tantôt de périr de froid, de faim, de fatigue, tantôt d'être reprise par la police de la Reine. Elle finit par atteindre Tamatave, s'y embarque sur un bateau anglais, gagne l'île Maurice ; puis, de là, l'Afrique du Sud et l'Angleterre. Elle y séjourne trois ans, loin de tous les siens, revient à Maurice, y passe encore six années et meurt enfin, phtisique, à quarante ans, n'ayant Jamais revu ni son pays, ni son mari, ni sa fille unique, mais soutenue jusqu'au bout par sa foi.
Véritablement « c'est ici la persévérance des saints qui gardent les commandements de Dieu et la foi en Jésus. » (Apoc. XIV : 12).

Nous n'avons pas l'habitude, nous, chrétiens protestants, de béatifier les héros et les héroïnes de notre histoire religieuse. Nous, ne dressons pas le catalogue de nos saints et nous laissons à Dieu le soin d'inscrire leurs noms au livre de vie. Mais nous avons, nous aussi, nos saints et nos saintes et nous prétendons qu'ils ne sont nullement inférieurs, en beauté morale, aux plus incontestables de ceux dont aime à se nourrir la piété de nos frères catholiques. Or l'histoire des persécutions de Madagascar abonde en personnalités religieuses de premier ordre : Rafaravavy Marie n'est pas la seule dont on ait conservé le souvenir.

M. Mondain lui-même en a mentionné un certain nombre dans les deux grands ouvrages historiques (1) qu'il a consacrés au christianisme malgache. Souhaitons qu'il puisse nous raconte en détail une ou deux autres de ces merveilleuses histoires.

Les Malgaches ont entouré de leur pieuse vénération ceux de leurs compatriotes qui ont souffert de la grande persécution, mais ont en le privilège d'y survivre. Quand j'étais moi-même à Madagascar (1902-1904), j'ai vu plusieurs fois, dans de grandes cérémonies : religieuses, devant des assemblées imposantes, un vieillard ou une femme âgée, la chevelure toute blanche, les jambes tremblantes, soutenus sous les bras par de respectueux anciens de l'Eglise, s'avancer vers l'estrade qui occupe le fond du temple, en monter les degrés, et être ainsi présentés à la foule comme une sorte de relique vivante d'un passé glorieux. Aujourd'hui, tous ces témoins de la persécution, tous ces vieux martyrs des deux sexes ont disparu, mais ils vivent dans la mémoire de leurs coreligionnaires. Et pour nous, protestants français, il est juste que nous associions leur souvenir à celui de nos propres martyrs, de toits ces hommes, de toutes ces femmes, qui, en France ou dans les vallées vaudoises du Piémont, du XVIe au XVIIIe siècles, ont été, eux aussi, « lapidés, torturés, persécutés, maltraités, eux dont le monde n'était pas digne, et à la foi desquels il a été rendu témoignage... » (Hébr. XI : 37-39).

Dans le siècle infiniment plus facile où nous avons le privilège de vivre, ayons du moins assez de courage, de zèle et de désintéressement pour ne pas nous refuser aux sacrifices, en argent et en vies humaines, que réclame de nous la Mission de Madagascar. Il s'agit d'aider fraternellement les descendants spirituels de ces admirables martyrs, à maintenir leurs positions, et à conquérir à la foi évangélique, les vastes régions de leur île encore plongées dans la nuit du paganisme.

Jean BIANQUIS.



Introduction

Ce qui a caractérisé, en grande partie, le règne de Ranavalona Ire (1828-1861), c'est la méfiance et l'hostilité manifestées par cette reine contre tout ce qui était européen. Il lui semblait que son devoir de protectrice de son peuple entraînait pour elle l'obligation de lutter contre toutes les influences étrangères, de quelque nature qu'elles fussent.
Or, l'activité européenne s'exerçait sous deux formes différentes. D'une part, l'activité commerciale, et, de l'autre, l'activité religieuse de quelques missionnaires assez récemment arrivés dans l'île.

Ranavalona sentit que son peuple ne pouvait vivre complètement isolé : par nécessité, elle laissa donc les commerçants à peu près en paix ; d'ailleurs, ils étaient protégés par leurs consuls respectifs. Mais elle se tourna contre les représentants de l'idée chrétienne, avec d'autant plus d'ardeur qu'elle y était poussée par les gardiens d'idoles.
Au surplus, voulant se heurter le moins possible aux autorités européennes, elle fit habilement la discrimination entre les missionnaires blancs et les adeptes malgaches des nouvelles idées. C'est contre ces derniers qu'elle exhala sa fureur et promulgua des édits de persécution des plus rigoureux.
Voici, d'ailleurs, ce qu'elle fit écrire aux missionnaires, le 26 février 1835, au moment même où elle se préparait à faire sentir à ses sujets, devenus chrétiens, tout le poids de sa fureur :

À tous les Européens, Anglais ou Français,

En reconnaissance du bien que vous avez fait à mon pays, en enseignant la sagesse et la connaissance, je vous exprime tous mes remerciements. J'ai pu être témoin de ce que vous avez été pour Radama, mon prédécesseur, et, depuis mon avènement, vous avez continué à rechercher le bien de mes sujets.
Aussi je vous déclare que vous pouvez suivre toutes vos coutumes. N'ayez aucune crainte, car je n'ai nullement l'intention de modifier vos habitudes...

... Mais si je vois quelques-uns de mes sujets vouloir changer le moins du monde les règles établies par les douze grands rois, mes ancêtres, je n'y saurai consentir ; car je ne permettrai pas que les hommes viennent changer quoique ce soit à ce que j'ai reçu de mes ancêtres, dont j'ai accepté, sans honte et sans crainte, toutes les idées. Il vous est loisible d'enseigner à mon peuple la science et la sagesse ; mais quant à ce qui est de toucher aux coutumes des ancêtres, c'est un vain travail, et je m'y opposerai entièrement.

Aussi, en ce qui concerne la religion, soit le dimanche, soit la semaine, les baptêmes et les réunions, j'interdis à mes sujets d'y prendre part, vous laissant libres, vous, Européens, de faire ce que vous voudrez...

Signé : RANAVALONAMANJAKA.

Devant cette attitude de la Reine, force fut aux missionnaires de se retirer, leur présence ne faisant qu'exciter le courroux des représentants des idées païennes.
Mais ils laissaient derrière eux un certain nombre d'adeptes qui passèrent bientôt par les circonstances les plus critiques. Plusieurs payèrent de leur vie leur attachement aux doctrines chrétiennes, d'autres errèrent pendant des années dans les déserts et les endroits les plus retirés, sans cesse à la veille d'être appréhendés et conduits au supplice.
Un tout petit nombre parvint à s'enfuir hors de Madagascar, préférant encore l'exil à la mort certaine.

C'est l'histoire tragique d'une femme, ayant fait partie de ce groupe de fugitifs, que nous avons essayé de retracer dans les pages qui suivent. Non seulement cette histoire présente l'intérêt le plus vif à cause des péripéties dramatiques par lesquelles l'héroïne a dû passer, mais elle permet encore de pénétrer un peu plus dans la vie et les moeurs des gens de l'époque.

Nous avons eu à notre disposition, comme documents, d'abord deux volumes très importants, l'un dû à la plume de M. le pasteur Rabary, qui a écrit en malgache une émouvante histoire de la persécution sous Ranavalonamanjaka, l'autre écrit par deux témoins oculaires, les missionnaires Freeman et D. Johns (2), et parti à Londres en 1840. Outre les détails puisés à ces deux sources, nous avons pu recueillir quelques données en nous adressant à la mémoire de certains membres de la famille de celle dont nous voulions retracer la vie. Enfin, pour le cadre même de notre histoire, nous nous sommes appuyés sur nos études précédentes, concernant les moeurs et l'ethnographie malgaches. Grâce à ces lumières diverses, nous croyons présenter au public une peinture qui serre la réalité d'aussi près que possible.


Table des matières

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(1) Un siècle de Mission protestante à Madagascar, Paris, 1920 (un vol. in-12, de 372 pages très serrées).
Angoisses et délivrances, Paris, 1926 (un vol. in-12 de 294 pages).

(2) Ce D. Johns ne doit pas être confondu avec David Jones, l'un des deux premiers pionniers missionnaires de Madagascar vingt ou vingt-cinq ans auparavant.

 

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