Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres de Rabaut-Saint-Etienne




LE VIEUX CÉVENOL

CHAPITRE III.

Embarras d'Ambroise.

Ambroise avait déjà près de quinze ans, et il ne savait point de métier. Il lisait et écrivait très-bien, grâces aux soins de sa mère et aux attentions de son oncle. On lui avait appris à craindre Dieu, et à faire du bien aux hommes. Il était droit, franc, généreux; sa physionomie prenait déjà un caractère intéressant, on y lisait la bonté de son coeur. Avec de telles moeurs et les talents qu'il annonçait, il n'y avait pas d'état honnête qu'il ne put embrasser;  il en était temps, et il y pensa lui-même. Mais il était embarrassé sur le choix; cependant, comme il avait souvent entendu dire que son aïeul avait été un avocat très-célèbre, et que cet état donne de la considération, surtout dans les petites villes, il se décida d'abord pour cette profession. Il alla donc trouver un praticien de sa connaissance, pour lui faire part de sa résolution et le consulter: il voulait l'engager à le prendre chez lui, et à lui donner les premiers principes de son art. Le praticien lui témoigna beaucoup d'amitié; mais il lui dit que la profession d'avocat était interdite aux protestants (1), et que par conséquent il perdrait à étudier cette profession un temps précieux, qu'il pourrait employer à quelque autre chose. 
Le jeune homme, étonné, et surtout très-affligé de voir ses projets détruits, répondit que, s'il ne pouvait pas être avocat, il voudrait du moins être procureur ou notaire, qu'il avait toujours eu du goût pour la pratique, et qu'il espérait de pouvoir entrer chez lui pour y faire son apprentissage. Le praticien lui dit que cela ne se pouvait pas non plus; qu'il y avait quatre ou cinq déclarations du roi qui interdisaient tous les procureurs protestants (
2); que, d'ailleurs, il ne pourrait pas le prendre pour clerc, vu qu'il y avait une autre déclaration du roi (3) qui défendait à tous les gens de palais de prendre aucun clerc protestant, à peine de mille livres d'amende. 
« Mon ami, lui dit-il enfin, renoncez à entrer dans le palais, et à revêtir la robe noire; les lois ne vous permettent pas même d'être huissier, sergent, archer ni recors(
4): le sanctuaire toujours pur de la justice ne doit point être souillé par l'odieuse hérésie.» 

Ambroise, qui avait beaucoup de jugement pour son âge, trouva si singulier que les opinions des protestants fussent une raison de les exclure de l'étude de la chicane, que tout chagrin s'évanouit, et qu'il sortit de chez le praticien en riant de toutes ses forces. 
« Allons, dit-il, trouver un médecin; il vaut encore  mieux employer sa vie à guérir les maladies des hommes, qu'à s'occuper de leurs querelles et de leurs folies.»

Arrivé chez le médecin, Ambroise, qui riait encore, lui raconta son aventure, et lui dit qu'il s'estimait heureux d'être ainsi repoussé par les déclarations du roi, puisque cela le conduirait à embrasser une profession infiniment plus noble et plus utile. Le médecin convint avec lui que son état était le plus honorable de tous: il lui fit observer que le premier médecin avait été déifié, et qu'on l'adorait à Épidaure sous la figure symbolique d'un serpent. 

« L'univers, ajouta-t-il, répète les noms immortels d'Hippocrate, de Galien, de Celse, de Rasés, de Boerhaave. Parmi les modernes, il en est sans doute auxquels la postérité rendra la même justice;  et tel que sa modestie  empêche de se louer lui-même, en sera bien dédommagé par les éloges de nos neveux. C'est  nous, mon ami, qui donnons l'immortalité par l'étude des plantes et des secrets de la chimie; toute la nature est contrainte par notre art a se réduire à ses premiers principes; les trois règnes fournissent à nos opérations, et le grand monde  se décompose en nos mains, pour conserver l'harmonie du microcosme, ou petit monde, qui est l'homme. 

D'où je conclus qu'un grand médecin est l'homme le plus utile dans un état; aussi en a-t-on vu plusieurs qui ont été admis à la table des rois. Darius mangeait avec son médecin; Métrodore menait à sa suite tous les malades qu'il avait guéris, et plusieurs d'entre eux portaient la couronne. Voyez si un avocat peut se glorifier de rien de semblable. Mais plus notre profession est noble et relevée, et plus on doit en écarter avec soin de misérables hérétiques, qui souilleraient, par leurs opinions erronées, la pure vérité, l'âme de la médecine;  aussi le Père Lachaise et monseigneur de Louvois ont-ils ordonné que pour être bon médecin, il fallait être catholique.» 

Ambroise lui demanda si Esculape, Hippocrate et Galien l'avaient été. 
« Non, lui répondit le docteur; ils étaient païens, et je ne sais comment Dieu permit qu'ils devinssent aussi habiles: mais cela arriva du temps des miracles; et comme il  ne s'en fait plus aujourd'hui, il est clair qu'il n'y a que les catholiques qui puissent être médecins. 
- Il y a donc aussi, monsieur, quelque déclaration du roi qui défend de recevoir des médecins protestants? 
- Oui, mon ami; elle est du 6 août  1685
; et c'est là une preuve admirable de la sagesse du Père Lachaise; car, entre nous, je ne vois pas qu'un protestant ne puisse fort bien exercer la profession d'avocat; pour juger si une cause est bonne ou mauvaise, peu importe la religion que l'on professe. Mais un médecin pro testant est une peste dans la société; s'il y en avait encore ici, ce serait la source de deux maux:
1° je travaillerais peut-être moins, ce qui serait très-pernicieux au public; 
2° la profession d'avocat vous étant interdite, le nombre des médecins de la religion prétendue réformée augmenterait si considérablement, que peu de catholiques s'attacheraient à cette belle science (
5); et il est aisé  de voir que cela serait dans la suite très-préjudiciable au salut de nos malades, parce que les médecins de la religion prétendue réformée ne se mettraient guère en peine de les avertir de l'état où ils se trouveraient, pour recevoir les sacrements. Le R. Père Lachaise prétend que les hérétiques doivent recevoir les sacrements, quoiqu'ils n'y croient point, et veut pourvoir ainsi au  salut des incrédules: il ne songe pas aux biens temporels (ce ne fut jamais le but des jésuites), mais c'est au ciel, où il veut vous pousser malgré vous. Quant à moi, j'approuve de tout mon  coeur cette déclaration du roi: avant elle je mourais de faim; il y avait ici trois vieux radoteurs qui faisaient tout; ils sont passés en Angleterre  ou en Hollande; ils se sont associés avec Boerhaave et Sidenham. Me voici seul, il faut bien  qu'on vienne à moi...» 

Ambroise admirait comment les lois, qui ne sont réellement bonnes qu'autant qu'elles font le bonheur général, ne le paraissent cependant à chacun de nous, qu'à proportion de ce qu'elles favorisent notre intérêt particulier; et il admirait encore davantage, qu'il fallût être catholique pour avoir la permission de guérir. 
« Si  j'étais malade, disait -il, je ne demanderais pas de quelle religion est mon médecin; je demanderais seulement s'il est habile; mais le Père La chaise a ses raisons pour penser autrement.»

Tout en ruminant là-dessus, Ambroise sortit de chez le docteur; et comme sa tête était remplie des belles choses qu'il avait dites sur l'excellence de la médecine, il lui prit envie de se faire apothicaire. 
« Ici, dit-il, je ne trouverai pas les mêmes  difficultés; les apothicaires ne sont pas consultés  par les malades, et par conséquent ne peuvent  pas empêcher qu'on ne leur porte les sacrements.  La vente des drogues et la distribution des remèdes n'influent en rien sur la foi et sur le  salut; et les jésuites, qui sont si zélés pour le  bonheur éternel des âmes, ne nous auront pas dé fendu  cette modeste profession. Il est vrai qu'elle a n'est pas aussi honorable, et que j'aimerais mieux sans doute donner des ordonnances que les exécuter; mais enfin ma religion m'exclut des honneurs, et il faut se soumettre à sa destinée.» 

Il finissait à peine ces réflexions, qu'il se trouva devant la boutique d'un apothicaire. Son parti était pris; il entra, et se présenta au maître avec une douceur tout-à-fait intéressante. On lui demanda ce qu'il souhaitait; il le dit avec franchise, et ne manqua point de raconter son embarras, et comment ne pouvant être ni avocat, ni procureur, ni notaire, ni assesseur, ni opinant, ni huissier, ni sergent, ni archer, ni médecin, il venait demander s'il serait possible qu'il fût apothicaire. Il exposa, avec une innocence enfantine, les raisons qui lui faisaient  croire qu'un protestant pouvait vendre de la casse, sans exposer le salut de ses voisins; mais on le convainquit bientôt qu'il se trompait. 
« Encore une déclaration du roi ! s'écria le pauvre Ambroise!
- A peu près, mon ami; c'est un édit du roi, du 15 septembre 1685 
, qui défend à tous chirurgiens et  apothicaires de la religion prétendue réformée de faire aucun exercice de leur art (6).
- Mais quelle peut être la raison de cette défense ? 
- C'est que  les apothicaires, étant appelés cinq ou six fois  dans l'année à aller voir les malades, ayant  fait des études de théologie, pourraient détourner les protestants d'embrasser la religion catholique. Ainsi il est prudent, pour le salut des maudits malades, qu'il n'y ait que des catholiques qui les approchent.»

Ambroise, qui ne s'était pas douté de ce motif, lui répartit: 
« Si cela est ainsi, il faut donc que tous ceux qui environnent un malade soient catholiques; que ses domestiques le soient aussi?  
- Sans doute, dit l'apothicaire: aussi y a-t-il une déclaration du roi qui défend à ceux de la R. P. « R. d'avoir d'autres domestiques que des catholiques (
7) ; et c'est sagement fait, parce que ce sont là autant d'espions, qui sauront tout ce qui se passera dans vos maisons, et qu'ils en instruiront le révérend Père Lachaise. 
- Encore le Père Lachaise! dit Ambroise; et c'est donc lui qui dresse toutes ces déclarations ? 
- Oui, mon ami, c'est par zèle pour le salut de nos âmes, qu'il prend tant de soins et de précautions pour détruire l'hérésie et persécuter les hérétiques. C'est pour cela aussi que toutes les sages- femmes protestantes sont interdites de leurs fonctions par une déclaration du roi (
8). Il est vrai qu'en plusieurs en droitsil n'y en a point d'autres, et que beau coup de femmes en couches sont mortes sans  secours; mais elles ne sont mortes que de la mort temporelle, ce qui n'est pas un grand mal pour l'état. Il y a, comme vous voyez, du monde de reste en France, puisque l'on en tue et que l'on  en bannit une si grande quantité. Autrefois l'on croyait que la force d'un empire consistait dans sa population; mais on est bien revenu de cette folie, et les jésuites ont prouvé qu'un état ne peut manquer de prospérer, tant qu'il sera peuplé par eux et par leurs adhérents. 
- En sorte, dit Ambroise, que le royaume d'Angleterre doit nécessairement périr, et que les Anglais ne nous battront jamais? 
- Ils nous battent à la vérité quelquefois, dit l'apothicaire; mais c'est pour nous punir de nos péchés, et pour nous empêcher de nous livrer à l'orgueil, qui marche à la suite de la victoire, que Dieu trouve à propos de leur donner; et les jésuites nous assurent que  s'ils triomphent sur la terre, nous triompherons dans le ciel.» 

Ambroise, qui avait couru toute la journée, était extrêmement fatigué; son esprit, rempli de toutes les difficultés qu'il avait rencontrées, était si préoccupé, qu'il n'écoutait plus ce qu'on lui disait: il tira sa révérence de moins bonne grâce qu'il ne l'avait fait en entrant, et retourna chez lui très-embarrassé du parti qu'il pourrait prendre. 
« Enfin, disait-il, il ne faut pas se décourager; peut-être  reste-t-il encore deux ou trois professions à exercer; qui sait s'il n'y a pas quelque moyen de vivre en France, sans être médecin, chirurgien, accoucheur, apothicaire, avocat, procureur, notaire, huissier, sergent, recors, fermier du roi, directeur, contrôleur, commis, garde, employé, fermier des gens d'église, féodiste, expert, libraire, imprimeur, orfèvre, etc., etc., etc.(
9)?»

CHAPITRE IV 

Parti que prend Ambroise

Notre jeune Cévenol dormit très-peu cette nuit- là, il la passa tout entière à chercher quel état il pourrait embrasser. Après avoir parcouru ceux qui lui restaient, il s'arrêta à l'étal militaire. Sa mère était à peine levée, qu'il entra dans sa chambre; et après lui avoir raconté toute sa fâcheuse journée de la veille, et son embarras sur le choix d'un état, il lui demanda ce qu'elle pensait de celui du service, et si, avec de la sagesse et du courage, il ne pouvait pas y faire son chemin: du moins, ajouta-t- il, il n'est pas interdit aux protestants. 

« J'espère, mon fils, lui dit alors sa mère, que, dans le choix d'un état, vous ne ferez rien sans me  consulter. Je veux vous laisser libre, sans doute, mais vous avez besoin de mon expérience; ce sont des conseils, et non des ordres, que je veux vous donner. Il est vrai, mon fils, que la profession militaire n'est pas directement interdite  aux protestants; mais le roi s'est expliqué, en déclarant que ses grâces ne seraient réservées  qu'aux seuls catholiques; or, comme les grâces d'un prince ne doivent être que des actes de justice et des récompenses, c'est comme s'il avait  déclaré qu'il ne récompenserait point les services  de ses sujets protestants(
10). Vous voyez donc qu'il n'y a point d'avancement à attendre pour vous; et en effet, les officiers protestants languissent tous dans les emplois subalternes: l'on est parvenu à les dégoûter de leur état; ce qui, avec les persécutions, a beaucoup contribué à en faire sortir un grand nombre du royaume;  ils ont passé dans les pays étrangers, où l'on en a composé plusieurs régiments (11). 
Vous ignorez d'ailleurs, mon cher fils, les désagréments qu'ils ont à essuyer avec leurs camarades, et les disputes qu'il faut avoir sur la religion; car l'imprudence qu'a eue le gouvernement de persécuter les protestants, a rallumé l'esprit d'animosité qui était presque éteint. Il se joint à cela un intérêt personnel, en ce que ces officiers cherchent à s'avancer à votre préjudice, et qu'il leur importe que vous soyez mis de côté. 
Enfin, mon fils, si vous prenez le parti du service, il faudra vous résoudre à exécuter un jour vous-même les horreurs sous lesquelles nous avons gémi,  et qui ont jeté la désolation dans notre malheureuse famille. Vous voyez les troupes du roi inonder cette province; un jour viendra où vous serez mis en garnison dans ces cantons désolés; un  supérieur barbare prendra plaisir à vous charger d'ordres sévères contre vos propres frères; vous  ne pourrez les exécuter sans gémir. Vous, brave homme, vous serez envoyé contre des gens dés armés; vous ferez la fonction d'exécuteur et d'archer; vous verrez vos soldats, qui ne devraient être employés qu'à repousser les ennemis de la patrie, s'acharner contre des vieillards, des femmes et de petits enfants. Spectateur forcé de ces barbaries, vous détournerez la tête en soupirant,  et vous direz: C'est ainsi qu'autrefois j'ai vu  tourmenter ma pauvre famille ! voilà les maux auxquels mon vénérable père a lui  même succombé !....»

Ambroise ne put soutenir cette image, cruelle; il jette un cri de douleur, et prie sa mère de ne lui en pas dire davantage, l'assurant qu'il renonçait absolument au service. 
« Conseillez-moi, lui dit-il, vous voyez mon embarras. Plusieurs fois j'ai désiré de quitter mon ingrate patrie; mais la pensée de vous laisser seule dans cette terre proscrite m'en a toujours détourné; mes maux me  semblent plus doux lorsque je les associe aux  vôtres.» 

« Vous sentez-vous, lui dit alors sa mère, ce courage si nécessaire aux infortunés, et croyez-vous que toute profession soit honorable, lorsqu'on s'y conduit en honnête homme? 
- J'entends, dit Ambroise, il faut descendre de mon  état; il m'en coûtera, sans doute: mais que je  conserve ma religion et ma conscience, j'aurai tout gagné. Des infortunés comme nous ne peuvent pas se repaître de projets ambitieux; que je vive pour vous consoler, voilà désormais à quoi tendra toute mon ambition. 
- Je m'attendais à cette réponse. Oui, mon fils, il faut prendre un  métier; et, dans le choix, il faudra consulter notre conscience et notre infortune. Allez, vous  connaissez M. de S...., il est de nos amis, demandez-lui des conseils; et, quoi qu'il arrive, ne perdez jamais de vue ce que vous devez à Dieu et à la plus tendre des mères.» 

Ambroise sortit pour aller consulter son ami. Celui-ci l'étonna beaucoup, en lui apprenant qu'il n'y avait aucune profession noble qui ne fût interdite aux protestants; qu'ils ne pouvaient encore être ni imprimeurs, ni libraires, ni orfèvres (12); et que, quant aux métiers manuels, ils leur étaient indirectement interdits; qu'il aurait de la peine à trouver des artisans qui voulussent le prendre pour apprenti, parce que les ordonnances, très-sévères en ce point, défendaient aux artisans protestants de prendre des apprentis de leur secte (13), et  qu'apparemment il aurait bien de la peine à entrer chez un maître catholique. 

« Expliquez-moi, je vous prie (lui dit Ambroise), la cause de ces lois injustes. Je ne puis pas croire que le roi soit instruit de ces iniquités, et qu'il se plaise à donner des déclarations qui gênent la liberté de ses sujets, les réduisent à la mendicité, et les forcent à abandonner leur patrie. 
- Je vous  le dirai, répartit son ami. Le roi ignore en effet une partie des cruautés que l'on commet en son nom, et peut-être ferme-t-il les yeux sur l'injustice du reste. Il est malheureux pour lui qu'il connaisse si mal les véritables intérêts de ses peuples, et qu'il ne sente pas qu'en leur faisant des violences inutiles, il déshonore la fin d'un des plus beaux règnes dont l'histoire fasse mention, et fait passer sa richesse et sa gloire chez ses ennemis. Mais ce qu'il y a de plus déplorable, c'est  que, tandis que l'Europe entière voit bien que les jésuites sont les auteurs de toutes ces vexations, plus pour leurs intérêts que pour ceux de la France, notre roi soit assez aveugle pour ne  pas s'en apercevoir.» 

Ambroise déplora avec son ami la faiblesse des rois et le malheur des peuples. 
« Cependant, disait-il, pour que les jésuites obtiennent l'empire de tout le monde connu, faudra-t-il que je n'aie aucun métier, et que je meure de faim ?  
-Toutes les ressources ne vous sont pas fermées, lui dit son ami; la voie du commerce vous est ouverte: monseigneur de Louvois n'a  point songé à cet article, et je prévois que les protestants, si ruinés et si malheureux aujourd'hui, feront un jour fleurir les villes et les provinces qu'ils habiteront. Le commerce est un état honnête et utile; peut-être pourrez -vous y réparer un jour les pertes qu'une dure persécution vous a occasionnées.» 

Ambroise profita du conseil de son ami, il entra chez un marchand, comme garçon de boutique et il s'en fit chérir par son application et par ses moeurs. 


Table des matières

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(1) Déclaration du roi, du 11 juillet 1685
. Arrêt du conseil, du 5 novembre 1585. Déclaration du roi, du 17 novembre 1686. 

(2)  Du 15 juin 1682.

(3) Du 10 juillet 1685. 

(4) Déclaration du roi, du 15 juin 1682.

(5) Ce sont les propres termes de la déclaration. 

(6) Ce sont les motifs mêmes de l'édit du roi.
En 1685, il fut défendu de recevoir des maîtres apothicaires ou épiciers, faisant profession de la R. P. R. Observons ici que les deux plus célèbres chimistes qu'il y eût alors en France, Charas et Lémery, tous deux apothicaires, étaient protestants, et qu'ils furent obligés de s'expatrier.

(7) 11 janvier 1686
. Cette loi défend aux réformés d'avoir des domestiques protestants; tout protestant convaincu d'être au service d'un autre protestant, devait, en vertu de cette déclaration, être condamné aux galères. 

(8) Le 17 septembre 1748, la femme d'Antoine Fesquet, du lieu de Ganges, fut condamnée à trois mille livres d'amende pour avoir exercé la profession de sage- femme. II suffit de lire ces lois pour voir qu'elles furent l'ouvrage de la séduction. Si Louis XIV eût formé le dessein de révoquer l'édit de Nantes, il n'eût point donné, dans le courant de l'année 1685, un grand nombre de lois faites pour préparer avec lenteur les changements qu'il espérait de la révocation; il n'eût pas fait assurer les puissances protestantes, alliées de la France, qu'il ne songeait point à abolir le calvinisme dans ses états. Un édit du mois d'août 1685, antérieur de deux mois seulement à la révocation, défend aux ministres protestants de faire, soit dans leurs sermons, soit dans leurs livres, aucun argument contre les dogmes de la religion catholique, sous peine de bannissement perpétuel. Louis XIV était trop convaincu de la force victorieuse des preuves de la religion, pour imaginer un pareil édit; les Arnaud et les Nicole n'auraient pas demandé qu'on défendît aux protestants de leur répondre. On voit que ces lois n'ont pu être sollicitées que par le Père Lachaise, son confesseur, qui voulait ravir à Arnaud et à Nicole l'honneur de triompher de l'hérésie par les seules armes de la raison.

(9) Pour admettre un protestant dans tous ces états, comme pour les admettre au mariage, on se contente de quelque acte de catholicité, attesté par des témoins peu scrupuleux, et d'un certificat qu'il est aisé de se procurer à bon marché; mais il en résulte cette triste conséquence, que les places, les honneurs, les droits de citoyen, tous les témoignages de la confiance publique, en un mot, sont pour les protestants qui ont trahi leur conscience, ou qui regardent tout acte de religion comme une vaine cérémonie; tandis que l'on punit ceux qui ont une conscience timorée, ou une âme trop élevée pour consentir à l'ombre même d'un mensonge. Il y a une loi faite uniquement pour défendre aux protestants de donner des leçons d'équitation. Les jésuites, qui n'avaient jamais fréquenté des maîtres de manège, supposaient apparemment que ces écuyers étaient de profonds théologiens qui argumenteraient contre leurs élèves, eu leur apprenant à faire la volte ou à partir du bon pied.
(10) Les officiers protestants français sont privés de cette marque honorable du service militaire, seule décoration que le grand nombre de ceux qui la portent n'a pu avilir, parce qu'elle est la récompense de la bravoure, qualité qui, comme la probité, honore par elle-même, et non par la supériorité qu'elle donne à ceux qui la possèdent. 
(11) Combien de braves soldats, de savants ingénieurs, de bons officiers, de grands capitaines ont passé chez nos ennemis, et leur ont porté le tribut forcé de leur valeur et de leurs lumières ! D'où sont sortis les Schomberg, les Gallowai, les Chanclos, les Deshayes, les Dumoulin, les Ligonier, auxquels nous pourrions ajouter tant d'autres ? Que de gens nés pour toute autre profession que pour celle des armes, ont abandonné leurs fonctions, et ont rendu leur désespoir funeste à leurs compatriotes ! Si l'on est équitable, les maux qu'ils ont faits, peut-on légitimement les leur imputer? et n'est-ce pas plus naturellement à ceux qui les ont fait dépouiller de leurs biens, priver de leurs dignités, et tourmenter dans leurs personnes, qu'il faut s' en prendre ?

(12)  Arrêt du conseil du 9 juillet 1685. 

(13)  Sentence de la police de Paris, du 13 mai 1621.

 

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