Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Notre Père



Que ton règne vienne

Si le sens de ces mots nous est plus familier que celui de la première demande, nous ne savons cependant pas davantage - et même nous savons moins encore - ce que nous disons quand nous prononçons ces paroles : « Ton règne ». Pas plus que nous ne pourrions dire « Ton nom soit sanctifié », si Dieu ne nous avait révélé son Nom trois fois saint, nous ne pourrions dire « Ton règne vienne », si le Royaume de Dieu ne s'était approché de nous, si notre vie n'avait été un jour tout ébranlée de sa présence, si la promesse de ce Royaume n'était venue soulever notre coeur paralysé de désespoir, et nous faire balbutier : « Viens, Seigneur, viens donc toi-même, viens prendre le pouvoir et régner », si la promesse de Dieu ne nous avait « fait renaître pour une espérance vivante ». « Que ton nom soit sanctifié », c'est la prière de l'humilité. « Que ton règne vienne », c'est la prière de l'espérance. Et quand le Seigneur nous met cette prière dans la bouche, il nous établit merveilleusement dans l'humilité et dans l'espérance.

Mais dans l'espérance de quoi, au juste ? Qu'est-ce que le royaume de Dieu auquel se réfère constamment le message de la Bible ? Il n'est guère de notions que nous remplissions plus que celle-là de nos fantaisies. Si l'on pouvait aligner tout ce que les hommes imaginent du Royaume de Dieu, on aurait une collection étonnante des images que notre raison et notre coeur sont capables de tailler, une interminable kyrielle de toutes les illusions que notre désespoir est capable d'engendrer.

Le Royaume de Dieu, c'est tantôt pour les uns la paix intérieure d'une conscience tranquille ; pour les autres, c'est le progrès social et scientifique ou le progrès moral et religieux ; pour beaucoup d'autres encore, c'est le monde meilleur où se sont envolés leurs bien-aimés le jour de leur mort. Pour la plupart des hommes, le Royaume semble bien être un état supérieur auquel le monde accéderait peu à peu avec ou sans l'aide de Dieu, grâce à la science, à l'instruction, à la morale et à la religion. Pour les chrétiens c'est avec l'aide de Dieu, et, pour les autres, c'est à l'aide de leurs seules forces. Peu importe d'ailleurs, car ici justement « chrétiens » et « païens » gens religieux et athées, partagent exactement la même illusion, l'illusion d'une amélioration de ce monde, d'une transformation progressive de l'humanité. Cette illusion est même beaucoup plus grande chez les chrétiens ; car les païens, eux, n'ayant pas la promesse de Dieu, ne peuvent rien concevoir d'autre ni de mieux que les progrès du monde, tandis que les chrétiens, au lieu de bien lire la Bible et ce qui leur y est promis, prêtent d'abord l'oreille aux conceptions de la sagesse humaine auxquelles ils ne font qu'ajouter la Parole de Dieu comme une confirmation. Bien souvent, les chrétiens écoutent d'abord leur propre pensée et y conforment la Parole de Dieu, au lieu d'écouter d'abord la Parole et d'y conformer toutes leurs pensées. En effet, le Royaume de Dieu n'est pas le meilleur des Royaumes de ce monde, ni le royaume que les hommes construisent avec l'aide de Dieu, ni l'achèvement par Dieu de ce que les hommes ont commencé. Tout cela n'est pas biblique et supposerait un monde perfectible, une nature humaine non sérieusement corrompue.

Il n'est pas question dans la Bible d'un monde qui deviendrait le Royaume de Dieu, mais d'un nouveau monde qui remplacera l'ancien, exactement comme le nouvel homme doit remplacer le vieil homme corrompu. Quand la Bible annonce la venue du Royaume de Dieu, elle annonce le jour où se passera pour le monde entier, universellement, ce qui se passe individuellement dans le secret de la foi pour chacun de nous lorsque nous rencontrons Jésus-Christ : une mort et une résurrection, un renouvellement total, un commencement de vie aussi pur, aussi neuf, aussi merveilleux que la création du monde. « Les choses anciennes sont passées ; toutes choses sont devenues nouvelles. » Rien ne se prolonge mais tout prend naissance dans une pureté, dans une vérité, dans une justice absolues. « On ne se souviendra plus des choses anciennes » ; il y aura un abîme absolument infranchissable entre elles et tout ce qui constituera le nouveau régime ; il ne restera aucune possibilité à nos rancunes, à nos jalousies, à nos convoitises de parvenir jusqu'à la Terre Sainte. Tout ce qui nous faisait mourir sera mort.

Le Royaume de Dieu, c'est Jésus-Christ et tout ce qui est au pouvoir de Jésus-Christ. Quand le Royaume s'approche de nous, quand il est au milieu de nous, c'est que Jésus-Christ s'approche, c'est que Jésus est au milieu de nous. Mais, pas plus que Jésus n'est le meilleur des hommes, le Royaume de Dieu n'est le meilleur de nos royaumes. Jésus n'est pas issu du monde, il est issu du Père. Ainsi le Royaume descend du ciel et ne monte pas de la terre. D'autre part, ce Royaume qui s'est approché de nous en Jésus-Christ, ce Royaume qui est déjà venu, a été rejeté, enterré par les hommes ; il a été éliminé radicalement. De sorte qu'à nos yeux de chair il s'en est allé, bien plutôt qu'il n'est venu, il s'est éloigné bien plutôt qu'il ne s'est approché, il a disparu plutôt qu'il ne s'est révélé.

Le Roi du Royaume est mort et sa royauté nous est plus invisible que s'il n'avait jamais paru. Il est mort et nous vivons dans le monde de sa mort, dans le monde de sa souffrance et de sa patience et de son agonie, cependant qu'il est ressuscité et qu'il est monté au ciel. Nous restons sous sa croix, et le souvenir de sa présence n'est qu'une immense attente, l'attente d'un retour, l'attente d'une autre venue où le Roi ne se laissera plus rejeter par ses ennemis, mais les rejettera et triomphera d'eux comme ils avaient cru triompher de lui, où Jésus en finira avec l'histoire de ce monde, comme le monde avait cru en finir avec lui. La Croix, c'est le jugement du monde,et ce qui est arrivé à Jésus sur la Croix, c'est ce qui arrivera au monde et à tout homme de ce monde au jour où il reviendra.

Ainsi lorsque nous demandons : « Que ton règne vienne », nous demandons que Jésus-Christ vienne, et non pas qu'il vienne « dans nos coeurs », et non pas qu'il vienne spirituellement, et non pas qu'il vienne comme il est déjà venu, d'une manière obscure et cachée, car, de cette manière-là, il ne cesse d'être avec nous par son Saint-Esprit qui est la présence du Crucifié dans son Église. Non, mais qu'il vienne vraiment, lui-même, en Roi de gloire, en Seigneur tout-puissant et en Juge, qu'il vienne autrement qu'il n'est venu, non plus pour souffrir notre injustice mais pour y mettre un terme définitif, non plus incognito mais manifesté à tous, non plus pour servir, mais pour régner. Il s'agit donc très concrètement d'une prise de pouvoir, d'une révolution où le Prince de ce monde sera détrôné et anéanti avec tous ses serviteurs et courtisans, où le Crucifié prendra en mains le gouvernement du monde et régnera avec les siens, avec les rachetés, sur une terre nouvelle.

Il s'agit là, encore une fois, non pas d'un événement spirituel, mais d'un événement total : Jésus deviendra, visiblement et incontestablement, le Roi du Ciel et de la terre, et Dieu sera tout en tous. Il s'agit là aussi d'un événement dernier, c'est-à-dire au delà duquel il n'y a plus rien à attendre, chose parfaitement bonne, pleinement désirable, accomplissement de l'espérance des enfants de Dieu, terme de toute prière imaginable, paix qui surpasse toute intelligence, joie pure et simple que nul ne pourra nous ravir, communion des créatures dans l'amour et la. louange de leur Seigneur. La transformation de l'univers sera telle que le loup paîtra avec l'agneau et que l'enfant jouera dans le nid de la vipère. Il n'y aura plus ni cri, ni douleur, ni mort, puisque aucun menteur, aucun égoïste, aucun lâche n'entrera dans ce royaume et que rien n'échappera au gouvernement du Roi de Justice, du Prince de la Paix.

Quand vous dites : « Que ton Règne arrive », vous demandez cela, rien de moins que cela, rien de moins et rien d'autre que la fin du monde et l'avènement de Jésus-Christ, la Résurrection des morts et la vie éternelle, rien de moins que le renversement de l'ancien régime et l'instauration, pour toujours, du nouveau régime, de la monarchie absolue de Dieu. Vous ne pouvez rien : demander de plus, car ainsi vous demandez tout ce qu'à jamais une créature de ce monde pourra demander. Vous demandez Dieu lui-même et le jugement dernier, c'est-à-dire la réparation de tout l'irréparable, la consolation de tous les deuils inconsolables, la destruction de tous les destructeurs. Vous ne pouvez rien souhaiter de plus, mais il vous faut le demander totalement tous les jours. Qu'aucun bonheur jamais n'amoindrisse cette espérance, et que des victoires humaines attendues n'aillent pas bientôt nous la faire oublier. Car, même si la guerre s'achevait selon nos désirs les plus légitimes, même si l'ordre, la justice, la liberté, la vérité reprenaient un jour droit de cité en Europe, même si les dispersés se retrouvaient et les exilés rentraient chez eux, il n'en faudrait pas moins prier : « Que ton Règne vienne » et consentir à ce que cette demande nous tourne entièrement vers l'avenir pour faire de nous des étrangers en ce monde. Car ce règne, « jusqu'à ce qu'il vienne », demeure purement à venir, et tous ceux qui sont destinés à ce royaume ne cesseront pas d'être jusqu'au dernier moment ces pauvres en esprit, ces affamés de justice, ces hommes « travaillés et chargés » dont parle l'Évangile.

En plein bonheur comme en plein malheur, le Royaume de Dieu vient pareillement, et il n'est pas moins en train de venir, et l'Eglise fidèle ne l'appelle pas moins quand tout va bien que quand tout va mal. Quoi qu'il arrive, Jésus vient. Il n'est, dans notre monde, qu'un condamné à mort, mais il vient comme un roi et un vainqueur. C'est pourquoi l'Eglise répète tout au long des siècles de l'agonie de son chef : « Que ton Règne vienne ». Il ne faut donc ici rien mêler ni rien édulcorer : cette demande se rapporte exclusivement au fils de Dieu revenant dans la gloire, à l'événement final du jugement dernier et de la résurrection. Les autres demandes nous ramènent à notre situation présente, mais celle-là c'est l'appel tout pur jailli d'une pleine espérance, c'est l'attente d'un avenir où n'entreront ni la turpitude ni les faux bonheurs présents. On n'attendra rien d'un avenir humain, on attendra tout de l'avenir éternel du Royaume lié au souvenir non pas de quelque âge d'or, mais des signes de ce Royaume, que Jésus venait donner quand il guérissait les malades, ressuscitait les morts, calmait les tempêtes, changeait l'eau en vin, chassait les vendeurs du temple et les démons.

Que ton Règne vienne ! Que vienne ce règne dont nous avons un aperçu dans les récits du ministère de Jésus ; que tout se passe en grand et pour toujours, comme cela s'est passé en petit et pour un moment en Palestine, sous Tibère Auguste ; que vienne le jour où s'enfuiront dans les pourceaux et se précipiteront avec eux dans l'abîme tous les démons qui secouent les peuples aujourd'hui. Et les hommes stupéfaits devant leur nouveau maître se laisseront conduire vers les sources d'eau vive.

Que ton Règne vienne ! Par cette demande l'Eglise va droit au but et ne tergiverse pas. Si elle savait ce qu'elle demande, elle n'oserait pas prier ainsi. Elle demande la ruine de Babylone, de cette cité que les hommes construisent sur l'oppression, la cupidité et le mensonge, la ruine de tout ce que les hommes bâtissent pour eux-mêmes, et l'édification de Jérusalem, la cité que Dieu a fondée sur la vérité, la justice et l'amour.

En disant « Que ton Règne vienne », l'Eglise complote, elle prend la tête d'une conjuration que le monde ne lui pardonnera jamais. Elle devient un mouvement de résistance. Elle appelle de tout son être l'ennemi mortel de toutes les idoles triomphantes et de tous les tyrans de la terre. Elle appelle l'Étranger, celui qui fut chassé du territoire et qu'on entend bien ne pas laisser reprendre pied sur notre sol, elle appelle celui qui fut vaincu et qui par conséquent avait tort, et dont, par conséquent, nul n'avait le droit, en bon citoyen de ce monde, de prendre le parti.

Que ton Règne vienne ! Mais nous savons que ce Règne ne viendra pas avant que l'Évangile n'ait été prêché à toute créature. Cette heure est peut-être en marche, elle le serait du moins, si nous prenions au sérieux la tâche missionnaire de l'Eglise, si nous étions nous-mêmes cette Église missionnaire qui crie à tous les vents que Jésus va venir, et si nous donnions les moyens d'agir à ceux qui sont appelés à s'y consacrer.

Nous savons aussi que le Royaume ne viendra pas sans que le peuple d'Israël ne reconnaisse pour son Roi celui qu'il a crucifié et ne rejoigne ainsi la route de son élection pour n'être plus qu'un avec l'Eglise. En disant « Que ton Règne vienne », nous demandons par conséquent, non pas seulement l'extension de la mission en général, mais aussi et particulièrement la conversion d'Israël, donc d'être nous-mêmes les témoins de la grâce du Christ auprès de ce peuple. L'antisémitisme est le plus effectif des refus de la venue du Royaume.

Que ton Règne vienne ! Beaucoup le demandent sans doute, mais combien le désirent vraiment dans le renoncement à tous les autres royaumes, à tous les autres ordres, à tous les autres régimes ? Et combien le demandent en premier lieu, avant toutes choses, avant le pain, avant le pardon, avant le bonheur humain, sachant que tout le reste est donné par surcroît ?


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