COMME CHRIST
DE LA NÉCESSITÉ, DE
PRÊCHER CHRIST COMME NOTRE MODÈLE
« Faisons l'homme à notre
image, selon notre ressemblance ».
C'est par ces mots du Créateur que
débute l'histoire de l'homme dans la Bible.
Nous avons là toute une
révélation du dessein éternel
de Dieu, et quant à la création de
l'homme, et quant à l'avenir éternel
et glorieux auquel il est destiné, Dieu se
propose de faire une créature semblable
à lui, un être qui sera son image
même et sa ressemblance, la manifestation
visible de la gloire du Dieu invisible.
L'existence d'un être créé et
pourtant semblable à Dieu :
c'était bien là un dessein digne de
la Sagesse infinie. Par sa nature même, Dieu
est absolument indépendant de tout,
puisqu'il possède la vie en lui-même
et qu'il ne doit l'existence à nul autre
qu'à lui-même. Si l'homme doit
réellement être semblable à
Dieu, il faut qu'en ceci aussi il soit son image et
sa ressemblance, il faut que, de son libre choix,
il devienne ce qu'il est appelé à
être, et qu'ainsi il se fasse lui-même.
Et pourtant, par sa nature même, la
créature est dépendante, elle doit
tout à son Créateur. Comment
concilier cette contradiction : un être
dépendant qui pourtant décide
lui-même, un être créé et
pourtant semblable à Dieu. C'est l'homme qui
devait offrir la solution du problème. Comme
créature, il reçoit de Dieu la vie,
mais en la lui donnant, Dieu le doue de libre
volonté. Ce n'est donc que par le moyen de
sa liberté individuelle qu'il peut
s'approprier et posséder l'image et la
ressemblance de Dieu.
Quand le péché entra dans le monde et
fit déchoir l'homme de sa haute
destinée, Dieu n'abandonna pas son dessein.
Ses révélations à Israël
aboutissaient toutes à ce point
central : « Soyez saint, car je
suis saint »
(Lév. 19 : 2), et
Israël devait aspirer à ressembler
à Dieu dans sa sainteté qui est sa
plus haute perfection. Plus tard, la
rédemption ne se proposa pas d'autre
idéal. Elle ne pouvait que reprendre et
accomplir le dessein éternel
révélé à la
création.
C'est pour cela que le Père envoya sur la
terre son Fils qui était
« l'image empreinte de sa
personne »
(Héb. 1:3). En lui s'est
manifestée sous forme humaine cette
ressemblance de Dieu pour laquelle nous avions
été créés et que chacun
de nous individuellement devait s'approprier.
Jésus est venu nous montrer à la fois
l'image de Dieu et notre propre image. Sa vue
devait éveiller en nous le désir de
retrouver cette ressemblance divine perdue depuis
si longtemps, elle devait faire naître en
nous cette espérance et cette foi qui
donnent le courage de renoncer à
soi-même pour être renouvelé
à l'image de Dieu. Pour nous amener
là, Jésus avait une double oeuvre
à accomplir. Il devait d'abord nous
révéler par sa vie l'image de Dieu,
afin de nous faire comprendre ce que c'est que
de vivre à la ressemblance de Dieu, et ce
que nous pouvions attendre et recevoir de lui,
notre Rédempteur. Après avoir fait
cela, après nous avoir montré la
vie de Dieu dans sa vie humaine, il est mort
pour pouvoir nous communiquer sa propre vie, la
vie à l'image de Dieu, et nous mettre
ainsi en état de vivre conformément
à ce que nous avions vu en lui. Puis quand
il est monté au ciel, il nous a
envoyé par le Saint-Esprit la puissance de
vie que nous avions en vue en lui contemplée
en sa personne et qu'il nous avait acquise par sa
mort.
Il est facile de voir combien ces deux parties de
l'oeuvre de Christ sont étroitement
liées l'une à l'autre. Ce qu'il nous
offre dans sa vie comme notre Modèle, il
nous l'acquiert par sa mort comme notre
Rédempteur. En d'autres termes, sa vie
terrestre nous a indiqué la voie à
suivre, sa vie céleste nous envoie la force
d'y marcher. Nul n'a le droit de séparer ce
que Dieu a uni. Celui qui n'a pas une pleine foi en
la rédemption, n'a pas la force de suivre
l'exemple de Christ. Et celui qui ne cherche pas
à être conforme à l'image de
Dieu, voyant là le grand but de la
rédemption, ne peut pas non plus jouir de
toute sa plénitude. Christ a vécu sur
la terre pour manifester l'image de Dieu dans sa
vie ; il vit à présent au
ciel pour que nous puissions manifester à
notre tour l'image de Dieu dans notre vie.
L'église de Christ n'a pas toujours maintenu
l'équilibre entre ces deux
vérités. L'église catholique
romaine insiste avant tout sur la
nécessité de suivre l'exemple de
Christ. Il en résulte qu'elle peut citer un
grand nombre de saints qui, malgré beaucoup
d'erreurs, ont cherché par une
dévotion admirable à refléter
à la lettre et de tous points l'image du
Maître. Mais, au grand dommage des âmes
sérieuses, l'autre partie de la
vérité reste dans l'ombre. Cette
église n'enseigne pas que pour être
capable de vivre comme Christ, il faut d'abord
recevoir en soi la vie qu'il nous a acquise par sa
mort.
Les églises protestantes doivent leur
origine au réveil de cette dernière
vérité. Le pardon et la grâce
de Dieu reprirent alors leur place, à la
grande joie et consolation de milliers d'âmes
angoissées, mais on n'évita pas
toujours l'écueil opposé, celui de ne
plus voir que ce seul côté de la
vérité. On n'enseigna pas assez
clairement que Christ avait vécu sur la
terre, non seulement pour racheter le
pécheur par sa mort, mais encore pour lui
montrer comment il devait vivre ici-bas. Toute
Église orthodoxe voit bien en Christ le
modèle à suivre, mais elle n'insiste
pas sur la nécessité absolue
de suivre ce modèle, autant que sur la
nécessité de croire à
l'expiation de Christ. On prend beaucoup de peine,
et on fait bien, pour amener les pécheurs
à recevoir le salut que leur acquiert la
mort de Christ, mais on n'en prend pas autant, et
c'est bien à tort, pour les amener à
conformer leur vie à, celle de Christ, ce
qui est pourtant le signe distinctif et la preuve
certaine de tout vrai christianisme.
Est-il nécessaire de signaler ici
l'influence qu'a sur la vie de l'église la
manière de présenter cette
vérité ? Si l'expiation et le
pardon sont tout, et si l'imitation de Jésus
n'est qu'un point secondaire et qui va de soi,
l'attention se porte principalement sur
l'expiation. On cherchera surtout à obtenir
le pardon et la paix, et quand on les aura obtenus,
on sera tenté de s'en contenter et d'en
rester là. Si, au contraire, on remonte au
but que Dieu s'est proposé à la
création, et que l'on prêche la
nécessité de devenir conforme
à l'image de Christ, présentant
l'expiation comme le moyen d'y parvenir, toute
prédication sur la repentance et le pardon
mettra en relief le devoir de la sainteté.
La foi en Jésus sera alors
inséparable de la conformité à
sa vie et cette Église-là produira de
véritables disciples du Seigneur.
En ceci, les Églises protestantes ont des
progrès à faire. L'Eglise ne pourra
revêtir tous ses atours et refléter la
gloire de Dieu, que lorsqu'elle recevra ces deux
vérités inséparables, telles
que nous les présente la vie de Christ. Dans
tout ce qu'il fit et souffrit pour nous, il nous a
laissé un exemple à suivre, aussi
tout, vrai christianisme ne se borne pas à
porter haut, la bannière de la croix ;
il donne tout autant, d'importance à la
nécessité de souffrir la croix
avec Christ qu'à l’expiation sur
la croix.
C'est là ce qu'enseigne clairement notre
divin Maître. Quand il parle de la croix, il
insiste moins sur l'expiation que sur la
nécessité de lui ressembler. Que de
fois il dit à ses disciples qu'ils doivent
souffrir la croix avec lui et comme lui,
qu'à ce prix-là seulement ils
pourront être ses disciples et avoir part aux
bénédictions qu'allait leur
acquérir sa mort sur la croix. Quand Pierre
« se mit à le
reprendre » au sujet de sa mort
(Mat. 16, 21), Jésus ne
chercha pas à lui prouver la
nécessité de sa croix pour le salut
des hommes, il insista seulement sur ce que la mort
du moi était pour lui-même, comme pour
nous, le seul moyen d'obtenir la vie de Dieu. Il
faut que le disciple soit semblable au
Maître.
Jésus nous parle de la croix pour nous
rappeler l'obligation de renoncer à
nous-mêmes, de nous livrer à la mort,
si nous voulons recevoir la vie divine qu'il est
venu nous apporter. Ce n'est pas moi seul,
disait-il, qui dois mourir, c'est vous aussi ;
la croix, l'esprit de sacrifice, seront la preuve
de votre fidélité. La première
Épître de Pierre nous montre que
l'apôtre avait bien compris ces mots. Dans
les deux importants passages où il nous dit
que « Christ a souffert pour nous,
qu'il a porté nos péchés en
son corps sur le bois, qu'il a souffert pour les
péchés, lui juste pour les
injustes », il ne parle guère
qu'incidemment des souffrances du Seigneur, son but
est de démontrer que nous devons aussi
souffrir comme lui
(1 Pier. 2 : 21, 24 ;
3 : 18), que nous devons voir
dans la croix de Christ non seulement le moyen qui
l'introduisit dans la gloire, mais aussi la voie
où chacun de nous doit le suivre.
Paul reprend et expose avec force la même
pensée. À ne prendre qu'une seule de
ses Épîtres, celle aux Galates, nous
trouvons quatre passages qui proclament la
puissance de la croix. L'un d'eux exprime d'une
manière saisissante la substitution et
l'expiation : « Christ nous a
rachetés de la malédiction de la loi,
ayant été fait malédiction
pour nous, car il est écrit : Maudit
quiconque est pendu au bois ».
(Gal. 3 : 13). C'est en effet
là l'une des bases sur lesquelles reposent
l'Eglise et la foi des chrétiens, mais pour
tout édifice il faut plus encore que des
bases, aussi cette même Épître
nous répète jusqu'à trois fois
que c'est dans notre conformité avec Christ
sur la croix qu'est le secret de toute notre
vie chrétienne. « J'ai
été crucifié avec
Christ ». « Ceux qui
sont à Christ ont crucifié la chair
avec ses passions et ses
convoitises ». « Dieu me
garde de me glorifier en autre chose qu'en la croix
de notre Seigneur Jésus-Christ par laquelle
le monde est crucifié pour moi, et moi au
monde ».
(Gal. 2 : 20. —
5 : 24. —
6 : 14).
La mort de Christ sur la croix pour notre salut
n'est que le commencement de son oeuvre en
nous ; elle nous fait prévoir tout ce
que la croix peut être pour nous quand nous
la partageons dans notre vie de chaque jour avec
lui, le Crucifié, faisant
l'expérience de ce que c'est que
d'être crucifié au monde. Et pourtant
que de prédications, aussi profondes de
pensée qu'éloquentes de parole,
exaltent la croix de Christ, la mort de Christ pour
sauver le pécheur, mais passent sous silence
notre mort avec Christ, cette mort dont Paul se
faisait gloire !
L'Eglise a besoin d'entendre retentir cette
vérité-là aussi bien que
l'autre. Il faut que les chrétiens
comprennent que subir la croix, ce n'est pas
supporter les diverses afflictions qu'on appelle
des croix, mais qu'avant tout il s'agit là
d'abandonner sa vie, de mourir au moi et
d'être scellé ainsi du même
sceau que Jésus, ce qui nous est tout autant
et plus nécessaire encore dans la
prospérité que dans
l'adversité, et que sans cela nul ne peut
avoir part à la plénitude des
bénédictions que nous
révèle la croix. C'est la croix
comprise ainsi, non seulement la croix
dressée au Calvaire, mais la croix de notre
propre crucifiement s'étendant à
toute notre vie active, qui sera pour nous et pour
toute l'Eglise, comme elle le fut pour Christ, la
voie qui conduit à la victoire et à
la gloire, la puissance de Dieu pour le salut des
hommes.
La rédemption nous offre donc ces deux
faces : Christ subissant la croix pour expier
nos péchés et nous ouvrir le chemin
de la vie ; nous-mêmes subissant la
croix avec Christ, pour pouvoir marcher en
conformité de vie avec lui et à son
image. Il faut que Christ notre Garant, et Christ
notre Modèle, soient également
prêches.
Mais il ne suffit pas de prêcher ces deux
doctrines séparément, elles ne
peuvent exercer toute leur influence qu'en se
réunissant dans cette autre et profonde
vérité qui nous présente
Christ comme notre Tête. Quand nous saisirons
bien que c'est notre union avec Jésus qui
nous fait participer soit à l'expiation du
Garant, soit à la Sainteté du
Modèle, nous comprendrons l'admirable accord
qui existe entre ces deux doctrines et combien
elles sont toutes deux indispensables à la
prospérité de l'Eglise. Nous verrons
clairement alors que le même Jésus qui
nous a ouvert la porte du ciel, aussi bien par
la sainteté de sa vie, que par
l’expiation de nos pêches, nous
obtient également, soit le pardon par son
sang, soit la conformité à sa vie par
son Esprit. Nous verrons aussi que nous ne pouvons
saisir l'une et l'autre de ces grâces que par
la foi. Notre protestantisme
évangélique ne pourra remplir sa
mission que lorsque cette vérité
capitale du salut par la foi seule sera
appliquée, non seulement à la
justification, mais aussi à la
sanctification, c'est-à-dire à notre
conformité à l'image de Christ.
Ceci ouvre un vaste champ au prédicateur qui
voudra conduire ses auditeurs dans la voie d'une
entière conformité à l'image
de Christ. La vie chrétienne vraiment
semblable à celle de Christ peut se comparer
à un arbre dont la racine et les fruits sont
réunis par le tronc. Dans la
prédication comme dans la vie privée,
ce sont les fruits d'abord qui attirent
l'attention. Les paroles de Christ :
« Faites comme je vous ai
fait », et, dans les
Épîtres, les fréquentes
exhortations à aimer, à pardonner,
à supporter comme Christ l'a fait, nous
amènent aussitôt à comparer la
vie des chrétiens de nos jours avec la vie
de Christ et à présenter comme
règle de conduite l'exemple que nous fournit
la vie du Sauveur. Ceci fera sentir le besoin de
prendre le temps d'étudier chaque trait de
cet admirable Modèle pour savoir plus
exactement ce que Dieu veut de nous actuellement.
Il faut que les croyants en viennent à bien
saisir que la vie de Christ est réellement
la règle de leur vie à eux, et que
Dieu attend d'eux qu'ils s'y conforment
entièrement.
Sans doute, il y a différence d'éclat
entre la lumière du soleil qui brille au
ciel et la lumière d'une lampe qui
éclaire une de nos demeures terrestres,
néanmoins, la lumière est toujours la
lumière, et, dans sa petite sphère,
la lampe peut faire son oeuvre tout aussi bien que
le soleil dans la sienne. Il faut que la conscience
de l'Eglise apprenne à comprendre que
l'humilité et le renoncement de
Jésus, que son entière
consécration à faire la
volonté et l'oeuvre de son Père, que
sa prompte obéissance, son
dévouement, son amour et sa bonté
représentent sans exagération ce que
chaque croyant doit être à son tour,
et que c'est là son simple devoir aussi bien
que son privilège. Il n'y a pas, comme on le
pense trop souvent, deux degrés de
sainteté, l'un à l'usage de Christ et
l'autre à l'usage de ses disciples.
Non ; comme sarments du cep, comme membres du
même corps, comme ayant droit au même
Esprit, nous pouvons, et par conséquent nous
devons, être l'image de notre Frère
Aîné.
Si cette conformité à la vie de
Christ se voit rarement, si elle est trop peu
recherchée par la grande majorité des
chrétiens, c'est parce qu'on se fait une
idée fausse, soit de l'incapacité de
l'homme, soit de ce qu'il peut attendre de la
grâce divine, quand elle opère en lui.
On a généralement tant de foi en la
puissance du péché, et si peu de foi
en la puissance de la grâce, qu'on ne se
croit pas même appelé à avoir
le même amour que Jésus, le même
esprit de pardon, la même consécration
à la gloire du Père, et qu'on ne voit
plus là qu'un idéal admirable sans
doute, mais impossible à atteindre. On se
dit que Dieu ne peut pas attendre de nous que nous
soyons, que nous fassions, ce qui est si fort au
delà de notre portée, et, comme
preuve de l'impossibilité d'y parvenir, on
allègue ses vains efforts pour dominer son
humeur, ou pour vivre entièrement au service
de Dieu.
Ce n'est qu'en persévérant à
présenter Christ comme notre Modèle
et à prêcher cette
vérité divine dans toute son
intégrité et tout son éclat,
qu'on pourra surmonter une pareille
incrédulité.
Il faut enseigner aux croyants que Dieu ne
moissonne pas là où il n'a pas
semé, mais que le fruit demandé et la
racine qui le produit sont intimement reliés
l'un à l'autre. Dieu veut que nous pensions,
que nous parlions et que nous agissions exactement
comme Christ, puisque la vie qui nous anime est
exactement la même que celle qui l'animait.
Si nous possédons une vie semblable à
la sienne, quoi de plus naturel que d'attendre de
nous des fruits semblables aux siens. Si Christ vit
en nous, Christ agira et parlera par nous, et
révélera ainsi sa présence aux
yeux du monde.
Il faut prêcher que c'est par la foi seule
qu'on peut recevoir Christ comme le
Modèle à imiter. C'est par là
qu'on amènera les enfants de Dieu à
être tels que Dieu les veut. La plupart des
chrétiens pensent que nous devons croire en
Jésus comme en notre Sauveur, et qu'ensuite
nous serons poussés par un sentiment de
reconnaissance à suivre l'exemple qu'il nous
a donné, mais ce mobile de gratitude ne
saurait suppléer au manque de force dont
nous souffrons. Notre incapacité reste la
même ; c'est nous replacer sous la
loi : Je dois faire, mais je ne puis pas. Il
faut enseigner à ces
chrétiens-là ce que c'est que de
croire en Christ comme leur Modèle, ce que
c'est que de saisir par la foi sa vie sainte qui
fait partie du salut qu'il leur a
préparé. Il faut leur enseigner que
ce Modèle n'est pas quelque chose ou
quelqu'un en dehors d'eux, mais que le Dieu vivant
est lui-même leur vie, et qu'il veut
réaliser en eux l'exemple que leur offre sa
vie terrestre. Il faut qu'ils sachent que
dès qu'ils se soumettront à lui, il
manifestera sa présence en eux et dans leur
vie de chaque jour au delà de toute
prévision ; il faut qu'ils voient dans
la conformité à la vie de Christ
l'action directe de la Vie éternelle
descendue du ciel, et qui est donnée
à tous ceux qui croient. C'est parce que
nous sommes un avec Christ et que nous demeurons en
lui, c'est parce qu'ainsi nous possédons la
même vie divine que lui, que nous sommes
appelés à marcher comme lui.
Il n'est pas toujours facile de se faire une
idée claire de cette vérité,
et d'en venir ensuite à l'accepter. Les
chrétiens se sont si bien accoutumés
à une vie d'infidélité et de
chutes continuelles, que la pensée ne leur
vient pas même de pouvoir réaliser
assez cette ressemblance avec Christ pour qu'elle
se voie en eux. On ne pourra vaincre leur
incrédulité à cet égard
qu'en leur prêchant cette
vérité avec toute l'animation d'une
foi joyeuse et triomphante, car ce n'est
qu'à la foi et à une foi plus ample
et plus profonde qu'on ne la croit ordinairement
nécessaire pour saisir le salut, qu'est
accordée cette puissance de vie de Christ
qui devient la vie du croyant. Quand Christ sera
prêché dans son entier, et comme
règle, et comme vie, le croyant obtiendra
cette foi plus efficace qui résulte de son
unité avec Christ, et recevra ainsi la force
de vivre de cette vie-là.
Le développement de cette foi varie selon
les cas. Les uns l'obtiennent à la longue en
persévérant à s'attendre
à Dieu. D'autres en ont une
révélation soudaine ;
après des temps de luttes et de chutes, ils
arrivent à voir clairement que si
Jésus donne l'exemple à suivre, il
donne aussi la force de le suivre. Les uns y
arrivent dans la solitude, loin de tout secours
humain, seuls avec le Dieu vivant, tandis que
d'autres, et c'est souvent le cas, la
reçoivent pendant qu'ils sont réunis
avec les fidèles et qu'alors le Saint-Esprit
touche les coeurs, presse les âmes de se
décider, et les amène à saisir
ce que Jésus leur offre, ce qu'il donne
lui-même pour rendre semblable à lui.
Quelle que soit la marche que suive ce
progrès spirituel, toujours il a lieu quand,
par la puissance de l'Esprit, on présente
Christ comme le Modèle de ce que Dieu attend
de ses enfants. Alors, les croyants, amenés
à reconnaître leur état de
péché, et leur incapacité
à en sortir, se remettent, comme
jamais ils ne l'avaient encore fait, entre les
mains de leur tout-puissant Sauveur, et en viennent
à réaliser la vérité de
ces deux textes, en apparence
contradictoires : « Le bien
n'habite point en moi, c'est-à-dire dans
ma chair ». « Je puis tout
par Christ qui me fortifie ».
(Rom. 7 : 18 ;
Phil. 4 : 13).
Quoi qu'il en soit, la racine et les fruits sont
toujours reliés entre eux par le tronc de
l'arbre. Nous le voyons par la vie de
Christ : ses rapports individuels et
continuels avec le Père établissaient
une correspondance soutenue entre sa vie
cachée en Dieu et les fruits de sa vie
extérieure. Par son regard habituel vers le
Père, par sa promptitude à
l'écouter, par son obéissance aux
directions de l'Esprit, par sa soumission aux
paroles de l'Écriture qu'il venait
accomplir, par sa vigilance dans la prière,
et par toute sa vie de dépendance et de foi,
il nous donne l'exemple de ce que nous devons
être, nous aussi. Il nous avait
été fait si réellement
« semblable en toutes
choses »
(Héb. 2 : 17), il
était si bien devenu un avec nous dans la
faiblesse de la chair, que ce n'était
qu'à ce prix-là que la vie du
Père avait libre cours en lui, produisant
les oeuvres qu'il faisait. Il en sera
précisément de même pour nous.
Notre union avec Jésus, et la
présence de sa vie en nous, nous assureront
une vie semblable à la sienne.
Ce ne sera pourtant pas le résultat direct
d'une force aveugle mise en mouvement et
accomplissant machinalement Son oeuvre, mais il y
aura là de notre part coopération
d'intelligence, de volonté et d'amour pour
demander, pour recevoir et nous abandonner à
Dieu avec confiance, aussi bien que pour employer
à son service tout ce qu'il donne, et
travailler avec la certitude qu'il travaille en
nous. Cette foi en Christ, notre Vie, ne nous sera
pas un oreiller de paresse ; au contraire,
elle stimulera toute notre énergie au plus
haut degré, et comme elle rend toutes choses
possibles, elle nous portera par là
même à rechercher toujours plus tout
ce qui constitue la vraie communion avec Dieu, nous
faisant tout attendre de lui.
Voici, quant à notre conformité avec
Christ, les trois points qu'il importe de bien
connaître : Notre vie est, comme celle
de Christ, cachée en Dieu, elle se
maintient, comme la sienne, par la communion
avec Dieu, et son activité
extérieure en fait, comme de la sienne, une
vie pour Dieu. Quand les croyants en
viendront à saisir cette
vérité, à pouvoir se
dire : Nous sommes réellement
semblables à Christ par la vie que,
grâce à lui, nous avons en Dieu ;
nous pouvons être semblables à Christ
en maintenant et fortifiant cette vie par notre
communion avec Dieu ; nous serons encore
semblables à Christ par les fruits que doit
porter cette vie-là ; alors le nom de
disciple de Christ et la conformité à
Christ ne seront plus seulement une profession de
foi, mais bien une réalité, et le
monde saura que le Père nous a
réellement aimés comme il a
aimé le Fils.
Qu'il me soit permis de demander ici à tout
pasteur et à tout chrétien qui liront
ces lignes, si, dans les enseignements de l'Eglise,
nous avons assez présenté Christ
comme le Modèle dont l'imitation nous
ramènera seule à l'image de Dieu.
Plus les prédicateurs de l'Eglise
remonteront eux-mêmes à la source
divine de toutes les vérités qui
concourent ensemble à donner la pleine
jouissance du salut, plus aussi ils deviendront
aptes à faire entrer les fidèles dans
cette voie de privilèges et de
sainteté pratique. Ils seront ainsi un moyen
de bénédictions nouvelles pour le
monde, selon que Dieu l'attend d'eux. C'est
là, en effet, ce dont le monde à
besoin de nos jours ; il lui faut des hommes
et des femmes vivant de la vie de Christ et
prouvant par leur conduite que, comme Christ, ils
n'ont ici-bas d'autre but que la gloire du
Père et le salut des hommes.
Encore un mot. Soit que nous prêchions la
conformité avec Christ, soit que nous
cherchions à la mettre en pratique,
gardons-nous de ce perfide et mortel
égoïsme qui ne chercherait à
l'obtenir que dans le seul but de nous placer
nous-mêmes aussi haut que possible dans la
grâce et les faveurs de Dieu. Dieu est
amour ; l'image de Dieu doit donc
refléter un amour semblable à celui
de Dieu. Quand Jésus disait à ses
disciples : « Soyez parfaits
comme votre Père qui est dans les cieux est
parfait »
(Matt. 5 : 48), c'était
leur dire que la perfection consistait à
aimer et à bénir ceux qui en
étaient indignes. Les noms mêmes de
notre Seigneur nous montrent que tous les autres
traits caractéristiques de notre
ressemblance avec Christ sont subordonnés
à celui-ci : Chercher la volonté
et la gloire de Dieu en aimant et en sauvant les
hommes. Il est le Christ, l'Oint de Dieu. Pour
qui ? Pour les coeurs brisés, pour les
captifs, pour ceux qui sont dans les liens et dans
le deuil. Il est Jésus, le Sauveur, qui a
vécu et qui est mort pour sauver ceux qui
étaient perdus.
Il peut se faire beaucoup d'oeuvres
chrétiennes sans une grande mesure de
sainteté ou d'esprit de Christ, mais il est
impossible de posséder en grande mesure la
véritable sainteté, semblable
à celle de Christ, sans se consacrer
particulièrement à faire du salut des
pécheurs le but de sa vie, et cela pour
glorifier Dieu. Jésus s'est donné
lui-même pour nous, afin de pouvoir
nous réclamer nous-mêmes pour lui,
et de se former ainsi « un peuple
particulier, zélé pour les bonnes
oeuvres ».
(Tit. 2 : 14). Il y a là
réciprocité et parfait accord,
identité complète
d'intérêt et de but. Lui-même
pour nous, comme notre Sauveur, et
nous-mêmes pour lui, aussi comme
sauveurs, en continuant sur la terre, comme lui et
pour lui, l'oeuvre qu'il y a commencée.
Mettons toujours en relief cette
vérité quand nous prêchons la
nécessité d'avoir une vie
conforme à celle de Christ, soit que nous
remontions à sa source, notre union avec
Christ en Dieu, soit que nous indiquions le moyen
de la maintenir et de la développer par la
foi, la prière et la communion avec Dieu,
soit aussi que nous insistions sur les fruits
d'humilité, de sainteté et d'amour
qu'elle doit produire. Oui, c'est pour faire
connaître la volonté et la gloire
du Dieu d'amour dans le salut des pécheurs
que Christ a vécu, qu'il est mort et
qu'il vit actuellement. Être semblable
à Christ signifie donc ceci :
Rechercher la grâce, la vie et l'Esprit de
Dieu pour se consacrer entièrement à
faire connaître la volonté et la
gloire du Dieu d'amour dans le salut des
pêcheurs.
FIN
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