Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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UN SIÈCLE DE MISSION A MADAGASCAR



CHAPITRE III

TOUJOURS SOUS LA CROIX

Une seconde tentative faite pour soustraire des chrétiens à leur sort n'eut pas le même succès. Seize chrétiens, profitant du retour d'un docteur anglais qui avait pu monter en Imérina avec MM. Johns et Griffith, partirent le 23 mai 1840 pour la côte. Mais, au deux tiers du chemin, ils furent reconnus, arrêtés et ramenés à la capitale. Deux s'échappèrent, quatre furent réduits en esclavage, et dix condamnés à mort, dont Paul Rainitsiheva. Nous avons sur cet événement une lettre de M. Johns écrite à la date du 20 juillet 1840.
On fixa le 5 juillet pour le jour de leur exécution.

« Dès le matin de ce jour, le bruit terrible des canons annonça les préparatifs de cette scène lugubre ; des milliers de soldats se dirigèrent vers le lieu ordinaire de leurs exercices. Vers midi, les premiers officiers du royaume vinrent lire le décret fatal porté contre les chrétiens, et annoncer que la reine avait ordonné que neuf d'entre eux fussent mis à mort dans l'après-midi. Le canon se faisait entendre par intervalles, tout annonçait quelque chose d'extraordinaire, et cependant le peuple ne comprenait pas bien encore le but de tous ces préparatifs. Entre trois et quatre heures, les chrétiens, attachés chacun à un poteau et complètement nus, furent transportés vers le lieu d'exécution. Après un court intervalle, un coup de canon annonça le moment fatal ; les exécuteurs s'approchèrent ; le corps des victimes fut transpercé, mais leurs âmes s'envolèrent vers la gloire éternelle.

« Paul (1), Josué (2) et leurs femmes, et Flora (3) épouse de David, réfugié en Angleterre, furent du nombre de ces bienheureux martyrs. Il est remarquable que le canon qui donna le signal aux exécuteurs se rompit dans ce moment même, et, en se rompant, blessa dangereusement l'un des canonniers. Cette circonstance fut considérée par plusieurs comme un fâcheux augure. Je ne sais pas ce que sont devenus les cinq autres chrétiens ; quelques personnes disent qu'ils ont été condamnés aux liens de l'esclavage, mais la chose est incertaine.

« Ainsi l'esprit de la persécution croît en haine et en cruauté, et l'hostilité de la reine et de ses conseillers contre l'Évangile et l'oeuvre des missions nous enlève jusqu'au moindre espoir de reprendre nos travaux dans ce pays, avant que quelque grand changement arrive dans le système du gouvernement.
« Quand je quittai Maurice, j'étais loin de penser qu'un nombre si considérable de fidèles chrétiens souffriraient le martyre pendant mon séjour dans la capitale. Cet événement a fait une impression profonde sur mon esprit ; il est plus facile de concevoir que d'exprimer les sentiments qui oppressaient mon coeur. »

La rage des persécuteurs avait été comme surexcitée par le supplice de ces neuf chrétiens, et bientôt d'autres noms vinrent s'ajouter au martyrologe. Partout les émissaires de la reine parcouraient le pays et fouillaient les endroits les plus inaccessibles. On exécuta des chrétiens aussi bien en province qu'à la capitale.
Les trois missionnaires qui avaient pu venir un instant visiter leurs anciens disciples dans leur infortune durent repartir impuissants et moururent l'un après l'autre, autant de chagrin que de maladie.
Mais l'esprit divin continua à manifester sa toute-puissance et cela avec d'autant plus d'éclat que les heures étaient plus sombres. Chaque fois que des martyrs tombaient, d'autres se levaient pour les remplacer.

Un chrétien, Rasoalavavolo, eut l'audace de s'introduire une nuit jusque dans le palais de la Reine et d'y avoir un entretien avec le prince héritier Rakotondradama, qui devait succéder à sa mère sous le nom de Radama Il. Une tradition prétend, même que ce prince accepta le baptême. C'est inexact : Radama II, hélas ! ne devint jamais chrétien, bien qu'il en ait pu avoir l'intention et peut-être l'illusion.
Mais, doué d'un coeur sensible, il souffrait de voir persécuter des gens dont il reconnaissait l'innocence, et il s'efforça, dans la mesure du possible, d'adoucir le sort de plusieurs et même d'en sauver quelques-uns des effets de l'injuste rigueur de sa mère. De fait, il y eut un autre prince baptisé dans le palais, et c'est ce qui a donné lieu à la tradition rappelée plus haut : ce fut le frère de la princesse Ramoma qui plus tard devint reine sous le nom de Ranavalona Il et fit alors profession de christianisme. L'origine de sa conversion remonte très certainement à la sainte hardiesse de Rasoalavavolo.
Ce frère de Ramoma, Ramonjamanana, fut dénoncé à la reine en 1849, et la reine ordonna la destruction de deux maisons appartenant à Ramonja, ayant appris qu'il s'y était tenu des réunions de prières.

Les serviteurs de Jésus-Christ avaient trop manifesté leurs espérances, et avaient trop cru à la conversion et à la protection du prince. Soit crainte de sa mère, soit refroidissement de sa part, celui-ci cessa de soutenir les persécutés ; et les arrestations et les condamnations reprirent de plus belle.
Nous avons sur cette époque quelques documents significatifs, notamment un récit indigène, rapporté par le missionnaire Ellis, racontant les derniers jours des martyrs.

« Le 14 mars 1849, dit ce récit, l'officier devant lequel on examinait les chrétiens leur fit cette question - « Adorez-vous le soleil ou la lune ou la terre ? » L'un des chrétiens interrogés répondit : « Je ne les prie pas, parce que c'est la main de Dieu qui les a faits.
« - Adorez-vous les douze montagnes sacrées ? - Je ne les adore pas parce qu'elles ne sont que des montagnes.
« - Priez-vous les idoles qui président à la consécration des rois ? - Je ne les prie pas, car c'est la main de l'homme qui les a faites.
« - Priez-vous les ancêtres des souverains ?
« - Les rois et les gouverneurs nous sont donnés par Dieu. afin que nous leur obéissions et leur rendions hommage ; mais ils ne sont que des hommes comme nous. Quand nous prions, c'est à Dieu seul que nous nous adressons.
« - Vous distinguez des autres jours et vous observez le sabbat ? - C'est le jour du grand Dieu, car en six jours le Seigneur a fait toute son oeuvre ; puis il se reposa le septième et le déclara saint. C'est pour cela que nous nous reposons et que nous tenons ce jour-là pour saint. »
« Tous les autres chrétiens répondirent de la même manière. Un homme, qui jusqu'alors s'était tenu à l'écart, voyant une femme confesser Dieu et rappeler que ceux qui le reniaient en, avaient des remords, s'avança et parla à son tour comme les autres l'avaient fait. Et, quand ces frères et ces soeurs eurent été liés, le mari d'une de ces dernières, qui avait entendu leur confession s'approcha d'eux et leur dit : « N'ayez point de peur, car ce sera pour vous une bonne chose que de mourir pour un pareil motif. » Cet homme était un soldat qui demeurait dans un endroit assez éloigné, et il ne se trouvait pas au nombre des accusés ; mais alors il fut interrogé, et, comme il fit la même confession, on le lia aussi comme les autres. On serra ensuite très fort les liens de ces frères et de ces soeurs, puis on les emmena et on les renferma chacun dans une maison séparée. »

Le 22 mars, l'un des chrétiens ayant dit : « Jéhovah seul est Dieu au-dessus de tout autre nom qui peut être nommé, et Jésus-Christ est aussi Dieu », le peuple qui était là poussa de grands cris en se moquant. Alors l'officier dit à un autre : « Rabodonampoinimerina (c'est le nom sacré de la reine) est notre Dieu et non pas le vôtre. » Sur quoi le chrétien répondit : « Le Dieu qui m'a fait est mon Dieu, mais Rabodo est ma reine et ma souveraine. » Et, comme il ne voulut pas faire d'autre réponse que celle-là, les gens qui étaient là dirent : « Peut-être est-ce un idiot ou un lunatique. » Mais lui : « Non, s'écria-t-il, le ne suis pas un idiot, et je n'ai pas perdu l'esprit. » Là-dessus, il se fit parmi le peuple un grand tumulte, et l'on cria : « Emmenez-le. » Et il fut emmené en prison.

« Le jour suivant, avant qu'il fût jour, le peuple s'assembla à Analakely. On prit les dix-huit frères qui avaient choisi pour leur part de confesser Dieu et d'hériter de la, vie éternelle en devenant ses fils et ses filles ; on leur lia les mains et les pieds ; on les attacha à des poteaux entourés de nattes, et on les mit avec les autres prisonniers. Dix de ces frères et de ces soeurs, unis ensemble par la foi, étaient du Vonizongo. Quand les officiers, les soldats et les juges arrivèrent, ils lurent les noms de chacun des prisonniers, les firent mettre tous ensemble à part, placèrent, autour d'eux des soldats armés de lances et de mousquets et lurent ensuite les sentences prononcées contre eux. Les uns furent condamnés à des amendes et à la confiscation de leurs biens ; d'autres à être vendus comme esclaves ; d'autres à la prison et aux chaînes ; d'autres à être fouettés et dix-huit à la mort, savoir quatre à être brûlés, et quatorze à être précipités du haut d'un grand rocher, puis ensuite réduits en cendres.

« Les dix-huit condamnés à mort, assis sur la terre et entourés de soldats, se mirent à chanter le cantique :

Quand je mourrai, quand je quitterai mes amis,
Quand ces amis pleureront sur moi,
Quand ma vie m'aura quitté,
C'est alors que je serai vraiment heureux, etc.

« Lorsque les sentences eurent été prononcées, et au moment où l'officier se préparait à retourner auprès des autorités supérieures, les quatre chrétiens condamnés à être brûlés le supplièrent de demander qu'ils fussent d'abord mis à mort, puis brûlés ; mais cette requête ne fut pas reçue.

« Lorsque l'officier fut parti, on prit les dix-huit condamnés à mort pour les conduire au supplice. Les quatorze qui devaient être précipités furent attachés par les mains et par les pieds à de longs pieux que des hommes chargèrent sur leurs épaules. Et, comme on les portait ainsi, ces frères priaient et parlaient au peuple ; et les gens qui les virent de près ont dit que leurs visages étaient comme des visages d'anges. Quand on fut arrivé au, sommet d'Ampamarinana, ils furent précipités, et leurs corps furent ensuite traînés de l'autre côté de la capitale pour être brûlés avec les corps de ceux qui devaient périr sur le bûcher.

« Pendant que les quatre chrétiens condamnés à être brûlés vivants marchaient Vers le lieu de l'exécution, ils chantaient le cantique qui commence ainsi : Quand nos coeurs sont troublés, et dont tous les vers se terminent par ces mots : Alors souviens-toi de moi. Tout le long du chemin, ils chantèrent ainsi. Arrivés à Faravohitra, on les attacha à des poteaux de bois fendus pour les brûler. Et il y eut en ce moment un arc-en-ciel dans les nues, non loin de l'endroit de leur supplice : alors ils chantèrent :

Il est une terre bénie,
Où nous serons heureux ;
Le repos n'en sera jamais troublé ;
On n' y connaîtra plus la douleur.

« Ils étaient déjà dans le feu, qu'ils chantaient encore cet hymne. Ils prièrent ensuite en disant : « 0 Seigneur, reçois nos esprits ! C'est à cause de ton amour que ceci nous arrive. 0 Seigneur, ne leur impute point ce péché »
« Et ils prièrent de la sorte aussi longtemps qu'il leur resta de la vie. Ils moururent ensuite, mais doucement et en paix. »

... A cette relation fragmentaire de la grande persécution de 1849, Ellis ajoute des détails d'une nature plus générale :

« Cette persécution paraît avoir été la plus cruelle de toutes celles qui sont tombées sur l'Eglise malgache ; et, en tout cas, c'est celle dont l'histoire est le mieux connue. Plusieurs milliers de personnes en furent plus ou moins cruellement frappées. En une seule fois et dans une seule localité, trente-sept chrétiens, coupables d'avoir expliqué la parole de Dieu autour d'eux, furent condamnés à l'esclavage avec leurs femmes et leurs enfants ; ailleurs, quarante-deux autres, convaincus d'avoir eu en leur possession la Bible, virent tous leurs biens confisqués ; vingt-sept hommes, convaincus du même crime que les premiers, furent également réduits en esclavage avec leurs familles, six autres, coupables de récidive, furent jetés en prison, 2.055 personnes eurent à payer une amende d'environ 5 francs ; d'autres furent condamnés, les uns à être brûlés, les autres à être précipités du sommet d'un rocher élevé de 300 pieds au-dessus du niveau de la plaine.
C'est de ces derniers qu'il est fait mention dans la relation indigène que nous avons reproduite.

« Ces poursuites avaient généralement lieu à l'instigation d'espions nombreux, dont les uns étaient salariés par les autorités, mais dont un grand nombre agissaient uniquement sous l'impulsion de leur haine contre le nom de Christ. On avait vu se réaliser là l'une des plus terribles prédictions du Seigneur ; les familles étaient divisées ; les parents s'élevaient contre leurs enfants, les enfants contre leurs parents, et les frères contre leurs frères. Il en était à cet égard absolument comme aux jours de la primitive Église.

« Un autre trait de ressemblance avec cette époque de sanglante mais glorieuse mémoire se trouve dans la nature des accusations portées, contre les confesseurs de l'Evangile. On ne leur reprochait aucun crime que celui d'être chrétiens ; leurs juges eux-mêmes s'accordaient à reconnaître que, sous tous les autres rapports, leur vie était exemplaire. En les invitant à prêter serment pour se justifier, l'officier chargé de la poursuite leur demandait : « Faites-vous ce que la reine hait ? Elle hait les gens qui disent : « Croyez en ceci ou en Jésus, et obéissez à l'Évangile » ; les gens qui refusent de combattre ou de se quereller entre eux ; qui ne veulent pas jurer ; qui observent le sabbat comme un jour de repos ; qui prennent du jus de la grappe et un peu de pain, et qui, après avoir invoqué une bénédiction, se prosternent et se relèvent ensuite avec des larmes dans les yeux. Eh bien ! faites-vous ces choses ? On dit que les gens qui prient les font ; c'est ce dont vous avez à vous défendre en jurant. » Un des juges, ayant remarqué la scrupuleuse probité avec laquelle les chrétiens rendaient compte de ce qu'on leur confiait, disait un jour publiquement que, sans leurs détestables prières, ces gens auraient fait d'excellents serviteurs.

Un de ces courageux témoins de la vérité, qui avait été condamné à mort, reçut de la reine l'assurance de son pardon et même d'un accroissement de faveur, s'il voulait se rétracter. Il répondit qu'il remerciait la reine de ce message, mais qu'il, lui était impossible de renier sa foi ; qu'à la vérité, il sentait le prix des avantages qu'on lui offrait, mais que les Plus hautes faveurs de la reine ne pouvaient regarder que la vie présente, tandis que la faveur de son Sauveur devait durer pendant l'éternité tout entière. « Et cependant, ajouta-t-il, je reste toujours le serviteur de la reine. » Cette parole ne parut pas satisfaisante, et la sentence de mort reçut son exécution. On ne peut qu'admirer la constance que les martyrs déployèrent en présence des supplices. Ellis, qui, en 1854, eut l'occasion de s'entretenir avec plusieurs de ceux qui avaient survécu, fut frappé de ne trouver en eux aucune trace d'amertume ni de ressentiment à l'égard de leurs persécuteurs. Ils regardaient leurs souffrances comme permises par le Seigneur et n'en parlaient que comme d'un motif de plus de se confier en lui.

La Reine ayant une fois de plus assouvi sa colère sur les chrétiens, parut de nouveau se calmer. Pendant les huit années qui suivirent il y eut bien quelques professants recherchés et condamnés à l'esclavage, mais il n'y eut plus de mises à mort pour cause de conversion religieuse.
Le bruit courut même que, grâce au zèle du prince Rakotondradama, les chrétiens étaient devenus libres de se réunir, et le Comité de Londres envoya, en 1853, Ellis et Cameron à Madagascar afin de voir si l'oeuvre ne pouvait pas être reprise. Ils abordèrent à Tamatave le 18 juillet, mais n'arrivèrent pas à monter sur les hauts-plateaux. La Reine ne leur en accorda pas l'autorisation. Ils purent cependant entrer en communication avec un certain nombre de chrétiens et satisfaire, dans une certaine mesure, l'ardent désir des convertis de posséder des livres saints.

Dans un entretien que Cameron eut avec un chrétien malgache éminent, il lui parlait de Ira nécessité d'user de beaucoup de prudence dans la célébration du culte, et d'éviter ainsi, autant que possible, tout ce qui pourrait exciter le courroux de la reine. La réponse de cet homme fut remarquable : « Cela est vrai, dit-il mais voyez notre position : nous ressemblons à des gens qui marchent sur une langue de terre très étroite entre deux précipices. Si nous sommes trop ardents et mettons trop d'énergie dans notre profession de foi, nous attirons sur nous les sévérités des lois actuelles ; mais si, d'un autre côté, nous négligeons d'adresser des avertissements à nos compatriotes et d'avancer nous-mêmes dans la voie divine, nous tombons dans les pièges et dans les tentations du diable. »

Durant leur séjour à Tamatave, Ellis et Cameron reçurent des lettres de plusieurs chrétiens de l'intérieur. Une d'elles, écrite de la propre main du prince Ramonja, était adressée à Cameron ; en voici la teneur :

« Antananarivo, 28 du mois d'alaharnady, 1854.

« Monsieur Cameron, ayant appris que, par la bénédiction de Dieu, vous êtes arrivé à Tamatave, je viens vous demander votre assistance, parce que je vis au milieu d'une génération peu éclairée, et cependant je loue Dieu, à cause de la bonté qu'il m'a témoignée. J'envoie par vous mes salutations à tous les frères en Jésus, et, quant à vous, je vous souhaite les bénédictions de Dieu. Lorsque vous pourrez nous envoyer des Bibles, des Nouveaux Testaments et des Catéchismes, je vous prie de les remettre à M....., afin que je les reçoive et que nous puissions les examiner tous ensemble dans ce pays d'ignorance. Que la miséricorde de Dieu repose sur vous ! »

« Adieu vous dit,
« RAMONJA, prince, votre parent en Jésus. »

Un événement d'une nature politique vint un instant faire éclater de nouveau le feu de la persécution. La reine vieillissait, son caractère s'aigrissait de plus en plus, et sa domination devenait de plus en plus tyrannique. Plusieurs fois elle avait fait convoquer ses sujets, leur ordonnant de s'accuser de tous leurs méfaits et avait condamné aux travaux forcés et à la marque au fer rouge tous ceux qui avaient avoué le moindre vol. Les exécutions sur les deux places extrêmes de la ville avaient augmenté dans des proportions considérables : il y en avait à certains moments 5 ou 6 par jour, et parfois pour des méfaits assez peu importants.

Laborde (4) et Lambert (5), liés avec le prince Rakoto, le persuadèrent d'exiler sa mère et de prendre sa place. Mais, au jour fixé pour l'exécution du complot, le premier ministre Rainivoninahitriniony et son frère, qui s'étaient déclarés prêts à faciliter les choses, se ravisèrent et prévinrent la souveraine.

Comme deux ou trois chrétiens avaient indirectement trempé dans le complot, c'est de nouveau sur le petit troupeau des disciples que la foudre tomba. On les engloba dans les poursuites. Cinquante durent boire le poison ordalique et huit en moururent ; cinquante-sept furent enchaînés par groupe de six ou huit, écrasés sous des fers extrêmement pesants et expédiés dans des endroits fiévreux pour y travailler sous la surveillance de gardiens impitoyables ; la plupart périrent dans leurs chaînes. Un certain nombre d'autres chrétiens furent réduits en esclavage. Enfin quatorze furent lapidés à Fiadanana, au sud-ouest de la capitale, le 18 juillet 1857 ; le plus connu de ces martyrs est Rasoalandy qui répondit à ses juges en ces termes : « Si mon Roi à moi avait voulu me garder encore sur cette terre, il m'aurait soustrait aux recherches ; mais, puisqu'il lui a plu de me livrer, je n'ai aucune crainte. Car, bien qu'en prison et persécutés, nous sommes bien plus heureux que n'importe lequel d'entre vous. » (6)
Ce fut la dernière explosion violente de cette longue persécution qui avait duré 25 ans.


Table des matières

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1. De son vrai nom Rainitsiheva.

2. De son vrai nom Ramanisa.

3. Autrement dit Raminahy, femme de Ratsarahomba.

4. Jean Laborde, consul de France.

5. Lambert, colon français.

6. Dans un discours, Ellis a fait allusion à cette persécution de 1857.
« Pendant sa durée, dit Ellis, 8 hommes moururent des effets du tanguin ou poisson ; 13 furent lapidés ; 250 environ vendus comme esclaves, et 56 soumis à un genre de supplice inventé spécialement, à ce qu'il paraît, en vue d'eux. Cette invention, véritablement diabolique, consistait d'abord en colliers de fer, lourds, massifs, unis les uns a autres par une barre transversale du même métal et d'un poids considérable aussi ; puis, en anneaux de fer, disposés et réunis de la même manière, pour être passés aux pieds des misérables victimes.

« Au moyen de ces instruments de torture, on liait ensemble, par groupes de cinq, huit ou dix, des chrétiens de l'un et de l'autre sexe qu'on envoyait ensuite de côté et d'autre, le plus souvent dans des contrées marécageuses, où l'on pouvait s'attendre à voir la fièvre s'emparer d'eux Bientôt, sous l'influence de ces deux causes de souffrances, la mort arrivait pour ces malheureux, mais pas pour tous à la fois. Quand l'un tombait, les soldats chargés de surveiller le groupe coupaient la tête et le pied engagés dans le collier et dans l'anneau, et laissaient le cadavre devenir la proie des animaux féroces ou des oiseaux de proie. Mais rien n'était changé pour cela à l'appareil, de sorte que les survivants avaient à le traîner après eux tout entier, jusqu'à ce que la mort vînt les frapper à leur tour. On en a vu deux ou trois rester ainsi chargés, à eux seuls, des fers portés primitivement par dix. Et quelquefois, par l'incurie ou la cruauté des soldats préposés au groupe, l'infernal supplice devenait plus affreux encore.
C'est lorsque les bourreaux, au lieu de détacher le corps privé de vie, le laissaient à sa place. Les malheureux survivants devaient alors le traîner avec eux en même temps que les fers, et supporter les effroyables émanations sorties d'un cadavre dont il leur était impossible de s'éloigner... J'ai vu de mes yeux quelques-uns des martyrs qui avaient eu à passer par ces tortures. Ils étaient maigres, épuisés, sans force, horribles cicatrices sillonnaient encore leurs cous ou leurs pieds, mais le calme, la sérénité, la joie brillaient sur leurs fronts.
Tous les dimanches, à Antananarivo, j'avais dans les rangs de ma congrégation des parents de quelque personne morte de cette manière au service de la foi ; ils parlaient des martyrs avec vénération, de leurs souffrances avec une profonde horreur, mais sans laisser jamais échapper une malédiction contre les bourreaux, et en bénissant Dieu d'avoir soutenu jusqu'à la fin la constance des confesseurs. On me croira sans peine si j'ajoute que cette héroïque constance a été au nombre des causes qui ont le plus contribué à faire avancer l'oeuvre de Dieu a Madagascar ? En contemplant ce spectacle, comment ne pas se dire qu'il devait y avoir une singulière puissance dans la foi qui mettait au coeur de ses confesseurs une fidélité tellement indomptable ? »

 

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