Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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SERMONS



AVERTISSEMENT

L'AUTEUR de ces Sermons, après un ministère de six années dans la Paroisse où ils furent prononcés, lui a laissé, en la quittant, ce souvenir qui lui a été demandé par plusieurs personnes respectables.

Quelque répugnance qu'il ait d'abord montrée pour cette publication, il n'a pu résister à l'espérance de contribuer en quelque chose à l'édification domestique de ces âmes, dont il devra aussi pour sa part rendre compte, et de remédier ainsi selon ses moyens aux imperfections qu'il peut avoir apportées dans un ministère toujours bien défectueux, quand on le compare à l'importance de son objet. - Il a d'ailleurs saisi avec joie cette occasion de répondre, par sa déférence, aux nombreux témoignages d'affection qu'il a reçus dans cette Paroisse, et dont il conservera toujours un souvenir vif et profond.

L'Auteur n'aspire à aucune espèce de mérite littéraire, pas même à celui de la nouveauté, et il avertit qu'il a puisé ses idées partout où il en a trouvé de propres à édifier les âmes, auxquelles il était appelé à porter la Parole de vie. -

Néanmoins, en consentant à l'impression de ces discours, il ne s'est point dissimulé qu'il les exposait à des critiques de tout genre, et il désire sincèrement profiter de celles qui pourront lui être utiles.
Mais enfin, quels que soient ces Sermons pour la forme, l'Auteur espère, que fondés sur la Bible, ils rendent témoignage à ce Jésus, hors duquel il n'y a point de salut pour le pécheur, et qu'ils participeront ainsi à l'efficace dont le Seigneur a promis d'accompagner sa Parole. - C'est ce qu'il demande pour eux au Père de toutes grâces, et c'est ce qu'il ose attendre de sa bonté.

L'ÉDITEUR.

Yverdon, le 18 Décembre 1826



SERMON I.

LE COMPTE DE NOS JOURS.

Enseigne-nous à tellement compter nos jours, que nous en puissions avoir un coeur sage.
Ps. XC. 12.

POUR LE PREMIER JOUR DE L’ANNÉE

Le Psaume d’où nous avons tiré notre texte, est de Moïse. Il paraît que ce saint homme le composa dans le désert, à une époque où il était affligé par l’incrédulité des Israélites et effrayé des Jugements par lesquels Dieu les châtiait.
Dans le commencement de son cantique, il s’élève en esprit à Celui, dont l’existence est d’éternité en éternité, qui voit les années et les siècles passer comme un moment, qui détruit et renouvelle tout à son gré et qui est une retraite assurée pour tous ceux qui s’attendent à Lui. Puis il s’arrête à considérer la fragilité et le néant des pauvres humains ; comme leur vie n’est qu’un songe ; comme elle est troublée par toutes sortes de misères ; comme elle est promptement et soudainement finie par le courroux d’un Dieu juste Juge, qui compte nos iniquités et qui met à la clarté de sa face nos fautes cachées. Tous nos jours s’en vont par ta grande colère et nous consumons nos années comme une pensée. Les jours de nos années reviennent à soixante et dix, et s’il y en a de vigoureux, à quatre-vingts ans, et le plus beau de ces jours n’est que fâcherie et que tourment ; il est retranché, et nous nous envolons. (Ps. XC. 8. 9. 10.)

Ces réflexions, Mes Frères, sur la vanité de la vie et sur l’attente redoutable du jugement de Dieu, sont aussi vraies de nos jours qu’aux jours de Moïse. Nous faisons route dans un désert comme les enfants d’Israël ; comme eux nous nous abandonnons trop souvent à la défiance et au murmure ; comme eux nous voyons le bras de l’Eternel frapper bien des pécheurs, et les retrancher subitement au milieu d’une carrière criminelle : tout nous rappelle que si Dieu use de patience pendant un temps, un autre temps vient aussi, où sa justice aura son tour ; que bien que les méchants jettent des branches pendant un moment, toutefois n’étant pas sûrement fondés, ils seront bientôt ébranlés et déracinés, par la tempête ; que la grande journée de l’Eternel approche, qu’elle se hâte fort, que le cri de cette journée-là sera terrible, et que là, ceux qui se croient si forts crieront. (Sophon. I. 14.)
Oui, tout vous rappelle ces choses, et cependant ne pouvons-nous pas dire, avec Moïse dans le Psaume de ce jour ? Éternel ! qui est-ce qui connaît la force de ton courroux et de ta grande colère pour te craindre ? (Ps. XC. 11.) Qui est-ce qui se rend attentif aux signes par lesquels tu nous annonces ta colère ? Qui d’entre nous y prend garde à salut ?

Hélas, M. F, vous le savez, il est petit parmi nous, le nombre de ces âmes vigilantes ; la masse est encore appesantie par le sommeil de la mort. Ah ! c’est donc à bien juste titre que nous répétons aussi après Moïse la prière qu’il ajoute à ces réflexions sur les jugements de Dieu envers son peuple : O Seigneur ! enseigne-nous à tellement compter nos jours, que nous en puissions avoir un coeur sage !

Ces paroles nous appellent à examiner,
Ce que c’est que nos jours ;
Comment nous devons les compter ;
Dans quel but nous devons les compter ;
La manière d’atteindre ce but.

Mes chers Frères ! profitons de cette journée pour nous recueillir devant Dieu et pour réfléchir sérieusement à ce qu’il demande de nous. C’est assez avoir envisagé cette époque comme une époque de plaisir ; il est temps d’en faire pour nous une époque de sagesse.
Ne semble-t-il pas dans ce jour, que notre vanité nous apparaît toute entière ? que nous voyons comme à l’oeil la rapidité avec laquelle nos années se précipitent, la force du torrent qui nous entraîne et l’attente continuelle où nous devons être de nous voir bientôt poussés sur les eaux de l’Océan éternel ? S’agit-il encore de dormir à cette vue ? de courir après des chimères ? d’amasser des trésors qui s’en vont périr ? de ne penser qu’au présent et de s’étourdir sur la mort qui nous fixe déjà comme sa proie ?

Non ; c’est le moment de penser à une âme immortelle et de dire à Dieu : Éternel ! aie pitié de moi ; guéris mon âme, car j’ai péché contre toi. (Ps XLI. 5.) Amen !

I. Qu’est-ce que le Psalmiste appelle nos jours ? C’est notre vie. Note vie est en effet un assemblage de jours qui se suivent aussi longtemps qu’il plaît à Dieu de ne pas y mettre un terme. Il nous les donne successivement, un à un ; de telle sorte que lorsque nous commençons une période de temps un peu longue, comme par exemple une année, nous ne pouvons pas encore dire que Dieu nous la donne, puisque nous n’en aurons peut-être qu’une bien petite portion. Il est donc juste de compter notre durée par jours, et de dire avec le Psalmiste, nos jours.
Si l’Auteur de ce Psaume se sert du mot jours pour désigner notre vie, c’est encore afin de nous faire comprendre combien cette vie est courte. Elle paraît quelquefois longue à celui qui forme de vastes projets et qui ne se tient pas en garde contre les illusions de l’espérance, mais elle nous paraîtra bien courte, quand nous la comparerons avec d’autres durées propres à nous la faire apprécier à sa juste valeur.
Voyez comme elle paraît courte, quand on la compare avec celle des premiers patriarches. Huit ou neuf cents ans leur étaient ordinairement assignés pour leur pèlerinage, tandis que les plus vigoureux d’entre nous atteignent à peine la dixième partie de cette durée.

Contemplez ce soleil qui est sur nos têtes ; depuis six mille ans qu’il éclaire ce globe, que de générations d’hommes ont vu tour à tour sa lumière et bientôt ont disparu pour s’en retourner en leur lieu ! Pensez à l’Éternité elle-même, à cette immensité des temps qui a été avant nous, à l’immensité qui doit suivre. — Que deviendra notre existence présente devant une telle durée ? Que paraîtra-t-elle à nos yeux ? Un souffle, un point, le néant.
Mais sans aller chercher si loin nos termes de comparaison, considérez seulement les ouvrages des humains ; il en est beaucoup qui durent plus que leurs auteurs. Que de monuments sont debout depuis des siècles, tandis que les hommes changent autour d’eux et que les noms même de ceux qui les ont élevés s’oublient ! Nos propres maisons subsisteront longtemps après que nous en serons sortis couverts du linceul de la mort. Les objets qui servent à notre usage, passeront dans d’autres mains après nous : la couche où nous cherchons le sommeil, servira probablement à d’autres, après que nous y aurons rendu le dernier soupir. — Considérez ce temple, qui nous réunit à cette heure ; il n’est pas bien ancien, et cependant où sont ceux qui en ont formé le plan et qui l’ont exécuté ? Depuis longtemps ils sont dans la poussière, et le ver du sépulcre consume leur dépouille. Les sièges que vous occupez maintenant, ont été occupés par bien des gens avant vous : moi-même j’en ai vu beaucoup qui étaient assis là et que je ne vois plus. Il n’y a pas longtemps que d’autres voix retentissaient dans cette enceinte, que d’autres serviteurs de Dieu occupaient cette chaire, annonçant comme nous la venue du grand jour.

Prédicateurs, auditeurs, tout a passé ! Encore un peu de temps et l’on dira la même chose de nous ; encore un peu de temps et la voix qui vous parle s’éteindra aussi ; encore un peu de temps et nous irons joindre nos devanciers sous la voûte d’argile où ils reposent, et d’autres viendront prendre nos places. Ah ! comment, en pensant à ces choses, ne nous écrierions-nous pas avec le Prophète : Toute chair est comme l’herbe et toute sa grâce comme la fleur d’un champ : l’herbe est séchée et sa fleur est tombée parce que le vent de l’Éternel a soufflé dessus : ce peuple est véritablement comme l’herbe. (Esaïe XL. 6,7.) Oui l’homme né de femme est d’une vie courte et plein d’ennui ; il sort comme une fleur puis il est coupé, il s’enfuit comme une ombre et il ne s’arrête point ; ses jours sont déterminés ; (Job XIV. 1,2. 5.) il s’écoule comme des eaux courantes. Certainement il se tourmente en vain, il amasse des biens et il ne sait qui les recueillera. (Ps XXXIX. 7) Ne parlons donc plus de nos années comme si notre existence devait être longue sur cette terre, employons plutôt avec le Psalmiste le mot jours, et notre langage sera celui de la vérité.
Mais pourquoi Moïse dit-il dans le texte : Nos jours ? En est-il aucun, dont on puisse dire qu’il nous appartienne ? Non sans doute ; le temps passe et s’enfuit, sans que nous puissions en retenir la plus petite portion. Quand un jour est écoulé, nous ne pouvons pas le rappeler pour en jouir et en disposer encore ; il nous est ôté sans retour.

On ne peut donc pas dire proprement que les jours de notre vie nous appartiennent, cependant ils sont appelés nôtres, parce que ce sont ceux que Dieu nous accorde pour travailler à notre salut. Il est vrai que nous avons l’éternité devant nous et que notre existence ne doit jamais finir. Mais il ne nous est accordé qu’un certain nombre de jours pour travailler au bien de nos âmes, et ensuite il ne sera plus temps. Fais maintenant selon ton pouvoir tout ce que tu as le moyen de faire, dit l’Ecclésiaste ; cars dans le sépulcre où tu vas, il n’y a ni oeuvres, ni discours, ni science, ni sagesse. (Ecclés. IX. 10) Oui, quand la mort aura frappé ; quand le jour éternel sera venu rouvrir nos paupières, il n’y aura plus lieu à se convertir, Dieu n’appellera plus les pécheurs par sa Parole, par ses ministres, par son Esprit de grâce ; toutes ces dispensations d’attente et de miséricorde auront fini ; tout sera compté, tout sera décidé, et là où l’arbre sera tombé, il y demeurera. (Ecclés. XI. 3.) Comprenons donc bien ce que nous avons à faire pour notre bonheur, tandis que nous avons des jours que nous pouvons appeler nôtres, bientôt nous n’en aurons plus et la rétribution viendra.
Les jours de notre vie sont aussi appelés nôtres, parce que ce sont ceux dont nous devrons rendre compte. Si en effet Dieu nous les donne, c’est afin que nous les employions d’une manière utile ; non à faire notre volonté, mais la sienne ; non dans la dissipation et dans la vanité, mais dans un travail qui soit en bénédiction à nous et à nos frères : or nous rendrons bientôt compte, chacun pour nous-mêmes de l’emploi de ce temps que nous avons reçu.


Nous devrions donc nous rappeler, que chacun de nos jours, même chacun de nos moments, est comme un messager qui vient à nous de la part de Dieu et qui immédiatement retourne à Dieu chargé d’un rapport favorable ou défavorable sur l’état de nos âmes et sur notre conduite : ce rapport est inscrit au Livre de mémorial de l’Éternel et réservé pour nous être présenté au jour où nous serons appelés devant le Trône de Dieu. Ainsi rien n’est indifférent dans l’emploi de notre temps ; tout est grave, tout est de conséquence ; même nos paroles oiseuses sont comptées et deviendront pour nous l’objet d’un redoutable jugement.
Ah ! qui pourrait penser à un pareil tableau de l’emploi de ses jours sans un saisissement d’effroi ? Qui pourrait y penser sans que son coeur en fût remué, et que son âme tremblante comprît le besoin d’un appui pour aller subir le jugement terrible ? Hommes légers et insouciants ! rappelez-vous quelquefois ces moments fugitifs qui montent sans cesse comme autant de témoins pour grossir votre compte devant Dieu, et peut-être bientôt sentirez-vous avec efficace le prix du sang que Jésus a versé sur la croix.

II. Après avoir vu ce que sont ces jours dont parle le Psalmiste, nous devons examiner ce que c’est que les compter.

Compter nos jours, c’est d’abord nous faire une idée juste de leur durée. Il semble au premier abord que les hommes sont assez disposés à reconnaître cette vanité de leur vie et le petit espace qu’elle occupe. On entend sur ce sujet peut-être autant de réflexions dans les cercles du monde que dans la chaire de vérité. La fragilité de l’homme, la brièveté de sa carrière, l’incertitude de ses projets pour cette terre, voilà des expressions qui sont dans toutes les bouches. Mais remarquez, M. F., que si nous sommes assez disposés à reconnaître cette vérité d’une manière générale ou à l’égard de nos semblables, nous ne nous en faisons guère l’application à nous-mêmes. On compte assez les jours des autres hommes, mais on ne compte pas les siens propres et c’est pourtant là l’essentiel. Compter nos jours, qu’est-ce donc ? C’est nous dire sérieusement à nous-mêmes : “Misérable pécheur, qui as mille fois mérité la condamnation et la mort ! souviens-toi qu’une mesure de jours t’a été accordée, que cette mesure est petite, et que si tu n’en profites pas pour te convertir à ton Dieu, tu es perdu. ”
Mais ce n’est pas assez pour bien compter nos jours, que de les apprécier en masse, il faut encore les compter en détail, un à un, à mesure que Dieu les donne. Quand, le matin, nous ouvrons les yeux et que nous revoyons la lumière, disons : “O mon âme ! voilà encore un délai que Dieu te donne ; tu sais pourquoi il te le donne ; hâte-toi donc d’entrer dans ses desseins et de bien employer ce jour qui sera peut-être le dernier.”

Quand le soir arrive, avant que le sommeil appesantisse nos paupières, demandons-nous : “Qu’as-tu fait de ces heures qui viennent de s’écouler ? Rends-en compte, comme tu le feras à la grande journée. As-tu glorifié ton Dieu ? As-tu fait l’oeuvre d’un racheté ? As-tu laissé pour traces du temps qui a fui, quelque oeuvre de charité, quelque action selon l’Esprit de Christ ? As-tu reçu cet Esprit de Christ ? Le coeur de pierre a-t-il été ôté, le coeur de chair est-il à la place ? Es-tu régénérée, ô mon âme, ou bien es-tu encore dans le sommeil de la mort ?” C’est par de telles questions, M. F., que nous apprenons à connaître le prix des jours que Dieu nous donne et à les compter à salut. — Il ne s’agit donc pas de les laisser passer sur nos têtes en silence, dans un déplorable oubli de nous-mêmes et de ce que nous avons à faire ici-bas ; il ne s’agit pas de tuer le temps, comme le dit un monde frivole et aveugle, il faut l’employer à bénir Dieu et à faire notre devoir.

Compter nos jours, c’est encore nous attendre à en voir bientôt la fin. Hélas ! qu’il y a peu de gens, à qui une semblable pensée soit familière ! Au lieu de se représenter la mort comme tout près, ainsi qu’elle l’est en réalité, l’imagination la place bien loin et il en résulte que, quand elle vient, elle est toujours inattendue. Le vieillard même, qui devrait être averti par son corps courbés et par ses cheveux blancs, que le temps du délogement approche, forme souvent des projets comme s’il était dans la vigueur de l’âge et que la mort dût longtemps encore les respecter ; tous voient qu’il est près de sa fin, excepté lui-même.

—Le monde dira sans doute, que penser ainsi habituellement à la mort et s’y attendre, se serait rembrunir péniblement la vie. Oui, j’en conviens, cela produirait cet effet chez celui, qui ne veut pas se convertir ; mais pour celui qui a cherché la paix de son âme et qui l’a trouvée auprès du Sauveur, une telle pensée n’a rien de sombre. Car enfin, avons-nous cru aux promesses de Dieu ? et si nous avons cru, pourquoi toujours parler de la mort comme si triste ? Ce n’est plus un objet d’épouvante ; c’est un délogement, un dormir, c’est le passage d’un monde d’afflictions et de misères à une éternité de paix et de gloire dans le sein de notre Père Céleste. Il n’y a que l’homme non converti qui doive frémir à de semblables pensées : quant au fidèle, il attend sa fin avec calme, avec joie, veillant, priant, mourant de jour en jour au monde et soupirant en lui-même, en attendant l’adoption, savoir la rédemption de son corps. (Rom. VIII. 23.)

III. Maintenant, M. F., à quoi doit nous conduire ce compte de nos jours ? À avoir un coeur plein de sagesse. Apprends-nous à tellement compter nos jours, que nous puissions en avoir un coeur sage, dit Moïse dans notre texte.
Il y a bien des gens qui comptent leurs jours et qui n’en deviennent pas plus sages.

Il en est, qui, considérant la brièveté de leurs années et la rapidité avec laquelle elles s’écoulent, disent avec l’impie : “Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. ” Apprécier ainsi la vie c’est oublier qu’elle sera suivie de l’éternité ; c’est là le langage de ceux, que le Dieu de ce siècle aveugle, pour les entraîner à leur perte. — D’autres comptent leurs jours pour se hâter d’achever des entreprises qu’ils ont formées. “Si je vis assez longtemps, ” disent-ils, “je veux compléter l’édifice de ma fortune ; j’établirai convenablement ma famille, je me bâtirai des maisons, je me planterai des vignes, je me ferai des jardins et des vergers et j’y mettrai toutes sortes d’arbres fruitiers, et alors je pourrai me réjouir de tout mon travail avant de m’en aller vers mes pères. ” Insensé ! comme s’il suffisait d’avoir des biens en abondance, pour avoir aussi la vie et pour être riche en Dieu ! — D’autres prennent plaisir à laisser quelque trace de leur passage sur cette terre, par quelque monument, ou par quelque action éclatante à laquelle ils attachent leurs noms, imitant l’exemple du malheureux Absalom, qui avait pris pendant sa vie une statue et se l’était fait dresser dans la vallée du Roi, disant : Je n’ai point de fils pour laisser la mémoire de mon nom ; et qui donna son nom à cette statue. (2. Sam. XVIII.18) Hélas ! qu’importe, après tout, le nom que nous pouvons laisser parmi les hommes, qui bientôt ne seront plus ! qu’importe le vain retentissement de leurs blâmes ou de leurs louanges !

Ce n’est qu’un son, qui bientôt se confondra pour nous avec le souffle du vent qui passera sur nos tombeaux. Loin de nous donc ces illusions fatales de la vanité ; si nous comptons nos jours, que ce soit pour devenir sages.
Mais qu’est-ce que la sagesse ? — c’est l’intelligence des desseins de Dieu, c’est le désir vrai d’atteindre la fin qu’Il nous destine. — Quelle est cette fin ? — Ce n’est pas ce monde ou les choses du monde, mais la possession du Royaume céleste. Or qui entrera dans ce Royaume ? Tous ? — Non sans doute ; mais ceux-là seulement dont l’âme aura été renouvelée par le St. Esprit. Si quelqu’un ne naît de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu. (Jean III. 3.) La chair et le sang ne le posséderont point ; la corruption n’héritera point l’incorruptibilité. (1. Cor. XV. 50.) Ainsi le déclare l’Écriture. Désirer de naître de nouveau, c’est donc là pour tout homme pécheur la vraie sagesse, le chemin sûr, la voie droite, celle qui aboutit au Royaume du Dieu vivant. Hors de là tout est ténèbres, illusion, oubli des premiers intérêts, et attente du plus effroyable désespoir.
Quiconque donc contemplera selon Dieu la brièveté et la fragilité de la vie présente, sera conduit à se demander, s’il a assuré son sort pour l’économie éternelle qui doit suivre ? Car, de ce que cette existence-ci est vanité, de ce qu’elle passe comme l’ombre, il s’ensuit que ce n’est pas elle que nous devons surtout avoir en vue, mais celle qui est permanente et qui ne finira jamais.

O mon âme ! as-tu compris ces choses ? As-tu vu le fond de toutes ces brillantes apparences qui séduisent les pauvres humains ? Tes regards sont-ils fixés en haut vers un autre séjour ? et as-tu commencé à vivre pour cet immense avenir qui se déroule au delà des années présentes ? Ta paix est-elle faite avec Dieu, âme pécheresse ? Es-tu appuyée sur Jésus ? As-tu cru et as-tu connu que miséricorde t’a été faite par son sang ? et sens-tu maintenant un vif désir de te consacrer à son service pendant tout le reste de ce présent pèlerinage ?
Et si à ces questions, M. F., votre conscience ne répondait pas d’une manière satisfaisante, si cette expérience des fidèles rachetés n’était pas la vôtre, si le spectacle des vanités présentes ne vous avait pas encore conduits à la vraie sagesse, à qui faudrait-il demander ce bien précieux ? — À Dieu, et le texte vous le montre. Enseigne-nous à tellement compter nos jours, que nous en ayons un coeur sage.

IV. L’Écriture Sainte nous déclare de la manière la plus formelle, que la vraie sagesse ne peut nous venir que de Dieu. C’est l’Éternel qui donne la sagesse et c’est de sa bouche que procèdent la connaissance et l’intelligence, est-il dit au Livre des Proverbes. (Prov. II. 6.) De nous-mêmes comme de nous-mêmes, nous sommes incapables de penser quelque chose de bon ; mais toute notre capacité vient de Dieu, dit St. Paul. (2 Cor. III. 5.) Et Jésus-Christ n’a pas tenu un autre langage :
Personne, dit-il, ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire. Car il est écrit dans les Prophètes, ils seront tous enseignés de Dieu ; quiconque donc a écouté le Père et a été instruit par lui, vient à moi. (Jean VI. 44.45.) En voilà assez pour confondre l’orgueil le plus obstiné, et pour nous montrer avec évidence que nous ne devons rien attendre de nous-mêmes, mais tout de Dieu.

Sans doute, comme nous l’avons déjà vu, de nous-mêmes nous pourrions assez compter nos jours et faire de vains discours sur leur fragilité et sur leur fuite rapide ; mais ce n’est pas de discours qu’il s’agit ici, c’est d’effets ; le Royaume de Dieu ne consiste point en parole, mais en efficace, dit St. Paul. (1 Cor. IV. 20.) Or qui peut donner cette efficace ? Qui peut changer ce coeur, où il y a un si grand fonds de légèreté ? Qui peut transformer cette volonté qui est sans cesse ramenée vers les choses du monde et vers la souillure ? Qui le peut ? O homme ! ce n’est pas toi, c’est Dieu, c’est Dieu seul.
Que cette doctrine révolte un monde toujours plein de lui-même, quant à moi, je l’avoue, elle fait mon unique consolation. Pourquoi ? — Parce qu’il me serait affreux de penser que je suis abandonné à mes propres misères et à mon inconstance : parce que je sens, que ce changement, qui doit être opéré en moi, m’est impossible et que ce n’est qu’à Dieu qu’il est possible ; (Luc XVIII. 27.) parce que rien ne m’est plus doux que de m’appuyer sur un bon Père, d’avoir la certitude qu’il veille sur moi, que son Esprit agit en moi, qu’il triomphera de ma nature rebelle et qu’après avoir commencé cette bonne oeuvre, il l’achèvera. (Phil. I. 6.)

Mais après tout, que cette doctrine reçue par quelques-uns, soit rejetée orgueilleusement par les autres, elle n’en demeure pas moins la vérité de Dieu, et sa puissance pour le salut de ceux qui croient. (Rom. I. 16.) Heureux l’homme s’il la reçoit ! mais en la rejetant, il ne peut ni la modifier ni la détruire, car, dit encore le grand Apôtre, nous n’avons aucun pouvoir contre la vérité, nous n’en avons que pour la vérité. (2 Cor. XIII. 8.)
Âmes sincères, tournez-vous donc vers Dieu, si vous voulez acquérir la sagesse ! Dites-lui avec le Psalmiste : Enseigne-nous, et il vous enseignera en effet. Son Esprit agira sur vous, il vous appropriera les instructions de l’Évangile, il les rendra vivantes et efficaces en vous ; et vous apprendrez toujours mieux à vous détacher d’un monde de misères, pour vous élever à celui qui peut seul réaliser tous vos voeux.
Ah ! qu’il est peu fait pour nous attacher, ce monde où nous avons été momentanément jetés ! Si nos jours s’y réduisent à peu, ceux du bonheur s’y réduisent à bien moins encore ; ce ne sont pas des jours, mais des moments, qui à peine obtenus nous échappent, et qui, mieux que tout le reste, doivent nous faire comprendre que tout ici-bas est vanité. Trompés continuellement dans nos espérances, séparés fréquemment par la distance ou par la mort, de ceux que nous aimons, souffrant dans nos corps et dans nos âmes, attendant journellement notre fin, arrêterons-nous encore nos pensées et nos yeux sur ce désert où la moindre fleur qui vient réjouir nos regards est si tôt fanée ?

—Non, non Être immortels ! élevons nos yeux en haut, cherchons la Cité qui a des fondements (Héb. XI. 10.) et cette nouvelle Canaan où le peuple de Dieu reposera en paix, où le Seigneur fera couler la bénédiction comme un fleuve, où il nous consolera comme une mère console son fils, où la mort ne sera plus et où toute larme sera essuyée. (Esaïe LXVI. 12. 13. - Apoc. XXI. 4.)
Mais un seul Guide peut nous y conduire c’est Christ. Ah ! qu’il soit donc notre unique Chef, notre tout appui : point de partage de confiance ! il la veut toute entière, et si nous la lui donnons, nous ne serons jamais confus ; car il est le Premier et le Dernier, (Apoc. I. 17.) il est le Chemin, la Vérité et la Vie ; et toutes choses sont par lui et pour lui. (Jean XIV. 6. - Coloss. I. 16.) Après cela que le monde finisse ! qu’il devienne un monceau de ruines ! que toute sa gloire passe avec lui comme une vaine fumée ! Nous ne craindrons plus. — Nous aurons une autre demeure, une autre paix, d’autres joies... Nous serons dans le sein de Dieu !
O Dieu de nos pères ! source de miséricorde ! regarde des cieux sur nous tous, tes créatures, et donne-nous cette sagesse qui ne peut venir que de toi ! Voici, nous ne sommes que corruption et que misère ! nous sommes continuellement les déplorables jouets du péché, qui, comme un cruel tyran, domine sur nous.

Toi seul, ô notre Dieu ! peux remédier à de si grands maux. O toi donc qui peux faire en nous plus que nous ne désirons et que nous ne pensons, apprends-nous à faire ta volonté et change nos faibles coeurs, tourne-les entièrement vers toi et viens y habiter pour y faire toutes choses nouvelles.
C’est dans ce jour surtout que nous nous sentons pressés de faire monter cette requête devant ton trône ; dans ce jour où nous faisant commencer une nouvelle carrière selon le cours du temps, tu nous appelles si visiblement à en commencer une nouvelle selon toi. Que ton Esprit de grâce, de lumière et de charité repose sur nous tous, sur cette ville et sur ceux qui y habitent, sur ce troupeau et sur ses conducteurs, sur le peuple dont nous faisons partie et sur les magistrats qui le gouvernent. — Que ta paix garde nos montagnes et nos vallées, que tes plus précieuses bénédictions s’y multiplient, que l’arbre de la foi y refleurisse de plus en plus, que l’ordre et les bonnes moeurs y soient affermis, qu’ainsi après avoir fléchi sous le joug de ton Fils et glorifié ton nom pendant notre séjour sur cette terre, nous aillons dans ton temple éternel te louer et répéter avec les âmes bienheureuses, le cantique : A Celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau soient louange, honneur, gloire et force, aux siècles des siècles ! (Apoc. V. 13.) Amen !


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