Du Pontavice attendait que Dieu lui donnât
le signal de rentrer en France, mais il ne
séparait pas son désir de revoir sa
patrie du désir d'y prêcher
l'Évangile. « La paix sera-t-elle
bientôt proclamée ?
écrivait-il. La porte sera-t-elle
bientôt ouverte en France, pour que
l'Évangile du Fils de Dieu puisse y
pénétrer et y faire un glorieux
changement ? » Toutefois,
« quelque véhéments que
fussent les désirs de son coeur à cet
égard, il avait une si grande crainte de se
tromper et de prendre l'ardeur de son zèle
ou certains mouvements de son coeur pour un appel
de la Providence, que, lorsque les obstacles
parurent levés et la porte ouverte, il
consulta, avant de rien entreprendre, celui de ses
amis dont il savait que les conseils pouvaient
l'éclairer ou le diriger dans une
démarche de cette importance. Il lui
écrivit, le 2 mars 1802, lui
déclarant qu'il n'avait encore aucune
volonté déterminée. Il lui
parlait d'une invitation qu'il avait reçue
du Dr Coke de passer en Angleterre, pour
l'accompagner ensuite en France. Les expressions
dont il se servait indiquaient sa
déférence pour ses supérieurs,
et sa simplicité enfantine et vraiment
évangélique.
« Pensez-vous,
écrivait-il, que je ferais bien d'aller en
France avec le Docteur, et n'y suis-je même
point obligé, s'il le requiert, puisque le
Seigneur s'est servi de lui pour me tirer des
ténèbres, en me prenant avec lui pour voyager parmi
les
chrétiens ? Il est à cet
égard comme mon père, et ne dois-je
pas lui obéir comme un fils ? Qu'en
pensez-vous ? Pour moi, je serais bien aise
d'aller en Angleterre, et je serais bien aise aussi
de rester dans les Îles, en attendant les
directions de la Providence »
(1).
De Quetteville, à qui il
demandait conseil, l'encouragea à se rendre
en France. La paix d'Amiens venait d'être
signée, et le premier Consul autorisait les
émigrés à rentrer. Mais avant
de se décider à partir, du Pontavice
voulut s'assurer des dispositions de ses parents
à son égard. « Je
reçus d'eux, dit-il, plusieurs lettres, qui
m'invitaient, dans les termes les plus tendres,
à revenir. Ma soeur me marquait qu'elle
viendrait elle-même me chercher, si je ne
revenais pas ; et mon père
m'écrivait aussi que, si les
infirmités de la vieillesse ne
l'empêchaient, il viendrait lui-même me
trouver. Je ne leur avais pas caché ce que
je faisais dans les Îles, que j'y
prêchais l'Évangile ; je leur
avais aussi raconté un peu ce que Dieu avait
fait pour mon âme. Ces nouvelles les
affligèrent d'autant plus que je leur disais
que, s'ils voulaient me revoir, mon dessein
n'était pas de rester en France, mais de
retourner dans les Îles, après leur
avoir fait une visite »
(2).
Les lettres de ses parents devenant de
plus en plus pressantes, du Pontavice se
décida à se rendre auprès
d'eux. Une considération qui hâta son
départ fût que le gouvernement
français avait fixé un délai
au retour des émigrés, après
lequel, s'ils n'étaient pas rentrés,
ils seraient pour toujours bannis de leur pays. Ce
ne fût pas sans un vrai déchirement de
coeur qu'il quitta les sociétés
méthodistes des îles de la Manche, au
milieu desquelles son ministère avait
débuté et porté ses premiers
fruits. Les Îles
étaient devenues pour lui une seconde
patrie, et il emportait l'espoir d'y revenir,
espoir qui ne devait pas se
réaliser.
Au printemps de 1802, il s'embarqua
à Guernesey pour Southampton et alla
à Londres, d'où il se rendit, par la
voie de Douvres, à Calais. Il y obtint un
passeport qui lui permit de se rendre à
Paris, et de là à Fougères, le
lieu de sa naissance, qu'il avait quitté
plus de dix ans auparavant. Ses parents vinrent
à sa rencontre et lui firent le plus
affectueux accueil. On lira avec
intérêt deux extraits de ses lettres,
où il décrit ses premières
impressions dans ce milieu où il se sentait
à la fois tendrement aimé par sa
famille et séparé d'elle par les
convictions et les expériences de sa vie
religieuse.
Voici ce qu'il écrivait, le 9
août 1802, à son collègue et
ami Jean de Quetteville :
(4)
« Mes parents viennent au
devant de tous mes désirs. Mais quoiqu'ils
soient visiblement disposés à
m'accorder tout ce que le coeur de l'homme peut
désirer, tout cela, grâce au Seigneur,
ne me fait pas envie, et je sens qu'il n'y a que
Dieu qui puisse me satisfaire. Au milieu du plaisir
que j'éprouve en revoyant mes chers parents,
je sens qu'il me manque quelque chose ; ce
sont mes frères en Jésus-Christ. Des
personnes du monde, amis et parents, sort venus me
voir ; mais leur compagnie m'est peu de
chose ; que leur conversation me paraît
insipide, en comparaison de celle de mes
frères en notre Seigneur ! C'est une
croix pour moi d'être séparé
d'eux ; je prie Dieu de me conduire et de
m'ouvrir, encore une fois le chemin des Îles,
si telle est sa volonté ; car, au
milieu des voeux que je forme pour être
réuni à son peuple, je sens au dedans
de moi des convictions que je suis dans l'ordre de
la Providence, et ma conscience me rend
témoignage qu'il est
nécessaire que je sois ici, pour plusieurs
raisons, et peut-être pour des raisons qui me
sont encore inconnues. Oh ! que j'ai besoin de
sagesse et de
grâce ! »
Il écrivait, le 14 septembre,
à Richard Reece, qui était alors
pasteur à Leeds : (3)
« Nous avons eu quelques
conversations touchant la religion ; mais mes
parents sont très opposés à
mes sentiments. Malgré cela, ils ne cessent
de me témoigner beaucoup d'affection et
voudraient bien me rendre content et heureux. Mais
tout ce qu'ils pourraient m'accorder et tout ce
qu'ils pourraient faire pour moi ne saurait me
satisfaire. Le monde et ses conversations m'est
à charge. N'allez pas croire que j'aille
dans le monde ; non, je n'y ai pas mis le
pied ; aussi dit-on que je suis un ermite.
Ceux que je connais sont si pleins de l'amour du
monde, leurs préjugés contre mes
sentiments sont si fortement enracinés, ma
faiblesse et ma pusillanimité sont si
grandes que j'évite souvent leur compagnie.
Je sais que notre Seigneur n'ordonne pas de fuir
les hommes ; mais n'est-il pas de notre devoir
de fuir les lieux et les occasions qui peuvent nous
être des pièges ? C'est ce que je
fais. Je n'ai jamais senti autant qu'à
présent le besoin d'un ami. Oh ! comme
sa compagnie me serait agréable ! Car,
dans la situation où je me trouve,
éloigné de ceux avec qui je suis uni
en esprit, privé de toute assemblée
et de toute conversation religieuse, je sens mon
coeur serré, et j'aurais besoin de
l'épancher dans le sein d'un ami.
« Plusieurs choses contribuent
à rendre ma situation plus accablante. Il
n'y a point ici de porte ouverte pour
l'Évangile de Christ, et mon retour dans les
Îles est accompagné de
difficultés. Cependant mon projet est d'y
retourner aussitôt que je le pourrai, et mon
âme aspire fortement après ce temps
heureux.
« Je suis ici aussi tranquille
que s'il n'y avait point eu de
révolution ; mais cependant je ne suis
pas encore tout à fait libre, parce que mon
nom n'est pas encore rayé de la liste des
émigrés. Je suis, comme les autres
émigrés, en surveillance, attendant
une carte d'amnistie. Quand je l'aurai
reçue, je pense que je serai libre d'aller
où je voudrai. Le nombre de ceux qui sont
sur la liste des émigrés est si
grand, que cela prendra du temps avant que tous
ceux qui sont rentrés aient reçu leur
carte.
« De plus, mes parents
voudraient m'arrêter ici, et me voir me
marier. Et quand ils sauront quels sont mes
desseins, cela leur causera une peine bien vive, et
ils tâcheront sans doute de mettre des
empêchements à mes projets. Je prie
souvent Dieu qu'il me reconduise promptement parmi
nos amis ; c'est le plus grand désir de
mon coeur. Aidez-moi de vos prières et de
vos conseils et écrivez-moi.
« Mes parents ont
été exposés à beaucoup
de dangers pendant la Révolution. Leur pays
a été le théâtre de la
guerre civile ; mais, grâce à
Dieu, ils ont été
préservés, c'est-à-dire mon
père, ma mère et ma soeur, car j'ai
perdu plusieurs cousins. Ils ont aussi
conservé leur fortune. De sorte que nous
nous trouvons comme s'il n'y avait pas eu de
révolution en ce pays-ci.
« Donnez-moi des nouvelles de
M. Clarke. Si je savais où il est, je lui
écrirais.
« Je finis en vous souhaitant,
à vous et à votre épouse, les
bénédictions de la nouvelle Alliance,
et en recommandant à vos prières
celui qui est votre frère en Christ.
« P. P. »
Quoi qu'il se trouvât isolé et
exilé dans sa ville natale, du Pontavice y
était heureux dans la communion de son
Sauveur :
« Ce serait sans doute,
écrit-il, une grande satisfaction pour moi de
revoir mes amis,
et
la seule pensée de pouvoir peut-être
un jour me voir réuni avec eux pour ne les
plus quitter me remplit de joie. Je sens cependant
un grand attrait à rester ici,
jusqu'à ce que je voie un chemin ouvert pour
en partir. Bien loin que mon âme soit
plongée dans l'angoisse et dans la douleur,
je me sens content et je pense que Dieu a beaucoup
béni mon âme ; je sens qu'elle
est soumise et résignée à sa
volonté .....
« Le monde et ses partisans,
leurs coutumes et leurs discours font encore
journellement la peine et le tourment de mon
esprit. J'ai soif de conversations touchant l'amour
de Jésus. Je ne voudrais parler que de
Jésus et ne vivre que de Jésus ;
enfin, je désire être tout à
Jésus. Privé de tous les moyens dont
je jouissais avec nos amis, je n'ai plus d'autre
appui que mon Jésus. C'est sans doute pour
me consoler dans mon exil, que Dieu m'accorde les
douceurs que je ressens dans mon
âme »
(5).
Les parents de Pierre du Pontavice
avaient sans doute espéré qu'une fois
rentré dans le milieu où
s'était écoulée sa jeunesse,
il considérerait ses dix années
d'émigration et sa conversion au
protestantisme comme un intermède
fâcheux dans sa vie et qu'il reviendrait peu
à peu à la foi de sa famille, ou tout
au moins à cet état de
demi-adhésion au catholicisme, qui
était de bon ton chez les contemporains du
Concordat et chez les admirateurs du Génie du Christianisme.
Mais sa
conversion avait été trop profonde
pour pouvoir être ébranlée par
des considérations de famille, et il
« demeura ferme, comme voyant Celui qui
est invisible ». Ses parents comprirent
qu'ils devaient respecter dans leur fils des
convictions qui les affligeaient, mais qui avaient
donné à son âme une trempe
virile et une hauteur morale qui forçaient
leur admiration.
Dans ce milieu, où il pouvait
parler de tout, excepté de sa foi religieuse, et où
il ne pouvait pas rendre témoignage à
son Sauveur, du Pontavice se sentait encore plus
exilé, quoique dans sa patrie et dans sa
famille, que lorsqu'il était sur la terre
étrangère entouré de ses
frères en la foi. Le sentiment de sa
vocation au ministère
évangélique loin de s'affaiblir, se
fortifiait chaque jour. « N'ayant aucune
fonction publique à remplir, il consacrait
la plus grande partie de son temps à
l'étude de la Parole de Dieu, et les heures
s'écoulaient, comme il le dit
lui-même, avec une grande rapidité.
Par là, son âme se fortifiait au
combat et se munissait d'arguments propres à
renverser les sophismes des incrédules et
des ennemis de la saine doctrine. Il vivait
beaucoup par la pensée au milieu de ses
frères en Jésus-Christ, et priait
pour eux. Dans ses lettres, il exhortait les jeunes
chrétiens à persévérer
dans le service du Seigneur... L'amour surnaturel
dont il était embrasé annulait, pour
ainsi dire, l'espace qui le séparait du
corps des fidèles, et tous les points du
globe où Jésus régnait
semblaient se rapprocher dans son coeur comme au
centre d'unité, ou plutôt son coeur
élargi par la charité,
s'épanchait à la fois dans le sein de
toutes les Églises
(6). »
Au printemps de 1803, du Pontavice
quitta Fougères pour visiter les
sociétés méthodistes des
environs de Caen et du Bocage, au milieu desquelles
travaillait William Mahy. Dans une lettre à
Richard Reece (la dernière de cette
intéressante collection), il faisait part
à son ami de ses impressions sur l'oeuvre
faite dans cette contrée par le pieux
évangéliste guernesiais. Cette lettre
est écrite en anglais, avec des
précautions et des abréviations
destinées à dépister les
censeurs de la police, pour lesquels tout ancien
émigré était suspect.
« 3 mai 1803 (7).
« Mon cher frère, - Je suis
demeuré longtemps sans répondre
à la lettre que vous
m'écrivîtes en novembre ou
décembre dernier. Mes affaires ne
s'étant pas terminées aussitôt
que je l'eusse désiré, je pensai
qu'il était prudent de ne pas vous
écrire avant qu'elles le fussent. Je
craignais que mes lettres ne fussent
arrêtées et ouvertes, ce qui aurait
beaucoup nui à la conclusion de mes
affaires. Aujourd'hui, par la
bénédiction de Dieu, mes affaires
sont terminées conformément à
mes voeux, et j'ai la liberté d'aller
où il me plaît
(8).
« Notre frère Mahy
ayant désiré ma visite, et notre
frère de Quetteville m'ayant demandé
d'y aller, je suis venu ici les derniers jours de
mars et ai trouvé notre frère Mahy
très heureux de me voir. La petite
société que notre frère a
formée ici m'a fort bien accueilli, et j'ai
été moi-même très
reconnaissant de la trouver. Nous avons ici, dans
deux communes, trois classes, dont les membres sont
vraiment sincères et vivent de la vie de
Dieu. Plusieurs parmi eux ont fait des
progrès dans la connaissance
d'eux-mêmes et ont soif de Dieu. Je me trouve
heureux parmi eux, et quand je les entends raconter
leur expérience, je ne puis que me
réjouir de ce que Dieu a commencé une
grande oeuvre dans cette grande nation, et
j'espère beaucoup que ce petit troupeau sera
un peut de levain pour faire lever la masse. La
plupart d'entre eux prient en public dans nos
réunions de prière et ont un beau don pour la
prière. Ils désirent beaucoup voir la
vérité se frayer son chemin dans ce
pays et prient avec ferveur pour cela. Nous avons
une autre classe à environ dix lieues de ces
villages ; quelques-uns de leurs membres ont
été convertis du catholicisme
(9).
La semaine
dernière, notre frère Mahy les a
visités et y a passé quelques jours.
Pendant cette visite, un catholique à
été profondément
touché, a versé des larmes et s'est
uni à la classe.
« J'ai prêché
plusieurs fois dans les communes où nous
avons trois classes (10). Les
gens ont paru bien
recevoir
ma prédication, et je crois que quelques-uns
sont sous la conviction. Depuis que je suis avec
notre frère, j'ai en moi de grandes
espérances que Dieu nous bénira. J'ai
éprouvé une grande union d'esprit
avec notre frère Mahy, et ce sentiment est
aussi chez lui à mon égard. Nous
n'avons pas encore essayé de prêcher
dans la grande ville voisine
(11), parce
que
les lois du pays ne nous favorisent pas ;
cependant nous espérons, avec la
bénédiction de Dieu, tenter de le
faire, dans un esprit de prière et de
prudence.
« Notre frère
prêche dans plusieurs communes assez
éloignées et les visite de temps en
temps. Il espère s'y rendre dans quelques
jours. Nous n'y avons pas de classe, ce qui n'est
pas surprenant, M. Mahy ayant à
prêcher dans une douzaine de communes, fort
distantes les unes des autres ; et n'ayant pas
de cheval, il doit aller à pied dans une
contrée où les chemins sont fort
mauvais, surtout en hiver ; il ne peut en
conséquence visiter que rarement les
villages éloignés. Il en
résulte que, si sa prédication
réveille quelques personnes, elles sont exposées à
perdre
ce qu'elles ont reçu, ne pouvant pas
être visitées assez
fréquemment. Je crois que deux
prédicateurs seraient très
nécessaires ici. Il serait aussi très
nécessaire qu'ils eussent un cheval. Cela
coûterait cher, il est vrai ; mais la
grande probabilité d'une abondante moisson
à recueillir dans ce pays devrait encourager
nos amis à nous venir en aide. Je suis
Français et je songe aux besoins de mon pays
et je plaide pour lui. Les protestants ont perdu
beaucoup de leur influence et en perdent tous les
jours. Ils sont divisés entr'eux et ne
peuvent s'entendre. Le peuple, surtout dans les
grandes villes, se détourne des protestants.
Je vois clairement que la voie se prépare
pour la prédication de l'Évangile, et
j'espère que lorsque le moment sera venu,
une porte s'ouvrira parmi les catholiques et il y
aura une oeuvre surprenante de Dieu. Aidez-nous par
vos prières, et que nos frères prient
pour nous.
« Avant de venir ici, j'avais
un grand désir de retourner aux Îles,
mais maintenant j'éprouve un grand
désir de voir l'oeuvre de Dieu fleurir dans
mon pays.
« Mes parents et toute ma
famille sont très opposés à
mes sentiments, et je m'attends à rencontrer
de leur part une grande opposition, soit que
j'aille aux Îles, soit que je reste ici pour
y prêcher l'Évangile, si c'est la
volonté de Dieu.
« J'espère que M.
Bramwell priera avec ferveur pour moi. Demandez-lui
de nouveau de se souvenir de moi, quand il a un
libre accès au trône de
grâce.
« Je suis avec affection votre
frère en Jésus-Christ,
« P. DU PON... ».
Après quelques mois passés
auprès de Mahy, pendant lesquels du
Pontavice le seconda avec succès au milieu
des Églises de la Basse-Normandie, il revint
à Fougères, où le rappelait la maladie
de son père qui mourut au printemps de 1804.
Il y fuit retenu assez longtemps pour le
règlement de ses affaires de
famille.
Voici la lettre qu'il écrivait de
Fougères à la femme de son
collègue Mahy, en date du 1er juin 1804
(12) :
« Ma très chère
soeur en Christ, - Quand je suis parti de chez
vous, j'espérais avoir le plaisir de vous
revoir bientôt, vous et tous nos amis ;
et même pendant la plus grande partie du
temps que j'ai passé ici, je me promettais
bien du plaisir à retourner avec votre mari,
mon très cher frère, pour
m'entretenir avec vous tous de l'amour de
Jésus. C'est cet amour qui lie
étroitement les coeurs ; et quand il
survient des afflictions, c'est encore un nouveau
lien qui les unit plus étroitement. Puisse
le Dieu de consolation changer notre tristesse
mutuelle en joie, et faire que toutes choses
tournent selon nos désirs ! Si Dieu
permet que je vous revoie...
Il me semble vous entendre dire à
ces mots : Quoi ! notre frère nous
abandonne-t-il ? Non, très chère
soeur ; si je n'ai pas dans ce moment le
plaisir de vous revoir, j'espère, par la
grâce de Dieu, avoir dans un autre temps
cette grande satisfaction ; et pendant que je
serai absent de corps, mon esprit sera souvent
présent avec vous tous. Cette terre n'est
qu'une vallée de larmes ; mais quand on
y voyage avec ses frères en
Jésus-Christ, cela adoucit beaucoup les
amertumes de la vie. Aussi quand on vient à
les quitter pour être seul, c'est l'un des
plus grands chagrins qu'éprouve le
chrétien : telle est maintenant ma
situation. Le souvenir de l'affection que vous
m'avez témoignée, de même que
tous nos amis, adoucira mes peines, et l'espoir de
vous revoir me fera prendre courage dans mon
affliction. Je me recommande à vos
prières, et vous prie d'assurer votre soeur,
et tous nos amis, de la
sincère affection avec laquelle
j'espère être, pour la vie et pour
jamais, votre frère en Jésus-Christ.
« P. DU PONTAVICE. »
La Providence retint du Pontavice à
Fougères beaucoup plus longtemps qu'il ne
l'avait pensé. Il eut une longue maladie,
qui le mit hors d'état de reprendre
immédiatement la vie active du ministre
chrétien.
On lira avec intérêt la
lettre suivante, écrite pendant sa
convalescence, à William Mahy :
Fougères, 16 septembre 1804 (13).
« Mon très cher frère. -
La semaine dernière, j'avais l'intention de
partir pour aller chez vous. Je m'étais cru
presque entièrement rétabli ;
mais alors je me suis trouvé plus, mal
portant que je n'aie été depuis
quelques semaines. Voilà ce que j'ai
éprouvé plusieurs fois depuis plus de
deux mois, tantôt me croyant presque
guéri, et après cela me trouvant plus
mal. Cependant j'ai sujet de rendre grâce
à Dieu, car malgré tout je crois que
mon rétablissement avance un peu. Les
maladies que l'on contracte par une trop grande
application à l'étude se
guérissent lentement, et même quand
l'application a été portée
à un très grand excès, elles
ne se guérissent guère radicalement,
parce que l'étude trop prolongée
détruit les organes.
« J'ai lu, dans l'un des plus
célèbres médecins modernes,
une multitude d'exemples d'hommes
adonnés : à l'étude, qui
se sont détruit la santé et qui sont
morts victimes de leur application. Et il y a peu
de savants qui n'aient souffert par leur
étude. Il est surtout extrêmement
mauvais de lire et de méditer tout de suite
après les repas ; il en résulte
une multitude d'incommodités et de maladies, parce
que cela trouble la
digestion, et dérange par conséquent
toute l'économie animale, quand la chose est
continuellement
répétée.
« Je me permets ces
réflexions qui ne sont pas les miennes, mais
celles des médecins de tous les pays, pour
vous engager à ménager votre
santé ; elle est précieuse, tant
pour vous-même que pour les autres. La
culture de votre jardin, les visites que vous
faites aux amis, les voyages que vous entreprenez
sont d'excellents moyens pour vous conserver la
santé. Les douces conversations dont on
jouit avec ses amis font un très grand bien
à l'âme et au corps. Le Seigneur vous
a doublement favorisé à cet
égard. Au dehors, vous avez plusieurs amis
avec qui converser des choses saintes, et surtout
de Celui que vous aimez. Remerciez le Seigneur tous
ensemble, et louez-le pour cet inestimable
bienfait ; je sais un peu, par une triste
expérience, ce qu'il vaut, vivant avec ceux
qui n'ont point de goût pour une vie
véritablement chrétienne et qui sont
mondains.
« Oh ! que c'est une
chose agréable et délicieuse pour une
famille de vivre chrétiennement, de parler
ensemble de l'amour de Jésus, et de chanter
ses louanges. Mais que la vie des mondains est fade
et insipide ! S'il me fallait rester toujours
ici et vivre avec ceux qui sont mes plus proches
selon la chair, je crois que la mort me serait
meilleure que la vie. Je gémis et je languis
dans l'affreux désert où je me trouve
réduit. La comparaison de mon état
présent avec celui où je me suis
trouvé, en différents pays, avec les
chrétiens, me fait soupirer.
« Quand le Seigneur m'aura
rétabli, je pense que je trouverai bien de
la joie de me voir enfin en route pour aller vers
vous ; mais ne l'étant pas, il faut que
je tarde encore, peut-être une, deux ou trois
semaines, ce que le Seigneur voudra. De plus, il y
aura peut-être quelques affaires chez nous
qui demanderont ma présence, à cause de la mauvaise
santé de
mon frère. Ainsi je me vois doublement
arrêté. Je suis fâché de
vous écrire toujours : j'irai, et de ne
point aller. Le plus sûr maintenant est de ne
compter sur moi que lorsque vous me verrez ;
car, comme mon rétablissement demande du
repos et que c'est le seul remède, vous
sentez bien que je ne puis entreprendre un voyage
et recommencer les travaux du ministère
avant d'être guéri ; ce serait le
moyen de détruire ma santé pour
jamais. »
Dans une autre lettre, du Pontavice
exprimait en termes touchants, à son
collègue Mahy, sa sympathie pour lui dans
les épreuves de son ministère
(14)
« Vous cherchez à me
consoler dans mes épreuves, je vous en
remercie, car j'en ai grand besoin ; je
mène ici une vie inutile et bien triste. Je
suis comme un arbre stérile qui occupe
inutilement la terre ; transplanté dans
un désert aride et hérissé de
ronces et d'épines, je languis et je porte
envie aux arbres plantés auprès des
eaux, qui rendent leur fruit en leur saison et dont
le feuillage est toujours vert. Je regrette cet
heureux temps où ma demeure était
près du sanctuaire. J'étais alors
abondamment arrosé des eaux qui en
sortaient. Là, calme et tranquille à
l'abri de la tempête, je coulais des jours
heureux ! Oh ! qu'on est misérable
et exposé à de grands dangers
lorsqu'on est seul, éloigné du peuple
de Dieu ! L'espoir de le rejoindre
bientôt, pour ne le plus quitter jamais, est
un grand soutien. Si Marguerite G... savait
apprécier ce privilège inestimable,
elle ne vous quitterait pas. Il paraît,
d'après ce que vous me marquez, que
François G... est en grand danger, n'ayant
pas beaucoup de discernement ; le premier
zèle l'a soutenu d'abord, mais se ralentissant il
pourrait
à la fin abandonner tout. Cher frère,
ce n'est point à vous qu'il faut s'en
prendre de ces malheurs ; vous leur
prêchez de bouche et d'exemple, et vous
êtes net de leur sang.
« Je vous remercie du
détail que vous me donnez du Pays de Bas
(15). En
lisant
ce que vous rapportez de l'opposition que vous y
avez rencontrée, je me suis rappelé
que M. de la Fléchère, dans une
lettre à l'un de ses amis, le
félicite de ce qu'il avait trouvé de
l'opposition, lui disant que plus il en aurait,
plus la parole du Seigneur aurait de succès.
Vous voyez que cela se vérifie à
votre égard. Vous n'avez jamais
trouvé tant d'opposition et jamais Dieu n'a
autant béni vos labeurs. Courage, mon cher
frère. Je voudrais bien être avec vous
et pouvoir vous servir dans l'Évangile, avec
toute douceur, humilité et
obéissance. Mais, quoique vous soyez seul,
comme vous dites, je ne sais point quand je pourrai
vous rejoindre.
« Peut-être quelques-uns
ont-ils été scandalisés par ma
longue absence. S'ils savaient combien elle m'a
fait et me fait encore souffrir, ils compatiraient
à mes maux. Je n'accuse point mes
frères ; je suis persuadé, comme
vous me le marquez, qu'ils se souviennent de moi et
qu'ils pensent que, s'il eût
été en mon pouvoir d'aller les
visiter, je l'aurais fait. Cette persuasion m'aide
à supporter la peine de ne pas les voir.
Qu'ils continuent de prier pour moi ! j'en ai
besoin.
« Je désire que Marie
André mette à profit l'affliction que
Dieu lui envoie ; c'est souvent là le
temps où il répand plus abondamment
ses consolations spirituelles. J'ai entendu dire
quelquefois à nos amis qu'ils
n'étaient jamais aussi heureux que
lorsqu'ils étaient malades. Si
j'étais chez vous, je tâcherais de la
consoler ; mais puisque je ne puis avoir ce
bonheur-là, dites-lui de, ma part de prendre
courage, de regarder à Jésus
crucifié, expirant sur la croix et de se
consoler dans l'espérance de le voir en sa
gloire, assis à la droite de Dieu, et de le
louer de nous avoir délivrés de
toutes nos misères et de la mort
même.
« Rappelez-moi au souvenir de
votre épouse, de votre soeur et de tous nos
amis. Vous obligerez celui qui est votre
affectionné frère en
Jésus-Christ,
« Du PONTAVICE. »
On a remarqué, dans ces lettres, et on
remarquera dans les suivantes, avec quel
intérêt du Pontavice suivait, dans ses
moindres détails, l'oeuvre de William Mahy
au milieu des simples paysans de la
Basse-Normandie. Il les avait visités de
maison en maison et prenait un vif
intérêt à leurs circonstances
personnelles et à leur état
spirituel. On en jugera par la lettre qui va suivre
et par plusieurs autres. Il se sentait l'un des
pasteurs de ces petits troupeaux, et ses lettres
indiquent une sollicitude pastorale touchante. Il
n'y a pas trace chez lui de hauteur ou de
morgue ; le gentilhomme breton est devenu,
à l'école de son Maître
Jésus, « doux et humble de
coeur ».
Cette humilité se montre aussi
dans ses rapports avec William Mahy. Il voudrait
être avec lui, dit-il, pour « le
servir dans l'Évangile, avec toute douceur,
humilité et obéissance. »
Par la naissance et par l'éducation, il
était assurément supérieur
à Mahy ; mais il avait le coeur trop
chrétien pour se prévaloir de ces
avantages et pour oublier les services rendus,
depuis plus de douze ans, par son collègue
à la cause de l'Évangile en
France.
Dès que sa santé le lui
permit, du Pontavice retourna au milieu de ses amis
bas-normands, pour reprendre l'oeuvre
d'évangélisation, qui lui
était chère. Ses explications
familières de l'Écriture Sainte
étaient fort goûtées et contribuèrent à
développer la piété et
à affermir la foi des chrétiens. Il
allait volontiers passer la soirée dans les
maisons où les femmes se réunissaient
pour leurs travaux d'aiguille. Il leur faisait de
bonnes lectures, souvent extraites d'ouvrages
anglais qu'il traduisait pour elles. On a
remarqué l'allusion qu'il fait, dans la
dernière lettre citée, à une
pensée de La Fléchère. Il
traduisit en effet, pour l'édification de
ses amis de Beuville, les lettres édifiantes
de ce chrétien éminent, qui fut
certainement l'un de ceux dont les écrits
exercèrent sur lui la plus grande influence.
On nous a communiqué l'un des cahiers de
cette traduction, faite avec ce soin et
écrite avec cette netteté qui sont
des traits de son caractère.
Il est fâcheux que le
ministère de du Pontavice, au milieu des
sociétés méthodistes du Bocage
et des environs de Caen, ne nous soit connu que par
les lettres qu'il adressait, pendant ses
séjours à Fougères, à
ses frères et soeurs en la foi. Mais si
insuffisante que soit cette source, elle nous
apprend à connaître et à
admirer l'intensité de la
piété et du zèle
chrétien de cet éminent serviteur de
Dieu.
Ce fut pendant un nouveau séjour
à Fougères, où le ramenait
souvent le règlement d'affaires de famille
assez compliquées, que Pierre du Pontavice
écrivit les deux lettres qui suivent
à l'un des membres de la petite
société de Fresne, dans le Bocage,
nommé Bisson :
Fougères (Printemps de 1805) (16).
« Je suis arrivé il y a trois
semaines chez mes parents, qui m'ont reçu
avec beaucoup d'affection. Le Seigneur m'a aussi
favorisé d'une bonne santé depuis que
je n'ai pas eu le plaisir de vous voir, et je
ressens continuellement le désir d'employer
le reste de mes jours au service de notre divin
Maître. C'est une
croix bien pesante pour moi d'être
éloigné de ceux que j'aime en
Jésus-Christ. Je suis comme un homme qui se
trouverait dans un pays lointain, et qui aspirerait
continuellement à être réuni
aux siens. Tous les enfants de Dieu ne forment
qu'une seule et même famille, qui a
l'Éternel pour son père ; les
liens qui nous unissent à cette famille et
à notre divin Père sont plus forts
que ceux de la chair et du sang : les uns ne
sont que pour un temps, mais les autres sont
éternels.
« Par la mort, nos âmes
étant entièrement
dégagées de la matière seront
réunies avec les fidèles dans les
cieux, et unies en Jésus-Christ les unes
avec les autres, par les liens indissolubles de
l'Esprit éternel. Oh ! quelle
merveilleuse union ! Oh ! quel bon Dieu
nous a mis sur la terre, pour nous préparer
à jouir de la félicité que
nous procure cette union céleste !
Toute la doctrine de Jésus-Christ tend
à nous unir en esprit, même dès
ici-bas, avec un si bon Père et avec ses
chers enfants. Et celui-là est le plus
pieux, qui sent le plus d'union avec Dieu et avec
ses frères en Jésus-Christ.
Voilà le tout de la religion ; mais
quelle religion ? Ah ! c'est une religion
qui embaume l'âme des plus délicieux
parfums ; c'étaient ces parfums
délicieux qui embaumaient les
vêtements du Sauveur, comme il est dit au
Psaume 45 : Tous tes vêtements sont
parfumés de myrrhe, d'aloès et de
casse ; et ce seront ces délicieux
parfums qui embaumeront à jamais le palais
de l'immortalité.
« Cherchons donc avec ardeur,
mon cher frère, ces doux parfums dans la
personne de notre divin Rédempteur, afin que
nous puissions répandre en tous lieux la
bonne odeur de Christ, et que nous soyons
préservés de la corruption du
siècle. Le moyen de parvenir à ce
but, c'est de sortir, par l'assistance divine, de
l'ordure du péché ; d'aller, par
une foi simple, à Jésus pour
être lavés d'eau nette, et recevoir
son onction divine, comme une onction d'huile toute
fraîche, et nous
revêtir des vêtements du salut. Quand
on a le bonheur d'être revêtu de ces
beaux habits, qui sont de fin lin, pur et
reluisant, on doit bien se garder de les
souiller : comme ils sont d'une blancheur
éclatante, la moindre chose peut les
gâter. Mais, grâce à notre Dieu,
nous avons une source ouverte pour la
souillure : cette source est le sang de
Jésus qui n'a rien perdu de son
efficacité. Mille milliers, et dix mille
millions s'y sont déjà lavés,
et ils en sont ressortis plus blancs que la neige,
pour aller se réunir avec l'armée
céleste. Faisons de même, et nous
aurons aussi le bonheur ineffable de goûter
les pures délices dont jouissent les
élus dans le saint paradis. On se lave dans
le sang de Jésus quand, après avoir
bien senti que l'on est tout souillé, on
croit du fond de son coeur que le sang de
Jésus-Christ purifie de tout
péché. Alors l'Esprit divin fait
l'aspersion de ce précieux sang à nos
consciences, d'une manière spirituelle, et
nous purifie de toutes les oeuvres mortes ;
c'est pourquoi saint Paul l'appelle le sang de
l'aspersion. Je souhaite que vous et toute votre
famille, père, mère, et
frères, fassiez l'application de ce sang,
qui est un remède infaillible ; je le
recommande aussi à tous nos amis de votre
commune et d'ailleurs, dites-le leur de ma part et
les assurez des voeux que je forme pour leur
bonheur.
« Présentez mes
respects à Mme Mottet ; je
désire que Dieu la comble de ses plus
précieuses faveurs, elle et toute sa
famille. Je ne nomme point les autres amis, mon
coeur les nomme et les désigne tous.
Embrassez votre père de ma part. Puisse le
Seigneur, quand il l'aura rassasié de jours,
l'introduire en son repos ! Rappelez-moi au
souvenir de vos frères. »
22 Juillet 1805 (17).
« J'ai reçu la lettre que vous
m'avez fait le plaisir de m'écrire. Je
désirais partir pour Caen au commencement du
mois de juin au plus tard, et passer par votre pays
pour vous voir, ainsi que tous nos amis, afin de
nous affermir et de nous réjouir ensemble en
priant le Seigneur et en chantant ses
louanges ; mais des affaires, qu'il me faut
absolument terminer, me retiennent. Je me propose
de partir aussitôt qu'elles seront
terminées ; l'espoir de me
réunir avec ceux qui aiment le Seigneur
Jésus me soutient et me console.
« Oh ! qu'il est
avantageux de vivre avec les vrais enfants de
Dieu ! La terre n'est qu'un affreux
désert pour tout chrétien qui est
privé de la compagnie de ses
frères ; mais est-on avec eux, le
désert devient bientôt un Eden. Le
bonheur que nous éprouvons quand nous sommes
réunis au nom du Seigneur, est un
avant-goût de cette félicité
dont nous jouirons dans notre céleste
patrie. C'est comme les enfants d'Israël qui
goûtèrent des fruits délicieux
de la terre de Canaan, avant d'entrer dans leur
héritage. Que le goût des fruits,
encore bien plus délicieux, de la Canaan
céleste, nous fasse aspirer de plus en plus
à entrer en jouissance de notre
héritage incorruptible et glorieux. Je
m'estimerais bienheureux si, lorsque je
reparaîtrai au milieu de vous, je revenais
tout chargé de fruits nouvellement cueillis,
comme ceux qui furent envoyés à la
découverte, par les enfants d'Israël,
dans le pays de Canaan. Gardons-nous bien d'imiter
les Israélites dans leur
incrédulité ; croyons fermement
aux promesses de notre Dieu ; reconnaissons
notre indignité, mais considérons le
mérite et la dignité du Seigneur
Jésus : il a tout mérité
pour nous, le pardon de nos péchés,
le don du Saint-Esprit et la gloire
éternelle. Reposons-nous sur lui, sur ses
souffrances, sa mort, sa résurrection, son
inépuisable amour, et nous
éprouverons qu'il est un Sauveur suffisant,
et qui peut toujours sauver ceux qui s'approchent
de Dieu par lui.
« J'ai reçu la lettre
de M. de la Fontenelle, et je lui ai fait
réponse, il y a déjà
longtemps. Quand vous le verrez, dites-lui que je
pense souvent à lui et que j'espère
le voir quand j'aurai terminé mes affaires.
Faites aussi mes amitiés aux autres amis de
Fresne. L'affection qu'ils m'ont
témoignée, et surtout le désir
de sauver leurs âmes, ont fait des
impressions dans mon coeur qui ne s'effaceront
jamais. Rappelez-moi au souvenir de M. et Mme
Mottet et la famille. Je désire
sincèrement que Dieu leur accorde ses plus
précieuses bénédictions ;
la manière polie et affectueuse dont ils
m'ont reçu, moi qui étais un
étranger dans votre pays, excite vivement ma
reconnaissance, et leur souvenir est cher à
mon coeur. Faites bien mes amitiés à
M. Groussard, femme et enfants ; leur
dévouement pour la cause de Dieu a
charmé mon coeur, et je désire que sa
bonté les récompense, non seulement
pour cela, mais aussi pour les attentions qu'ils
ont eues pour moi. Dites aussi à notre ami
Bridet, à sa femme et à sa fille, que
leur fermeté pour la cause de Dieu, et leur
ferme résolution de le servir au milieu
d'une génération corrompue et
perverse, ont été pour moi une grande
consolation. Oh ! que Dieu les
bénisse ! Rappelez-moi au souvenir de
votre père et de toute la famille. Votre
maison m'a rappelé les bons temps
d'autrefois, où les pères avec toute
leur famille voulaient tous d'un accord servir
l'Éternel. Si vous voyez nos amis de
Sainte-Honorine, faites-leur bien des
amitiés de ma part. »
« Je suis avec affection votre
frère en J.-C.
« Du PONTAVICE. »
Mais le moment était arrivé où du Pontavice crut devoir accepter l'appel des églises de la Haute-Normandie et commencer une nouvelle période (la dernière, hélas !) de son trop court ministère.
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