Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



FÉLIX NEFF PORTEUR DE FEU




AVANT-PROPOS

Nul ne sera surpris du fait que, quelques semaines après la mise en vente de l'ouvrage Victoire ! Félix Neff vous parle, dont ceci est la reproduction textuelle, la première édition ait été entièrement épuisée.
Le nom seul de M. Benjamin Vallotton assure le succès de tout ce qui naît de sa plume, parce qu'on sait indubitablement que jamais son coeur ne cessera de parler.

Dans le cas présent, comme l'a remarqué l'un de ses confrères en bonnes lettres, M. Ed. Martinet, « les aïeux maternels de l'auteur ayant bénéficié de la tonique, influence d'un homme de foi dont la parole brûlait comme un buisson ardent, on le sent encore lui-même au bénéfice de cette influence ».

Remarque infiniment juste : quand il évoque l'exceptionnelle personnalité du sergent d'artillerie devenu l'apôtre d'un peuple montagnard, c'est non seulement qu'ayant été, lui aussi, sergent de troupes alpines, M. B. Vallotton connaît le métier - le métier des armes - mais qu'ayant eu pour mère une descendante de ces « réveillés » des Hautes-Alpes, il nous transmet dans son intégrité le courant qui les a galvanisés.

Et l'on peut redire avec un autre lecteur de ce livre, M. J. A. Haldimann : « Ce que fut la vie de ce feu follet spirituel, l'auteur le conte avec passion parce que lui aussi, comme son modèle, voit les choses avec un regard d'âme. »
C'est pourquoi l'éditeur n'éprouve aucune crainte à lancer d'affilée une seconde édition dont il se borne a ne modifier que le titre et cela pour contenter ceux qui trouvent que, dans cette biographie, Félix Neff ne prend pas assez la parole.

À notre humble avis, ce que le monde réclame aujourd'hui ce sont moins des discours que des actes. Or ici l'on assiste avant tout à l'ardente, à la brûlante épopée d'un être dont ceux qui l'approchèrent disaient qu'ils les avait « incendiés ».

En un siècle où de tant de façons, les jeunes hésitent, s'affadissent ou se corrompent, voilà le message qu'ils doivent entendre. Ils trouveront le secret de la vie dans l'exemple d'un prophète de ce temps, et ce fulgurant récit leur apparaîtra comme un bulletin de victoire.

Rien n'attire davantage qu'un homme qui a vaincu. C'était donc un devoir et cela devient un privilège que d'inclure un Félix Neff dans une collection qui est celle des Vainqueurs.

G.-DG.



INTRODUCTION
À LA MÉMOIRE DE MA MÈRE,
ÂME VIVANTE DU VAL DE FREISSINIÈRES.
DE SAINT-EXUPÉRY A FÉLIX NEFF

Le Directeur de la Collection consacrée aux Vainqueurs nous demande de parler encore de Félix Neff. Encore, car Ami Bost, Samuel Lortsch l'ont déjà fait. Dans les mille pages de l'un, les trois cents pages de l'autre, sur celui qui écrivit, en le vivant, le plus palpitant roman d'aventures spirituelles qu'il soit possible d'imaginer, on trouve une documentation complète. Rien n'est laissé dans l'ombre. Mais la génération élevée a l'école du cinéma, de la radio, d'une vitesse sans cesse accélérée, lit-elle encore ces pages ? Elle aime les raccourcis, les paysages entrevus plutôt que vus, les images trépidantes de l'écran, en attendant le tour du monde en vingt-quatre heures et les voyages dans la lune.

On commence tout de même à se douter que les incessants miracles de la technique ne nourrissent qu'imparfaitement les hommes. Un malaise grandit, devient inquiétude, Parfois détresse. On cherche la bouée à quoi s'accrocher, le chef capable de mener à bon port le bateau à la dérive.

Or, Neff fut et reste un de ces chefs, un entraîneur d'une énergie contagieuse. Son action dans les hautesvallées dauphinoises fut d'une qualité telle que, plus d'un siècle après sa mort, son influence y demeure sensible. Au sonneur de la cloche des Viollins, au val de Freissinières, nous disions un jour :
- « Voilà qui s'appelle sonner ! »

Lâchant la corde, le vieillard répondit :
- « Félix Neff a passé par la ! Aussi n'est-ce pas la cloche, c'est mon coeur que je balance là-haut ! »

Toute notre enfance fut animée par les récits des anciens hantés par le souvenir du « Bienheureux ». Et nous entendons encore un octogénaire, dernier catéchumène survivant de la grande époque, proclamer, les yeux levés « sur ces montagnes d'où nous vient le secours » :
- « Félix Neff ? Un homme d'une douceur terrible ! Qui le voyait, l'entendait, était aussitôt pétri... »

Oui, Pétri, c'est le mot... L'avoir rencontré sur nos sentiers pierreux, quel privilège, quelle bénédiction ! Un constructeur d'âmes, celui-là !

Notre intention n'est pas d'écrire une biographie complète de l'homme à la douceur terrible, de le suivre pas à pas à travers sa courte vie, mais de nous attacher de notre mieux à son ardeur, à sa puissance intime, à ce brasier de vie intérieure qui ralluma les feux éteints. Constructeur d'âmes ! Neff doit reprendre sa place de combattant dans un monde démantelé par cinq années d'une guerre inexpiable qui connut la cruauté en série, voua au mépris la dignité de l'homme, le précipita dans une « motorisation » dont les pétarades assourdissent oreilles du corps et du Coeur.

On remplirait des volumes, et pas des minces, du réquisitoire dressé par les meilleurs esprits de notre temps contre le présent état de ce qu'on appelle encore la civilisation. Citons en bref :

« On ne reconnaît plus l'homme. » « Notre époque est celle de la peur et du mépris. » « Le drame de l'Europe : la mort de l'homme. » « On a peuplé le monde de robots vivants sur un petit bout d'âme atrophiée, de robots au coeur d'insecte plus laborieux et plus féroce que les fourmis. »

« L'homme présente tous les symptômes d'une décomposition accélérée. » « Nous n'avons plus le temps d'être bons. » « Des milliers d'hommes en tout pays n'ont plus que le désir, le plaisir et la volonté de détruire. » « La vitesse, ce grand vice du vingtième siècle. » « L'homme tend de plus en plus à devenir un voyageur hors et loin de la terre. »

« L'homme ne retrouvera Dieu, après l'avoir perdu, que s'il retourne à la vie simple et aux mystérieuses harmonies qu'elle enseigne. »

Qui dit cela ? Aragon, Malraux, Bernanos, Siegfried, Duhamel, Marcel, Philas Lebègue. Et il serait aise d'allonger la liste.
Les jeunes sportifs verront peut-être dans ces textes le fait de vieux messieurs plus ou moins arthritiques, maudissant la vitesse parce qu'incapables d'en connaître la griserie. Mais voici qui pourra faire réfléchir : la condamnation sans appel prononcée contre notre « civilisation motorisée » par un as de l'aviation, titulaire de six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, englouti finalement au plus profond d'une mer lointaine. Avant de disparaître à quarante-trois ans, Saint-Exupéry, héros de deux guerres et d'innombrables randonnées, écrivit des pages de haute qualité littéraire et spirituelle. Empruntons-leur quelques lignes :

« En octobre 1940, de retour d'Afrique du Nord où le groupe 2-33 avait émigré, ma voiture - car Saint-Exupéry était aussi un as du volant automobile - remisée exsangue dans quelque garage poussiéreux, J'ai découvert la carriole et le cheval. Par eux l'herbe des chemins, les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure derrière les vitres, a cent cinquante kilomètres à l'heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai, qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n'avaient pas pour fin exclusive de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l'herbe aussi avait un sens puisqu'ils la broutaient. Et je me suis senti revivre... Et il m'a semblé que, durant toute ma vie, j'avais été un imbécile. »

Attaché peu après à une base américaine, doté d'un monoplace de deux mille six cents chevaux, entre deux vols Saint-Exupéry s'examine :
« Je suis profondément triste et en profondeur. Je suis triste pour ma génération, qui est vide de substance humaine. Qui, n'ayant connu que le bar, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd'hui dans une action strictement grégaire qui n'a plus aucune couleur... Je hais mon époque de toutes mes forces. L'homme y meurt de soif. Il n'y a qu'un problème, un seul de par le monde : rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles.. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. Rien qu'a entendre un chant villageois du quinzième siècle, on mesure la pente descendue. Deux milliards d'hommes n'entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot, se font robots... Ils ont fait l'essai des valeurs cartésiennes : hors les sciences de la nature, ça ne leur a guère réussi. Il n'y a qu'un problème, un seul : redécouvrir qu'il est une vie de l'esprit plus haute que la vie de l'intelligence. »

« À quoi servira-t-il, se demande encore Saint-Exupéry, de gagner une guerre si l'homme reste l'esclave de la machine, simple numéro du troupeau de la machine ?

« ... On nous a coupé bras et jambes, puis on nous a laisses libres de marcher, livrés au totalitarisme universel, robots, termites, oscillant du travail a la chaîne à la belote, homme châtré de tout son pouvoir créateur et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni une chanson. Homme que l'on alimente en culture de confection, en culture standard, comme on alimente les boeufs en foin. C'est cela, l'homme d'aujourd'hui... Il aurait tant besoin d'un Dieu ! »

Nous rejoignons ici l'âme ardente de Neff. Pour apporter aux bergers des Hautes-Alpes non pas un Dieu, mais le Dieu dispensateur d'amour et de justice, il use sa vie jusqu'à la trame, il se donne tout entier, il brûle tout entier. Et quand la mort s'abat sur lui, il lui crie :
- Victoire !

Que les affamés de records apprennent à connaître Félix Neff inscrit au palmarès des triomphateurs spirituels. Sur le stade, déserté par la foule, ou s'exercent les champions de la foi, Neff a battu tous les records de l'endurance, de la patience, de la pitié pour les troupeaux abandonnés. Soldat et témoin de Dieu, explosif d'espérance, son message est de toujours, pour toujours. À tous il offre poésie, couleur, amour. Aux infirmes de l'âme, il apprend à marcher, à courir, fort de cette liberté qui n'est qu'un mot tant qu'elle ne plonge pas ses racines au coeur de l'éternel. Un grand maître, parce qu'il se voulut serviteur !

On se plaint un peu partout, dans le monde, du peu de rayonnement des Églises tenues en vases clos ; on les dit trop étrangères aux questions sociales, trop timorées devant les maîtres de l'heure, devant l'exploitation de l'homme par l'homme, trop conservatrices des formes et des idées du passé, « désarmées devant les brutalités de la guerre autant que devant la difficile construction de la paix. C'est moins la faute des Églises qui continuent à proposer les seuls remèdes capables de guérir l'homme de ses maladies, que de la plupart de ses membres, braves gens, certes, mais trop souvent tièdes, indécis, sentimentaux du dimanche matin, en quête d'un rempart contre les partis dont ils ont peur.

Or, on n'a jamais rien fait de bon avec les tièdes. À la première alerte sérieuse, ils se défilent. C'est parce qu'il n'est pas tiède, lui, bouillant au contraire, que le communisme a conquis une partie du monde. Devant son dynamisme athée les bonnes intentions sont inefficaces. Pour vaincre, il faut se donner, se compromettre, vivre pour la cause qu'on défend, s'il le faut, mourir pour elle !

Là encore Félix Neff intervient avec une singulière autorité. Certes, on peut discuter, même combattre telle ou telle de ses idées. Mais quel enthousiasme ! Il brûle, lui ! À tel point que soixante-quinze ans après sa mort l'ancien catéchumène pouvait dire :
- Neff ? Il n'a pas seulement éclairé nos vallons, il les a incendiés !

Ce que fut cet « incendie », on va le voir.


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