Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



AUTOBIOGRAPHIE D' UN JAPONAIS
LE PASTEUR PAUL KANAMORI



Allocution prononcée à Westminster (Londres) le 12 juin 1925.

J'ai à vous raconter l'histoire d'un enfant prodigue ; non pas celui de la parabole, mais l'histoire de ma propre vie de fils prodigue. Je l'ai été dans un sens tout spécial, et pendant bien des années, l'enfant prodigue de mon Père céleste ; et je voudrais vous raconter, premièrement comment j'ai été tiré des ténèbres du paganisme japonais et amené à Christ ; puis comment j'ai été entraîné loin de Lui de façon à devenir un fils prodigue et un rétrograde ; et enfin comment j'ai été ramené à Christ et comment je suis devenu un prédicateur de l'Évangile. Car maintenant je suis bien décidé à ne plus savoir autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié.



CHAPITRE PREMIER

Ces trois périodes de ma vie recouvrent, de fait, toute l'histoire des missions évangéliques au Japon. Je suis un des plus vieux chrétiens japonais. J'ai été converti il y a plus de cinquante ans, non par un missionnaire, mais par un soldat, un officier américain, le capitaine E. Janes, venu au Japon en 1870. Il devint professeur dans l'école publique où je faisais mes études. C'était un chrétien vivant, et sa femme une femme de prière, fille d'un missionnaire aux Indes. Au commencement, ce capitaine Janes, ne sachant pas le japonais, ne pouvait guère évangéliser les écoliers. C'est que le japonais est une langue fort difficile pour les Anglais, tout comme l'anglais pour les Japonais. Mais dès que les élèves se furent assez familiarisés avec l'anglais pour pouvoir soutenir une conversation avec lui, il se mit à nous parler de Christ. Tous les samedis soir nous allions chez lui pour lire la Bible avec lui. C'était d'abord par simple curiosité. Il avait une façon à lui d'enseigner la Bible. Il ne donnait pas d'explications ; il ne discutait guère ; mais. d'emblée il nous demanda d'apprendre par coeur certains passages, tels que Jn 4 : 1-18, et 3 : 1-21 ; et nous les apprîmes, mais sans en comprendre le sens. Toutefois, lorsque nous en vînmes à croire en Jésus, ce fut Lui qui nous ouvrit les yeux et nous fit comprendre la Parole de Dieu.

La Bible devint pour nous un livre extrêmement intéressant, et nous aurions voulu en lire davantage ; mais il était impossible d'en trouver le temps pendant les mois scolaires. Aussi quelques élèves se décidèrent-ils à rester à l'école avec le capitaine Janes pendant les vacances d'hiver, au lieu de s'en aller en jouir chez eux. C'était uniquement pour lire la Bible. Laissant donc de côté tous les autres livres, nous ne lûmes que la Bible. Nous n'avions ni commentaire, ni dictionnaire biblique, pas même une version japonaise de la Bible, uniquement une simple version anglaise comme celle-ci. Mais nous la lisions du matin au soir, et nous priions ensemble. Nous la dévorions, exactement comme certains jeunes gens de nos jours dévorent les romans les plus sensationnels. Et Dieu bénit merveilleusement cette lecture. Il s'en servit pour préparer un magnifique réveil, qui ne tarda pas à éclater dans l'école. Ce fut le premier réveil du Japon moderne ; mais nous ne savions pas que c'était un réveil, parce que nous ignorions qu'il y eût dans la religion chrétienne quelque chose de ce genre... Il n'y avait encore eu aucun missionnaire dans cette région, entièrement dépourvue de toute influence missionnaire. C'était l'oeuvre d'un laïque, d'un soldat, indépendant de toute société missionnaire. Ainsi vous voyez ce que peut faire un laïque dans un pays aussi enténébré que ma patrie, pourvu qu'il soit zélé et fidèle.

Nous eûmes donc un réveil, et un réveil puissant. Voici comment cela se passa. Les vacances finies, tous les étudiants revinrent ; il y en avait une centaine. Et nous qui avions passé nos vacances à l'école, nous étions tellement remplis de la Bible qu'il nous eût été impossible de ne pas faire part à nos camarades de ce que nous avions appris de la Bible de sorte qu'ils y prirent à leur tour un très vif intérêt, et bientôt chacun, dans l'école, se mit à lire la Bible On la lisait partout, et on ne lisait plus rien d'autre, bien que les leçons eussent recommencé. L'excitation devint telle que les autorités scolaires se virent obligées de suspendre les études régulières pour toute la première semaine du semestre, qui fut entièrement consacrée à la lecture de la Bible. Or ce n'était point une école missionnaire, mais une école publique gouvernementale. Bien ne pouvait calmer l'excitation de ces cent jeunes lecteurs de la Bible. Il y eut conversion sur conversion. Nous crûmes un moment que tous les élèves de l'école allaient se convertir sur-le-champ. Et cela même ne nous suffisait pas. Nous allâmes prêcher dans nos demeures à nos parents, à nos frères et soeurs, à nos amis ; ce qui souleva de toutes parts la persécution.

Vous savez que c'est au milieu du seizième siècle que le christianisme fut apporté au Japon pour la première fois, par des missionnaires catholiques. D'abord, les Japonais tirent bon accueil à la nouvelle religion, et le christianisme se répandit dans tout le pays. À la fin du seizième siècle il y avait plus de 750000 chrétiens au Japon, qui étaient en bonne voie de devenir un émule de l'Espagne et du Portugal, ces pays catholiques d'où leur étaient venus tous leurs missionnaires. Mais les missionnaires jésuites avaient l'habitude de se mêler de la politique des pays qu'ils évangélisaient, et quand ils voulurent se mêler de la politique du Japon, le gouvernement commença à persécuter les chrétiens et leurs missionnaires. Et cette persécution, qui dura plus de deux cents ans, fut terrible. Elle parvint à extirper presque entièrement le christianisme du Japon, et l'on apprit à considérer les chrétiens comme des gens dangereux, comme des traîtres, des ennemis de leur patrie.

Dans mon enfance, - je pouvais avoir cinq ou six ans, - on voyait souvent une proclamation officielle : « La religion de Jésus est strictement interdite. Par ordre. » On voyait aussi ce qu'on appelait « la fête du piétinement des images ». C'était une grande journée dans l'année. On se procurait les images de la croix, et on les piétinait. Quiconque refusait de le faire était arrêté et jeté en prison. Mon grand-père était attaché comme officier à un Gouvernement de province, et comme tel il était chargé de faire une enquête sur la religion des gens de son district : une fois par an, il les convoquait tous à son bureau officiel, où ils devaient piétiner une image de Jésus-Christ. J'ai assisté une fois à cette « cérémonie ». L'image qu'on devait piétiner se trouvait enchaînée dans une cassette de fer ; et là, en présence de fonctionnaires supérieurs armés d'épées et de lances, les gens s'approchaient un à un et piétinaient l'image, puis s'en allaient. Je demandai à mon grand-père ce qu'il y avait dans cette cassette de fer que les gens piétinaient, et il me répondit : « Oh ! c'est un sale ver. S'il n'était pas dans cette cassette, lié de chaînes de fer, et piétiné, il se glisserait au dehors et ferait un mal immense à toute notre patrie. » Tel avait été mon premier contact avec la croix de Christ : elle n'était qu'un « sale ver ».

Et c'est dix ans plus tard que je devins un disciple de Jésus-Christ, avec un bon nombre de mes camarades. Jugez de l'épouvante de nos parents en voyant leurs garçons devenir l'un des soutiens de cette religion détestée ! Ils s'efforcèrent d'arrêter le mouvement, et une persécution éclata, non de la part du gouvernement, cette fois, et plus de la moitié de ces garçons lâchèrent leurs Bibles et retournèrent à leurs anciennes coutumes. La persécution réussit à arrêter l'extension du mouvement dans l'école. Mais une quarantaine de jeunes garçons demeurèrent fermes malgré tout. Après un demi-siècle environ, je me souviens fort bien d'un beau dimanche matin, - c'était le 30 janvier 1876, - où quarante élèves chrétiens de l'école du capitaine Janes gravissaient une petite colline appelée Anaoka, « Mont des fleurs » (au lieu de « Mont des Oliviers ») ; arrivés au sommet, à l'ombre des vastes branches d'un pin, ces quarante jeunes garçons eurent un service de consécration. Ils rédigèrent une formule dédicatoire qui disait à peu près ceci : « Aujourd'hui nous nous consacrons au service de Dieu. Nous nous engageons à prêcher l'Évangile de Jésus-Christ dans toute l'étendue de l'empire du Japon. » Puis chacun de nous y apposa sa signature. Je me rappelle encore quelques-uns des cantiques anglais que nous chantâmes : Des monts glacés du Groënland », puis, écrite autres :

« Erreur commune, erreur profonde :
Jésus seul chargé de la croix...
Non, la croix est pour tout le monde ;
Elle est aussi pour moi ! »

Mais dans ces temps d'épreuve pour notre foi notre cantique favori était :

« J'ai pris ma croix, je veux Te suivre,
Jésus, mon Sauveur et mon Roi !
Roi méprisé, je ne veux vivre,
Haï de tous, rien que pour Toi ! »

Ce cantique exprimait si bien nos sentiments intimes sur I'Anaoka. Nous étions méprisés, détestés, chassés de nos familles, repoussés par nos parents. Il nous fallait abandonner toutes nos ambitions les meilleures, toutes nos aspirations à jouer un rôle en ce monde, et nous résoudre à nous charger de notre croix et à suivre Jésus coûte que coûte, même jusqu'à la mort. À la fin de ce culte, je présentai à Dieu, au nom de tous, une prière de consécration, car c'était moi qui présidais la réunion, étant le plus âgé de ce groupe. Je n'avais pourtant que dix-huit ans ; ce qui peut vous donner une idée de l'âge des autres ; le plus jeune avait treize ans. Mais la puissance d'en haut nous soutenait.

Nous redescendîmes du Mont des Fleurs en chantant joyeusement. Mais, dès qu'on eut connaissance de cette réunion, nos persécuteurs prirent des mesures énergiques. Nous fûmes tous immédiatement retirés de l'école et tenus aux arrêts dans nos maisons, où nous fûmes soumis à des traitements sévères, et même cruels pour plusieurs d'entre nous. Considéré comme un des meneurs, je fus envoyé dans un endroit éloigné d'une vingtaine de kilomètres de chez moi. ou je restai confiné bien des mois. À mon départ pour cette localité où l'on m'exilait, on m'enleva tous mes livres chrétiens et ma Bible, et l'on me remit à leur place les livres de Confucius. J'avais été auparavant disciple de Confucius, de sorte que l'on tâchait de me ramener au confucianisme ; mais c'était trop tard ; je ne pouvais plus vivre un jour sans le pain de vie. De sorte que, lorsque je fus privé de la Bible et de tous mes livres chrétiens, je parvins à cacher adroitement sous mes vêtements deux petits exemplaires des Évangiles de Matthieu et de Jean. je les emportai dans mon exil, et je m'en délectai jour et nuit. Quand on a une bonne grosse miche de pain, on fait peu de cas des miettes ; mais quand on a plus que ces miettes pour se nourrir, comme on les apprécie J'ai perdu, depuis, l'exemplaire de Matthieu, mais j'ai encore celui de Jean.

Dès lors, j'ai fait mieux encore : j'ai confié à ma mémoire ces deux Évangiles tout entiers, en sorte que, si mes ennemis viennent maintenant me reprendre tous mes livres chrétiens, ces deux précieux Évangiles resteront à jamais en ma possession...

Finalement, ma famille m'expulsa, sans me donner quoi que ce fût d'autre que les légers vêtements d'été que je portais sur moi... Il me resta pourtant deux livres. L'un, c'était la Bible anglaise. Et l'autre, que pensez-vous que ce fût ? C'était « Le Voyage du Chrétien. » Je dis alors à mes amis : « Maintenant j'ai tout perdu pour l'amour de Jésus ; mais, dans sa bonté, Dieu m'a laissé deux armes ». À présent que j'arrive aux derniers jours de ma vie, je combats encore avec celle-ci (montrant sa Bible), qui est l'épée de l'Esprit. Tant qu'un soldat de Christ est en possession de cette arme, il est sûr de vaincre. Aussi longtemps que je la tiendrai en main, je serai plus que vainqueur des persécutions de l'ennemi.

Mais, hélas ! je fus entraîné pendant un temps hors du bon chemin. Au lieu de l'épée de l'Esprit, je pris une massue. de fabrication humaine, et je subis une honteuse défaite. Il m'en coûte de le raconter ; mais il faut que je le fasse, à la gloire de Dieu.


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