Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Sermons et Méditations




 Le champ de Dieu.

Premier discours.

TROIS MAUVAISES TERRES.

Un semeur sortit pour semer sa semence, et en semant, une partie du grain tomba le long du chemin, et elle fut foulée et les oiseaux du ciel la mangèrent toute. Et une autre partie tomba sur un endroit pierreux, et quand elle fut levée, elle sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité. Et une autre partie tomba parmi les épines, et les épines levèrent avec le grain et l'étouffèrent.

La semence, c'est la Parole de Dieu. Ceux qui la reçoivent le long du chemin, sont ceux qui l'écoutent ; mais le diable vient qui ôte cette parole de leur coeur, de peur qu'en croyant, ils ne soient sauvés ; ceux qui la reçoivent dans des endroits pierreux, sont ceux qui, ayant ouï la Parole, la reçoivent avec joie, mais ils n'ont point de racines et ne croient que pour un temps, et quand la tentation survient, ils se retirent ; et ce qui est tombé parmi les épines, ce sont ceux qui ont entendu la Parole, mais qui, s'en allant, la laissent étouffer par les inquiétudes, par les richesses et par les voluptés de cette vie, de sorte qu'ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité.

Luc Vlll, 5-7, 11-14.

La parabole du semeur est du nombre de celles auxquelles la prédication chrétienne fait bien de revenir souvent. Elle place ceux qui ont lu et entendu la Parole de Dieu en face de cette question aussi grave que simple : Qu'avez-vous fait du message divin ? Quels effets a-t-il produits en vous ? Quels fruits a-t-il portés ? Des fruits, une moisson qui lève, tout agriculteur qui a ensemencé son champ vent en voir. Si ses terres ne lui en rapportent pas, son travail est perdu, ses labeurs ont été inutiles. Il n'en saurait être autrement du semeur qui a jeté dans les coeurs la semence de la parole. Lui aussi cherche des épis, là où il l'avait répandue.

Or, ce qui donne à toutes ces réflexions un grand poids, c'est que celui qui sort pour semer la semence divine, c'est le Fils de l'homme. Il est vrai que sa figure se cache. Ce que nous voyons, ce sont les pages de notre Bible. Ceux que nous entendons, ce sont des hommes, serviteurs souvent maladroits, instruments toujours faibles, pécheurs sujets aux mêmes infirmités que nous. Mais, ne nous y trompons pas. Ce sont là autant de moyens entre les mains d'un plus grand. Jésus-Christ daigne les employer pour réaliser les desseins de son amour. Leur travail, c'est le sien. C'est lui, tout bien considéré, qui jette la semence, lui aussi qui en attend les fruits.

Et nous, terre cultivée par des mains divines, hommes et femmes que le Fils de l'homme a entourés de sa sollicitude et pour lesquels il a multiplié les efforts de sa sagesse et de sa puissance, quel aspect offrons-nous ? Qu'est devenue dans ce champ qui s'appelle notre coeur, la semence divine ? Deux possibilités sont en présence. La première, c'est que la semence ait souffert, ait disparu sans produire d'effet ; la seconde, c'est qu'elle ait fructifié. Nous serons, ou bien le chemin durci, l'endroit pierreux, le terrain plein d'épines, ou bien la bonne terre. Pour aujourd'hui, laissez-moi en rester à la première de ces deux possibilités.
Nous pouvons être, ai-je dit, le chemin durci, l'endroit pierreux, le terrain plein d'épines. Combien ne serait-il pas triste qu'il en fût ainsi ! Mais enfin, il faut nous examiner. Mieux vaut connaître nos misères que de les ignorer.

I

Le chemin durci. Une partie de la semence, lisons-nous, tomba le long du chemin et fut foulée, et les oiseaux vinrent et la mangèrent toute. Et, s'interprétant lui-même, Jésus ajoute : La semence, c'est la Parole de Dieu. Ceux qui la reçoivent le long du chemin, ce sont ceux qui l'écoutent, mais le diable vient et ôte celle Parole de leur coeur, de peur qu'en croyant ils ne soient sauvés.

Est-ce à l'homme grandi dans l'ignorance et dans les ténèbres spirituelles, puis subitement placé sous l'action de l'Évangile, que pense Jésus dans ce premier trait de sa parabole ? Je ne le crois pas. On a vu des païens émus de ce qu'on leur disait de Jésus-Christ. On les a entendus s'écrier : Redis-moi ces choses ; moi aussi je voudrais être sauvé. On a constaté les effets les plus étonnants de la Parole de vie sur de pauvres ignorants qui, jusqu'alors, n'avaient rien su de la grande nouvelle du salut.

Non, ne dites pas que les péagers et les gens de mauvaise vie sont le chemin durci. Demandez plutôt si ce ne sont pas ces enfants de l'Eglise chrétienne qui savent tout et dont le coeur, bien qu'enrichi de beaucoup de dons de Dieu, est resté indifférent aux appels du Seigneur.

Le chemin durci, c'est la vie spirituelle frappée de stérilité pour avoir repoussé la discipline et le joug de Jésus-Christ. C'est la propre justice qui se croit riche et n'ayant besoin de rien. C'est cet auditeur distrait, oublieux, qui ne se soucie pas de ce qu'il a entendu, et sur lequel glissent, sans pénétrer dans le sol, les grains de la semence de Dieu. Il faudrait à celle-ci, pour pouvoir germer, un peu de terre, quelques besoins spirituels, une conscience travaillée, une âme inquiète de son avenir et de son salut, et elle n'en trouve point. Au lieu de cela elle ne rencontre que des obstacles et des ennemis : elle est foulée par les passants, amis, voisins, membres de la famille peut-être, qui, loin de regarder avec un saint respect vers ces grains perdus cherchant leur terre sans la trouver, les écrasent, sans pitié, sous les pas de leurs vaines conversations, de leurs paroles légères, de leurs moqueries et des distractions qu'elles amènent. Elle est dévorée. encore par les oiseaux du ciel, image du malin qui, usant d'artifices sans nombre, déguisant habilement ses desseins, prenant, s'il le faut, la forme d'un ange de lumière, s'approche du coeur pour détruire ce qui a été jeté par le divin semeur. Qu'ils sont légitimes, innocents en apparence, ces mille détails, ces circonstances, ces obligations qui réussissent avec tant de facilité, à ravir à l'âme ce qui lui avait été destiné ! L'infiniment petit même, ici comme ailleurs, revêt une grande puissance. Un regard, une pensée qui traverse l'esprit, un lointain souvenir qui s'éveille - il ne faut que cela, au grand ennemi de Dieu, pour anéantir l'ouvrage du semeur divin ! Malheur à celui qui le laisse faire sans s'inquiéter de ce qui arrive ! Tout grain qu'il se sera laissé ravir de son coeur léger, pourrait bien trouver, au dernier jour, une bouche et une voix pour l'accuser d'avoir méprisé la grâce de Dieu !

II

Mais passons. L'autre partie, dit Jésus, tomba sur un endroit pierreux. et quand elle fut levée, elle sécha parce qu'elle n'avait pas d'humidité ni de racine. Et plus tard, s'expliquant encore lui-même : Ceux qui la reçoivent dans des endroits pierreux, ce sont ceux qui, ayant oui la Parole, la reçoivent avec joie, mais ils n'ont point de racine et ils ne croient que pour un temps, et quand la tentation survient, ils se retirent. Image admirablement choisie d'une seconde catégorie de lecteurs, d'auditeurs de la Parole !

Voyez ce coeur impressionnable qu'un passage de la Bible, une puissante prédication, une heure d'appel, un grand coup porté par la grâce de Dieu, ont remué, ébranlé, arraché à son indifférence, jeté dans les bras de la vérité, amené à Jésus-Christ, rempli du désir de le servir sans crainte et en passant par-dessus les obstacles, les hommes, les choses qui voudraient lui barrer le chemin.

Qu'elle parait digne d'envie, à qui s'est ainsi trouvé sous la puissante action de l'Esprit, la vie de ceux qui se sont donnés à Dieu ! Que cette âme se sent heureuse d'avoir appris à écouter ! Elle devine ce qu'a voulu dire le psalmiste, s'écriant : Un jour dans tes parvis vaut mieux que mille ailleurs ! J'aime mieux me tenir sur le seuil, dans la maison de mon Dieu, que d'habiter dans les tentes des méchants. Car l'Éternel Dieu est un soleil et un bouclier. L'Éternel donne la grâce et la gloire, il ne refuse aucun bien à ceux qui marchent dans l'intégrité.

O heures de grâce, heures de réveil, heures de saintes résolutions, heures de courage chrétien, heures du premier amour pour Jésus-Christ et son Évangile, que vous êtes bienfaisantes, que vous êtes belles ! Hélas, que vous êtes courtes aussi parfois !

Mes frères, qu'avez-vous vu chez d'autres ? Qu'avez-vous constaté chez vous-mêmes ? Le feu sacré s'est éteint, à peine allumé : le coeur s'est refroidi, à peine réchauffé ; l'âme, quittant les saintes montagnes, est redescendue dans la plaine poudreuse pour y retrouver l'abattement, la faiblesse et l'indifférence ; l'homme a abandonné ce qui, tout à l'heure, semblait lui faire tant de bien ; aussitôt gagné, aussitôt scandalisé, voilà son histoire. Comment l'expliquer ? Pourquoi la semence divine a-t-elle si vite séché ? Elle n'avait pas d'humidité ; elle n'avait pas de racine, dit Jésus, elle était tombée sur un endroit pierreux, dans une couche de terre très mince, couvrant à peine le rocher ; elle n'y a pas rencontré des sucs pour la nourrir et elle n'a pu supporter, dans ces conditions, les ardeurs du soleil !

Serait-il difficile de comprendre le sens de toutes ces figures ? La parole de notre Dieu, les grains que sème le céleste semeur, doivent accomplir pour nous une mission plus sérieuse que celle de réveiller en nous de pieuses émotions ou de nous procurer un instant de fête. Ce n'est pas la surface du coeur, c'est le fond même de notre être qui doit être atteint, ouvert aux influences de l'Évangile, régénéré par l'Esprit du Seigneur. Ce que Dieu veut, c'est que, cédant à ses sollicitations, nous le laissions pénétrer jusqu'à ce qui compose en nous le vieil homme avec ses erreurs et sa convoitise, jusqu'à nos défauts de caractère, jusqu'à cet amour-propre qui nous remplit d'illusions sur nous-mêmes, jusqu'à cette idole qui s'appelle notre moi. Nous sommes-nous imaginé être libres de le laisser ainsi poursuivre son oeuvre ou non ? pouvoir lui tracer la limite jusqu'à laquelle nous admettons son action, lui refuser de faire disparaître en nous le rocher et lui ordonner de se contenter du peu de bonne terre, qui recouvre en nous la pierre ?

Impardonnable erreur ! Faute qui a les conséquences les plus fatales ! Il ne dure pas, le christianisme qui se croit libre d'accepter à moitié seulement le travail de Dieu. Elle ne prospère pas, la plante céleste sous laquelle est demeuré le roc dur ; elle n'a pas de racine ; elle n'a pas d'humidité, elle n'est pas arrosée des larmes du repentir et de l'humiliation. Qu'il se lève, le soleil ardent de la tentation, de la persécution, et c'en est fait de ce qui a été semé sur un endroit rocailleux. Souvenez-vous que toutes les bénédictions d'un beau dimanche se sont brisées quelquefois le lundi, sur la parole désobligeante d'un frère, sur un petit obstacle qui a surgi inopinément sur notre route, sur une blessure qu'avait reçue notre amour-propre. La chose ne serait pas arrivée, si les instructions du saint jour du Seigneur nous avaient vraiment amenés aux pieds de Jésus-Christ, le Sauveur, pauvres et repentants, petits à nos propres yeux, humbles et humiliés, pleurant sur nous-mêmes. C'est parce qu'elle n'a pas eu de racine, que la semence a été brûlée et desséchée en un clin d'oeil.

III

J'en arrive à un troisième terrain, fatal lui aussi à la semence répandue. Et l'autre partie, dit Jésus, tomba parmi les épines et les épines levèrent avec le grain et l'étouffèrent. Ce qui est ainsi tombé parmi les épines, ce sont ceux qui ont entendu la parole, mais qui, s'en allant, la laissent étouffer par les inquiétudes, par les richesses et par les voluptés de cette vie, de sorte qu'ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité. Remarquez le progrès que signale ici Jésus. Celui dont il parle, a entendu la parole. Celle-ci n'a été ni foulée aux pieds par les puissants, ni enlevée par les oiseaux du ciel. ni reniée par l'homme qui l'avait reçue. Il s'est fait, chez ce dernier, une vraie oeuvre spirituelle. Il y a eu connaissance du péché et amour de Jésus-Christ. Il y a eu du sérieux, des oeuvres, de la foi, de la piété. Le grain a germé, une plante en est sortie. Nul doute qu'elle n'eût donné son fruit, si d'autres forces n'avaient agi sur elle : les épines.

Longues et fortes, les racines de l'épine se traînent dans la terre. Avez-vous remarqué ce que devient un champ où l'on a négligé d'extirper le mal jusque dans ses profondeurs, se contentant de l'éloigner de la surface du sol ? Douées d'une vitalité inouïe, les mauvaises herbes reparaissent, mêlant leur verdure à celle du blé, enveloppant les épis, croissant comme eux, plus vite qu'eux, empêchant leur développement. étouffant en eux la vie, et les rendant infructueux. Le mal, une fois qu'on lui a laissé son cours, est presque sans remède, si bien que le jour de la moisson fera voir la plus triste stérilité, là où il y avait eu, pour l'oeil inexpérimenté, toutes les apparences d'une belle récolte. La plante du blé, à la vérité, n'aura pas péri ; elle aura continué à subsister, mais trop épuisée pour produire des épis fertiles.

Et ce champ, oui, voilà encore le coeur de quelques-uns de ceux auprès desquels a passé le divin semeur. Leur erreur à eux, leur seule erreur, c'est qu'en recevant la parole, ils n'ont pas veillé à l'extirpation des inquiétudes Ou soucis du siècle, richesses et voluptés de celle vie. La place qui aurait dû appartenir à Dieu seul, ils l'ont partagée entre Dieu, les affaires d'ici-bas les choses de la terre. Ils se sont affectionnés tout à la fois au monde invisible et au monde visible, à te qui est éternel et à ce qui n'est que pour un temps. Ils n'auraient pas voulu renier leur foi, mais ils n'ont pas consenti non plus à bannir les inquiétudes de la vie, ni la poursuite des richesses.

C'est ainsi que, sans s'en douter, ils ont nourri en eux-mêmes une redoutable puissance, ennemie de leur âme. Envahissant sans relâche le coeur, s'y faisant une place toujours plus large, toujours moins contestée, elle a fini par constituer, pour la parole semée, un suprême, un effrayant danger. Elle en a compromis le succès, elle en a arrêté les progrès ; elle l'a rendue infructueuse ; elle l'a empêchée d'être cette force régénératrice qui renouvelle l'homme et fait de lui un enfant du ciel. L'épi, au lieu de se remplir, est resté vide, inutile ; ce n'est pas l'ivraie et la paille qu'on amasse dans les greniers ; le froment seul a de la valeur. Pas de fruit qui vienne à maturité ! 0 douloureux résultat pour le semeur !

Mes frères, que tout cela est sérieux, que tout cela est fréquent ! Tantôt dur, tantôt léger, tantôt impur, tel est le sol du coeur humain. Et puisqu'il en est ainsi, que de grains perdus, que de grâces qui demeurent sans effet ! Ne disons pas que nous n'avons rien à nous reprocher. Avouons plutôt que ce sol ingrat, sous ses faces diverses, s'est retrouvé en nous-mêmes plus d'une fois. Puis, après ce regard plongé dans notre pauvre coeur, regardons au semeur toujours le même, infatigable dans son travail. Supplions-le de créer en nous, en nous aussi et par son Esprit, le seul terrain qui lui plaise, la bonne terre. Amen.



Le champ de Dieu.


Deuxième discours.

LA BONNE TERRE.

Jésus leur dit en parabole : Un semeur sortit pour semer sa semence, et en semant, une portion du grain tomba le long, du chemin, et elle fut foulée, et les oiseaux du ciel la mangèrent toute. Et une autre partie tomba sur un endroit pierreux : et quand elle fut levée, elle sécha, parce qu'elle n'avait point d'humidité Et une autre partie tomba parmi les épines, et les épines levèrent avec le grain et l'étouffèrent. Et une autre partie tomba dans une bonne terre ; et étant levée, elle rendit du fruit, cent pour un.
En disant ces choses, il criait : Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende ! Voici ce que cette parabole signifie :

La semence, c'est la parole de Dieu ; ceux qui la reçoivent le long du chemin, ce sont ceux qui l'écoutent ; mais le malin vient qui ôte cette parole de leur coeur, de peur qu'en croyant, ils ne soient sauvés.
Ceux qui la reçoivent dans des endroits pierreux, ce sont ceux qui ayant ouï la parole la reçoivent avec joie, mais ils n'ont point de racine et ils ne croient que pour un temps, et quand la tentation survient, ils se retirent.
Et ce qui est tombé parmi les épines, ce sont ceux qui ont entendu la parole, mais qui, s'en allant, la laissent étouffer par les inquiétudes, par les richesses et par les voluptés de cette vie, de sorte qu'ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité.
Mais ce qui est tombé dans une bonne terre, ce sont ceux qui ayant ouï la parole avec un coeur honnête et bon, la retiennent et portent du fruit avec persévérance.

Luc VIII, 4-15.

Mes frères, de la nature du sol dépend le sort de la semence qui lui a été confiée. Le meilleur grain sera condamné à périr inutilement, s'il tombe dans une terre ingrate, stérile, mauvaise. C'est cette dernière qui sera la cause du chagrin de celui qui a travaillé pour avoir du fruit et qui comprend que son attente a été trompée.

Faites de tout cela une application à l'oeuvre spirituelle qui se produit par les soins de notre Dieu dans nos coeurs et les coeurs de nos semblables. Vous êtes, s'est écrié un apôtre, le champ que Dieu cultive. Infatigable, le divin semeur passe et repasse, jetant la semence de la parole dans le sol qu'il rencontre sur son chemin. Hélas ! les trois quarts de ce qu'il donne si généreusement sont perdus, parce que le terrain dont il s'occupe est mauvais. Les trois quarts de toutes les bonnes paroles de Dieu qui viennent frapper nos oreilles, chercher nos coeurs, instruire nos âmes, sont perdus, parce que nous ne savons pas recevoir, faire fructifier ces germes de vie ; parce que tour à tour, nous sommes : le chemin durci, la terre cachant le rocher, le terrain plein d'épines ; parce que, en un mot, nous ne sommes pas la bonne terre. Perdus, les trois quarts de ce que nous avons spirituellement reçu de Dieu, du Seigneur Jésus-Christ ! Perdu, tant d'amour divin ; perdues, tant d'heures de grâce ; perdues, tant d'espérances ; perdues, tant de vertus du ciel, perdu tout cela par notre faute, oh ! quelle humiliation ! Comment nous pardonner à nous-mêmes d'avoir si mal récompensé l'activité de notre Dieu si persévérante et si bonne ? Comment nous tranquilliser à cette pensée que le divin Semeur, loin d'ignorer ou d'oublier ce qu'il a fait pour nous, sait fort bien ce qu'il est en droit d'attendre de notre part : Il sera beaucoup redemandé à celui qui a reçu beaucoup. Il l'a dit lui-même. Confus, honteux, effrayés, nous baissons la tête, nous, les auditeurs oublieux, les gens sans intelligence et tardifs à croire. Prends pitié, Seigneur, fais grâce à ton champ qui mériterait que tu l'abandonnes, que tu ne t'en soucies plus, que tu le livres à une éternelle stérilité ; reviens, toi qui t'appelles le fidèle, recommence ton travail ! Voici, nous voudrions mieux te comprendre, mieux répondre à tes efforts, être plus dignes de toi, plus attentifs aux choses qui regardent notre paix. Une bonne terre ! Oh ! Seigneur, fais en sorte que nous soyons la bonne terre.

I

La bonne terre, qu'est-elle ? Pour bien le comprendre, il faudrait, peut-être, rappeler d'abord ce qu'elle n'est pas. Elle n'est pas un terrain si excellent qu'elle puisse se passer, pour produire, de la semence du semeur. Elle ne renferme pas, dans son sein, je ne sais quelles vertus puissantes qui, à un moment donné, sous l'action du soleil et de la pluie, feraient sortir une moisson. Où donc auriez-vous rencontré dans la nature ce sol merveilleux ? Quelque bon que soit le terrain de nos jardins et de nos champs, si vous n'y déposez le grain avec son germe de vie, vous ne verrez jamais de fruit. Il n'en est pas autrement du coeur de l'homme. Le champ de Dieu demeure stérile, fut-il des mieux conditionnés, si la semence céleste n'y est jetée. Incapables par nous-mêmes de faire le bien : voilà notre nature, notre histoire. Il y en a beaucoup qui voudraient protester ; jaloux de la gloire de l'homme, pleins d'illusions sur leur état moral, ils parlent de la bonté du coeur naturel : ils en vantent les vertus. Hélas ! il n'y aura là que de l'ivraie superbe verdure, je le veux bien, mais ce qui fera défaut, c'est l'épi, C'est le froment, c'est le fruit digne du grenier et qui ne se trouve que là où a travaillé le semeur divin répandant sa semence.

Non, mes frères, la bonne terre n'est toujours que de la terre. Mais si c'est là ce qu'elle a de commun avec le chemin durci, avec le terrain rocailleux, avec le sol épineux, elle possède aussi une qualité qui la distingue, qui lui est propre et qui fait d'elle une terre utile : c'est qu'elle a été labourée, ouverte par la charrue, amollie, nourrie de tout ce qui peut servir à la germination, à la croissance de la plante. Il n'y a plus en elle tous ces ennemis que le grain rencontre là où le sol est foulé par les pieds des passants et où s'abattent les oiseaux du ciel. On en a fait disparaître et les ronces et les épines, obstacles dangereux, insurmontables pour le frêle germe. Le cultivateur l'a remuée jusque dans ses profondeurs et elle a laissé faire cette main, en apparence si cruelle, si impitoyable, mais de fait si entendue, si sage, si bonne. Elle a accepté aussi avec une muette soumission tout ce qu'il a plu à son maître de déposer en elle. Elle s'est laissé enrichir de tout ce qui lui manquait pour que le grain qui lui était destiné pût fructifier. Son mérite, en un mot, c'est de ne pas avoir opposé de résistance, d'avoir eu confiance et de s'être laissé préparer pour le jour où elle devait recevoir son précieux dépôt.

Ah ! mes frères, quel exemple que celui que donne à mon coeur le sol docile qui m'a permis de le traiter comme je l'entendais et par tous les moyens dont disposait ma main, en attendant que j'y jetasse la semence. Qu'en pensez-vous ? Ne faudrait-il pas lui ressembler ? Ne faudrait-il pas accepter comme lui les travaux préparatoires du semeur ? Ne faudrait-il pas, avant d'ouvrir notre Bible, avant de nous rendre dans nos temples et dans nos chapelles, avant d'écouter la Parole et avant de la lire, ne faudrait-il pas, avant de recevoir la semence divine, assurer à celle-ci les conditions de vie qu'elle demande ? Jésus nous dit que la bonne terre, ce sont ceux qui entendent la Parole avec un coeur honnête et bon. Qu'est-ce donc que ces dispositions morales qui sont nécessaires pour que l'oeuvre du divin cultivateur réussisse ?

Honnête et bon, aux yeux de Dieu, il le sera, le coeur de cet homme qui aura permis à l'Esprit de Dieu de toucher sa conscience et d'y faire naître ces désirs de pardon et de sainteté qui, devant Dieu, sont d'un si grand prix. Ne croyez pas que ce travail s'accomplisse sans que notre orgueil et notre vanité en souffrent. Ce sont de douloureux sillons, ceux que la main divine trace dans le coeur naturel, afin de le rendre propre à recevoir et à retenir la semence divine.
Il nous en coûtera de convenir que nous avons manqué ; que, dans nos rapports, il y a plus d'égoïsme que d'amour ; que le mal s'attache à nous pour nous perdre ; que nous n'avons qu'à baisser la tête et à passer condamnation.
Il nous en coûtera de ramener nos pensées vagabondes sur notre propre personne, de les fixer sur nos misères et nos besoins personnels, d'être ce mendiant qui, en toute humilité. implore pour lui-même, et pour l'amour de la miséricorde divine, un morceau du pain céleste.
Il nous en coûtera de tourner franchement le dos à telle habitude mauvaise, de nous arracher à ce filet pernicieux du péché qui nous retient dans ses mailles, de sacrifier aux pieds de notre Dieu nos ressentiments, nos souvenirs fâcheux, nos préventions et nos soupçons. Il nous sera difficile de nous glisser, humiliés, pauvres, aux pieds de notre Dieu pour lui demander comme une grâce, de nous instruire, de nous purifier, de nous sanctifier, de nous renouveler à son image ; difficile de nous laisser retourner, labourer, déchirer comme la terre est déchirée par la charrue, difficile de ne pas résister à ce travail nécessaire; difficile d'accepter ce que le St-Esprit, dans le silence de notre cabinet, travaille à opérer dans nos coeurs, afin de les prédisposer pour la parole. Comprenez-vous pourquoi tant de prédications, tant de cultes, tant de lectures, tant d'efforts du semeur ont été vains pour vous, en dépit de ce que vous nommiez vos bonnes dispositions ? Vous ne l'avez pas laissé faire cette main, impitoyable dans son amour et sa sagesse, qui aurait voulu créer en vous le coeur honnête et bon, seul capable d'écouter et de retenir la Parole de Dieu. Vous n'avez point subi, comme une terre docile, ces déchirements de la charrue que n'a pu vous épargner le céleste semeur. Que de détails dans le monde de nos pensées et de notre conduite que nous avons voulu mettre à l'abri de sa parole, de peur qu'elle ne les atteignît, les jugeât, les condamnât ? Il aurait fallu être prêt à tout livrer, à tout donner, à tout accepter. C'est alors que nous eussions été la bonne terre.

II

La bonne terre ! Vous êtes-vous jamais arrêtés, dans quelque jour d'automne, devant un de ces champs de blé, blancs pour la moisson, dont les lourds épis se courbent sous leur propre poids vers le sol fertile qui les a produits ? Quelle image de la bénédiction de Dieu ! Quel miracle étonnant ! Quel magnifique résultat du contact dans lequel se sont trouvés le grain jeté par la main de l'homme et la bonne terre préparée pour le recevoir ! Qui aurait cru, si l'expérience ne l'avait montré, à ce spectacle merveilleux : le grain redevenu vivant après avoir été mort dans les entrailles de la terre ; le grain multiplié, ayant rapporté trente, soixante, cent autres grains, récompensant ainsi les labeurs du semeur et faisant tressaillir son coeur de joie ? 0 mystère de la puissance et de la bonté de Dieu !

Mes frères, ce qui se voit dans la nature, doit se voir aussi et se verra dans le domaine spirituel. L'autre partie, dit Jésus, tomba dans une bonne terre et étant levée, elle rendit son fruit, cent pour un. Ce sont ceux qui, ayant ouï la parole, avec un coeur honnête et bon, la retiennent et portent du fruit avec persévérance. Qu'est-ce à dire, sinon que l'Évangile produira dans ces hommes une oeuvre magnifique, plus étonnante encore que celle que nous constatons dans nos campagnes ? La parole, une seule parole, peut-être, qui avait été semée dans leur coeur, opérera en eux un travail spirituel qui proclame à haute voix la puissance de l'Évangile. En eux éclatera une vie nouvelle. En eux mûriront les fruits de l'Esprit. Voici, ils apprennent à supporter, à pardonner, à aimer. Ils échappent à l'esclavage de leur irritabilité, de leur humeur difficile, de leur nature méfiante, de leurs envies et de leur orgueil. Ils ne vivent plus comme vivent les enfants de ce monde, infidèles dans les petites et dans les grandes choses, dépourvus de droiture, paresseux à s'employer pour autrui, pleins de recherche d'eux-mêmes, assujettis à leurs convoitises et à leurs passions. Les choses vieilles sont passées ; toutes choses, en eux, sont devenues nouvelles. Le grain de l'Évangile a porté son fruit, cent pour un.

Mes frères, il peut nous arriver d'oublier que c'est là l'état normal des choses et que le contraire, c'est le désordre. Nous nous habituons bien facilement à cette pensée que, quoique ceux qui entendent la Parole ne progressent pas spirituellement, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Que d'auditeurs de la Parole qui, d'année en année, traînent les mêmes défauts, les mêmes péchés, les mêmes rancunes, le même amour-propre et auxquels leur conscience ne semble pas faire de reproches. Sachons donc qu'il faudrait tirer de cela cette triste, cette humiliante conclusion que nous ne sommes pas la bonne terre. La bonne terre, une fois que la semence lui a été confiée, portera du fruit. Cent pour un ; la parole du Seigneur, déposée dans un coeur honnête et bon, ne retourne, pas à lui sans avoir eu son effet. Elle sera retenue dans ce sol préparé et la moisson lèvera. Non pas, il est vrai, d'une manière magique, indépendamment de l'homme, en quelque sorte malgré l'homme. Ils portent du fruit avec persévérance, dit Jésus, demandant par là beaucoup, de la volonté de l'homme, sa ferme résolution de voir l'oeuvre de Dieu atteindre en lui son but. Accordez encore cela, vous qui avez reçu la semence dans un coeur honnête et bon, et il ne se peut pas que la semence divine ne produise en vous ses miracles. Peut-être seront-ils plus lents à paraître chez les uns que chez les autres, moins éclatants ici que là ; mais ce qui est certain, c'est qu'ils paraîtront en leur temps. Vous êtes destinés, vous aussi, et vous tous, à annoncer les vertus de Celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière. Voici, vous avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la Parole, de Dieu qui vit et qui demeure éternellement.

Mes frères, au milieu de cet admirable petit discours qui s'appelle la parabole du semeur, Jésus s'est écrié : Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende. Je m'empare de ces paroles du Maître. Au nom de cette bouche autorisée, au nom de ce Sauveur qui veut notre salut, notre régénération, notre paix, je répète à mon tour : Que celui qui a des oreilles pour ouïr, entende ! Amen.


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