Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

La Papauté

& 2. - LA PAPAUTÉ ET SES PRIVILÈGES.



M. le curé. - Comme vous avez bien fait de me conseiller de consulter les Pères ! Non que j'aie eu la patience de les traduire, mais j'ai ouvert par aventure un admirable ouvrage sur la Papauté.
Quelle grandeur dans cette institution !
Quels pouvoirs exercés à travers les siècles !
Quels privilèges lui ont été accordés !
Je n'ai plus besoin de savoir s'il faut ou non remonter à saint Pierre.
Le Pape est le chef de la chrétienté, c'est un titre sacré qui le revêt d'une autorité qui impose !

M. A. - Apercevez-vous sur cette éminence, un peu à l'est, les ruines majestueuses d'un antique château féodal ? Asseyons-nous en face d'elles, leur puissance d'autrefois et leur ruine actuelle nous inspireront dans notre causerie...

M. le curé. - Je n'aime pas avoir devant mes yeux les ruines d'une antique puissance.... je préfère reposer ma vue sur mon paisible clocher.

M. A. - On sonnait un glas ce matin...

M. le curé. - Pour un pauvre père de famille qui laisse deux orphelins, l'Eglise catholique romaine n'est pas orpheline comme l'église protestante, elle a un père : le Pape.

M. A. - Ce nom de père est bien doux dans le langage naïf de l'enfant. Pape, père, c'est le même mot. Les premiers évêques de Rome se faisaient-ils appeler ainsi ?

M. le curé. - Pas dans les premiers siècles. En 381, au Concile de Constantinople, les cinq évêques les plus influents portaient le titre de patriarches ; en 451, l'évêque de Rome est appelé évêque métropolitain.

M. A. - Nous sommes au VIe siècle et le titre de pape n'a pas été porté.

M. le Curé. - C'est vers la fin de ce siècle que l'évêque d'Orient a voulu le prendre et se déclarer évêque universel.

M. A. - Vous connaissez la protestation de Grégoire I le Grand... (1).

M. le Curé. - Elle est compréhensible : Jean lui coupait l'herbe sous les pieds.

M. A. - Mais je ne trouve que Grégoire VII au XIe siècle qui se dise « Pape » (Grégoire contre Jean le Jeûneur de Constantinople qui se disait « évêque universel )». !

M. le Curé. - Voilà pourquoi ce titre est précieux : il a été conquis de haute lutte !

M. A. - Saint Bernard a refusé de le reconnaître, il n'a pas cessé de considérer l'évêque de Rome comme le premier entre ses égaux.

M. le Curé. - Il a eu tort, car enfin si le chef de l'Eglise s'appelle Pape, cela n'a rien qui jure avec l'Évangile !

M. A. - Ce serait une qualification honorifique : elle ne soulèverait aucune protestation, mais elle fait dire à celui qui le porte qu'il est très saint. Il devient en fait le Père du Christianisme.

M. le Curé. - Je crois bien ! Le Pape, c'est le représentant de Dieu sur la terre !

M. A. - Jésus a dit :
« Quand vous priez, dites : Notre Père qui êtes aux cieux ».

M. le Curé. - Aussi, nous adressons notre Pater à Dieu..., nous ne prions jamais le pape...

M. A. - « O saint docteur, bienheureux N. priez pour nous le Fils de Dieu... » (2).
Que dites-vous de cela ? N'est-ce point une prière ?

M. le Curé. - Nous ne prions les pontifes que lorsqu'ils sont morts.

M. A. - Êtes-vous sûrs qu'ils sont tous auprès de Dieu ? Alexandre VI Borgia, par exemple...

M. le Curé. - On ne le prie pas, voilà tout...

M. A. - Mais il a porté le titre de Très Saint Père et Jésus-Christ a dit :
« N'appelez personne votre père, car un seul est votre Père, lequel est dans les cieux (3). »

M. le Curé. - Nos fidèles ne liront jamais ce verset dans leur Paroissien et ils continueront à appeler Pape l'évêque de Rome !

M. A. - Que signifie la triple tiare que porte le Pape ?

M. le Curé.. - Elle est le signe de sa royauté.
Chaque couronne de la tiare est une époque glorieuse de la Papauté. Jusqu'au XIIIe siècle il n'y en avait qu'une, Boniface VIII (1294-1303) ajouta la seconde et Urbain V (1362-1370) la troisième.

M. A. - Vous me parlez de royauté à propos du vicaire de Jésus-Christ ! Mais Notre Seigneur n'a pas voulu être roi :
« Jésus - nous raconte saint Jean - sachant qu'ils allaient venir pour l'enlever et le faire roi, s'enfuit et se retira seul sur la montagne (4). »

M. le Curé. - Tout dépend des circonstances. Jésus dit à Pilate : « Je suis roi. » (Jean 18-37).

M. A. - Mais Notre Seigneur avait auparavant défini le caractère de sa royauté :
« Mon royaume n'est pas de ce monde » (Jean 18 : 36).

M. le Curé. - Le pape ne porte le titre de roi que parce qu'il est souverain Pontife, l'un ne va pas sans l'autre.

M. A. - En latin, comment dites-vous ces mêmes mots ?

M. le Curé. - Pontifex Maximus.

M. A. - Cela ne vous rappelle-t-il pas l'histoire romaine ?

M. le Curé. - Vous voulez dire que ce titre vient du paganisme ! ...

M. A. - Numa Pompilius au VIIe siècle avant J.-C. créa cette charge suprême; après lui tous les empereurs romains se l'attribuèrent...

M. le Curé. - À l'exception de Flavien Gratien qui le refusa.

M. A. - Parce qu'il était chrétien et il renonça non seulement au titre, mais encore aux ornements pontificaux.

M. le Curé. - Les papes n'ont pas recueilli un héritage païen, ils ont toujours été les vicaires du Souverain Pontife Jésus-Christ...

M. A. - Quel titre donnait-on à Anne et Caïphe qui jugèrent les premiers Notre Seigneur ?

M. le Curé. - Ils étaient grands prêtres (5).

M. A. - Quel est le mot grec qui désigne cette fonction ?

M. le Curé. - Archieréos.

M. A. - Je le retrouve appliqué à Jésus dans l'épître aux Hébreux. Comment votre Paroissien le traduit-il ?

M. le Curé. - Il le traduit Pontife.

M. A. - Pourquoi vous servez-vous de deux mots très différents pour traduire un même mot grec ?

M. le Curé. - On aura voulu exprimer que, si le moi était le même, la charge était autre : Jésus était le Pontife par excellence.

M. A. - Dès lors il fallait conserver au pape le titre de grand prêtre plutôt que de lui laisser prendre celui de pontife, surtout lorsque l'Écriture Sainte dit :
« Jésus-Christ n'a point pris de lui-même la glorieuse qualité de Pontife, mais il l'a reçue de celui qui lui a dit : Vous êtes mon Fils, Je vous ai engendré aujourd'hui (6). »

M. le Curé. - Vous n'avez pas remarqué que le pape dans son sacerdoce relève de Jésus-Christ et non d'Anne et Caïphe. L'abbé Bougaud a dit très bien : « Le pape est le second mode de la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eglise (7). »
Le sacerdoce de Notre Seigneur se continue dans son vicaire.

M. A. - Votre paroissien me paraît émettre une opinion opposée :
« Jésus qui vit éternellement a un sacerdoce qui ne passera jamais à personne. C'est pourquoi il est toujours en état de sauver tous ceux qui, par sa médiation, s'approchent de Dieu, puisqu'il vit toujours pour intercéder en notre faveur (8). »

M. le Curé. - Bien que nous nous soyons détournés des ruines féodales dont vous me parliez elles ne vous inspirent que trop.

M. A. - Je n'aime pas plus que vous les puissances qui s'effondrent, si je discute, c'est que je redoute un affaiblissement du christianisme, causé par les erreurs qui se glissent dans son sein.
Je voudrais donner à l'Eglise chrétienne un chef qui ne fût pas un cardinal, élu pape par le Conclave, mais Jésus-Christ :
« Jésus-Christ est le chef de l'Eglise, qui est son corps, dont il est le Sauveur » (9).

M. le Curé. - Quel serait son vicaire si vous n'acceptez pas le pape ?

M. A. - Le Saint-Esprit que Notre Seigneur a promis d'envoyer, et qui a pour but de le remplacer dans l'Eglise, jusque dans la consommation des siècles :
« Et voici, dit Jésus, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde (10). »

M. le Curé. - Votre conception a quelque chose de mystique, qui s'accorde mal avec nos besoins temporels.

M. A. - Les ruines de ce château jadis si puissant, la terreur du pays, vous montrent la fin qui est réservée ici-bas à tout pouvoir temporel.

M. le Curé. - Approuveriez-vous cet acte inqualifiable, commis en 1870, par lequel on a dépouillé le Souverain Pontife de son pouvoir temporel ?

M. A. - Était-il d'institution divine ?

M. le Curé. - C'était une chose sacrée comme la personne même du Pape... il fallait respecter notre chef vénérable.

M. A. - L'origine du pouvoir temporel ne me paraît pas sacrée.

M. le Curé. - Elle est obscure, j'en conviens. Vous allez me répéter ce qu'on a dit et redit : qu'elle repose sur un écrit qu'on appelle justement : Les Fausses décrétales de Saint-Isidore ; que la donation de Constantin a été inventée pour les besoins de la cause... Les protestants ont toujours de pareils arguments.
Je ne veux savoir qu'une chose, c'est que le roi Pépin le Bref a reconnu la légitimité du pouvoir temporel.

M. A. - Parce qu'il a été trompé par ces fausses décrétales. Baronius les appelle une fourberie ; le pape Pie VI, une fraude ; le père jésuite Regnon confesse qu'elles n'ont fait que du mal (11). Si Pépin le Bref avait pu faire étudier cet écrit comme le feront plus tard Laurent Valla, Érasme et Ulric de Hutten, il aurait gardé pour la couronne de France : Rimini, Pesaro, Fano, Sinagaglia et Ancône, conquises sur les Lombards, au lieu de les céder au Pape.

M. le Curé. - Charlemagne a admis à son tour l'authenticité des Décrétales, car il a ajouté Ravenne, le duché de Pérouse et le duché de Spolète.

M. A. - La comtesse Mathilde de Toscane a eu la même crédulité. elle céda en 1077 à Grégoire VII le riche territoire appelé « Patrimoine de Saint-Pierre » avec Viterbe pour capitale.

M. le Curé. - On est indigné quand on pense que toutes ces belles provinces ont été enlevées au Saint-Père en 1870 ! Il s'est vu obligé de licencier ses soldats, de retirer sa monnaie et ses timbres de la circulation.... depuis lors, pour protester, il reste prisonnier au Vatican.

M. A. - Le Pape avait-il le droit, en raison même de sa fonction, d'amasser des trésors sur la terre ?

M. le Curé. - Pour établir sa domination, l'Eglise avait besoin d'un pouvoir temporel.

M. A. - Vous avez raison, c'est sa domination que l'EgIise poursuivait car, pour établir le royaume de Dieu, il était recommandé de n'avoir d'autre richesse que celle qui nous attend au ciel :
« Ne vous amassez point des trésors sur la terre où la rouille et les vers consument, où les voleurs fouillent et dérobent, mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la rouille ni les vers ne consument, où les voleurs ne fouillent ni ne dérobent. Car, où est votre trésor, là aussi est votre coeur (12). »

M. le Curé. - Vous distinguez avec raison le pouvoir temporel du pouvoir spirituel ; mais dans ses relations avec les États, le Pape devait avoir une puissance matérielle.

M. A. - La puissance de l'Évangile suffisait. Le Christ a dit :
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu (13). »

M. le Curé. - Vous estimez donc que le Souverain Pontife ne pouvait avoir aucun royaume terrestre, aucun soldat pour le défendre !

M. A. - C'est dans ce sens que doit être interprétée cette parole de Notre Seigneur :
« Mon royaume n'est pas de ce monde. » (14)
Livré aux cohortes romaines, Jésus ne se défendit pas, il intima l'ordre à saint Pierre de remettre son épée dans le fourreau et, dit :
« Pensez-vous que je ne puisse pas prier mon Père, et ne m'enverrait-il pas aussitôt plus de douze légions d'anges ? (15) »

M. le Curé. - Cependant les Papes ont toujours augmenté leur pouvoir temporel, ils devaient sans doute cette politique à leur grand prédécesseur saint Pierre ...

M. A. - Vous oubliez que cet apôtre était pauvre et qu'il a voulu rester pauvre.

Il disait à un paralytique qu'il guérissait :
« Je n'ai ni or ni argent, mais ce que j'ai je te le donne. (16) »
S'il avait occupé le trône pontifical, il aurait laissé cette grande leçon à ses successeurs.

M. le Curé. - Jésus a-t-il laissé un ordre catégorique à cet égard ?

M. A. - Oui, mais je ne l'ai point trouvé dans le Paroissien. Le voici :
« C'est gratuitement que vous avez reçu, gratuitement donnez. Ne possédez ni or, ni argent, ni aucune monnaie dans vos ceintures (17). »

M. le Curé. - Il n'en est pas moins vrai que la puissance de la papauté serait nulle sans les trésors immenses qu'elle a accumulés et qui la rendent redoutable.

M. A. - Je crois que la puissance politique des papes eût souffert de leur pauvreté ; mais leur puissance spirituelle aurait atteint un suprême degré.

M. le Curé. - Pensez-vous que le pouvoir spirituel l'eût emporté sur le temporel ?

M. A. - À la condition, bien entendu, que ce pouvoir spirituel serait resté en conformité avec l'Évangile.

M. le Curé. - Encore une critique ! Que trouvez-vous donc d'extraordinaire dans ce pouvoir que nous définissons ainsi :
« Notre Saint Père a le droit de faire des lois au nom de Jésus-Christ, de les rendre obligatoires en conscience, comme aussi d'en diminuer la rigueur ou de dispenser même de les observer » (18).

M. A. - Cette fonction de législateur attribuée au pape est-elle de droit divin ?

M. le Curé. - C'est incontestable. Elle découle en droite ligne des privilèges accordés à saint Pierre par Notre Seigneur.

M. A. - Nous avons traité cette question. Les apôtres sont égaux :
« Que celui qui est le plus grand parmi vous se fasse comme le plus petit, et celui qui tient le premier rang comme celui qui sert » (19).
Appliquez cela au pape et aux évêques.

M. le Curé. - Jésus a voulu abattre l'orgueil des apôtres et non leur interdire de faire des lois. Tout ce que saint Pierre liera sera lié, tout ce qu'il déliera sera délié.

M. A. - Jésus n'a jamais autorisé l'un quelconque de ses disciples à remplir les fonctions de législateur :
« Il n'y a qu'un législateur et qu'un juge qui peut perdre et sauver » (20).
Et ce n'est pas le pape.

M. le Curé. - Ce pouvoir que vous contestez s'appuye sur cette parole :
« Qui vous écoute, m'écoute ; et qui vous méprise, me méprise » (21).

M. A. - J'y vois la confirmation du ministère dont Jésus avait chargé ses apôtres. Ils reproduisaient dans leurs récits les actes et les enseignements du Maître, si bien que, en les entendant parler, le peuple entendait Jésus lui-même.
Mais je ne trouve point là le pouvoir de « faire des lois », « d'en diminuer la rigueur », « de dispenser même de les observer ».
Cette liberté, Dieu ne l'a point exercée. Jamais Il n'a diminué la rigueur du Décalogue ni dispensé de l'observer. Notre Seigneur a déclaré la loi divine inviolable à quelque titre que ce soit :
« Celui qui violera un de ces moindres commandements et enseignera ainsi aux hommes, sera appelé le dernier dans le Royaume des Cieux ; mais celui qui fera et enseignera, celui-là sera appelé grand dans le Royaume des Cieux » (22).

M. le Curé. - D'accord, d'accord..., mais ceci concerne la loi divine infiniment sage et non les lois de l'Église.

M. A. - Précisément, et cela seul vous montre combien leur différence est fondamentale.
Gardons les lois divines, assez difficiles à observer, sans nous embarrasser par surcroît de lois humaines imparfaites, qu'un pape peut à son gré promulguer, abroger ou adoucir.

M. le Curé. - Les commandements de l'Église ont été ajoutés à ceux de Dieu pour nous en faciliter l'observation (23).

M. A. - Est-ce pour faciliter l'observation du Ve commandement que l'Église a usé du pouvoir de persécution :
« Homicide point ne seras, DE FAIT ni volontairement ».

M. le Curé. - L'Eglise n'a employé la force que pour sa légitime défense contre les infidèles et les hérétiques.

M. A. - Les Apôtres n'ont jamais songé à fonder l'Église de Jésus-Christ par la violence et l'extermination : au lieu de résister en armant les fidèles contre les empereurs idolâtres, Néron, Décius et d'autres, ils sont morts martyrs.

M. le Curé. - C'était le début ; lorsque le christianisme a été plus fort il a pris sa revanche sur les païens, grâce au secours des empereurs.

M. A. - L'Église ne prenait pas sa revanche lorsqu'elle massacrait les Albigeois au XIIIe siècle, ou quand son fameux tribunal de l'Inquisition terrorisait la chrétienté, on encore la nuit de la Saint-Barthélemy (1572) et au temps des dragonnades.

M. le Curé. - il faudrait attribuer au pouvoir civil sa grosse part de responsabilité. Quoi qu'il en soit, je ne puis discuter plus longtemps avec vous, le Syllabus vous maudit :
« Anathème à qui dira : l'Eglise n'a pas le droit d'employer la force ; elle n'a aucun pouvoir temporel direct ou indirect. » (24)

M. A. - Ce qui me console c'est que je suis sous le coup de cette condamnation en compagnie du Paroissien.

M. le Curé. - Comment cela ?

M. A. - Jésus dit à ses disciples menacés de persécutions : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme. » (25)

M. le Curé. - Vous me rassurez, il n'y a rien là qui puisse mériter l'anathème.

M. A. - Vraiment ? Que direz-vous alors de cet autre passage où Jésus censure Jacques et Jean parce qu'ils appelaient le feu du ciel sur un bourg Samaritain :
« Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes ! (26). »

M. le Curé. - Je dis qu'il n'est pas dans le Paroissien.

M. A. - Et celui-ci : C'est Jésus qui reproche à Simon-Pierre d'avoir tiré son épée contre Malchus :
« Remettez votre épée dans son fourreau, car tous ceux qui se serviront du glaive, périront par le glaive. » (27)

M. le Curé. - Je vous répète que l'Église a employé la force par intérêt pour les fidèles, dans le but sacré de la propagation de la foi.

M. A. - Saint Pierre agissait dans l'intérêt de Jésus et il a mérité cette sévère réprimande.

M. le Curé. - Saint Augustin a dit en toutes lettres : « Compelle intrare », Force-les d'entrer.

Tous ceux donc qui refusent de nous recevoir, païens ou hérétiques, doivent être contraints par tous les moyens, même les plus violents. Il vaut mieux qu'ils aillent en Paradis après avoir perdu leur vie sur un bûcher, que si le diable saisissait leur âme.

M. A. - Vous usez d'une étrange apologie ! Eh quoi ! vous dites « Hors de l'Église point de salut » et vous précipitez les âmes qui ne sont point à vous dans l'Éternité, avant qu'elles aient pu se convertir !
Vous avez mal interprété la parole que saint Augustin emprunte à la parabole du festin.
« Le Maître dit au serviteur : Allez dans les chemins et le long des haies, et pressez les gens d'entrer, afin que ma maison soit remplie. » (28)
Il s'agissait de faire fête aux invités et non de les mettre à mort.

M. le Curé. - L'Eglise a eu à souffrir du fait des hérésies ; la Réforme du XVIe siècle lui a porté un coup violent.... il était juste qu'elle se défendît.

M. A.. - Elle le pouvait d'une manière qui lui eût concilié tous les coeurs. La tendresse et l'affection chrétiennes auraient dû remplacer le glaive ; la vérité n'a pas besoin de sang pour triompher, c'est l'erreur qui réclame la force brutale. Voici les armes que Jésus avait données :
« Vous aimerez votre prochain comme vous-même. L'amour qu'on a pour le prochain ne souffre pas qu'on lui fasse de mal. Ainsi l'amour est l'accomplissement de la loi (29). »

M. le Curé. - Luther et Calvin ont brisé l'unité de l'Église, le mal qu'ils ont fait crie vengeance !

M. A. - Permettez, au lieu de les calomnier, vous devriez les aimer...

M. le Curé. - Oh ! cela ! Jamais !

M. A. - « À moi la vengeance et je la ferai - dit le Seigneur, si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger, s'il a soif donnez-lui à boire. (30) »

M. le Curé. - Excusez-moi, j'ai manqué de charité chrétienne. Je souffre plus que je ne sais le dire, de voir la division de l'Église du Christ. Mais comment nous unir ?

M. A. - En ne gardant aucun pouvoir en dehors de l'Évangile, en aimant au lieu de persécuter, en cherchant la vérité au lieu de calomnier vos adversaires ; en ne voulant reconnaître que Jésus-Christ pour chef de l'Église, pour seul médiateur auprès du Père, pour seul Sauveur...

M. le Curé. - La nuit vient, un trouble indéfinissable s'empare de mon âme... je vous quitte... priez pour votre vieil ami !



(1) Greg., V. Ep. 18, VIl. Ep. 33. 

(2) P. R. A Magnificat, pour un Docteur aux I et II vêpres, p. 531.

(3) Mathieu, 23-9.

(4) Jean 6-15 ; P. R., le 4e dimanche de Carême, p. 205.

(5) Matth. 26. P. R., Le dimanche des Rameaux, p. 326.

(6) Hébr. 5-5, La prière de N. S. au jardin des Oliv., p. 613.

(7) Abbé Bougaud, Le Christ et les temps présents, t. IV, l'Eglise.

(8) Heb. 7-24. P. R. Autre messe pour un confesseur pontife, p. 534.

(9) Ephés. 5-23. P. R. Messe pour un mariage, p. 931. 

(10) Matth. 28-20. P. R. La fête de la Sainte-Trinité, p. 402.

(11) Études de Théologie, Paris, novembre 1866. 

(12) Math., 6-19 à 21. P. R. Le Mercredi des Cendres, p. 289.

(13) Math., 22-21. P. R. Le 22e Dimanche après la Pentecôte, p. 482.

(14) Jean 18-36.

(15) Math., 26-53. P. R. Le Dimanche des Rameaux, p. 328.

(16) Actes des apôtres, 3-6. P. R. Le 29 juin, Saint-pierre et Saint-Paul, Antienne 2, p. 762.

(17) Math. 10-9.

(18) Exp. cat. Clerm., p. 88.

(19) Luc 22-2. P. R., 23 juillet, Saint Apollinaire, p. 792.

(20) Jacques 4-12

(21) Luc 10-16, Cat. Cambrai, p. 90.

(22) Matthieu 5-19, P. R., Commun des docteurs, p. 539.

(23) Exp. Cat. Clerm., p. 185.

(24) Syllabus de Pie IX, art. XXIV.

(25) Math. 10-28. P. R. Commun d'un Martyr, p. 504.

(26) Luc 9-55.

(27) Math. 26-51. P. R. Dim. des Rameaux, p. 327, c. -à- d. « mériteront de périr par le glaive, (abbé Glaire). Pour le nom de Malchus, voyez Jean, 18-10.

(28) Luc,14-23. Le Dimanche dans l'Octave du Saint-Sacrement, p. 420

(29) Rom. 13-10. P. R. Le IVe Dim. ap. l'Épiphanie, p. 268. 

(30) Rom. 12-20. P. R. Le IIIe Dim. ap. l'Épiphanie, p. 264.
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