M. A. -
Vous
arrivez de Rome, J'envie votre bonheur. Vous avez
fait un voyage magnifique.
M.
le
Curé. - Le ciel de l'Italie, les
palais et les cathédrales ne m'ont point
fait éprouver une aussi grande
émotion que lorsque j'ai cru voir saint
Pierre, le prince des Apôtres, sous la figure
auguste de Sa Sainteté Léon
XIII.
M.
A. -
Le Pape a de grands pouvoirs et de grands
privilèges...
M.
le
Curé. - Ils sont divins, c'est
Jésus qui les lui a donnés comme
successeur de saint Pierre.
Cet apôtre a occupé
toujours le premier rang, il a reçu le droit
de gouverner les autres. Sa primauté est
double : primauté d'honneur et
primauté de juridiction
(1).
M.
A. -
Quel rapport cela a-t-il avec la
Papauté ?
M.
le
Curé. - Saint Pierre, pape à
Rome pendant 25 ans a transmis ses pouvoirs
à ses successeurs.
M.
A. -
J'ai entendu contester l'authenticité de ce
Pontificat et des pouvoirs de saint Pierre tels que
vous les interprétez.
M.
le
Curé. - Ce sont les protestants. Ces
hérétiques qui disent toujours avoir
la Bible à la main feraient bien de
méditer cette déclaration de Notre
Seigneur :
« Tu es
Pierre, et sur
celle pierre Je bâtirai mon Église (2). »
Cette parole est claire. La base
de
l'Église chrétienne est une pierre
inébranlable, et cette pierre, c'est en
réalité saint Pierre.
M.
A. -
Je comprends autrement cette promesse si
nette ; peut-être serez-vous de mon
avis. L'Église catholique romaine se
dit-elle église de saint Pierre ou
église chrétienne ?
M.
le
Curé.. - Elle s'appelle avec
fierté : Église
chrétienne.
M.
A..
- Donc, elle reconnaît par là que la
base inébranlable sur laquelle elle est
bâtie, c'est Jésus-Christ et non saint
Pierre.
M.
le
Curé. - Je le reconnais,
mais...
M.
A..
- Encore une question. Des deux titres que porte le
Pape : successeur de saint Pierre et vicaire
de Jésus-Christ, lequel est le plus
grand ?
M.
le
Curé. - Je le sais
bien !
M.
A. -
Vous constatez encore vous-même que
l'Église chrétienne est bâtie
sur le Christ, et non sur son disciple.
M.
le
Curé. - J'hésite à vous
suivre dans les subtilités du raisonnement,
je n'accepte de discuter qu'avec mon Paroissien. Il
vous prouvera que la pierre sur laquelle le Christ
a établi son Église, c'est Simon
Pierre. Je ne sors pas de là.
M.
A. -
Saint Paul aura plus d'autorité que moi. Il
écrivait aux Corinthiens :
« Nos
pères....
ont bu tous le même breuvage
mystérieux : car ils buvaient de l'eau
de la pierre mystérieuse qui les suivait, et
cette pierre était Jésus-Christ
(3). »
M.
le
Curé. - C'est une comparaison assez
obscure, et vous connaissez le dicton :
Comparaison n'est pas raison.
M.
A. -
L'opinion de saint Pierre aura plus de
poids.
« Nous
déclarons - dit-il - que cet homme
qui paraît devant vous a été
guéri au nom de Jésus de Nazaret,
Notre Seigneur, que vous avez crucifié et
que Dieu a ressuscité. C'est cette pierre
qui a été rejetée par vous qui
bâtissiez, et elle est devenue la principale
pierre de l'angle. Et il n'y a point de salut par
aucun autre car nul autre nom sous le ciel n'a
été
donné aux hommes, par lequel nous devions
être sauvés (4).
M.
le
Curé. - Si donc Jésus est la
pierre fondamentale de l'Église, de l'aveu
même de saint Pierre, quel sens donnez-vous
à cette parole :
- Tu es Pierre et sur
cette
pierre je bâtirai mon
Église ?
M.
A. -
La pierre dont parle Jésus, le roc
inébranlable contre lequel les puissances
infernales se briseront, c'est la
déclaration admirable de l'Apôtre qui
précède les paroles de Notre
Seigneur :
« Vous êtes le
Christ, le Fils dit Dieu vivant !
(5). »
M.
le
Curé. - Il faudrait pour cela que
dans le latin le substantif que l'on traduit par
pierre fût au féminin.
M.
A. -
C'est ce qui arrive en effet :
« Tu es Petrus
(masculin) et super hanc petram
(féminin) oedificabo ecclesiam
meam. »
M.
le
Curé. - L'interprétation de
l'Eglise catholique romaine s'appuie sur la
tradition unanime des Pères.
M.
A. -
Je vous conseille de consulter Origène,
saint Chrysostome, saint Hilaire de Poitiers, saint
Augustin, saint, Cyrille d'Alexandrie,
Theodoret.... Vous les verrez
interpréter ce passage comme je l'ai
fait.
M.
le
Curé. - À quelle époque
a-t-on détourné, selon vous, le sens
de la promesse de Jésus à
Pierre ?
M.
A. -
Au VIIe siècle, d'accord avec le pape
Agathon (680).
M.
le
Curé. - Si votre opinion est vraie,
elle ne peut empêcher toutefois de
reconnaître la primauté de saint
Pierre. Il est toujours placé le premier
quand les Évangiles citent les
apôtres. Mathieu, par exemple,
dit :
« Or voici les
noms des
douze apôtres : le premier Simon
appelé Pierre ...
(6). »
M.
A. -
Ceci ne reconnaît point à cet
apôtre une double primauté d'honneur
et de juridiction.
M.
le
Curé. - La preuve ?
M.
A. -
C'est que l'apôtre n'a jamais occupé
une place unique dans l'Église des premiers
siècles.
La prédication de
l'Évangile lui a été
confiée au même titre que les autres
apôtres ; il a
évangélisé la Samarie non de
sa propre autorité, mais sur l'invitation
des autres disciples ; il fut obligé de
rendre compte de sa conduite à
Césarée devant l'Église de
Jérusalem ; il ne présida pas
l'élection des sept diacres ; il ne
dirigea pas le premier grand
concile chrétien de Jérusalem, c'est
saint Jacques ; son nom même n'est pas
mentionné dans la première
Encyclique, résultat du concile ; dans
I'Eglise de Jérusalem, il n'occupe que le
deuxième rang ; son ministère
est considéré comme
l'équivalent de celui de saint Paul ;
à Antioche, où il ne marchait pas de
droit pied, saint Paul lui résista en face
(7).
M.
le
Curé. - Vous mettez la Parole de Dieu
en contradiction ; elle nous dit que saint
Pierre est le premier des apôtres, et vous
venez de me montrer qu'il ne l'a pas
été !
M.
A. -
Je laisse toujours à l'Écriture sa
parfaite intégrité ; c'est
pourquoi, au lieu d'attribuer à Simon Pierre
une double primauté d'honneur et de
juridiction, je lui laisse le rang qu'elle lui
donne, de premier entre ses égaux, primus
inter pares.
M.
le
Curé. - Vous allez être fort
embarrassé pour expliquer le pouvoir des
clefs donné par Jésus à Simon
Pierre :
« Je te
donnerai les
clefs du royaume des cieux, et tout ce que tu
lieras sur la terre sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu délieras sur la terre sera
délié dans les cieux
(8). »
M.
A. -
Mon embarras sera moins grand si nous nous
entendons sur l'exercice de ce pouvoir. En quoi
consiste-t-il ?
M.
le
Curé. - Les protestants,
gênés par ce passage, disent que le
pouvoir des clefs, c'est..... la prédication
de l'Évangile ! Toute âme,
disent-ils, liée à Christ sur la
terre par la prédication de
l'Évangile sera de même liée au
ciel ; toute âme déliée de
Satan et du péché par cette
même prédication, sera reçue au
ciel comme déliée de ses
chaînes... On ne peut être plus
puéril pour ne pas dire plus ! L'Eglise
catholique, apostolique et romaine donne au pouvoir
des clefs toute son ampleur ; Pierre devait
être sur la terre un maître qui
pût, à son gré, ouvrir
ou fermer les cieux aux autres hommes
(9).
M.
A. -
Remarquez en premier lieu qu'un pouvoir égal
à celui de saint Pierre fut donné
à tous les apôtres :
« En
vérité, je vous le dis : tout ce
que vous lierez sur la terre, sera lié aussi
dans le ciel, et lotit ce que vous délierez
sur la terre sera délié dans le ciel (10). »
Le pouvoir des clefs n'est donc
pas
le privilège exclusif de saint
Pierre.
M.
le
Curé. - Je vous l'accorde.
M.
A. -
Et que diriez-vous si ce même pouvoir
était délégué à
tous les fidèles ?
M.
le
Curé. - Je dirais..., je dirais...,
c'est une hérésie
protestante !
M.
A. -
L'hérétique alors, ce sera Notre
Seigneur. Après sa résurrection, il
dit aux Fidèles
assemblés :
« Recevez le
Saint-Esprit ; les péchés seront
remis à ceux à qui vous les
remettrez, et ils seront retenus à ceux
à qui vous les retiendrez
(11). »
M.
le
Curé. - Mais il s'agit toujours ici
des onze disciples !
M.
A. -
Il s'agit des onze, augmentés des deux
d'Emmaüs et des autres disciples, en nombre
indéterminé :
« Les
disciples
d'Emmaüs se levant à l'heure
même, ils retournèrent à
Jérusalem, où ils trouvèrent
les onze apôtres avec les autres disciples
assemblés qui leur dirent : Le Seigneur
est ressuscité
(12). »
M.
le
Curé. - Alors, croyez-vous que tout
le monde a le pouvoir, à son gré,
d'ouvrir ou de fermer, les portes du
ciel ?
M.
A. -
L'interprétation que vous défendiez
tout à l'heure entraînerait cette
conséquence inacceptable ; mais la
difficulté cesse lorsque nous disons : tout
fidèle
disciple de Jésus-Christ a le droit de
prêcher l'Évangile ; le
véritable pouvoir des clefs ne peut
être autre chose.
M.
le
Curé. - Voici mon Paroissien ;
je me déclare entièrement de votre
avis si vous y trouvez une seule ligne qui vous
approuve.
M.
A. -
Lisez vous-même à cette
page...
M.
le
Curé. - « Jean et Paul ...
sont les deux oliviers plantés devant
la demeure du Seigneur comme deux
candélabres qui brûlent en sa
présence ; ils ont reçu le
pouvoir de fermer et d'ouvrir les portes du ciel,
car leurs langues sont devenues les clefs du
royaume des cieux... »
(13).
M.
A. -
Qu'en dîtes-vous ?
M.
le
Curé. - Je n'avais jamais
réfléchi à cela... Il n'est
nullement parlé de saint Pierre. que l'on
représente seul avec les clefs du
Paradis... ; leurs langues, c'est
évidemment de la prédication de
l'Évangile dont il s'agit... Vous avez
raison.
M.
A. -
Nous n'avons encore rien dit de la succession
apostolique qui dérive de la primauté
de saint Pierre.
M.
le
Curé. - Cet apôtre devait
posséder, malgré vos dires, de
très grands pouvoirs, puisqu'il les a
légués au pape.
M.
A. -
C'est la tradition qui l'affirme, et non
l'Évangile.
M.
le
Curé. - Je le sais ; mais ces
traditions sont respectables, tant par leur
ancienneté que par la dignité de
leurs auteurs. Ce sont elles qui établissent
d'une manière irréfutable le
Pontificat de saint Pierre à Rome pendant 25
ans.
M.
A. -
Basez-vous sur ce ministère l'institution de
la Papauté avec tous ses privilèges
et ses pouvoirs étendus ?
M.
le
Curé. - Sans le moindre doute. Cet
édifice est d'une solidité telle, que
les coups répétés des
protestants ne l'ébranleront jamais. J'ai vu
à Rome, au Vatican, la chaire où
prêcha saint Pierre, les colonnes où
il fut flagellé avec saint Paul, la pierre
sur la Voie Appienne où est marquée
l'empreinte du pied du Seigneur lorsqu'il apparut
à son apôtre pour lui dire de ne point
quitter la ville, les chaînes qui ont
serré ses mains et ses pieds à
Jérusalem et à Rome, soudées
miraculeusement, j'ai vu la prison Mammertine et le
lieu de sa crucifixion....
M.
A. -
Vous avez admiré de grandes
choses !
Mais je suis un sceptique
endurci
sur le chapitre de ces reliques. Le père
Tillemont, le cardinal Baronius, et d'autres
écrivains catholiques romains ne cachent pas
leurs doutes sur l'authenticité de la
chaire ; les colonnes découvertes
seulement en 1563 appartiennent aux ruines du
mausolée de Scipion l'Africain ;
l'apparition de Jésus est
problématique ; la soudure de la
chaîne d'Hérode avec celle de Néron est une
pieuse légende ; la prison Mammertine
ne servait qu'aux condamnés
politiques ; et l'on montre à Rome
plusieurs endroits pour la crucifixion.
M.
le
Curé. - Plusieurs prêtres
libéraux qui m'accompagnaient m'ont dit tout
cela à Rome..... Ma conviction s'est
plutôt établie sur le consentement
unanime des Pères.
M.
A. -
Vous allez me parler du pape Clément qui
vivait au premier siècle.
M.
le
Curé. - Non, son témoignage
manque de précision ; il ne dit pas que
saint Pierre est mort à Rome.
M.
A. -
Vous avez encore saint Ignace, au commencement du
second siècle.
M.
le
Curé. - Je ne puis le citer : on
conteste l'authenticité du passage
invoqué.
M.
A. -
Citerez-vous alors saint Denis ?
M.
le
Curé. - Précisément. Il
nous dit que saint Pierre et saint Paul ont
planté ensemble l'église de Corinthe,
qu'ils l'ont enseignée ensemble, qu'ils ont
prêché ensemble en Italie, et qu'ils
ont souffert ensemble le martyre
(14).
M.
A. -
Il y a une erreur grave dans le témoignage
de saint Denis : l'église de Corinthe a
été fondée par l'apôtre
saint Paul, tout seul, et non
« ensemble », avec saint
Pierre, en outre.....
M.
le
Curé. - Cela est vrai, mais j'ai
encore le fragment de la prédication de
saint Pierre à Rome rapporté par
saint Cyprien.
M.
A. -
Je le connais, malheureusement il se trouve dans le
traité De non iterando Baptismo qui
n'est pas de saint Cyprien.
M.
le
Curé. - Je ne puis le nier ;
j'ai gardé pour la fin une autorité
de premier ordre que vous ne récuserez
pas.
M.
A. -
C'est de saint Irénée et de
Tertullien dont vous voulez parler ; leur
témoignage a quelque valeur, mais il nous
transporte au troisième siècle
après les
événements.
M.
le
Curé. - ilsplacent d'un commun accord
le martyre de saint Pierre à Rome
(15).
M.
A.
Nous allons admettre pour un instant que leur
témoignage est exact, cela facilitera notre
discussion. Selon ces auteurs, à quelle
époque saint Pierre a-t-il subi le
martyre ?
M.
le
Curé. - Sous Néron, en l'an
66.
M.
A. -
Si nous déduisons de ce nombre les
vingt-cinq années de son pontificat, nous
daterons de l'an 41, l'arrivée de saint
Pierre à Rome.
M.
le
Curé. - On ne peut être plus
exact.
M.
A. -
Or, c'est de cette année, ou même de
l'an 43, que date la persécution
d'Hérode, et saint Pierre était
à Jérusalem.
M.
le
Curé. - Comment
cela ?
M.
A. -
Le livre des Actes des Apôtres nous
dit :
« Le roi
Hérode
se mit à persécuter. quelques-uns de
l'Eglise. Il fit mourir par le glaive Jacques,
frère de Jean. Et voyant que cela plaisait
aux Juifs, il fit aussi prendre Pierre
(16). »
M.
le
Curé. - Vous avez raison, il s'agit
ici d'Hérode Agrippa I, mort en 41
après Jésus-Christ... Mais si la
persécution contre saint Pierre eut lieu au
début de l'an 41, cet apôtre pouvait
être à Rome vers la fin de
l'année.
M.
A. -
En quelle année mourut la Vierge
Marie ?
M.
le
Curé. - En l'an 43. Mais cela n'a
aucun rapport avec la question qui nous
occupe.
M.
A. -
Je vous demande pardon, le cardinal Baronius nous
dit que tous les apôtres étaient
auprès d'elle, sauf Thomas, qui arriva trois
jours en retard (17).
M.
le
Curé. - Saint Pierre avait dû
venir de Rome pour ce grand
événement.... Mais au fond vous
discutez pour une année ou deux.
M.
A. -
Vous verrez que non. Le livre des Actes des
Apôtres (18) raconte que
l'empereur Claude avait ordonné
à tous les Juifs de sortir de Rome. Ce
décret fut très rigoureusement
appliqué, jusqu'en l'an 17. Saint Pierre, en
tant que Juif, ne pouvait donc s'asseoir encore sur
le trône pontifical .....
M.
le
Curé. - Cela est vrai !
Même une note de l'abbé Glaire retarde
la date de cet édit jusqu'en l'an 50 ou 51.
Où devait donc être saint
Pierre ?
M.
A. -
À Babylone, capitale de la Chaldée,
d'où il écrivit sa première
épître vers l'an 45.
M.
le
Curé. - Il faut savoir lire !
Lorsque saint Pierre dit :
« L'Église qui est dans
Babylone, élue comme vous, et Marc, mon
fils, vous saluent »
(19), ou
doit
comprendre la ville de Rome d'où
l'Apôtre écrit cette
lettre.
M.
A. -
Savez-vous à quelle époque on a
commencé à donner à Rome
l'épithète de « Grande
Babylone ? »
M.
le
Curé. - Après l'apparition de
l'Apocalypse de saint Jean.
M.
A. -
Eh bien, cet écrit date de la fin du premier
siècle, donc saint Pierre en écrivant
Babylone, en l'an 45, ne pouvait pas avoir en vue
la capitale de l'empire romain, mais plutôt
la capitale de la Chaldée où il se
trouvait.
M.
le
Curé. - Je ne puis rien dire, si ce
n'est vous rappeler le témoignage
d'Irénée et de Tertullien ; ils
affirment
que saint Paul et saint Pierre ont
prêché ensemble à
Rome.
M.
A. -
Si les faits concordent, j'accepte. En quelle
année saint Paul a-t-il foulé pour la
première fois le sol
romain ?
M.
le
Curé. - À la fin de l'an 60 ou
au printemps de 61, après la
captivité de Césarée... Il a
dû y trouver saint Pierre qui y était
venu au moins après l'édit de Claude
vers l'an 50.
M.
A. -
Lorsque saint Paul écrivit de Corinthe son
épître à l'église de
Rome vers l'an 58 ou 59, il ne fait pas saluer
Pierre, et ce ne peut pas être un oubli
puisqu'il cite par leurs noms 27 membres de cette
église (20).
M.
le
Curé. - Il lui avait peut-être
écrit une lettre
particulière.
M.
A. -
Quand saint Paul est prisonnier à Rome il
reçoit pendant deux ans la visite des
frères chrétiens : celle de
Pierre n'est jamais mentionnée
(21).
M.
le
Curé. - Cet oubli est
regrettable.
M.
A. -
Prisonnier de Néron, près de mourir,
saint Paul écrit à Timothée
que les principaux de l'Eglise l'ont
abandonné
« Luc SEUL est
avec
moi », dit-il (22).
N'était-ce point le moment de
parler de saint Pierre qui, selon
la tradition, était captif comme
lui ?
M.
le
Curé. - Saint Paul pouvait
l'ignorer...
M.
A. -
Il savait cependant quel était
l'évêque de Rome à ce
moment...
M.
le
Curé. - C'était Saint
Pierre...
M.
A. -
Je regrette de vous dire que c'était
Linus...
M.
le
Curé. - Où avez-vous lu
cela ?
M.
A. -
En premier lieu dans une épître de
Paul, il salut Timothée de la part de Linus
et de Claudie.
En second lieu, Eusèbe et
Irénée nous disent -
« Les saints apôtres Pierre et
Paul ont fondé l'Église et remis
à Linus la charge d'évêque.
C'est lui qui fut le premier
évêque auquel succède
Anaclétus, puis, en troisième lieu,
Clément
(23). »
M.
le
Curé. - Je suis d'avis que saint
Pierre étant à Rome, le silence de
l'Apôtre des Gentils ne s'explique que par un
différend qui avait dû se produire
entre eux et auquel le reproche d'Antioche ne
serait point étranger...
M.
A. -
Je ne puis vous approuver, saint-Pierre proteste
contre vos paroles :
« Croyez,
dit-il, que la longanimité de Notre Seigneur est
un moyen de salut, comme notre très cher frère
Paul lui-même vous l'a écrit selon la
sagesse qui lui a été
donnée. »
(24).
M.
le
Curé. - Vous avez de sérieux
arguments contre le Pontificat de 25 années,
de saint Pierre à Rome. S'il y est
allé, c'est pour y mourir peu après
son arrivée... Mais je ne comprends pas
pourquoi il n'aurait pas occupé le
trône pontifical pendant un quart de
siècle !
M.
A. -
La raison est bien simple, saint Pierre a
obéi à son Maître qui avait
dit :
« Allez,
évangélisez toutes les
nations. »
Si l'apôtre saint Pierre
était resté dans une seule ville,
Rome, il ne serait pas allé dans le monde
pour évangéliser les nations... Nous
l'avons vu en Asie, c'était plutôt sa
place : il a donc obéi.
M.
le
Curé. - L'Angelus sonne... il
est temps de nous séparer... j'ai encore
bien des choses à vous demander, au revoir,
à bientôt !
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