Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Voix Chrétiennes dans la Tourmente



 SERVICE DE RENTRÉE

I - Pasteur A. -N. BERTRAND
II - Pasteur G. VIDAL
Ill - Pasteur P. VERGARA
24 Octobre 1944

LECTURES BIBLIQUES

Mes frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement que votre liberté ne serve pas d'excitation à la chair ; mais, par la charité, mettez-vous au service les uns des autres, car toute la loi se résume dans une seule parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si vous vous mordez et vous déchirez les uns les autres, prenez garde que vous ne vous détruisiez les uns les autres,

Je vous le dis, marchez par l'esprit, n'accomplissez pas les désirs de la chair. La chair en effet a des désirs contraires à ceux de l'esprit, et l'esprit en a de contraires à ceux de la chair. Il y a opposition entre eux, en sorte que l'on ne fait pas ce que l'on voudrait... Ceux qui appartiennent à Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs ; si donc nous vivons par l'esprit, marchons aussi selon l'esprit.

GALATES, CH. V, V. 13 A 17 ET 24-25.

N'attristez pas le Saint-Esprit de Dieu du sceau duquel vous avez été marqués pour le jour de la rédemption. Que toute aigreur, toute violence, toute colère, toute criaillerie, toute injure soient bannies du milieu de vous, ainsi que toute méchanceté. Soyez bons, pleins de tendresse les uns pour les autres, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ.

Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme ses enfants bien aimés, et marchez dans la charité à l'exemple du Christ qui vous a aimés et qui s'est donné lui-même à Dieu pour vous.

ÉPHÉSIENS, CH, IV, V. 30 ET CH. V, V. 2.


ALLOCUTION DE M. LE PASTEUR A. -N. BERTRAND

Ne vous relâchez point, dans votre zèle.
ROMAINS, XII, Il.

Ayez du zèle, pas de nonchalance ! L'heure n'est pas, en effet, aux tièdes et aux nonchalants ; pas plus aujourd'hui qu'à l'époque où saint Paul adressait son énergique mot d'ordre aux petites communautés chrétiennes, humbles graines jetées aux sillons de l'histoire et dont la germination devait soulever le monde. Aujourd'hui aussi, il y a un monde à soulever, un monde de ruines sanglantes sous lequel toute une humanité souffre, agonise et meurt. Aussi avons-nous besoin d'entendre à notre tour le même appel : ce n'est pas le moment de vivre sur un rythme de mollesse et de laisser-aller : Ayez du zèle !

Avoir du zèle, ce n'est pas rechercher sans cesse des tâches nouvelles, ce n'est pas lancer chaque jour une oeuvre de plus ; c'est faire tout ce qui vous incombe dans un esprit d'entrain et de joie, avec une ardeur qui engendre spontanément un total désintéressement, parce qu'on ne travaille plus en vue d'un salaire ou d'une récompense, mais par amour pour une cause que l'on veut faire triompher. Le zèle est fils de la foi, dans le sens humain de ce mot ; il ne se déploie qu'en faveur d'un travail auquel on croit ; il ne se mesure pas à la quantité du travail fourni mais à sa qualité, à l'esprit dans lequel il est accompli, à la joie que l'on y apporte comme à la joie que l'on y trouve.

Et c'est pour cela qu'il doit être une des grandes caractéristiques du travail à notre époque. Dieu veut mettre au coeur du monde qui va naître un zèle appelé à transformer toutes les relations humaines. Par les inspirations de l'Écriture, par la voix de son Église, et aussi par la voix tonnante de l'histoire, Dieu nous crie : Ayez du zèle ! - Ayez du zèle, Français ; n'acceptez pas d'accomplir votre travail comme une tâche servile ou comme une corvée. Vous avez un monde à créer ; vous avez à arracher le corps de la France au chaos et son âme à la haine ; vous ne ferez pas cela dans la torpeur, dans la médiocrité, mais seulement dans l'enthousiasme et dans la joie. - Ayez du zèle, chrétiens ; car cette création d'un monde, que vous avez en vue comme tous vos compatriotes, vous savez, vous, qu'elle ne peut être l'oeuvre que de Dieu seul ; vous avez donc à rendre Dieu sensible au coeur de la France. Croyez-vous que vous accomplirez cela avec une religion morne, sans jeunesse et sans ferveur ? Qui donc voudra d'une piété qui ne sait même pas mettre au coeur de ses fidèles le zèle et la joie au travail ?

Et vous, fidèles de l'Oratoire, n'avez-vous pas, n'avons nous pas tous besoin d'entendre aussi cet appel au zèle et au travail dans la joie ? La reprise d'une vie peu à peu normale va-t-elle se faire dans une terne résignation, OU l'Église sera-t-elle débordante de joie et d'ardeur à conserver et à élargir pour ses enfants le noble héritage que le Seigneur lui a confié ? Voilà la question que Dieu pose devant nous : Aurons-nous du zèle ?

Aujourd'hui, « nous rentrons », non plus comme à l'ordinaire pour une année nouvelle, mais pour toute une période dans l'histoire de notre Église. Malgré de terribles angoisses, malgré des deuils que chaque jour multiplie, malgré l'absence de ceux qui ne sont pas encore rentrés au foyer paroissial et de ceux qui sont entrés déjà sous les Voûtes éternelles -, nous voulons marquer là reprise du travail dans une France rendue à elle-même ; et l'Eglise médite dans un recueillement silencieux le simple et noble symbole de ses représentants, pasteurs, anciens, diacres, descendant lentement ensemble vers la Table du Seigneur, centre du sanctuaire. Nous rentrons !

Mais nous ne rentrons pas comme une communauté qui aurait déserté son foyer et viendrait y reprendre sa place. Grâce à Dieu, l'Eglise de l'Oratoire a toujours été là, fidèle ; jamais elle n'a cessé d'annoncer la Parole de son Dieu ; et moralement aussi, l'Eglise de l'Oratoire a toujours été « chez elle » - ou plutôt elle n'a jamais oublié qu'elle était chez Dieu ; elle n'a jamais souffert qu'à son foyer retentît une parole ou s'établît un silence qui portât la marque d'une influence étrangère à l'Évangile de Jésus-Christ. Ce n'est pas une fierté pour nous, alors que se déployait autour de nous tant d'héroïsme, d'avoir eu ce petit, ce tout petit courage de ne pas mentir, ou, comme dit saint Paul, « de ne pas falsifier la Parole de Dieu », pour en tirer des pensées anodines et des mots sans danger ; c'est seulement ce qui fut, comme pour les Églises soeurs, une des douceurs de notre foyer.

Rentrez donc, mes Frères, avec le même esprit que naguère, dans le même travail autour de vos Pasteurs enfin réunis ; apportons-y les uns et les autres plus de foi, plus de ferveur, plus de fidélité, plus de courage qu'avant l'épreuve, et comme dit l'Apôtre dans la suite de notre texte, apportons-y le feu de l'Esprit et la volonté de service. Apportons-y surtout le zèle auquel Dieu nous invite, offrons à notre Église un travail sans lassitude et sans défaillance, fruit de la joie, de la gratitude et de l'amour. Et Dieu guidera notre communauté dans le fidèle service de son Chef.


ALLOCUTION DE M. LE PASTEUR G. VIDAL

« Soyez fervents d'esprit. »
ROMAINS, XII, 12.

Chers Jeunes,

Nous avons voulu vous faire une place à part, en ce culte de rentrée, à l'heure où vos groupes retrouvent leurs cadres, leurs méthodes, leur loi et leurs couleurs qu'ils avaient dû, par force, abandonner. D'ailleurs, que vous apparteniez ou non à l'un de ces groupes, tous vous faites partie de ce tout qu'est l'Oratoire et c'est à la jeunesse de l'Eglise, dans son ensemble, que nous nous adressons.

On répète souvent que la jeunesse est l'avenir de l'Eglise ; c'est une vérité banale. Mais on est trop tenté d'oublier qu'elle est aussi son présent, qu'elle est associée à ses ministères et à sa vie plus intimement que la plupart des fidèles, qu'elle vit à l'ombre du sanctuaire, qu'elle y sert, qu'elle y chante et qu'elle y prie. Nous le savons, nous vos pasteurs, et c'est une raison suffisante pour que nous nous adressions spécialement à vous. Il en est une autre, et c'est que, dans ce foyer de nos âmes, vous représentez, par excellence, la force en mouvement et en croissance, celle qui a le plus d'élan, le plus de dynamisme, comme on dit aujourd'hui. Il y a en vous un coeur prêt à s'enflammer, une ardeur intérieure capable d'ébranler et d'entraîner les masses inertes, quand jaillit une étincelle du choc de quelque vision. Il est donc bien naturel que nous vous adressions plus particulièrement ce mot d'ordre d'un message qui est pour tous : « Soyez animés du feu de l'Esprit. »

Cette ardeur vous est naturelle ; elle est le fait de votre âge, de la chaleur de votre sang. À vrai dire, elle est moins un feu qu'une température physique et morale plus élevée qui vous rend plus aptes à prendre feu, et - comme en ces forêts brûlantes, sous le soleil d'été, où s'allument parfois de terribles incendies - il suffit d'une étincelle ou de quelque brandon jeté par une main imprudente, ou criminelle, pour embraser votre jeunesse et pour préparer, trop souvent, de monstrueux holocaustes où elle est consumée. C'est une force qu'une pareille ardeur, car ce ne sont pas les tièdes qui pourront jamais ébranler le monde et le changer. Tous les meneurs d'hommes le savent bien, et les conquérants hantés par quelque rêve brutal, qui cherchent à la capter et à la mettre à leur service. Mais c'est une force dangereuse. S'il faut donc nourrir votre ardeur, il faut aussi la contenir, la contrôler, la diriger, sinon elle pourrait enflammer votre chair et votre coeur pour des objets indignes de leur attachement, dans un feu où vous seriez engloutis entièrement.

C'est bien pourquoi, vos familles et votre Église ont voulu vous faire vivre, dès votre, enfance, dans le royaume des saintes influences de l'Esprit, afin que s'allume en vous la flamme vivifiante qui ne détruit pas, elle, mais régénère, sauve et, comme un contre-feu protecteur, défend les coeurs du redoutable incendie des passions terrestres. Car l'Esprit est feu lui aussi : un feu qui n'égare pas la tête et ne trouble pas les sens et le coeur, comme celui des passions. Il est, dans la nuit du monde, la lumière qui éclaire la vie et permet, à travers les difficultés, les, obscurités, les conflits de devoirs, de retrouver le seul chemin. Il est la vivante chaleur qui, aux heures cruelles où le coeur transi frissonne, dans l'incertitude et le doute ou sous les morsures de la souffrance ranime sa force et le sauve des vertiges du désespoir. Il brûle aussi, mais pour purifier, comme un cautère sur les plaies, toujours mal fermées et purulentes, de nos péchés. Il tient en respect, par sa seule présence, les fauves tentations, toujours aux aguets, prêtes à mettre à profit notre solitude ou notre engourdissement pour bondir sur nous, dans un monde toujours soumis à la loi de la jungle. Il est la flamme, enfin, qui embrase les coeurs pour tout ce qui est vrai, juste, saint, et les jette dans un irrésistible élan aux sacrifices salutaires.

Celui qui peut allumer en vous cette flamme, vous le connaissez. C'est celui dont l'apôtre disait : « Le Seigneur, c'est l'Esprit. » C'est celui qui affirmait : « C'est du feu que je suis venu jeter sur la terre » et qui, n'ignorant rien des souffrances que son geste devait déchaîner ici-bas et de la Passion dans laquelle il l'engageait lui-même, s'écriait : « Qu'ai-je à désirer sinon qu'il s'allume ! », sachant bien que, de toute cette douleur acceptée, devait surgir pour le monde la possibilité d'une régénération. Le glorieux et divin incendiaire est devenu lui-même feu. « Le Seigneur c'est l'Esprit ! » Il l'allume, ce feu, par son seul contact. Il le donne à ceux qui se donnent à lui. Il le donne en se donnant lui-même. Ouvrez-lui votre coeur afin que brûle en vous « la flamme ardente qui ne s'éteindra point ». Vous connaîtrez alors le véritable enthousiasme qui n'est pas un simple état d'exaltation ou la chaude griserie de quelque rêve généreux, mais la présence de Dieu en vous, la flamme de son Esprit dans vos coeurs avec sa lumière, sa chaleur et sa brûlure.

Et voici ce qu'exige de vous cette Présence : L'Esprit est feu ; il n'est pas à lui seul flambeau. Ceux qu'il anime ne sauraient se contenter d'être les porteurs de sa flamme et comme les chandeliers chargés de la mettre en évidence, sans avoir eux-mêmes à participer à sa vie. Ils deviennent flambeaux ; c'est dire qu'ils se consument, car le feu de l'Esprit se nourrit toujours de notre substance vivante. Mais il vaut la peine de se consumer pour éclairer le monde, le purifier et le régénérer, et, d'une vie ainsi sacrifiée, rien n'est perdu puisque, par sa combustion même, elle est transformée tout entière en lumière, en chaleur, en Esprit.

Jadis vous avez été baptisés d'eau, mais il est un baptême plus grand : le baptême de feu. Beaucoup d'entre vous déjà l'ont reçu, peut-être au jour de leur confirmation, ou dans le combat de la prière, peut-être dans la joie sainte de la communion, autour de la Table où le Seigneur se donne. Demandez à Dieu le renouvellement de ce baptême et, si sa flamme n'est pas encore descendue sur vous, priez-le de vous la donner, afin que le feu de l'Esprit vous anime, pour vivre et pour servir. Pour vivre de la vie divine, qui est éternelle, dans un monde où la mort a mis en oeuvre toutes ses puissances ; pour vivre d'une vie purifiée, régénérée où cette ardeur qui est en vous et dont vous savez qu'elle est seulement chaleur du sang et du coeur, sera changée en ferveur, en cette ferveur qui est la chaleur même de l'Esprit. Pour servir aussi, car, être animé du feu de l'Esprit, c'est recevoir de lui non seulement la vie, mais encore le mouvement, le pouvoir d'agir. Il ne suffit pas aux disciples du Christ d'être flambeaux, leur Maître les appelle à jeter, comme lui, du feu sur la terre : le feu de son Esprit.

Votre jeunesse vit dans le drame atroce et grandiose d'une époque décisive, où il est beaucoup demandé à ceux qui ont beaucoup reçu. Déjà plusieurs d'entre vous sont partis, engagés dans une lutte qu'ils n'aiment pas et ne peuvent pas aimer, mais à laquelle ils ont voulu participer pour défendre des valeurs plus précieuses que la vie, parce qu'elles sont les valeurs de l'Esprit. Et, déjà, dans cette lutte, quelques-uns sont tombés « qui n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort » ! Ici, avec d'autres armes, vous êtes engagés dans un combat, différent, semble-t-il, mais qui reste pourtant le même combat. Vous le poursuivrez, dans les mêmes sentiments, dans le même esprit qui anime vos aînés, en communion avec vos absents et avec vos invisibles, au sein d'une Église dont la mission est d'apporter le Seul Sauveur à un monde qui meurt de ne pas le connaître.

Que le feu de l'Esprit descende sur vous afin que se lèvent pour notre patrie et pour le monde les temps d'une nouvelle Pentecôte !


ALLOCUTION DE M. LE PASTEUR P. VERGARA

« Servez le Seigneur. »
ROMAINS, XII, 12.

Mes frères, le troisième volet du triptyque est contenu dans ces mots : « SERVEZ LE SEIGNEUR. »
On vient de vous présenter un magnifique idéal d'adoration et de ferveur ; on vous a élevés vers les cimes, et il le faut, car là où il n'y a plus de vision, le peuple périt ; mais souvenons-nous que la nourriture de tout idéal, c'est la pratique qu'on en tente. La vision idéale ne sera pas moins belle, au contraire, elle se révélera plus magnifique encore d'avoir prouvé sa capacité d'adaptation à la vie réelle.

Servons donc pratiquement le Seigneur. « Servir » est le mot d'ordre préféré de notre génération fervente. Ce doit être, en particulier, celui de tout chrétien, car il y aurait une sorte d'inconscience, et même d'hypocrisie, à faire de la foi la plus passionnée de l'histoire un nid douillet d'où nous refuserions de sortir pour lever les yeux vers les larges avenues de la responsabilité sociale et nationale.

Mais comment servirons-nous le Seigneur ? D'abord, tout simplement, par l'esprit et la manière dont nous accomplirons notre tâche professionnelle, quelle qu'elle soit,

On a trop l'habitude de réserver à des spécialistes le service du Christ ou de Dieu. L'arbitraire division du sacré et du profane est fausse. Aucun travail, s'il est fait dans l'esprit du Christ, ne saurait être profane. La Parabole des Talents n'encourage nullement à l'abandon du travail dans le monde. Le véritable enseignement de Jésus est que tout travail honorable a été confié par Dieu aux hommes et doit, par conséquent, être accompli avec joie, avec conscience et foi. La vraie manière de servir le Seigneur n'est donc pas de déserter le champ de notre labeur accoutumé pour nous réfugier dans je ne sais quelle mystique contemplation, mais de l'accomplir parfaitement, avec la foi absolue que c'est Dieu lui-même qui nous l'a confié, afin que, par le moyen de ce travail, quelque chose de Son caractère soit révélé aux hommes.

Dieu travaille par nous, par nos intelligences et par nos mains, au bien de tous ses enfants. C'est là une idée très protestante, et des meilleures, à laquelle nous devons nous attacher fermement, parce qu'elle est en parfaite harmonie avec l'esprit de l'Évangile ; ce que l'Évangile appelle « le monde », ce n'est pas le travail en lui-même, c'est le travail, et la société en général, organisés hors de Dieu, comme si Dieu n'existait pas et n'avait rien à y voir. Toutes les misères, toutes les injustices, tous les enrichissements exagérés et malpropres, résultent de cela. Mais quand nous considérons notre travail comme une forme du service de Dieu, quand nous y mettons quelque chose de l'amour que nous avons pour Lui et la ferveur de nos plus beaux rêves de jeunesse, alors nous sommes préservés de l'avarice, de l'esprit de domination, alors il nous devient impossible d'en faire l'occasion de tractations injustes, de tromperies et de toute manoeuvre pour faire accomplir par d'autres, des actes que nous ne voudrions pas accomplir nous-mêmes, alors nous sommes préservés de la lassitude et de l'endurcissement, alors nous transportons partout avec nous le secret d'une grâce qui éclaire la vie, et au sein même de l'agitation et du bruit, nous sentons la chaleur d'une divine communion, nous entendons une voix nous dire : « Que votre coeur ne se trouble pas », alors il y a un Hôte Glorieux dans notre âme qui devient notre Allié dans tout ce que nous entreprenons et qui ne nous abandonne pas dans les revers et dans la ruine.

Quand notre travail est vraiment un service du Seigneur, quand nous y apportons cette piété, ce zèle, cette ferveur de coeur, qui caractérisent le disciple de Celui qu'un constant enthousiasme transfigurait et transportait, alors notre puissance d'action dans le monde se trouve multipliée, alors les portes s'ouvrent, de nouvelles perspectives apparaissent et nous avons la révélation de ce qu'il faudrait faire pour mieux servir l'humanité, pour rénover, dans une certaine mesure, notre société malade, alors, en un mot, la « question sociale » ne tarde pas à s'imposer à notre conscience comme un impérieux devoir qui exige notre participation. La « question sociale » n'existe pas pour les chrétiens (méritent-ils ce titre ?) qui compartimentent la vie, qui mettent Dieu d'un côté et les affaires de l'autre. Ils s'imaginent, les malheureux, que s'intéresser à la « question sociale » c'est faire quelque chose d'étranger à la vie religieuse ou spirituelle, ils pensent qu'il s'agit là, tout au plus, d'un extra, d'une matière facultative du programme, comme la peinture ou la danse, dans les institutions de demoiselles. Aucune erreur n'a été plus funeste à l'autorité morale de l'Eglise aujourd'hui. C'est parce qu'ils soupçonnent beaucoup trop de chrétiens de professer cette hérésie que ceux du dehors, et qui ont à coeur ces questions, se soucient si peu de ce que nous disons et faisons. Ils nous écoutent avec étonnement prier, parler, chanter à la louange de la justice et de la fraternité, à la gloire d'un « royaume », d'une « victoire », et ils cherchent nos réalisations pratiques, et ils sont déçus.
Mais c'est ici qu'interviennent, pour sauver notre honneur, ceux qui ont fait de leur travail dans le monde un service du Seigneur.

Nous les saluons avec respect, au nom du Christ nous les bénissons, et nous demandons à Dieu de grossir leurs rangs trop clairsemés, parce qu'ils sont notre réelle aristocratie, la fleur de notre Chevalerie, l'ordre monastique des temps modernes, liés par des voeux secrets ; leur couvent c'est le monde, leur cloître c'est l'atelier, le bureau, le magasin, c'est tout ce qu'un homme ou femme peut faire.

Oh ! Laïques chrétiens, à cette époque terrible de la vie de notre peuple et du monde, demandez-vous chaque jour comment vous pourrez le mieux servir Dieu en servant vos frères, quel est le nouveau devoir qui s'impose à vous ? Il est impensable que Dieu n'ait pas un message et un secours particuliers pour cette génération si malheureuse, dont la patience et la soumission sont épuisées - elles le seraient à moins - et qui se retourne violemment sur sa couche comme un malade dans le délire et tend ses mains vers la santé, la lumière, la bonté et la paix. Soyez les ouvriers de ce secours.

Lamennais disait que tout ce que le Christ avait demandé au monde, c'était une croix pour y mourir. Nous ne paraderons pas avec des mots trop grands pour nous ; nul ne recherche la croix, et ceux sur les épaules desquels elle a été chargée, n'ont pas envie d'en parler avec légèreté ; nous nous contenterons de demander, humblement mais sérieusement, à Dieu de nous montrer comment et en quel lieu nous pouvons le mieux servir nos frères en servant Celui qui a dit de tout acte compatissant : « Vous me l'avez fait à moi-même. »

Souvent ces bons travailleurs du Seigneur, ceux pour qui la question sociale existe, se demandent avec anxiété : « Que ferons-nous ? » Poser la question, ce n'est pas la résoudre, certes, mais c'est déjà beaucoup de la poser, c'est même l'essentiel, car c'est le point de départ de tout ; il y en a tant qui ne partent jamais faute de l'avoir posée.

Laïques chrétiens, vous tous qui êtes engagés dans le travail du monde, si cette question : « Que ferons-nous ? » vous harcèle et vous brûle, si elle est sans cesse dans votre pensée, dans votre prière, je suis certain que Dieu vous montrera clairement ce qu'il attend de vous, pour hâter le moment, serait-ce d'un jour, d'une heure, où le Christ aura mis ses ennemis sous ses pieds.

Si votre travail est un service du Seigneur, vous n'y gagnerez certainement pas ce que gagnent les trafiquants sans patrie, ni céleste, ni terrestre, vous ne connaîtrez pas le cercle de courtisans gantés que la fortune assemble autour d'elle. Mais après tout, en quoi consiste la vie de l'homme ? Est-elle dans son argent, dans les distinctions honorifiques, les flatteries du monde ? non, elle est dans nos qualités invisibles, dans l'amour de Dieu et des hommes que nous servons fidèlement, dans la joie et la paix qui habitent notre coeur, sereines et pures, dans le divin compagnonnage de l'Hôte Invisible qui nous attend au bout de la route, quand le flambeau s'échappera de nos mains fidèles, pour nous recevoir dans sa maison. en nous disant, comme le voyant de Patmos l'entendait : « Monte ici, et je te ferai voir maintenant les choses qui doivent arriver dans la suite, je te ferai voir la signification éternelle de tes humbles efforts. »

Là est la vie et tout le reste n'est qu'apparence et fumée.

« À Celui qui peut, par la puissance qui se déploie en nous, faire infiniment au delà de tout ce que nous demandons et pensons, à Lui soit la gloire dans l'Eglise et en Jésus-Christ. »

Amen !


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