Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Jean 17.17)
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Voix Chrétiennes dans la Tourmente




REDRESSEMENT

Pasteur G. VIDAL
13 Août 1944

DE L'ÉTERNEL SEUL PROCÈDE LA DÉLIVRANCE.

Louez l'Éternel !
Mon âme, loue l'Éternel !
Je louerai l'Éternel tant que je vivrai ;
Je célébrerai mon Dieu tant que j'existerai.
Ne mettez pas votre confiance dans les grands de la terre,
Ni dans l'homme mortel qui ne saurait délivrer.
Son souffle s'en va : il retourne à la poussière ;
Et ce jour-là ses desseins sont anéantis.
Heureux l'homme qui a le Dieu de Jacob pour appui
Et qui met son espoir en l'Éternel, son Dieu.
C'est le Dieu qui a fait les cieux et la terre,
La mer et tout ce qui s'y trouve ;
Qui demeure fidèle éternellement ;
Qui fait droit aux opprimés,
Qui donne de la nourriture à ceux qui ont faim.
L'Éternel rend la liberté aux captifs ;
L'Éternel ouvre les yeux des aveugles ;
L'Éternel redresse ceux qui sont courbés ;
L'Éternel aime les justes,
L'Éternel protège les étrangers ;
Il soutient l'orphelin et la veuve ;
Mais il rend tortueuse la voie suivie par les méchants.
L'Éternel régnera éternellement.
O Sion, ton Dieu subsiste d'âge en âge
Louez l'Éternel !

PSAUME CXLVI.


L'Éternel redresse ceux qui sont courbés.
PSAUME CXLVI, 8.

Mes Frères,

Courbés ! Nous avons appris à connaître le sens de ce mot et tout ce qu'il contient d'humiliations, de hontes, de souffrances. Mais nous n'avons pas le droit, ici, de l'appliquer seulement à une situation qui demeure momentanée. Courbée, l'humanité tout entière l'est par la pesanteur de son animalité, par l'attraction de toutes les forces obscures qui l'infléchissent vers le sol, par le poids du péché et le fardeau de la douleur. Et l'habitude, lentement, fixe cette courbure. On voit l'homme incliner sa tête lourde vers la terre, qui absorbe sa pensée et son activité, et s'il lève parfois les yeux, le plus souvent il arrête son regard à hauteur d'homme, sachant bien que, de toutes les connaissances, c'est encore celle de l'être humain qui lui assurera le mieux, selon ses voeux, la possession du monde.

Mais ce n'est pas là la vraie nature de l'homme. Ce n'est pas là sa vocation. S'il se distingue de tous les êtres vivants, ce n'est pas par le rire seulement ou par les larmes. Seul, entre tous, il est la créature à la fois mobile et verticale. L'arbre jaillit de terre, droit vers le ciel, mais il demeure enraciné dans son lieu de naissance et prisonnier de son milieu. L'animal, lui, peut errer dans l'espace et bondir sur sa proie, mais il retombe, pattes et mufle en avant, sur le sol qui borne ses appétits et ses recherches. L'oiseau lui-même, dans ses envols les plus vertigineux, reste, en plein ciel, tourné face à cette terre qui contient toutes ses espérances. Seul l'homme est construit pour vivre droit, le corps dressé, la tête haute ; seul aussi il peut et sait lever les yeux vers le ciel pour chercher, derrière le nuage qui passe, ou à travers le scintillement des étoiles, les appels d'un monde inconnu ; et ses mains, ses mains ouvrières, ses mains rudes, alourdies par le labeur quotidien, ses mains impures, souillées de boue et de sang, il peut et il sait, dans la paix du soir, les lever vers le ciel et les joindre.

Tout ce qui courbe l'homme, individu ou peuple, est contraire à sa nature et à sa vocation. Or, - il nous faut bien le constater - puisqu'il est infidèle à cette vocation, puisque, même dans la fidélité, les événements, le poids de la force viennent parfois le plier, de telle manière qu'on peut se demander s'il ne gardera pas, toujours, la courbure imposée par de trop lourds fardeaux, alors même qu'il en sera déchargé, il importe, et cette tâche est urgente dans les circonstances actuelles, que nous cherchions le principe et la condition de son redressement.

Il y a une courbure qui est imposée par la violence, celle du joug sous lequel la Rome antique contraignait ses adversaires vaincus à passer, en pliant le col et l'échine, celle des règles et des gabarits où la loi du vainqueur force les têtes fières à s'incliner. C'est, peut-être, la plus brutale, ce n'est pas la plus redoutable. Elle n'atteint que l'être extérieur. La force n'impose qu'un conformisme de gestes et d'attitudes. Ah, nous savons bien le poids de cette servitude et son prix : ce qu'elle exige de nos mains, de nos lèvres parfois, et aussi de nos coeurs ; nous savons le prix de ce qu'elle n'exige pas : ce que coûtent les abstentions et les silences. Toutefois la force ne plie pas la pensée profonde, et, si l'âme n'est pas absolument hors de ses prises, elle peut résister à sa pression. Le plus souvent, même, la rigueur de la contrainte extérieure entretient et fortifie la résistance intérieure. Devant la violence, l'âme révoltée se cabre et lui échappe d'autant plus qu'elle resserre sur elle son étreinte étouffante.

Pourtant cette contrainte n'est pas sans danger pour nos âmes et le moment est venu où il nous faut mesurer la gravité de ce danger. Ce sursaut, ce redressement de l'âme, quand le corps se courbe par force, nous l'avons sans doute éprouvé, mais l'avons-nous toujours éprouvé ? Est-il bien sûr que cette soumission extérieure n'ait jamais été la conséquence d'une soumission intérieure, d'une capitulation imposée par la veulerie ou la peur ? Est-il bien certain que le corps, en s'inclinant, n'ait jamais entraîné l'âme avec lui ? Ne nous sommes-nous pas abrités, parfois, derrière le prétexte de la stérilité d'un geste ou d'une attitude isolés, pour nous enfermer dans une abstention ou un silence coupables ? Et, même si notre âme est restée pure, ferme et droite, n'y a-t-il pas un grave danger, pour demain, dans cette contradiction entre notre attitude intérieure et notre attitude extérieure, dans ce divorce ou cette séparation entre l' « être », d'une part, et le « faire » et le « dire », d'autre part, entre la pensée et le comportement, séparation qui risque de nous conduire à la duplicité et qui menace d'étouffer en nous toute spontanéité, d'altérer la fraîcheur de nos sentiments et de briser l'unité nécessaire entre la pensée et la vie ?

Et voici qu'ici, apparaît une courbure plus grave, non plus imposée mais acceptée : celle du péché. Sans nous attarder à examiner les formes multiples qu'il revêt pour séduire nos âmes et les plier à ses esclavages, nous voudrions pourtant signaler quelques-uns de ses aspects actuels et des menaces qu'il fait peser sur nous, dans le temps où nous vivons : Depuis des années, nous nous sommes habitués au mensonge et à la fraude. Parce qu'ils pouvaient se légitimer, nous ne leur avons plus accordé la même importance, la même gravité que jadis. Nous nous sommes accoutumés, dans cette tourmente où tant d'existences humaines se trouvent broyées, à ne plus accorder la même valeur à la vie d'une créature de Dieu, à ne plus l'entourer du même respect, à ne plus la regarder comme sacrée. Nous nous sommes faits à vivre dans l'horreur, et si, parfois, le récit de certaines abominations nous fait encore bondir d'indignation parce qu'il révèle une cruauté et une brutalité qu'il serait injuste pour l'animalité de qualifier de bestiales et dont nous ne pouvons pas prendre notre parti qu'elles soient tristement humaines, déjà, endurcis par l'habitude, nous n'éprouvons plus ce sursaut et cette répulsion horrifiés, à l'ouïe de tels massacres individuels ou collectifs, lorsqu'on les entoure d'une apparence de légalité et qu'on les perpètre dans les formes et avec les armes en usage normal, en temps de guerre, parmi les civilisés ! Surtout, nous nous sommes acclimatés à une atmosphère dont nous pensions, naguère, qu'elle était irrespirable pour nos âmes et dont nous savons bien qu'elle les empoisonne. Nous nous laissons gagner par l'esprit même que nous voulions combattre : la violence ne nous inspire plus la même répugnance ; si la haine s'insinue dans nos coeurs ce n'est pas toujours malgré nous, et, peut-être, quelques-uns, gagnés inconsciemment par une idéologie sommaire et brutale, se sentent-ils déjà portés à envisager froidement, à leur tour, la suppression totale de races qu'ils regardent comme maudites.

Sentez-vous la courbure, et comme elle nous incline loin de Celui qui reste le modèle de l'homme vrai ?

Et puis, il y a la souffrance qui pèse depuis si longtemps sur notre peuple ! Sans doute il en est une dont nous nous dégagerons en nous redressant, comme on se décharge d'un fardeau importun, et dont il ne subsistera que le souvenir ; mais il en est d'autres qui nous auront profondément marqués. Ils resteront courbés nos enfants anémiés par les privations, nos jeunes gens acculés à la tuberculose ! Ils resteront courbés les pères et les mères blessés et dépouillés, et il est d'atroces visions qui ne s'effaceront jamais de l'esprit de leurs témoins, et qui reviendront peupler leurs nuits de cauchemars ! Il y a des plis qui ne disparaîtront jamais complètement. Car lorsqu'on marche courbé depuis si longtemps, à la longue on s'ankylose, la courbure se fixe et le contre-nature nous devient naturel. C'est à la chaleur du four qu'on imprime aux bois les plus durs les torsions et les courbures qui les destinent à tel où tel usage, et qui se fixent quand le bois se refroidit. Ainsi à la chaleur de l'épreuve nous avons été pliés. N'attendons pas que notre être tout entier se durcisse dans cette déformation ! Ne renvoyons pas à des temps meilleurs, aux jours des délivrances et de la paix notre effort de relèvement, dans l'espoir que nous pourrons alors l'accomplir à froid ! Il sera trop tard, et il faudra la brûlure d'une nouvelle épreuve pour permettre notre redressement !

Redressement ! Quand il s'agit de peuples vaincus et courbés, ce mot, pour la plupart des hommes, n'évoque guère qu'un retour à ce qu'ils appellent la vie normale : la reprise des activités et des affaires en marasme, le mouvement du trafic, le bourdonnement du travail, le halètement des usines, la reconstruction des cités dévastées, la prospérité revenue, la reconstitution d'une puissance après l'écroulement et la ruine. Et, sans doute, tout cela est-il, en un certain sens, nécessaire et légitime. Il y a, pourtant, dans la perspective de cette reprise et d'un pareil redressement quelque chose qui nous effraye. Nous avons vu trop de ces constructions formidables s'écrouler misérablement. Nous redoutons la ruine de ces édifices magnifiques, mais monstrueux, véritables pyramides renversées dont la pointe fragile repose sur une base inconsistante. On monte la construction, on l'élargit sans cesse dans un vertige d'orgueil et de puissance, dans une griserie de vitesse qui aveuglent et étourdissent, tandis que le danger, chaque jour, devient plus pressant et se multiplie avec les progrès de l'accroissement ! Dans la nature, si les arbres peuvent se permettre de pareils déploiements, c'est que chaque nouvelle poussée, dans l'espace, est assurée et garantie par une poussée correspondante des racines, dans les profondeurs du sol.

Les fondements d'une civilisation, ceux de la vie d'un peuple, ce sont les grands principes, ce sont les valeurs morales et spirituelles sur lesquels elles s'appuient et d'où elles tirent leur force. Mais ces principes ne valent pour eux qu'à la condition d'être vivants, insérés, incarnés dans des êtres vivants, sinon il y a toujours une séparation, une solution de continuité entre les principes, les fondements et l'édifice qui, détaché de sa base, reste à la merci des tempêtes. Une civilisation, d'ailleurs, n'est pas un édifice de pierre, c'est une construction vivante, une construction humaine, un édifice moral. Ce qu'il nous faut, donc, ce sont des principes, mais aussi et surtout des hommes enracinés dans ces principes qui leur communiquent la vie et assurent la solidité et la stabilité à tout ce qui s'édifiera en eux et par eux.

Il n'y a pas de redressement de peuples, de sociétés, là où il n'y a pas tout d'abord redressement de l'homme. Notre pays ne sera pas relevé parce que ses habitants pourront manger à leur faim, voyager pour leurs affaires ou leur plaisir, ou parce que nos usines fonctionneront à plein rendement, mais bien parce que de l'épreuve sortiront des caractères retrempés, solides et droits. Tout cela a été compris de ceux pour qui la leçon des événements n'est pas inutile, et ils sont peut-être plus nombreux que nous ne croyons. On a vu même ceux qui prétendent assurer le redressement du pays, se tourner vers les groupements qui représentent sa force morale et spirituelle, pour leur dire : « Aidez-nous à former des hommes, des caractères solides qui seront la force de la nation. » Mais ici, hélas ! apparaît la tentation, pour les uns, d'utiliser ces forces morales dans le sens de doctrines partisanes discutables et précaires, et aux fins d'ambitions personnelles ; et, pour les autres, la tentation de céder aux séductions du prestige et des avantages matériels qu'offre la consécration officielle, en formant les hommes d'après un canon qui n'est pas celui de l'Évangile. Et cela, nous sommes bien fondés à le redouter, en un temps où on nous engage à faire des hommes vaillants, durs, prêts au sacrifice, selon des méthodes et des tendances, et pour un but où nous reconnaissons un « à la manière de... » dont le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'est que trop suggestif.

Donc, redressement de l'homme, d'abord ! Tous les autres dépendent de celui-là, et en définitive, c'est le seul qui compte. Mais ce redressement ne saurait s'opérer sur des normes elles-mêmes faussées et courbées, et il ne servirait de rien de corriger une déviation, une courbure, pour en imposer une autre peut-être plus dangereuse. Notre norme c'est Jésus-Christ, et non seulement, ici, nous ne pouvons pas en avoir d'autre et nous n'avons pas le droit de nous en laisser imposer une autre, mais nous avons la conviction qu'elle est la seule à laquelle il faut se référer pour préparer et assurer les véritables redressements des hommes et des peuples, ceux qui ne résident pas dans les retours de prospérité et de puissance, ni dans un réveil des énergies brutales de l'être sauvage, mais dans la formation de caractères qui ne plieront pas devant l'injustice ou sous les pressions de l'intérêt, du mensonge ou de la haine.

Or, ce redressement comporte, d'abord, un effort, qui entraîne lui-même une souffrance. On l'attend d'un miracle - et, sans doute, en faudra-t-il un - mais il ne supprimera pas cet effort douloureux. On l'envisage comme un élan joyeux - et sans doute pourra-t-il l'être. Mais on imagine que cet élan sera aisé, qu'il n'exigera aucune peine, parce qu'il jaillira, naturellement, du changement des conditions de notre vie et de la suppression du trop lourd fardeau sous lequel nous plions. Eh bien non ! À ce moment-là, nous resterons encore voûtés et tout meurtris. L'homme qui a longtemps cheminé, cassé sous le poids d'une charge accablante, ne peut pas, à l'heure où il la dépose, se relever d'un seul élan ; il garde une courbure et ne se redresse que peu à peu, lentement, dans un effort qui torture ses muscles endoloris et ankylosés. La plante courbée par l'orage, et qui a crû dans cette position, n'est pas relevée et attachée à un tuteur sans que se rompent quelques fibres. Du côté extérieur de la courbure les tissus se sont relâchés, mais ils se sont resserrés du côté intérieur.
Pour nous aussi, par suite de notre courbure, quelque chose s'est relâché à l'extérieur, dans notre rigidité morale, nos habitudes, notre manière de vivre ; mais, quelque chose aussi s'est rétréci à l'intérieur, dans nos esprits et dans nos coeurs serrés, meurtris par l'oppression, et peut-être contractés par la colère ou par la haine. Et tout cela s'est durci en nous. Il faudra nous faire violence, d'abord pour nous redresser, puis pour nous réhabituer à vivre et à marcher droit. Il faudra nous montrer inflexibles à l'égard de nous-mêmes et à l'égard de ceux que nous avons la mission d'élever. Cela ne sera pas facile. Cela ne se fera pas sans douleur. Sans doute n'y parviendrions-nous pas si nous n'avions un Tuteur qui veut bien accepter non seulement que nous nous attachions à lui, mais que nous vivions de lui, comme des plantes parasites. Il faudra nous lier à lui plus étroitement que jamais, au risque de nous meurtrir peut-être de nous briser à la courbure, comme on casse un membre dont les os se sont soudés dans une position défectueuse, pour le rétablir dans une position normale. Mais si nous restons ainsi attachés à Christ, si nous recevons de lui la vie, la sève de son esprit réparera toutes les déchirures des tissus lésés, cicatrisera toutes les blessures, effacera la courbure et nous pourrons croître et grandir redressés, non plus dans la contrainte d'un effort douloureux, mais dans la liberté et dans la joie de l'être qui s'épanouit, dans le sens de sa vraie nature.

Ce sens c'est celui de l'Éternel, c'est-à-dire celui du vrai, du juste, du bien tels qu'ils nous ont été révélés en Jésus-Christ. Tout redressement dans un autre sens reste illusoire. L'histoire le prouve qui est la longue tragédie des écroulements de toutes les civilisations orgueilleuses, de la ruine de toutes les constructions humaines, de toutes les expansions et de toutes les restaurations de peuples qui ne tendent pas vers l'éternel. Et elle continue cette histoire - celle qui se fait aujourd'hui et qui s'écrira demain - à nous démontrer que rien ne subsiste que ce qui s'édifie dans la justice, dans la vérité et dans l'amour de Dieu. Car la justice, la vérité, le bien eux-mêmes ne sont que des mirages quand ils ne portent pas le caractère de l'éternel. Sans doute chaque peuple, à l'heure des grands élans et des nouveaux départs, proteste, sincèrement parfois, de la justice de sa cause et de son attachement à la vérité. Hélas ! il ne s'agit le plus souvent que de sa justice, de sa vérité qui déjà, aux yeux des autres, apparaissent comme des contrefaçons qui les lèsent et les oppriment, parce qu'elles ne portent pas ce caractère de l'universel, de l'absolu et de l'éternel, qui ne se rencontrent et ne se fondent harmonieusement qu'en Dieu seul. Pour nous relever, sans doute est-il nécessaire que, dans notre infirmité, nous nous appuyions les uns sur les autres, mais si nous ne savons nous appuyer sur les autres qu'en les courbant, notre redressement préparera de - nouvelles ruines, peut-être la leur d'abord, mais fatalement, par suite, la nôtre. On ne se maintient pas debout sur des points d'appui qui s'écroulent, et il y a une solidarité humaine dont on ne peut pas troubler le jeu sans péril pour les autres et pour soi-même.

Pour nous redresser, cherchons la Vérité, non pas cette vérité d'occasion et de circonstance qui change d'une frontière à l'autre et d'une époque à l'autre, mais la Vérité une, immuable, éternelle ! Cherchons la justice, non pas notre justice qui suit la courbe de nos intérêts, de nos passions, épouse les règles de la force et se plie aux raisons d'État, mais la justice inflexible, absolue et éternelle ! Cherchons le Bien, non pas notre bien, celui de notre peuple, de notre race, de notre génération et du moment présent, mais le Bien souverain, universel, éternel ! Alors l'Éternel nous redressera, nous les courbés. Car nous ne pouvons pas nous relever nous-mêmes et par nos seules forces. L'action de Dieu ne supprime pas notre effort, elle l'exige, car c'est cet effort qui nous rend perméables à la grâce et accorde nos âmes à Dieu, leur rend sensibles les vibrations de son coeur et leur permet de recevoir la force de son Esprit. Mais c'est seulement la montée en eux de la vie divine qui relève les âmes et les peuples abattus. C'est le soleil de son Esprit qui, par un mystérieux « théotropisme », les attire et les redresse après les orages dévastateurs.

Nous ne pouvons pas attendre de tout un peuple qu'il voie et qu'il cherche en l'Éternel la source et l'auteur de son redressement. Mais il nous suffit de prendre conscience de ce qu'exige de nous notre titre de chrétiens. Il nous suffit d'avoir foi dans la force de Dieu qui relève ceux qui sont courbés, de nous mettre en état de recevoir cette force et de la laisser agir en nous, alors nous verrons se renouveler les miracles des résurrections et celui du levain qui gonfle la pâte. Dieu ne nous demande pas de relever notre peuple, mais de nous faire les points de pénétration par lesquels son esprit s'introduira dans l'âme de notre peuple et le redressera.

Voilà notre mission. Ne laissons pas passer une occasion, peut-être unique, qui nous est offerte. Sinon il n'y aura pas de redressement et la chrétienté elle-même, par son infidélité, restera courbée sous le poids d'une responsabilité qui deviendra, peut-être, celui d'une malédiction.

L'heure favorable des redressements est proche. Ne nous laissons pas attirer et détourner par les clartés artificielles des fausses vérités, des fausses justices et des faux amours. C'est en l'Éternel, en l'Éternel seul que nous avons la vie, le mouvement et l'être. C'est lui seul qui est le soleil des âmes. Offrons-lui donc des âmes ouvertes, confiantes, sincères, abandonnées ! De toutes leurs servitudes, de toutes leurs misères, de toutes leurs détresses, Il les relèvera. Le Christ s'en porte garant, lui que ni le péché, ni la persécution, ni la souffrance n'ont pu courber, et qui, couché dans le tombeau par l'ouragan du Calvaire, s'est relevé, éternel témoin de la puissance de Dieu et de sa victoire sur toutes les puissances de mort. Frères courbés, Celui qui est notre Maître porte un nom riche de merveilleuses promesses et de glorieuse espérance. Il s'appelle le Redressé ; Il s'appelle le Ressuscité !


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