La
SOUFFRANCE
La Victoire sur et par la
Souffrance.
« Il
convenait que celui pour qui et par qui sont toutes
choses, et qui voulait conduire à la gloire
beaucoup de fils, élevât à la
perfection par les souffrances le prince de leur
salut. »
(Héb.
2, 10.)
Il est possible que les deux études
précédentes aient fait surgir dans
l'esprit de quelques-uns de mes lecteurs
l'objection suivante : « Si la
souffrance est une conséquence du
péché, pourquoi tant de gens,
non seulement innocents,
mais
encore à bien des égards moralement
supérieurs aux autres, sont-ils beaucoup
plus éprouvés que ceux qui leur sont
très inférieurs ? Est-il juste
de faire toujours dépendre la souffrance de
l'état spirituel ou
moral ? »
Non, certes, mille fois non. Il est, en
effet, facile de constater que, dans un monde comme
le nôtre, ce sont d'ordinaire les meilleurs
qui sont les plus éprouvés. On dirait
vraiment que la souffrance choisit ses victimes de
préférence parmi les meilleurs.
Tandis que beaucoup de méchants
réussissent et sont heureux, tandis qu'ils
sont très souvent épargnés,
d'autres, au contraire, parmi les plus dignes, les
plus honnêtes, les plus pieux, sont
frappés de toutes sortes de manières,
et cela d'autant plus qu'ils sont
supérieurs aux autres. De là, le mot
de ce paysan qui disait à son pasteur au
moment où celui-ci lui parlait de
conversion : « Me convertir, moi,
monsieur le pasteur, jamais de la vie, il me
faudrait trop souffrir, puisque Dieu a dit
lui-même : « Le Seigneur
châtie celui qu'il aime ! » De
là aussi, cette prophétie du grand
Platon quatre siècles avant
Jésus-Christ : « S'il venait
sur la terre un homme juste, il souffrirait plus
qu'aucun autre, les hommes le tourmenteraient, le
persécuteraient, le flagelleraient, et pour
finir le crucifieraient ! »
De là aussi, des psaumes comme le
37me et le 73me, qui décrivent l'angoisse du
pieux Israélite à la vue des malheurs
des justes et de la prospérité des
méchants. « Mon pied
allait fléchir, mes pas
étaient sur le point de glisser, car je
portais envie aux insensés en voyant le
bonheur des méchants. Rien ne les tourmente
jusqu'à leur mort et leur corps est
chargé d'embonpoint ; ils n'ont aucune
part aux souffrances humaines, ils ne sont point
frappés comme le reste des hommes. Ainsi
sont les méchants, toujours heureux, ils
accroissent leurs richesses. C'est donc en vain que
j'ai purifié mon coeur et que j'ai
lavé mes mains dans l'innocence. Chaque jour
je suis frappé, tous les matins mon
châtiment est là. Quand j'ai
réfléchi là-dessus pour
m'éclairer, la difficulté fut grande
à mes yeux jusqu'à ce que j'eusse
pénétré dans le sanctuaire de
Dieu et que j'eusse pris garde au sort final des
méchants. »
(73, 2 à 14, 16 et 17.)
Mais la Bible ne se contente pas de parler
ainsi, elle nous montre des hommes, parmi les
meilleurs, qui sont tout particulièrement
affligés. Dans l'Ancien Testament, le
patriarche Job qui représente par excellence
l'homme éprouvé, celui sur lequel
tombent tous les maux possibles et impossibles, et
qui n'en est pas moins l'homme pieux et
honnête par excellence aussi. « Job
était intègre et droit, il craignait
Dieu, et se détournait du mal. »
Après avoir tout perdu il
s'écrie : « Je suis sorti nu
du sein de ma mère, et nu je retournerai
dans le sein de la terre. L'Éternel a
donné et l'Éternel a
ôté, que le nom de l'Éternel
soit béni ! En tout cela, Job ne
pécha point, et n'attribua rien d'injuste
à Dieu. »
(1,
20 à 22.)
Dans le Nouveau Testament, c'est saint
Paul, dont Jésus disait
à Ananias au moment de sa conversion :
« Je lui montrerai tout ce qu'il doit
souffrir pour mon nom. »
(Actes
9, 16). On sait en effet que
cet homme sensible, au coeur ardent, qui va
jusqu'à parler des souffrances de la
création tout entière, a su
sympathiser avec tout ce qui souffre ici-bas, et a
dû lui-même connaître la
souffrance sous toutes ses formes. Ne fut-il pas en
butte aux attaques, aux persécutions et
à la haine de ses anciens coreligionnaires,
partout où il allait prêcher
l'Évangile ? Ne fut-il pas
profondément affecté de voir les
églises qu'il avait fondées
ravagées par ses ennemis, lui qui souffrait
les douleurs de l'enfantement pour amener à
leur maturité spirituelle ceux que Dieu lui
avait donnés. « Souvent en danger
de mort, cinq fois j'ai
reçu des Juifs quarante
coups moins un, trois fois j'ai été
battu de verges, une fois j'ai été
lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, j'ai
passé un jour et une nuit dans
l'abîme. Fréquemment en voyage, j'ai
été en péril sur les fleuves,
en péril de la part des brigands, en
péril de la part de ceux de ma nation, en
péril de la part des païens, dans les
villes, les déserts, sur la mer, parmi les
faux frères. J'ai été dans le
travail et dans la peine, exposé à de
nombreuses veilles, à la faim et à la
soif, à des jeûnes multipliés,
au froid et à la nudité. Et, sans
parler d'autres choses, je suis
assiégé chaque jour par les soucis
que me donnent toutes les églises. Qui est
faible, que je ne sois faible ? Qui vient
à tomber, que je ne
brûle ? »
(2 Corinthiens 11, 24-29.)
Pour comble, il lui survint cette
écharde dans la chair, une maladie à
la fois cruelle et humiliante, peut-être la
maladie des yeux, dont il parle dans cette
même épître, et dont il demanda
en vain d'être délivré. Enfin,
comme si cela ne suffisait pas encore, il dut
passer quatre ans en prison, lui, le bouillant
apôtre Paul, qui trouvait toute sa joie dans
son activité pour Dieu ! On peut se
représenter quelle épreuve cet
emprisonnement dût être pour lui,
surtout lorsqu'il recevait de mauvaises nouvelles
des églises.
Mais, il en est un plus grand encore que
tous les autres, Jésus-Christ
lui-même, notre modèle parfait, le
Saint de Dieu, celui qui n'a point connu de
péché, celui qui pouvait dire
à la foule : « Qui de vous
me convaincra de
péché ?
(Jean,
8,46) et qui savait que
« le prince de ce monde ne pouvait rien
sur lui ».
(14,
30.) N'a-t-il pas
été bien nommé, par le
prophète Esaïe, plusieurs
siècles avant son apparition sur la
terre : « L'homme de douleur
habitué à la
souffrance ? »
(Esaïe,
53, 3.) En effet, aucun
homme dans l'histoire n'a souffert comme lui :
souffrance physique, la faim, la soif, la fatigue,
la sueur de sang, la flagellation, la crucifixion,
la rupture de son coeur sur le bois maudit.
Souffrance intellectuelle, puisqu'il accepta
d'entrer dans nos ignorances, nos mystères,
peut-être même nos erreurs. Souffrance
du coeur, lui qui aimait tant et qui rencontra si
peu d'amour, lui qui témoigna tant de
sympathie aux autres, et qui en trouva si peu, lui
qui se sentit de plus en plus
incompris, méprisé, abandonné
même des siens, même d'un apôtre
Pierre, et d'un apôtre Jean. Souffrance
morale surtout, en se trouvant en contact
perpétuel avec une race souillée
comme la nôtre, avec des hommes
pécheurs, impurs, souvent hypocrites :
bien plus, lui qui fut confondu avec les
pécheurs et les gens de mauvaise vie, avec
les criminels, et ce qui est pire avec les
hypocrites, qui se vit préférer le
brigand Barabbas et qui devint, oh !
mystère incompréhensible de l'amour,
« péché pour nous,
malédiction pour nous »,
c'est-à-dire incarnation, personnification
de ce péché et de cette
malédiction !
Voilà le grand mystère, la
chose incompréhensible, et c'est
précisément parce que sur une terre
comme la nôtre, la sainteté
est si souvent foulée aux
pieds, la justice méconnue au point qu'il
semblerait avantageux d'être injuste,
d'être souillé, que tant de gens ne
peuvent pas croire, et rejettent le christianisme
en disant que, s'il était la
vérité, il ne rencontrerait pas
pareil accueil sur la terre.
Est-il sage quand une plante ne peut
absolument pas s'acclimater dans un pays,
croître et s'épanouir dans un certain
terrain, de s'obstiner à la cultiver
encore ? Ne serait-il pas plus sage et plus
intelligent de renoncer franchement à cette
culture qui ne peut amener que d'amères
déceptions ?
Eh bien non, cette objection qui parait
formidable ne nous convainc pas ; notre coeur,
et surtout notre conscience nous crient que ceux
qui ont fait le bien ont choisi
la bonne part, et qu'en dépit de toutes
leurs souffrances, j'allais dire à cause
même de ces souffrances, ils ont
montré aux autres qu'ils avaient eu raison,
et que s'il fallait recommencer, ils feraient de
même. Allez demander à tous ces
représentants de la douleur s'ils
regrettent, au fond de leur coeur, de se
l'être attirée par leur
sainteté même. Tous bien plutôt,
comme un seul homme, vous répondront :
« Nous ne regrettons rien, et nous sommes
prêts à recommencer si cela est
nécessaire. »
Quelle en est la raison profonde ? La
parole de mon texte nous le dit clairement :
« Jésus-Christ a été
amené à la perfection par les choses
qu'il a souffertes, » ou encore.
« il a appris l'obéissance par ses
souffrances. »
(Hébreux
5, 8.) Mais, dira
quelqu'un, comment donc, le Saint de Dieu a
dû apprendre l'obéissance ? Il a
dû tendre vers la perfection, il
n'était donc pas parfait ? Oui certes,
il l'était avant de venir sur la
terre ; mais il s'est dépouillé
de tout, non seulement de la gloire de sa
divinité, mais encore de la gloire de sa
perfection. Il a voulu conquérir ou
plutôt reconquérir cette perfection
qu'il possédait par l'essence même de
son être. Voilà pourquoi il a pu
progresser, ce qui ne veut pas dire qu'il ait
péché, car il a toujours
été à la hauteur de ce qu'il
pouvait être, il était toujours aussi
parfait que possible ; mais sa perfection
à cinq ans n'était pas celle qu'il
atteignit à quinze, à vingt, ni
surtout à trente ans. Il a donc dû
lutter pour aller de conquête en
conquête, de perfection en perfection, et
s'élever de la perfection relative à
la perfection absolue.
Et comment cela ?
Précisément par ses souffrances.
Voilà le grand mot de l'énigme,
voilà le secret profond de la douleur :
elle est la grande école de la perfection,
le stimulant qui nous aide à nous
élever jusqu'à elle, la puissance qui
nous transporte au-dessus de nous-mêmes vers
la cime éblouissante de la perfection
divine.
On peut distinguer trois stades dans cette
ascension ; on pourrait appeler le
premier : la souffrance acceptée.
Très souvent, nous commençons par la
révolte, nous ne pouvons pas comprendre
pourquoi Dieu nous fait ou plutôt nous laisse
tant souffrir : il y a,
entre notre soif de bonheur et la
réalité douloureuse, un antagonisme
que nous ne pouvons pas admettre. Mais lorsque nous
rencontrons sur notre route l'homme de douleur, une
mystérieuse force nous pousse vers lui, son
regard nous attire d'une manière
irrésistible, et, chose curieuse, c'est sa
souffrance même qui nous le rend
profondément sympathique.
Alors, quand nous sommes près de lui,
en le voyant souffrir autrement plus que nous,
notre coeur s'apaise ; puis, à son
contact, cette même souffrance nous
révèle notre valeur personnelle. Il
n'y a guère que ceux qui ont passé
par l'école de la souffrance qui ont appris
à se connaître, à
découvrir leur vraie valeur ; non plus
la valeur d'un être animal supérieur,
mais celle d'un être moral,
d'une personnalité spirituelle et morale,
d'un caractère en un mot. La souffrance
éveille et stimule en nous des
énergies dont nous n'avions jadis aucune
idée, elle est, du moins à
l'école de Jésus-Christ, le rayon
lumineux, projeté dans les profondeurs de
notre être, qui nous fait découvrir
les trésors, pour ainsi dire infinis,
cachés dans cet être. Nous ne savions
pas ce que nous étions, nous
commençons à le savoir ; nous
ignorions notre valeur, maintenant cette valeur se
révèle à nos yeux.
Mais en même temps, nous comprenons
que ce n'est pas cette courte vie, un éclair
en somme, qui peut être la vraie vie ;
la vie terrestre n'est que l'apprentissage d'une
vie qui ne finira plus, le commencement
d'une existence qui ne sera
plus
une existence, mais bien la vie dans le plein sens
du mot, autrement dit : la vie
éternelle.
N'est-il pas frappant de constater que, dans
l'Ancien Testament, c'est aux heures les plus
sombres de l'histoire, des peuples comme des
individus, que la vie éternelle
apparaît tout à coup. Tandis que d'une
façon générale
l'au-delà semble mystérieux, presque
nul dans les pages de l'ancienne alliance, il en
est d'autres où tout à coup une
éblouissante lumière apparaît
aux heures les plus sombres, par exemple dans
l'histoire de Job qui au fort de la détresse
s'écrie : « Je sais que mon
vengeur est vivant et qu'il se lèvera le
dernier sur la terre. Quand ma peau sera
détruite, il se
lèvera ; quand je
n'aurai plus de chair, je verrai Dieu. Je le verrai
et il me sera favorable ; mes yeux le verront
et non ceux d'un autre ; mon âme languit
d'attente au-dedans de moi. »
(19,
25-27).
Et dans le livre de Daniel, c'est quand le
peuple en exil se voit réduit en esclavage,
et qu'une partie seulement est retournée en
Palestine, que nous lisons cette admirable
prophétie empruntée peut-être
aux croyances religieuses du pays, mais comprise
comme elle n'avait jamais pu l'être
auparavant : « En ce temps-là
ceux de ton peuple qui seront trouvés
inscrits dans le livre seront sauvés.
Plusieurs de ceux qui dorment dans la
poussière de la terre se
réveilleront, les uns pour la vie
éternelle, et les autres pour l'opprobre,
pour la honte éternelle.
Ceux qui auront été intelligents
brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui
auront enseigné la justice à la
multitude brilleront comme les étoiles
à toujours et à
perpétuité. »
(12, 1-3.)
Mais ce premier stade franchi, si
l'âme continue son ascension, il en vient un
second plus important, que nous pourrions
caractériser ainsi : la souffrance
domptée. Remarquez bien que je ne parle pas
de résignation, le chrétien n'est
pas, ne doit pas être un
résigné ; jamais ce mot ne se
trouve dans la Bible, car nous ne sommes pas des
fatalistes, c'est-à-dire des Musulmans, mais
des chrétiens, et si nous acceptons la
souffrance, ce n'est pas parce que
nous ne pouvons pas faire
autrement, mais bien parce que nous avons
découvert derrière elle un Dieu
d'amour qui veut partout et toujours le bien de ses
créatures.
Au contact de Jésus-Christ, et
à mesure que nous entrons en communion plus
intime et plus vivante avec lui, nous ne nous
contentons plus d'accepter la souffrance, nous en
triomphons, parce que nous découvrons en
elle un puissant moyen de perfectionnement dans la
sainteté et dans l'amour. Comme deux
métaux juxtaposés et mis ensemble au
feu en ressortent unis ensuite pour toujours,
lorsque nous avons été avec Christ
dans la souffrance, nous en sortons unis avec lui
pour l'éternité, et si nous n'en
sortons pas, notre union n'en est
que plus forte et plus profonde. Or cette union
entraîne la communication de la vie de
Christ, c'est-à-dire de la vie divine qui
est faite de sainteté et d'amour.
De sainteté, c'est-à-dire de
séparation d'avec le péché, de
consécration à la volonté de
Dieu, de victoire sur la nature qui, elle, n'est
pas la sainteté puisqu'elle n'est ni libre
ni morale. Dans la sainteté, nous nous
élevons de la nature à l'esprit, et
par une identification toujours plus
complète de notre volonté à
celle de Dieu, nous triomphons de cette nature en
triomphant de la souffrance.
Mieux que cela, la vie divine nous est en
même temps communiquée comme vie
d'amour, c'est-à-dire vie rayonnante,
débordante, se communiquant aux autres et
venant les enrichir. On a
bien
souvent remarqué que pour comprendre la
souffrance des autres, il faut souffrir
soi-même ; il n'y a rien qui
développe la sympathie comme la souffrance.
En général, nous découvrons
sans peine ceux qui souffrent des mêmes maux
que nous ; nous ne les voyions pas auparavant,
ils nous étaient indifférents ;
maintenant, non seulement nous les connaissons,
mais encore ils nous intéressent comme
jamais ils ne nous ont
intéressés ; leurs souffrances
nous attirent vers eux, nous les partageons en
quelque mesure, et nous les comprenons.
Arrachés à l'isolement de
l'égoïsme où nous avait
plongés le bonheur, nous commençons
à aimer de la vraie manière,
c'est-à-dire non pas pour nous-mêmes,
mais pour les autres et à
nous intéresser au sort de ces autres, qui
jadis nous laissait plus ou moins
indifférents.
Dans cet amour, nous trouvons une joie dont
rien n'a pu nous donner une idée jusqu'ici,
cette joie dont Jésus disait avant
Gethsémané : « Je vous
ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous et
que votre joie soit parfaite »
(Jean
15, 11), et dont
l'épître aux Hébreux
déclare à propos de Christ
« qu'en vue de la joie qui lui
était réservée, il a souffert
la croix, méprisé l'ignominie et
s'est assis à la droite du trône de
Dieu. »
(12, 2.)
Nous ne sommes pas encore au bout, il reste
un stade, le plus élevé, à
parcourir, un dernier pas à franchir, pour
arriver au sommet :
après la souffrance acceptée et
domptée, la souffrance alliée. Chose
mystérieuse mais réelle, elle
devient, elle peut et doit devenir une auxiliaire,
une amie, après avoir été une
ennemie et une étrangère. À
mesure que, grâce à elle, nous sommes
plus près de Dieu, elle nous le
révèle de mieux en mieux, et avec
Dieu, les trésors d'amour qui remplissent
son coeur ; et petit à petit nous
devenons les collaborateurs de Dieu pour la
rédemption du monde. Ce n'est plus de nous
qu'il s'agit, c'est de lui, ce n'est plus de nos
souffrances, c'est de celles du monde, c'est de
celles de Dieu, et nous voulons travailler avec lui
à la rédemption de ce monde, l'aider
à sortir de la souffrance qui le tue par la
souffrance qui le sanctifie. C'est ce que
Saint-Paul exprime dans cette
parole de l'épître aux
Colossiens : « J'achève en
mon corps les souffrances de Christ. »
(1,
24.)
Que de malades, que de gens en larmes ont vu
leurs souffrances, non pas disparaître, mais
se transformer lorsqu'ils ont compris qu'elles
pouvaient être un moyen d'aider les autres,
de les consoler, de les sauver. La terrible maladie
d'Adèle Kamm, n'est-elle pas devenue
l'inspiratrice du plus beau des ministères,
lorsque la jeune malade eut compris que sa maladie
la rendait capable de sympathiser avec ceux qui
soufraient et de s'approcher d'eux pour les ramener
à Dieu ? Aussi longtemps qu'elle
restait repliée sur elle-même, la
souffrance risquait de la révolter, ou tout
au moins de l'aigrir contre Dieu et contre les
autres, mais lorsqu'elle eut
compris le parti qu'elle pouvait en tirer, alors
tout fut changé, la lumière d'en haut
inonda son coeur, et son lit de souffrance devint
un lit de triomphe.
Mes frères, si nous voulons à
notre tour faire de la souffrance notre
alliée pour monter toujours plus haut vers
la perfection de Dieu, il nous faut la foi et une
foi toujours plus sainte, toujours plus humble,
toujours plus personnelle, celle qui nous
amène brisés, vaincus aux pieds du
Maître, et qui, nous unissant à lui
étroitement, nous apprend à ne plus
avoir notre point d'appui, notre centre de
gravité en nous, mais en lui et en lui seul.
L'exemple de Jésus amené à la
perfection par les choses qu'il a souffertes est de
nature à nous calmer dans
la souffrance, puis à nous conduire à
l'abdication de notre être devant Dieu, pour
que nous devenions vainqueurs par lui, puis
parfaits comme lui.
-
La nuit aura bientôt
disparu, le jour naît ;
-
Là-bas à
l'horizon notre port apparaît.
-
Bientôt nous
toucherons au terme du voyage.
-
Matelots, penchons-nous sur
nos rames, courage !
-
-
Confiance au Pilote, amis,
mais en lui seul !
-
Si du brouillard sur nous
s'étend l'épais linceul,
-
Si l'ouragan
s'élève, et qu'il tonne
et qu'il gronde,
-
Point de peur, avec nous
est le Maître du monde !
-
-
Mais voici du matin le
lever radieux ;
-
Les ombres de la nuit
s'effacent dans les cieux ;
-
Tout danger est
passé ; notre course est
finie.
-
Gloire et louange soit
à Dieu, qui l'a
bénie !
-
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