Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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FRANK THOMAS
SA VIE - SON OEUVRE



CHAPITRE VII
PROFESSORAT DE FRANK THOMAS.
SON ATTITUDE A L' ÉGARD DE LA BIBLE ET À L'ÉGARD DU CHRIST.
PENSÉES SUR LA PRIÈRE.

 Aux travaux de Frank Thomas, dérivant de l'Association Chrétienne Évangélique, à ses cours de catéchumènes, à ses tournées de conférences et de sermons en Suisse et à l'étranger, il faut ajouter quelques autres activités qui eurent de l'importance.
Ainsi, il fut, de 1892 à sa mort, membre du Conseil de l'Institution des diaconesses de Saint-Loup et, à cette occasion, il fonda, dépendant de l'A. C. E., un groupe biblique pour les diaconesses, groupe qui a fait beaucoup de bien à Genève.

Durant quelques années il fut membre du Comité du Suffrage féminin et, de 1913 à son départ de ce monde, il fit partie du Comité Universel des Unions chrétiennes, et enfin, de 1901 à 1922, il occupa la chaire de théologie pratique à la Faculté évangélique libre en remplacement de Henri Appia, et, lorsque celle-ci se ferma, il s'inscrivit comme privat-docent à l'Université pour la même discipline, situation qu'il occupa jusqu'à sa mort.

Ce n'est ni la profondeur, ni l'originalité des idées théologiques qui ont caractérisé le professorat de Frank Thomas, certains de ses élèves purent même le trouver un peu simpliste ; mais ce qui fit la valeur de ses cours, ce fut, comme toujours, sa foi, sa personnalité rayonnante, son amour des âmes, sa vaste expérience de la carrière pastorale. D'ailleurs, détail intéressant, un grand nombre des étudiants de la Faculté évangélique déclarèrent, lors de l'interrogatoire qu'on leur faisait subir avant leur entrée en théologie, que c'était aux prédications ou, tout au moins, à l'influence de Frank Thomas qu'ils devaient leur vocation. En effet il a eu à son actif la vocation de beaucoup de missionnaires et de pasteurs. Dans ses cours, il obéissait encore à sa nature qui était celle d'un grand évangéliste. À ce propos n'oublions pas l'intérêt immense qu'il a porté aux Missions et à quel point il sut défendre cette grande cause et la rendre populaire.

Un de ses collègues à la Faculté de théologie, M. le professeur Antoine Baumgartner, a écrit dans une plaquette publiée peu après sa mort par M. Charles Bernard, un article intitulé : « Frank Thomas et la théologie pratique », article très intéressant et suggestif, dont nous extrayons quelques fragments :

Ici, comme dans tous les domaines où s'exerça cette activité généreuse, Frank Thomas a apporté toute sa conscience et son grand coeur. Abordant les études théologiques après une très forte préparation antérieure, littéraire et scientifique ; prédicateur réputé, d'une éloquence très personnelle et puissante ; riche des expériences faites au cours d'un ministère compris sous la forme la plus complète, il possédait les qualités essentielles requises pour l'enseignement de cette discipline théologique qui a pour but de former les futurs pasteurs à l'art de la prédication, et à cette oeuvre importante et si délicate de la cure d'âme, que l'ancien régime appelait volontiers du nom de « prudence pastorale »...

Rappelons... la place centrale que la Bible a toujours occupée dans son ministère, le grand amour et le profond respect qu'elle lui inspirait,
Il n'y a pour s'en convaincre qu'à relire les pages qu'il y a consacrées dans son Catéchisme et qu'à citer ces mots tirés de la brochure Comment utiliser le Nouveau Testament (1926) « Qu'il me soit permis d'affirmer avec force ma foi en la Parole de Dieu, comme au livre par excellence, au livre de la Révélation sans laquelle nous serions encore dans les ténèbres du paganisme ». Il était d'autre part, un ami trop passionné de la vérité dans tous les domaines, et très spécialement dans celui qui touche aux intérêts supérieurs de l'âme humaine, pour n'avoir pas été amené par une pratique approfondie des saints Livres, à reconnaître le droit et le bien fondé de la critique biblique, comprise sous sa forme la plus sérieuse et la plus respectueuse des textes. Il a dit lui-même que tout en se sentant très moderne avec les modernes, il était résolu à rester fidèle à l'enseignement de ce Livre unique entre tous qui s'appelle la Bible. (Préface au Catéchisme.)

En second lieu, Frank Thomas nous paraît s'être nettement rattaché à cette théorie de l'expérience religieuse, dont son ami et cousin, Gaston Frommel a été le représentant et le défenseur le plus autorisé. La théologie de celui qu'il appelait « le frère de son âme » et avec lequel il a toujours entretenu les relations les plus affectueuses et les plus bienfaisantes pour son coeur et pour sa pensée : « Cette théologie de l'expérience fut une révélation pour moi, je compris en le voyant et en l'entendant qu'il était possible de surmonter le doute intellectuel et de le remplacer par une joyeuse certitude. Ce fut Gaston Frommel qui, plus qu'aucun autre peut-être me donna la bonne conscience intellectuelle dont j'avais un urgent besoin pour orienter ma vie et me préparer au ministère ». C'est ainsi que s'exprimait Frank Thomas lui-même, lors de la commémoration du XXe anniversaire de la mort de Gaston Frommel...

C'était aussi son âme de pasteur, si pleinement consacrée, qui cherchait à faire vibrer l'âme de ses étudiants à l'unisson de la sienne, en les mettant en face des beautés et de la grandeur de ce ministère pastoral dans lequel il voyait la plus belle des vocations. terrestres. Et puis, il les mettait en garde contre le risque que ce ministère lui-même pouvait leur faire courir, celui de déformer leur caractère d'hommes, en faisant trop ressortir aux yeux du monde, « la fonction, la vocation, l'habit plutôt que l'être humain ». Il les pressait d'être larges, courageux, obéissants, « à cette double loi de la vie qui s'appelle la possession et le don de soi-même ». Il leur donnait, enfin, le secret d'un ministère fécond, résultant de la vision du Christ et de l'expérience aussi profonde que possible de sa personne divine et humaine.

Les rapports entre ses étudiants et lui ne se bornaient d'ailleurs pas à l'enseignement donné dans l'auditoire de théologie ; Frank Thomas avait sa part de la critique de tous les exercices homilétiques auxquels les étudiants étaient astreints ; la présidence et la discussion de toutes les thèses relevant de sa discipline théologique, lui incombaient, l'examen de ces thèses (qui furent nombreuses au cours de ces vingt et une années) exigeait un travail minutieux de la part du professeur. Et nous n'aurions garde d'oublier la collaboration si précieuse qu'il accorda au Comité directeur de la Faculté, lorsque en 1901, ce dernier institua à l'usage du grand public désireux de s'initier aux travaux de la théologie actuelle, ces séries de cours pratiques qui, d'emblée, attirèrent un nombreux auditoire aux leçons de Frank Thomas. Il y traita suivant les années, de l'Apologie du Christianisme, du Christianisme social et de la Théologie pratique proprement dite.

Celui que l'un de ses anciens étudiants appelait si justement « un évangéliste éminent », a incontestablement exercé sur eux au cours de leurs études, et peut-être même à leur insu, une action de l'ordre spirituel profonde et durable, que venait encore intensifier le noble exemple de sa vie. Tous ils appréciaient, comme l'a dit l'un d'eux, « son enthousiasme pastoral, sa conviction communicative que le ministère est une chose excellente, le contact bienfaisant et tonifiant de sa grande âme ». Et ils sont nombreux ceux qui, à la nouvelle de la mort de Frank Thomas, ont pu dire comme tel autre de ses condisciples : « Plus j'avance dans le ministère, plus je me rends compte de ce que je lui dois ». Un autre encore, ancien soldat de la Grande Guerre, n'a-t-il pas prononcé cette parole bien éloquente : « C'est dans les tranchées que j'ai senti le mieux ce qu'avait été pour moi la personnalité de Frank Thomas ».


À ce témoignage d'un collègue, nous voudrions ajouter quelques impressions personnelles sur la théologie de Frank Thomas et surtout le laisser parler.

Tout d'abord nous dirons, ce dont on a pu se rendre compte par cette étude, qu'il avait une foi simple qui ne mettait en doute aucune des grandes vérités bibliques et évangéliques. Sa foi en la naissance miraculeuse du Christ, en sa divinité, en ses miracles, en sa mort expiatoire, en sa résurrection, en la vie éternelle était complète et absolue. Il fut un croyant dans toute l'acception du terme. Que de fois durant sa longue carrière n'a-t-il pas affirmé cette foi avec puissance et conviction ! Aussi y avait-il tout un parti religieux qui le trouvait trop naïf, trop orthodoxe et qui l'aurait volontiers accusé d'être en retard sur l'horloge de la science théologique.

D'autre part, il l'a dit lui-même, un autre parti l'accusait d'avoir plus ou moins perdu la foi et d'égarer les âmes, en ne croyant plus exactement comme croyaient ses pères. D'où pouvaient provenir de pareilles accusations, portées contre un homme si profondément et authentiquement chrétien ?
Elles provenaient de son attitude vis-à-vis de la Bible qui, tout en restant respectueuse, n'était plus exactement celle des théologiens du passé.

Pour répondre à ces accusations, il a publié un Catéchisme, dans lequel il expose et défend ses idées, en particulier celles concernant la Bible ; mais surtout, et d'une façon plus claire encore, il a abordé ce sujet dans la préface d'une brochure intitulée : Comment utiliser le Nouveau Testament que nous transcrivons ici presque dans son entier :

Qu'il me soit permis d'affirmer avec force ma foi en la Parole de Dieu comme au Livre par excellence, au Livre de la Révélation, sans lequel nous serions encore dans les ténèbres du paganisme. Il n'est peut-être pas mauvais de l'affirmer ici et de le répéter une fois de plus, car à force de faire courir le bruit que les pasteurs, ou du moins la plupart d'entre eux, ne croient plus à la Bible, on a réussi à inspirer à beaucoup la défiance à leur égard, et à créer, entre eux et les fidèles, un fossé qu'il eût fallu combler. Je crois avec le grand savant Huxley que « ce qui a fait la grandeur de l'empire britannique dans le passé, et je souhaite que ce passé continue, c'est l'enseignement de la Bible dans toutes les écoles ». Je crois avec Edmond Scherer, cité par Auguste Sabatier, que « le sort de la sainteté sur la terre est lié au sort de la Bible ». Je crois avec l'évangéliste Moody que « la Bible est inspirée puisqu'elle nous inspire ». Je crois, par conséquent, qu'il faut tout faire pour la répandre parmi les hommes, afin que se réalise un jour la parole du prophète : La terre sera remplie de la connaissance de l'Éternel, comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent (Esaïe 11: 9).

Mais d'autre part, je ne crois pas, je ne puis pas croire à la Bible tabou, fétiche ou amulette tombée du ciel toute faite et capable de nous sauver magiquement et presque sans nous. Je ne crois pas à son inspiration littérale, qu'elle n'a du reste jamais réclamée, et qui est une chose impossible, Dieu respectant trop ses créatures pour en faire des machines à écrire, et ses innombrables auteurs ayant vécu à des époques trop éloignées les unes des autres, avec des lumières beaucoup trop diverses d'un homme ou d'un temps à un autre. D'ailleurs l'expression : inspiration littérale est contradictoire, car elle reviendrait à dire que la Bible est à la fois une dictée et une inspiration. Or qui dit inspiration nie, par là même, la dictée et qui affirme la dictée nie l'inspiration. Il faut choisir entre l'un ou l'autre, ou la Bible a été dictée, et alors elle n'a pas été inspirée, ou elle a été inspirée, et alors il ne faut plus parler de dictée, et je crois trop à son inspiration pour admettre une théorie qui pourrait la contredire. Au reste les contradictions sur des points de détail que renferment leurs récits lorsqu'ils parlent du même sujet, prouvent, à l'évidence, qu'il ne s'agit pas d'une dictée.

Je crois donc à une part humaine à côté de l'action divine dans la formation des Saintes Écritures avec leurs 66 livres, et je m'efforce, à la lumière de Jésus-Christ, Parole vivante, seule infaillible qui donne à la Parole écrite toute sa valeur, comme un joyau fait valoir son écrin, de trouver le Sauveur, mon Sauveur, l'Homme-Dieu, ou le Dieu-Homme, annoncé par l'Ancien Testament et décrit dans le Nouveau. Le premier peut se résumer dans ce mot : « Il viendra ». Le second dans cet autre : « Il est venu et il reviendra ». C'est le Christ qui m'explique les Écritures et dans les Écritures ce qui le concerne. C'est lui qui m'apprend à discerner dans l'Ancien Testament ce qui est inspiré de son Esprit et ce qui ne l'est pas, suivant la parole célèbre du Sermon sur la montagne : « Vous avez appris qu'il a été dit : Oeil pour oeil et dent pour dent. Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi ; mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux » (Matthieu 5: 44).

Ne voulant pas faire dire à la Bible ce qu'elle n'a jamais dit, je m'inspire de cette parole de l'apôtre Paul si souvent mal traduite et qui par là même a induit en erreur tant de braves gens :

« Toute Écriture inspirée de Dieu (celle qui est inspirée de Dieu, mot qui se dit en grec théopneustie) est utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre (Il Tim. 3: 16-17). Traduction toute autre que celle, connue par tant de gens : « Toute Écriture est inspirée de Dieu ».

Au reste l'essentiel n'est pas tant de faire des théories sur l'inspiration de la Bible, mais de s'en inspirer, ni de la connaître intellectuellement, mais d'une manière pratique en devenant nous-mêmes des Bibles vivantes !


Quelle que soit l'opinion que l'on ait de l'attitude de Frank Thomas vis-à-vis de la Bible, personne ne pourra mettre en doute sa sincérité, ni la profondeur et l'authenticité de sa foi chrétienne. Malgré ces quelques réserves, la Bible a tenu une place immense dans sa vie et dans sa prédication, et, par-dessus tout, il y a placé au premier rang la personne du Christ. Car il a été un adorateur du Christ, il a vécu dans sa communion, constamment il l'a présenté comme Sauveur, comme Rédempteur, comme idéal à ses auditeurs et à ses lecteurs. Il a tracé de lui d'innombrables portraits, tous vibrants d'enthousiasme et d'émotion. En voici deux qui nous semblent particulièrement frappants :

Quand je vois la main de Jésus pansant les blessures saignantes, ce n'est pas un homme que je vois, c'est mon Dieu ; quand j'entends ses paroles si douces, si pleines de compassion, ce ne sont pas les paroles d'un homme, mais d'un Dieu ; quand je le vois se pencher sur nos malades, sur nos mourants, sur nos morts, c'est Dieu que je vois. Quand je contemple le regard si tendre de Jésus se tournant vers moi, m'attirant à lui, je vois le regard même de Dieu, et je tressaille de joie ; quand Christ me serre dans ses bras, sur son coeur, je me sens serré dans les bras, sur le coeur même de Dieu, et en sentant les battements de ce coeur de Père, je me sens consolé, mes larmes se sèchent, ma douleur est vaincue (1).

Je connais quelqu'un qui, lui, n'a jamais déçu personne, même parmi ceux qui avaient les plus hautes aspirations ; ce quelqu'un c'est Jésus-Christ. Plus on le contemple, plus le Fils de Marie apparaît beau, c'est bien le Fils de l'homme, c'est l'homme par excellence qui répond parfaitement aux besoins profonds de nos coeurs. De quelque côté qu'on l'observe, on est saisi d'admiration ; en le voyant, le coeur est ému, saisi, remué jusqu'au fond. Il est beau, Jésus, dans ses rapports avec sa famille, avec sa mère en particulier qu'Il aime et vénère jusqu'à la fin, la confiant avant d'expirer, à son disciple Jean qui sûrement en prendra un tendre soin en souvenir de son Maître. Il est beau dans ses rapports avec sa patrie qu'Il aime passionnément, sans esprit d'étroitesse cependant, et sur laquelle Il sanglote en pensant à ses futurs malheurs. Il est beau dans ses relations avec la nature, quand, par exemple, Il apaise les flots et le vent sur le lac de Génézareth en tempête. Il est beau dans sa manière de traiter ses amis, ses disciples surtout, qu'Il aime jusqu'à la fin, ou, plus exactement traduit, jusqu'à la perfection, qu'Il supporte avec une patience inouïe et qu'Il sait très bien protéger contre ses adversaires quand ils veulent les arrêter. Il est beau dans sa conduite avec ses ennemis pour lesquels Il adresse la sublime prière du pardon : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent, ce qu'ils font » (Luc 23: 34), à l'heure terrible où les clous s'enfoncent lentement dans sa chair et le fixent au bois maudit. Il est beau quand Il parle, Il est beau quand Il prie ; Il est beau quand Il se délasse, prenant dans ses bras les petits enfants, Il est beau quand Il se dépense pour les malades et pour les malheureux ; Il est beau quand Il sourit, Il est beau quand Il souffre et qu'Il agonise intercédant pour la race humaine tout entière, beau enfin quand Il prononce ses dernières paroles sur la croix et qu'Il rend le dernier soupir, en poussant un grand cri de triomphe et de foi.

Ne craignez donc rien, vous âmes altérées de beauté morale, tourmentées d'idéal, vous ne risquez pas d'être déçues en vous approchant du Fils de l'homme. Il y a en lui de quoi vous satisfaire, de quoi satisfaire de plus exigeants que vous. Et s'Il vous invite à venir à Lui, c'est parce qu'Il vous connaît à fond et qu'Il sait parfaitement que Lui seul peut étancher toutes vos soifs et cela de la façon la plus complète. Parce que vous avez été déçus, ne vous tenez pas éloignés, au contraire ; que vos déceptions vous amènent à cet idéal réalisé dans une vie d'homme, d'homme historique, votre frère, celui qui est vraiment os de vos os et chair de votre chair.

Quiconque a rencontré en Christ, son idéal moral réalisé, a été tellement saisi, si profondément satisfait, qu'il ne sait plus de quel côté se tourner pour faire semblable expérience et que, à l'exemple de l'apôtre Pierre, il s'écrie avec une conviction joyeuse : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous avons cru et nous avons connu que tu es le Christ, le Saint de Dieu » (2). (Jean 6 : 68 et 69.)


La prière aussi a tenu une grande place dans sa vie, il en a compris toute la valeur, toute l'importance, elle a été le pivot de sa vie spirituelle.

Voici, extraites de ses oeuvres, quelques pensées sur la prière :

La prière, c'est la paire d'ailes puissantes que possède toute âme humaine, et dont elle peut se servir pour retourner à Celui qui l'a formée et redevenir ainsi fille de Dieu. Par elle, cette âme recouvre sa véritable atmosphère, celle-là seule qui peut la faire vivre, la source de son être, Dieu lui-même. Par elle l'homme, créature d'un jour perdue dans l'infini de l'espace et, ce qui est bien pire, déchu profondément par sa révolte insensée, peut exercer une influence sur le Tout-Puissant, faire agir son bras, palpiter son coeur, incliner sa volonté. Par elle, l'homme qui n'est rien peut être ainsi reçu dans les conseils même du Roi des rois et s'associer à son oeuvre de rédemption et d'amour. Comment en serait-il autrement, si Dieu, à l'image duquel nous sommes, est notre Père ? Un père ne se laisse-t-il pas fléchir par les supplications de son enfant ? (3).

La prière d'humiliation et la prière de reconnaissance fusionneront, en quelque sorte, dans la prière d'adoration. L'adoration se fait rare aujourd'hui ; elle devient difficile, presque impossible, dans la vie moderne, trop absorbée par le travail et le plaisir. L'adoration ne peut guère se produire au sein de la fièvre moderne, il lui faut de l'intimité, du silence, du recueillement, la paix des sommets, la solitude des déserts, et nous ne savons pas assez ce qu'est cette paix et ce que signifie cette solitude. Voilà pourquoi il est si nécessaire que la présence de Dieu nous assure, en quelque sorte un sanctuaire, où nos âmes se retireront, pour déployer ensuite une activité d'autant plus grande.
Et qu'on le sache bien, l'adoration est possible dans une cathédrale ou dans une chapelle, mais elle l'est tout autant dans une chambre de malade, dans une humble salle de réunion. (4)

Quand nous sommes près, tout près de Dieu, quand nous avons été admis dans son conseil secret, nous ne tardons pas à découvrir la grande préoccupation de son coeur, nous entendons les soupirs de ce coeur après l'enfant prodigue qui n'est pas rentré ; il nous communique sa tristesse ; disons le mot, sa détresse de père à la pensée des frères cadets qui ne sont pas revenus, et qui souffrent loin de lui, hors de sa communion, et alors il nous inspire la prière d'intercession, qui est peut-être la plus belle de toutes. Nous n'en sommes plus à juger ou à condamner nos frères en les accusant devant le Père, c'est l'occupation du diable et de tous ceux qu'il inspire, nous n'avons plus qu'une pensée, maintenant que l'amour divin passe en nous : les sauver, et, pour bien agir en leur faveur, commencer par intercéder en leur faveur. Nous devenons alors les émules de ces géants du monde moral qui s'appellent Abraham, Moïse, saint Paul, Jésus-Christ Surtout. (5)

Ce qui est vrai d'une façon générale l'est très particulièrement au point de vue spirituel, l'effort est ici plus nécessaire et plus naturel encore ; la foi, ne naît pas toute seule, et pour être solide, il faut la conquérir à la pointe de l'épée. Si Dieu nous exauçait trop facilement, notre foi serait superficielle, nous deviendrions des enfants gâtés et par ces exaucements mêmes, Dieu nous ferait plus de mal que de bien. (6)
Mais il y a plus, il faut avoir hardiment le courage de dire que, dans certains cas, Dieu voudrait nous exaucer, mais il ne le peut pas, parce que les hommes ou les circonstances, le péché ou Satan lui-même s'y opposent d'une façon plus ou moins directe. (7)

Voilà pourquoi aussi Dieu ne nous donne pas toujours ce que nous lui avons demandé, mais il nous donne mieux : par exemple, il nous refuse la guérison du corps, mais pour nous assurer le salut de notre âme. Il nous laisse dans une situation matérielle difficile, mais c'est afin de nous maintenir dans une dépendance de lui plus directe, plus constante, et il nous fait découvrir, comme à saint Paul, lorsqu'il lui refusait la guérison de son écharde, des trésors dans sa grâce dont nous ne nous doutions même pas auparavant. (8)

D'une façon plus générale encore, si nous voulons prier comme il faut, en surmontant toutes les difficultés d'ordre intellectuel ou pratique, que nous pouvons rencontrer, il nous faut à tout prix demander en premier lieu et recevoir ensuite l'esprit de consécration, par lequel nous nous mettrons en communication directe, en contact personnel avec Dieu, et nous lui permettrons par là de nous accorder ce qu'il ne demande pas mieux que de nous donner, des choses véritablement bonnes pour nous. Le secret des exaucements de prières, c'est le secret des vies saintes : un esprit de consécration toujours plus complète, toujours plus joyeuse au service du Maître. C'est par cet esprit que nous permettrons à Dieu d'exaucer nos prières. (9)


Table des matières


1 Bonne Nouvelle, t. 1, p. 235.

2 Questions vitales, t. II, p. 289-291.

3 La Prière, p. 280.

4 La Prière, p. 74-75.

5 Ibidem., p. 78-79.

6 La Prière, p. 48-49.

7 Ibidem., p. 52.

8 Ibidem., p. 51.

9 La Prière, p. 64-65.

 

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