Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



DOROTHÉE TRUDEL



Quelques pensées de Dorothée Trudel.

 

Ne me parlez pas d'une foi que je puis perdre pour avoir subi une injustice ! Si une pareille foi s'effondre, ce n'est certes pas dommage, elle ne vaut pas un liard.

Je ne donnerais pas grand'chose d'un homme de prière qui, à peine la prière terminée, se met à causer de choses inutiles ou à faire des plaisanteries.

Courir les réunions et conserver son vieil homme, cela fait des gens de la pire espèce.

Qu'il se garde de se croire un fidèle disciple de Christ, celui qui se préoccupe trop de ce que d'autres pensent ou disent de lui.

L'esprit badin chasse l'Esprit-Saint.

Une foule de gens prient beaucoup, mais ne consentent pas à se laisser réduire en poussière et à devenir des zéros.

Se plaindre, c'est renier Jésus

Qu'est-ce qui t'est le plus cher, l'âme du voleur ou objet qu'il t'a dérobé ?



I

Dorothée Trudel (1) est née à Hombrechtikon le 27 octobre 1813 ; elle est morte le 20 septembre 1862 à Maennedorf, au bord du lac de Zurich, après y avoir exercé pendant dix ans un ministère extraordinaire de charité et de foi auprès d'une foule de malades et de bien portants pour lesquels elle est devenue, dans la main de Dieu, un instrument d'abondantes bénédictions.

Cette femme d'élite a été l'objet de maintes préventions de la part de ceux qui ne l'ont connue que de nom, et de beaucoup de haine de la part de ceux dont elle heurtait les idées ou troublait la sécurité. Lorsque Dieu suscite une personne extraordinaire, il a un but particulier qu'on ne reconnaît souvent que plus tard.

La mère de Dorothée était une femme pieuse. Demandée en mariage à l'âge de vingt-quatre ans par un homme qui lui avait toujours inspiré de la crainte, elle l'avait refusé plusieurs fois. Mais, comme elle était belle et connue pour son dévouement, il persista dans sa recherche. Le père et la soeur de cet homme étaient des gens pieux que la jeune fille aimait beaucoup. Pour l'amour d'eux, elle finit par accepter ce mariage.
Mlle Trudel a raconté elle-même l'histoire de sa mère.

« Il est triste, dit-elle, de repasser dans son souvenir les souffrances d'une mère comme la mienne ; mais je dois dire à la gloire de Dieu que, durant les vingt-sept ans que je l'ai connue, je ne lui ai pas entendu proférer une seule plainte. Nous ne comprenions pas comment elle pouvait rester toujours si sereine et conserver au milieu de tant de difficultés un si joyeux courage ; moi surtout, qui avais malheureusement l'humeur impétueuse et colère de mon père, j'étais confondue de la patience avec laquelle elle supportait ses injustices. Lorsque je la voyais douce et amicale avec lui et sachant toujours nous montrer ses bons côtés, tandis que nous ne voyions que méchanceté, je m'écriais :
- O mère ! comment peux-tu parler ainsi ? à ta place, je m'y prendrais bien autrement ; tu le gâtes au lieu de lui montrer ses torts, tu ne fais que prier.
- Enfant, répondait-elle, un jour tu me comprendras. Mon mari est mon bienfaiteur, c'est lui qui m'a appris à ne m'attendre qu'au Seigneur et à remettre tout à sa seule garde. Si vous ne voulez pas reconnaître qu'il nous bénit en brisant notre volonté, vous me préparez encore plus de chagrins que votre père ne m'en cause à présent. Ma tâche est de prier afin que la verge dont Dieu se sert ne soit pas jetée au feu éternel ; quant à l'épreuve, je l'en bénirai toute ma vie.
- Comment en bénir Dieu ? répliquai-je.

Mon coeur ne pouvait admettre une telle acceptation, mais l'exemple de ma mère finit par triompher.

Nous étions onze enfants, et nos ressources étant très bornées, nous fûmes élevés dans une grande simplicité ; en ceci nous comprenions mieux notre mère, et, malgré bien des privations, notre jeunesse fut douce et joyeuse. En dépit des scènes violentes de mon père, la paix habitait sous notre humble toit, grâce sans doute aux constantes prières de ma mère en faveur de son mari et de ses enfants.

Notre nourriture était pauvre et uniforme, mais nous nous portions aussi bien que les enfants les mieux nourris, et quand nous racontions à notre mère les bonnes choses que les autres enfants mangeaient, elle nous disait de rendre grâces de ce que nous avions le nécessaire, dont tant d'autres étaient privés. Souvent il n'y avait rien dans la maison ; sauf ma mère, nul ne le savait que Celui qui nourrit les oiseaux de l'air, et qui ne nous abandonna jamais. Nous fîmes à ce sujet les plus douces expériences ; aussi notre mot d'ordre était-il : prier et non mendier.
- Enfants, disait notre mère, il est écrit : "Celui qui se confie en l'Éternel ne sera jamais confus. "

Un jour, l'un de nous, après avoir déclaré que si notre père ne changeait pas de conduite nous serions tous ruinés, concluait par cette boutade :
- Mère, tu ne dirais rien, quand même tu nous verrais tous réduits à mendier.
- Cela n'arrivera jamais, répondit-elle avec assurance, car la Parole de Dieu est plus ancienne que nous, et David dit : "J'ai été jeune et je suis devenu vieux, mais je n'ai jamais vu le juste abandonné, ni sa postérité réduite à mendier son pain !" Enfants, travaillez et priez et vous ne manquerez de rien.

Quoique conduits sur le chemin de la foi, nous n'y marchions pas nous-mêmes. Si nous avions eu les yeux ouverts, nous aurions mieux compris la Bible et mieux reconnu dans notre vie le Dieu vivant qui s'y montre dès le commencement. Nous n'avions pourtant pas de peine à croire que les habits et les souliers des Israélites ne se fussent point usés pendant les quarante ans de marche à travers le désert, car nous étions nous-mêmes l'application vivante des promesses contenues dans Deutéronome VIII, 4 ; XXIX, 5 ; Néhémie IX, 21.

Nous n'avions point d'autre livre que la Bible, et ses histoires nous devinrent peu à peu si chères que, les sachant presque par coeur, nous aimions pourtant toujours à les relire. C'est à cela à peu près que se bornait notre instruction ; car nous n'avons fréquenté l'école que très peu de temps, le travail de chacun étant nécessaire à tous. Ma mère aussi aimait la Bible par-dessus tout, mais elle ne pouvait la lire que le dimanche. Nous étions constamment occupés. Dès l'âge de neuf ans, je dus travailler du matin au soir, sans intervalles de récréation. Nous eussions bien aimé courir à l'air comme nos petits voisins ; mais nous n'en étions pas moins heureux et contents. Les discours de ma mère et les prières à haute voix dont elle accompagnait son travail nous faisaient vivre dans une atmosphère de paix et de sainteté. Elle ne permettait aucune médisance, aucun commérage, et jamais elle ne répétait les nouvelles du village. Elle parlait peu, mais sa vie agissait en nous, et sa parole était accompagnée de la puissance de Dieu dans les coeurs ; elle a souvent atteint le mien comme une flèche. Sans cesse elle nous remettait entre les mains de Dieu, et il me semble encore l'entendre répéter : « Je t'en prie, qu'aucun d'eux ne manque au dernier jour ! »

Bien que la cadette, je me rappelle une foule de prières exaucées. Une, entre autres, m'a particulièrement frappée. Ma tante, qui vivait avec nous et nous était d'un grand secours, tomba gravement malade. Tout annonçant une fin prochaine, elle se prépara à la mort et prit la sainte cène. Peu après elle perdit tout mouvement ; il ne lui restait que la parole. Elle avait des visions célestes, et lorsque le soir on apporta la lampe, elle s'écria :
- Quelle idée, lorsqu'une telle clarté nous environne !

Ma mère comprit qu'elle allait mourir, et, se jetant à genoux, pria Dieu avec instance de lui laisser cette précieuse soeur jusqu'à ce que sa fille aînée fût en état de la seconder. Vers minuit, ma tante, jusque-là immobile et muette, dit tout à coup :
- Je vois bien qu'il me faut rester encore dans cette vallée de larmes pour être avec toi.

En effet, elle vécut encore quinze ans, jusqu'à ce que ma soeur aînée pût être utile à ma mère. Cette chère tante s'était entièrement donnée à nous et travaillait jour et nuit pour ne nous laisser manquer de rien. Elle s'était dépouillée de presque toute sa garde-robe pour nous habiller. Déjà en 1817, lors d'une grande famine, ayant à peine dix-huit ans, elle s'était consacrée à son père et à ses jeunes soeurs, travaillant pour eux jour et nuit.
- N'aie aucune crainte, lui disait-elle, je n'abandonnerai jamais les enfants ;j'aimerais mieux souffrir moi-même de la faim que de les laisser manquer du nécessaire.

En effet, pendant plusieurs années, elle se contenta pour elle-même de lait et de pommes de terre mais apprêtait pour son père une nourriture plus fortifiante.

Au milieu de ses épreuves, ma pauvre mère avait trouvé un secours efficace en la personne de cette belle-soeur et de son père, animés tous deux d'une vraie piété. Ils partagèrent toujours toutes ses souffrances avec une chrétienne résignation. Leur travail réuni subvint aux besoins de notre nombreuse famille. Si l'un de nous tombait malade, il était porté par eux aux pieds du Sauveur. Notre mère n'avait de médecin que lui et de remèdes que la prière. Même lorsque je pris la petite vérole et que je fus menacée de perdre la vue, on n'en dit rien à personne. Mon père, apprit la chose au cabaret, mais il y resta sans se soucier de moi. Ma mère n'en témoigna aucune humeur, mais pria pour lui, pour nous, surtout pour l'enfant malade, qui recouvra la vue et la santé. Une autre fois, l'un de mes frères, à la suite d'une grande frayeur, eut une attaque d'épilepsie. Mon père était de nouveau absent.
- Je connais ce mal, nous dit ma mère ; c'est la plus grande épreuve qui pût nous être envoyée, mais Celui qui guérit le lunatique en Judée vit encore. Ne dites rien à personne et prions !

Lorsqu'elle en parla à mon père, celui-ci, qui ne voulait pas être dérangé dans ses plaisirs, se moqua d'elle et lui dit qu'elle avait rêvé.
- Eh bien, répondit-elle, je prie Dieu que Jean ait un accès devant toi, mais que ce soit le dernier.

Huit jours après, l'enfant tomba aux pieds de son père, écumant et se débattant. Cet accès fut le dernier, et la terrible maladie ne reparut que trente-quatre ans après.

Combien d'exemples de foi et de prières exaucées n'aurais-je pas encore à raconter, s'il ne fallait pour cela accuser mon père, qui en était presque toujours l'occasion ! Mais comme nous eûmes la joie, après la mort de notre mère, de le voir embrasser la foi qu'elle avait tant demandée pour lui, pleurer ses péchés et s'endormir dans la paix du Seigneur, je veux seulement insister sur la vérité, de ces paroles : "Il ne tombe pas un cheveu en terre sans la volonté de votre Père céleste" et : "Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu. "

Une fois tous élevés, nous avions entouré notre mère de nos soins. Accoutumés par elle à un travail assidu, nous gagnions assez pour être désormais à l'abri du besoin. Là santé de plusieurs d'entre nous avait été malheureusement compromise par suite d'une enfance et d'une jeunesse trop sédentaires, et l'une de mes soeurs disait souvent :
- Que deviendrons-nous dans la vieillesse quand nous ne pourrons plus travailler, si nous ne possédons plus rien ?
- Laissez faire le bon Dieu, répondait tranquillement ma mère.

Eh bien, peu de temps avant sa mort, elle nous vit tous établis et en santé de corps et d'âme.

Dans les dernières années de sa vie, tous en état de gagner notre pain, nous eûmes le courage de la prendre sous notre protection et de déclarer à notre père que nous ne souffririons plus de voir maltraiter celle qui s'était sacrifiée pour lui et pour nous ; qu'il pourrait décharger sur nous sa mauvaise humeur, mais que pour elle c'en était assez. Nous nous efforçâmes à l'envi d'adoucir sa vie, et souvent elle disait en pleurant :
- Enfants, pourquoi voulez-vous que je sois si bien ?

Cependant elle acceptait tout pour nous faire plaisir et se réjouissait de nous voir mettre en pratique ses leçons, l'oubli de soi-même et la confiance en Dieu. Elle eut aussi la joie de savoir plusieurs de ses enfants nés à un christianisme personnel et vivant. Voyant ainsi ses ardentes prières exaucées, elle les continuait pour son mari et ses autres enfants avec la ferme assurance d'être un jour entendue.

C'est dans la dernière année de sa vie que fut couronnée son inébranlable confiance en la providence de Dieu. Onze semaines avant sa mort, un parent dont nous n'avions jamais entendu parler arriva de Hollande. Il nous prit en affection, et dès lors notre vie extérieure fut toute changée. Au lit de mort de ma mère, il lui promit de nous servir de père, et il a fidèlement tenu parole. Il témoignait sa joie de nous avoir pour enfants adoptifs et de nous laisser sa fortune, considérant comme un privilège d'être l'instrument par lequel Dieu se montrait fidèle envers sa fidèle servante. 

La foi héroïque de cette mère extraordinaire ne se démentit pas jusqu'à la fin. Sa fille conclut comme suit le récit qu'elle nous a laissé de sa vie :

Je voudrais, dans l'esprit de ma mère, dire à toutes les mères : Si vous voulez être en bénédiction à vos enfants, ne vous mettez pas en peine pour eux des trésors que les vers et la rouille consument, ni de leur assurer une grosse dot et un beau trousseau. Apprenez-leur à prier et à travailler, mais à travailler par obéissance et avec foi, et priez vous-mêmes pour eux, afin qu'ils soient des offrandes vivantes à la gloire de Dieu.



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1 La présente notice biographique, composée primitivement par Mme Vinet, a été remaniée et complétée avec le concours de M. le pasteur Arnold Bovet.

 

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