SENTINELLE ! QUE
VOIS-TU ?
Toute la Bible, mais
particulièrement les écrits des
apôtres, nous enseignent que cet Ordre,
fruit de la liberté par la vertu de l'Esprit
saint, doit régner et se manifester dans la
collectivité, dans l'Eglise qui est le corps
de Christ, comme il a existé en Christ, la
Tête, à défaut de quoi,
l'oeuvre de Jésus ne serait point parfaite.
En d'autres termes, si la volonté de Dieu a
pu être accomplie entièrement dans le
Christ homme, cette même volonté doit
organiquement vivifier l'Eglise entière, en
butte, sur la terre, aux mêmes tentations et
aux mêmes souffrances que Lui, autrement la
communion entre la tête et les membres
resterait défectueuse, et Dieu ne pourrait
dire de cette création, la plus belle oeuvre
de ses mains : « Cela est
très bon ! » Comment peut-on
parler, avant que la preuve de
l'union parfaite ait été faite (ce
qui est uni à Christ devient un même
esprit avec lui), comment peut-on parler du banquet
des noces de l'Agneau ? Dieu ne veut pas que
son Fils contracte une mésalliance et nous,
nous ne voulons pas que notre Seigneur
Jésus-Christ ait honte de son Église
devant les anges de Dieu.
De cet Ordre dans l'unité qui sera la
démonstration évidente de
l'efficacité de l'oeuvre rédemptrice
de Christ dépend nécessairement la
bonne érection du corps de Christ, Pour un
édifice destiné à durer
éternellement, une solidité à
toute épreuve s'impose dans toutes ses
parties et tout particulièrement dans ses
assises les plus profondes. N'est-il pas notoire
qu'une foule d'entreprises chrétiennes fort
louables et pleines de promesses ont
misérablement échoué, pour la
simple raison qu'on en avait insuffisamment
préparé et contrôlé les
bases ?
Ce fondement que l'apôtre Paul disait
avoir posé comme un sage architecte, quel
est-il ?
L'auteur sacré ne nous semble nulle
part l'indiquer mieux que dans cette parole aux
Corinthiens : « Christ - la pierre
angulaire - nous a été fait de la
part de Dieu sagesse, justice, sanctification et
rédemption. »
Que détermine dans un ordre qui n'est
certainement pas arbitraire, cette
énumération des quatre assises du
fondement de l'Eglise et à quoi
correspondent en nous ces quatre
éléments de la grâce ?
La sagesse n'est-elle pas pour l'esprit, la
justice ne purifie-t-elle pas l'âme, la
sanctification ne s'adresse-t-elle pas au coeur,
c'est-à-dire aux énergies impulsives
et volontaires ; enfin la rédemption ne
communique-t-elle pas au corps, la vie de
l'Incorruptible, du Ressuscité ? Ainsi
l'homme tout entier se trouve atteint,
renouvelé dans toutes les parties de son
être et il ne parvient à la perfection
que lorsque ces quatre éléments ont
achevé leur oeuvre de
régénération. L'action peut en
être plus ou moins simultanée sans
doute, mais il est évident que rien ne
commence sans la sagesse et que rien n'est
terminé sans la rédemption.
Cette sagesse dont le commencement est la
crainte de l'Éternel, cette sagesse que l'on
peut demander à Dieu qui la donne à
tous libéralement - c'est-à-dire
à tous ceux qui, se défiant de la
leur, vont à Dieu pour être instruits
- cette sagesse est ce sens du divin qui sait
distinguer entre le mal et le bien, entre ce qui
est profane et ce qui est saint, qui discerne Dieu
dans sa Parole, dans sa création, dans
l'homme, dans les événements de la
vie des individus et des nations. Ce sens devient
d'autant plus délicat, subtil, puissant et
embrasse un horizon d'autant plus vaste que
l'esprit s'exerce davantage à
pénétrer dans les secrets de Dieu
avec l'humilité qui convient à
pareille étude. Sans cette communion de
notre intelligence avec l'Esprit Saint, toute
religion n'est qu'un formalisme creux et plus ou
moins rebutant ; sans cette
fécondation, la doctrine la plus conforme
à la vérité reste à
l'état de formule morte.
C'est pourquoi nous disions que rien n'est encore
sérieusement commencé, là
où ce facteur primordial n'a pas
préparé le terrain.
L'intelligence une fois
éclairée par la connaissance du
Divin, c'est l'âme, ce mystérieux
ensemble d'impressions, de sentiments, de
sympathies et d'antipathies, d'impulsions
inconscientes et de passivité maladive, que
la Bible place dans nos reins, c'est-à-dire
dans les profondeurs impénétrables de
notre être, que Dieu seul peut sonder, c'est
l'âme qui entre en contact avec la vie
divine. L'Esprit qui a maintenant formé son
premier organe en l'homme, peut opérer la
purification de la vie psychique. Il
révèle et tue ce qui est de l'homme
animal, les passions multiples
qu'énumère le chapitre V des Galates
et que l'apôtre désigne d'un
mot : la chair. L'homme ne se connaissait pas
lui-même, et eût-il fait l'examen de
son âme, qu'encore il lui eût
manqué la vraie norme pour la juger.
Maintenant il la possède et, par cette
lumière, il découvre dans son for
intérieur des vices
insoupçonnés, dans les tissus les
plus secrets de sa nature des tares qui le
déconcertent. La vue en est terrifiante et
produit ce revirement, cette repentance sans
lesquels, de nouveau, toute religion n'est
qu'artificielle et illusoire. À ce spectacle
humiliant d'une nature déchue au point d'en
désespérer, à laquelle il
n'est plus possible de se fier et dont on se
détournera avec horreur pour n'y plus jamais
revenir, Dieu oppose l'éclat du Saint et du
juste, mort précisément dans le but
de renaître en tous, tel qu'il vivait aux
jours de sa chair. C'est donc
Lui, avec sa justice, qui dorénavant se
substituera à cet être instinctif,
inconscient, faible, impressionnable,
méchant, égoïste. Il deviendra
par là même la force divine en nous,
parce qu'Il est la Vérité.
Notre coeur,
brisé par l'effondrement de notre vie
naturelle, va se trouver dans des conditions
nouvelles. Ouvert, élargi par ce coup
libérateur, pour laisser Christ y
établir sa demeure, notre coeur,
siège de la volonté et de toutes les
sources de notre énergie, éprouve
enfin le besoin de consacrer toutes ses forces
restaurées au seul service de Dieu. La honte
salutaire qu'il conservera toujours de
lui-même le pousse à ne plus vouloir
connaître que le Père et les
intérêts du Père. Toute autre
préoccupation, tout retour au passé,
à la chair, lui est une abomination. La vie
de Christ est devenue le principe de sa propre
sanctification, et cette vie ne peut retourner,
dans tous ses élans, qu'à Celui qui
l'a donnée. « Ne dois-je pas
être occupé aux affaires de mon
Père ? » « Tu n'as
voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m'as
formé un corps ; voici, je viens,
ô Dieu, pour faire Ta
volonté. »
Christ, « la pierre
angulaire » et « le
fondement » de l'édifice de toute
vie chrétienne. « Christ, nous dit
l'apôtre, nous a été fait
sagesse, justice, sanctification et
rédemption ». Terme, couronnement
et sanction du salut, la rédemption
manifeste jusque dans le corps de notre chair la
perfection de la grâce et de l'adoption
divine. Car ceux pour qui la
personne et l'oeuvre de Christ sont
réellement devenues « sagesse,
justice et sanctification », participent
désormais par leur nature morale à
celle de Dieu, et sont reconnus de Lui pour ses
enfants authentiques. Étant
« devenus
inébranlables », le St-Esprit peut
consommer en eux le plan total du salut qui
enveloppe l'organisme physique lui-même.
Personne n'ignore que la matière est
ou doit être soumise à l'esprit. Elle
fut créée pour lui servir
d'instrument, de moyen d'expression, de temple et
pour révéler sa gloire. La
création matérielle joue ce
rôle à l'égard de Dieu ;
elle doit le jouer à l'égard de
l'homme, image de Dieu. L'affranchissement de la
maladie et de la mort entre donc logiquement dans
le cadre de l'oeuvre rédemptrice. Ce
rayonnement de la grâce, lorsqu'il passait
par l'absolue sainteté du Fils de l'homme,
son parfait Médiateur, guérissait
tous les malades et ressuscitait les morts ;
les premiers témoins historiques de
Jésus furent partiellement investis des
mêmes prérogatives, aussi longtemps du
moins que l'Eglise fut à la hauteur de sa
vocation.
Il était à craindre,
néanmoins, que les croyants, attachés
aux manifestations extérieures et visibles
de la grâce, ne négligeassent peu
à peu les conditions internes et morales qui
seules en assurent la possession. Nous avons vu,
par l'exemple d'Ananias, comment l'Eglise tomba
dans le piège et par
infidélité se priva des effets
glorieux de la pleine rédemption.
Sans doute, ému de la misère
de l'humanité et de la souffrance à
laquelle la condamne le péché, Dieu,
dans ses compassions infinies, a voulu, en
attendant qu'elle pût recevoir par
l'Évangile sa guérison
définitive, apporter à cette
souffrance quelque adoucissement. Il a permis
à la science médicale de discerner,
au sein des éléments de l'univers,
les remèdes appropriés au soulagement
de nos corps. Condescendance touchante envers notre
faiblesse, dont nous avons à le
bénir, mais dont il nous faut comprendre
qu'elle n'est que pour un temps : celui de
notre ignorance et de notre égarement
spirituel. Tel est, à notre avis, la
justification de la médecine et de son
usage. De l'aveu de ses propres partisans, elle ne
constitue qu'un palliatif toujours précaire
et toujours incomplet. À combien plus forte
raison les chrétiens doivent-ils l'envisager
de la sorte ! Car la vérité
fondamentale, la vérité
éternelle, c'est que Christ, la vie de leur
âme, est et demeure, aujourd'hui comme
autrefois, celle de leur corps.
Pourquoi cela ne paraît-il pas
davantage ? Parce que l'état actuel de
la chrétienté ne le permet pas. Elle
est si charnelle encore qu'elle crierait au prodige
et que, se méprenant sur les intentions
divines, elle serait induite à chercher la
fin » sans vouloir les moyens, à
convoiter le fruit sans cultiver les racines. Tant
que l'Eglise n'aura pas été plus
solidement édifiée sur la triple base
de la sagesse, de la justice, de la sanctification
par Christ, le plein effet de la rédemption
ne lui sera point accessible. Ceux qui auraient un
don de guérison et qui l'emploieraient
aujourd'hui seraient en
péril d'être adorés comme Paul
et Barnabas le furent à Lystre ; et
ceux qui auraient été guéris
risqueraient de s'en tenir au seul soulagement de
leurs maux. Comment l'Eglise n'a-t-elle pas encore
compris une chose si simple, les voies
élémentaires de la pédagogie
rédemptrice ?
Et c'est la raison pour laquelle Dieu n'a pu
exaucer complètement jusqu'ici ceux qui,
parmi nous, ont déployé le drapeau de
la guérison par la foi et revendiqué
le principe de la rédemption du. corps.
S'ils n'ont pas obtenu toujours l'entière
réalisation des promesses, c'est que
l'Eglise n'est pas mûre pour l'exercice de
cette prérogative. Elle la tournerait
à sa perte. Ont-ils eu tort, cependant, de
persévérer dans leur attitude et dans
la ferme attente d'être un jour
exaucés ? Nous ne le pensons pas. Leur
espérance est prophétique d'un
meilleur avenir. Dieu leur donne plutôt d'y
rester fidèles jusqu'au bout, mais qu'Il
leur accorde aussi de bien discerner quel est
l'ordre et la succession de ses desseins ! Et
que ceux qui seraient tentés de se laisser
abattre ou scandaliser par ces échecs et ces
démentis apparents, prennent garde que, dans
« le corps de Christ », nul ne
vit pour soi-même, et qu'ainsi des
chrétiens éprouvés,
personnellement dignes peut-être d'obtenir ce
suprême triomphe de l'Esprit sur la chair, ne
l'ont point obtenu par égard pour ce qui
manque à la foi de leurs frères. Des
guérisons nombreuses, multipliées,
régulières, en quelque sorte,
feraient croire à un état
prospère du peuple de Dieu, alors que tout
en lui pèche encore par la
base. Dieu ne saurait tolérer de pareilles
illusions, ni, par le moindre prétexte, les
entretenir et les susciter. Il attend donc et Il
attendra, pour couronner l'oeuvre de leur salut et
la manifester, que ses enfants aient enfin consenti
à commencer par le commencement.
Mais le terme des voies de Dieu à
notre endroit ne s'épuise pas dans ce que
nous venons de dire. Ce point d'arrivée ne
constitue qu'un nouveau point de départ.
Derrière ce premier sommet s'en dresse un
second plus élevé et plus sublime
encore.
Nous reprochera-t-on d'entreprendre sur
l'économie future, de spéculer sur un
mystérieux avenir, de nous livrer à
de vaines imaginations ? Qu'on médite
plutôt les paroles suivantes de St-Paul. On
ne l'accusera pas, nous l'espérons, de
confondre la période de l'Eglise avec celle
du millénium : « J'ai
posé le fondement, écrivait-il aux
Corinthiens, comme un sage architecte, que celui
qui bâtit dessus prenne garde comment il
bâtit. » Et il ajoutait aux
Éphésiens : « Il a
établi les uns apôtres, les autres
prophètes, les autres
évangélistes, les autres pasteurs et
docteurs, pour le perfectionnement des saints, en
vue de l'oeuvre du ministère pour
l'édification du corps de Christ,
jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus
à l'unité de la foi et de la
connaissance du Fils de Dieu, à
l'état d'homme fait, à la mesure de
la stature parfaite de Christ. »
Ces passages ne sont-ils pas clairs ?
Sur le fondement qu'il pose,
conformément au plan qu'il trace,
l'apôtre n'annonce-t-il pas qu'un
édifice doit se construire ? Or, le
plus beau des plans n'est pas encore un
édifice. Il y a, de l'un à l'autre,
toute la différence qui subsiste entre un
projet et sa réalisation.
La communauté de Jérusalem
fut, de cette réalisation, une sorte
d'ébauche anticipée ; quelque
chose d'analogue à ces modèles
réduits que façonnent les
architectes, afin de faire mieux comprendre
à tous la création de leur
génie, Dans ce modèle, se laissait
pressentir et prévoir ce que serait un jour
l'Eglise parvenue à sa véritable
stature. Mais de même qu'il fallut de longs
siècles d'efforts impuissants pour
qu'Israël comprît enfin que la loi,
incapable de sauver l'humanité
pécheresse, la condamnait au contraire et
servait ainsi de pédagogue à Christ,
de même il fallut de nouveaux siècles
d'obscurités, de tâtonnements,
d'humiliations, de sang et de chute pour ramener
les rachetés de Christ à la seule
maîtrise de l'Esprit. Contristé par
tant et de si graves infidélités, le
St-Esprit n'a pu jusqu'ici consommer « le
perfectionnement des saints », parce que
les saints ne peuvent parvenir à la
perfection que solidairement avec le corps, aux
destinées duquel ils sont liés.
L'imperfection de l'ensemble entrave
douloureusement le développement de chacune
de ses parties. L'apôtre disait :
« Quand un membre souffre, tous souffrent
avec lui. » Mais qu'aurait-il dit de la
souffrance d'un membre, quand tout le corps est
malade ?
« L'Esprit que je vous enverrai, a
promis Jésus aux siens, vous conduira dans
toute la vérité. » Cette
vérité complète, la
possédons-nous ? Mais alors où
sont ses fruits ? Et si les fruits, manquent,
n'est-il pas évident, en effet, que l'Esprit
n'a point encore achevé l'oeuvre
promise ? Il ne l'abandonnera pas cependant,
qu'il ne l'ait parfaitement accomplie. Cessons donc
jusque-là de nous bercer d'illusions ;
quittons l'espoir trop facile d'un
enlèvement de l'Eglise ou d'un retour
prématuré du Maître. Avant ces
choses et pour qu'elles soient moralement
possibles, il faut que nous ayons rendu, à
la face du monde, un bien autre témoignage
que celui qu'on a pu voir en nous jusqu'à
présent : celui d'une Église
débordante des dons de l'Esprit,
entièrement une et soumise à ses
saintes directions et opérant, dans la
communion de son Chef, les oeuvres qu'Il
opérait et même de plus grandes. Le
Dieu de notre salut ne saurait se contenter
à moins. Il veut qu'on ait pu contempler
chez les enfants l'ineffable beauté et
l'invincible puissance de la vie du
Crucifié-glorifié, cet
« extraordinaire », en un mot,
qu'incarne l'Évangile et qu'attend
l'humanité pour se rendre à son
message. Qu'on ne se méprenne pas sur notre
pensée. L'extraordinaire chrétien que
nous réclamons n'a rien de commun avec celui
que la chair et le sang salueraient de ce titre. Il
ne consiste pas en signes, prodiges ou miracles,
mais dans une manière de vivre inaccessible
à l'homme naturel, inconnue de lui et qui se
distingue de « la vaine tradition que
nous avons apprise de nos pères »
par le reflet fidèle de la
pensée divine. Les plus saintes, les plus
splendides révélations, lorsqu'elles
passent par une conscience que n'a point
épurée le creuset divin, en sortent
amoindries et profanes ; les plus ordinaires
en revanche, lorsqu'elles sont comprises et
réalisées à la lumière
d'En-haut, brillent d'un incomparable
éclat.
N'est-ce pas là
précisément ce qu'entendait St-Paul
lorsqu'il faisait converger le travail des
apôtres, des prophètes, des pasteurs
et des docteurs vers un but unique : la
préparation aux ministères infiniment
variés par lesquels s'édifie. le
corps de Christ, c'est-à-dire se
construisent les parties vivantes du temple de Dieu
sur la terre ? Le fondement d'un
édifice est toujours caché aux
regards, parce qu'il importe que ses assises
profondes s'appuient au roc ; de même,
la base de toute activité chrétienne
authentique est dans « la vie
cachée avec Christ en Dieu ». Mais
le monde, qui ne discerne point les
réalités invisibles, ignore
l'existence et la vertu de cette relation
jusqu'à ce qu'elle paraisse dans ses
résultats, et ses résultats pour
révéler la plénitude de Dieu,
doivent revêtir des modes d'activités
infiniment diverses, souples et nombreuses. Si
Jésus-Christ a dédaigné
« les royaumes de ce
monde » ; si, afin qu'aucune
méprise ne fût possible à son
égard, Il est apparu dans la nudité
d'un fils de l'homme, c'est qu'Il devait être
la pierre d'angle de la maison de Dieu. Mais le
dénuement et la pauvreté qu'Il
choisissait alors ne portent aucun préjudice
à la réelle royauté qu'Il
revendique sur toutes les provinces encore soumises
au Prince de ce monde. Les moyens
de cette conquête et de cette royauté,
ne serait-ce pas justement « les
ministères » qu'il veut confier
aux membres de son corps actuel,
c'est-à-dire à chaque chrétien
dans chaque église ?
Ces ministères, à l'heure
où nous vivons, sont d'une insuffisance et
d'une médiocrité humiliantes.
Pourtant il n'y a pas de problèmes humains
dont la solution ne soit enfermée dans les
trésors de la grâce divine et auxquels
ne corresponde un ministère particulier.
Héritiers de Dieu, nous « sommes
à Christ », sans doute, mais
« toutes choses sont à
nous ». À nous » ;
pour nous ? Pour notre égoïsme,
pour notre profit, pour notre jouissance, pour nos
chutes et nos tentations ? Dieu nous en
garde ! « À nous »
pour le service du Maître et pour faire
éclater aux yeux de toute créature
les inépuisables richesses de son
intelligence et de son amour.
Il en est malheureusement aujourd'hui de ces
ministères comme de la rédemption de
nos corps. L'état de l'Eglise ne permet ni
leur manifestation, ni leur exercice. Ceux, en
petit nombre, que leur consécration
personnelle y rendrait aptes, souffrent cruellement
de leur impuissance à produire des oeuvres
dignes de Dieu, retenus et paralysés qu'ils
sont par l'inertie de la masse qui se refuse encore
à saisir « la sagesse, la justice
et la sanctification » offertes en
Christ. Que d'efforts, que d'activité, que
d'oeuvres, que d'entreprises et de tentatives dans
nos églises et autour d'elles ! et pour
quel résultat ? Le monde les
méconnaît et s'en raille ; les
saints en pleurent et l'Évangile en est
blasphémé.
Frères, en resterons-nous
là ? L'heure n'a-t-elle pas
sonné où le peuple de Dieu se
réveillera d'un sommeil deux fois
millénaire ? Prolongerons-nous
indéfiniment par notre apathie, une
situation qui devient intolérable ? qui
cause la perte de milliers d'âmes et qui
scandalise jusqu'au monde lui-même ?
Persévérerons-nous dans le plus
abject des dilettantismes spirituels ou
consentirons-nous enfin à prendre au grand
sérieux les appels que l'Esprit nous
adresse ?
Chrétiens de nom,
irrésolus ! Fuyez s'il en est temps
encore le jugement que vous réservez aux
impies et qui ne tardera point à tomber sur
vous-mêmes. Plût à Dieu que vous
fussiez froids ou bouillants ! Ce sont les
tièdes qu'il vomira de sa bouche.
Et vous, serviteurs et servantes du
Seigneur, vous qui aimez son avènement,
levez la tête, car votre consolation est
à la porte.
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