Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

Tout ce que tu lieras sur la terre.

 C'est la troisième déclaration du Seigneur à son apôtre :
« Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. »

Si Jésus n'avait fait cette déclaration qu'au seul apôtre St Pierre, à l'exclusion de tous les autres disciples, nous serions le premier à nous incliner et à reconnaître qu'elle confère, à lui seul, des prérogatives suprêmes.
Mais nous trouvons cette identique expression rapportée en d'autres circonstances ; elle est adressée à d'autres personnes, étendant non seulement à tous les apôtres, indistinctement, mais même à chacun des membres de l'Eglise entière, ce droit d'ordre divin.

La déclaration que nous lisons, dans ce même Évangile de St. Matthieu, deux chapitres plus loin, en témoigne :
« Si ton frère. a péché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que toute cause se décide sur la parole de deux ou trois témoins. S'il ne les écoute pas, dis-le à l'Eglise. S'il n'écoute pas non plus l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain. En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (St Matthieu XVIII. 15-19).

Nous lisons aussi dans St Jean :
- « Le soir de ce même jour, le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, parce qu'ils craignaient les Juifs, Jésus vint, et se présentant au milieu d'eux, il leur dit : « Paix avec vous ! » Ayant ainsi parlé, Il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Il leur dit une seconde fois : « Paix avec vous ! Comme mon père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Après ces Paroles, Il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (St Jean XX. 19-24).

À qui Jésus adresse-t-il ces paroles ? On le voit, non pas aux onze, seulement, mais à tous les disciples.
Les « disciples » ; donc, non les apôtres, mais le noyau tout entier de l'Eglise naissante. Et les mêmes paroles : « lier et délier, sur la terre et dans les cieux », au sens de « pardonner et retenir les péchés » sont adressées à la fois à St Pierre, aux apôtres et aux disciples.
En sorte qu'aux termes mêmes de l'Écriture, ce redoutable et glorieux privilège de lier et de délier, n'appartient pas seulement à St Pierre, ou aux apôtres, ou aux conducteurs des Églises, mais il a été conféré par le Seigneur à l'Eglise dans sa collectivité, et il n'a par conséquent aucun rapport avec la Confession auriculaire, ni même avec le sacrement de la pénitence, tel que l'a institué l'Eglise romaine. Il s'agit essentiellement de la discipline qui doit être exercée au sein de l'Eglise locale, de l'Eglise établie selon les instructions de Jésus et des apôtres. En cas de fautes graves, de scandale patent de l'un de ses membres indigne, c'est la communauté des fidèles qui décide, en dernier ressort, des mesures à prendre.
Cette décision est irrévocable. Elle porte loin. Elle porte, nous a dit Jésus, aussi haut que le ciel.

Ainsi, lorsqu'un chrétien a commis une faute contre son frère, et qu'il est repris par sa conscience, sollicité par elle au repentir, il doit aller s'humilier devant celui qu'il a offensé, et réparer dans la mesure du possible le tort qu'il a causé. - « Si ton frère a péché contre toi, dit Jésus, reprends-le, et s'il se repent, pardonne-lui. Et quand il pécherait contre toi sept fois le jour, s'il revient sept fois te dire : je me repens, tu lui pardonneras » (St Luc XVII, 4)

On le voit, aucun intermédiaire humain entre l'offensé et l'offenseur.
« Confessez vos péchés les uns aux autres », recommande expressément l'apôtre St Jacques (Épître St Jacques V. 16).
C'est bien là, au reste, le sens qu'attribue à ces paroles l'apôtre Paul quand il dit : Ceux qui pèchent (1), reprends-les devant tous, afin d'inspirer aux autres de la crainte (1 Timot. V. 20).
Par conséquent, une absolution humaine vaut pour le dommage humain, nous dit l'Écriture. Mais pour le dommage fait à Dieu ? - Pour le dommage fait à Dieu, il faut l'absolution de Dieu.
Et comment l'obtenir, cette absolution ? L'apôtre St Jean nous répond : « Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ, le juste. Et si nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité » (I Jean I. 9).

Ainsi, pour l'offense faite à Dieu, comme pour l'offense faite à l'homme, aucun intermédiaire entre Dieu et le pécheur. La prière d'humiliation monte de l'homme à Dieu, et le pardon et la purification descendent de Dieu à l'homme, directement, et par la Croix seule, par la propitiation du sang de Jésus-Christ. Et ce pardon est assuré, et cette purification est certaine pour quiconque est sincère et croit.

La garantie divine de cette charte si précieuse est écrite avec le sang de notre Sauveur : « Le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché » (I Jean I. 7).

Dans le ministère de l'apôtre Pierre ne trouverons-nous pas quelque confirmation bien caractérisée de tout ceci ?
- Interrogeons l'Écriture :
Le Livre des Actes rapporte qu'un certain Simon de Samarie, magicien, s'était converti, à la prédication apostolique. Témoin des miracles accomplis par Philippe, il s'imagina qu'il pourrait acquérir à prix d'argent le don du Saint-Esprit. Il en fit la proposition aux apôtres. La faute était très grave : elle constituait ce que l'on a, depuis, appelé la « Simonie », ou trafic des choses saintes.

Comment l'apôtre Pierre va-t-il résoudre le cas ? S'il a véritablement reçu le pouvoir discrétionnaire de lier ou de délier, c'est l'heure de le démontrer. Que dit-il donc à Simon ?
Il lui commande une chose qui est justement la négation du mode et du pouvoir d'absolution sacerdotale. Publiquement, non dans le secret d'un confessionnal, il l'adjure en ces termes : « Repens-toi de ton iniquité et prie le Seigneur pour que la pensée de ton coeur te soit pardonnée, s'il est possible ».

L'exemple est typique autant que concluant : Loin de se reconnaître le droit d'absoudre ou de condamner, St Pierre engage cet homme à prier le Seigneur directement afin d'obtenir, si possible, son pardon. Si possible, Dieu, par conséquent, seul juge, unique et suprême détenteur du pouvoir absolutoire (Actes VIII. 18-24)

Certains nous ont dit, avec une arrière-pensée évidente de dédain : C'est bien facile de se confesser à Dieu !
Oh ! la parole légère, oh ! la parole blessante pour le Saint-Esprit ! Facile de se confesser à Dieu ? Ceux qui jugent ainsi n'ont-ils donc jamais lu la parabole de l'enfant prodigue ? Et s'ils l'ont lue, est-il possible qu'ils l'aient comprise avec leur coeur ? Pour parler de la sorte, il faut n'avoir jamais éprouvé la douleur d'avoir offensé l'amour si tendre du Père céleste, l'angoisse de la confrontation avec le Souverain juge.

Que craint le plus le coeur naturel de l'homme, sinon de se trouver seul à seul avec Dieu ? et que désire-t-il tant que d'abandonner à un intermédiaire garanti, par un acte qui n'engage pas, nécessairement, la conscience, et encore bien moins le coeur, le fardeau de son âme ? Toute la fascination du sacrement de la pénitence, avec la confession auriculaire et l'absolution sacerdotale, nous la trouvons expliquée ici.


1. L'abbé Crampon traduit : Ceux qui « manquent à leurs devoirs ». Cela ne nous parait pas se justifier, le mot amartanô étant toujours rendu, par le même traducteur, par pécher, dans les passages parallèles. 
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant