C'est la troisième déclaration du Seigneur à son apôtre :
« Tout ce que tu lieras sur la terre sera
lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera
délié dans les cieux. »
Si Jésus n'avait fait cette déclaration qu'au seul
apôtre St Pierre, à l'exclusion de tous les autres disciples, nous
serions le premier à nous incliner et à reconnaître qu'elle confère, à
lui seul, des prérogatives suprêmes.
Mais nous trouvons cette identique expression
rapportée en d'autres circonstances ; elle est
adressée à d'autres personnes, étendant non seulement à tous les
apôtres, indistinctement, mais même à chacun des membres de l'Eglise
entière, ce droit d'ordre divin.
La déclaration que nous lisons, dans ce même
Évangile de St. Matthieu, deux chapitres plus loin, en témoigne :
« Si ton frère. a péché contre toi, va et
reprends-le entre toi et lui seul ; s'il t'écoute, tu auras
gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends avec toi encore une ou
deux personnes, afin que toute cause se décide sur la parole de deux
ou trois témoins. S'il ne les écoute pas, dis-le à l'Eglise. S'il
n'écoute pas non plus l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen
et un publicain. En vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez
sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur
la terre sera délié dans le ciel » (St
Matthieu XVIII. 15-19).
Nous lisons aussi dans St Jean :
- « Le soir de ce même jour, le premier de
la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant
fermées, parce qu'ils craignaient les Juifs, Jésus vint, et se
présentant au milieu d'eux, il leur dit : « Paix avec
vous ! » Ayant ainsi parlé, Il leur montra ses mains
et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le
Seigneur. Il leur dit une seconde fois : « Paix avec
vous ! Comme mon père m'a envoyé, moi aussi je vous
envoie ».
Après ces Paroles, Il souffla sur eux et leur
dit : « Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez
les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront retenus » (St
Jean XX. 19-24).
À qui Jésus adresse-t-il ces paroles ? On le
voit, non pas aux onze, seulement, mais à tous les disciples.
Les « disciples » ; donc, non les
apôtres, mais le noyau tout entier de l'Eglise naissante. Et les mêmes
paroles : « lier et délier, sur la terre et dans les
cieux », au sens de « pardonner et retenir les
péchés » sont adressées à la fois à St Pierre, aux apôtres
et aux disciples.
En sorte qu'aux termes mêmes de l'Écriture, ce
redoutable et glorieux privilège de lier et de
délier, n'appartient pas seulement à St Pierre, ou aux apôtres,
ou aux conducteurs des Églises, mais il a été conféré par le Seigneur
à l'Eglise dans sa collectivité, et il n'a par
conséquent aucun rapport avec la Confession auriculaire, ni même avec
le sacrement de la pénitence, tel que l'a institué l'Eglise romaine.
Il s'agit essentiellement de la discipline qui doit être exercée au
sein de l'Eglise locale, de l'Eglise établie selon les instructions de
Jésus et des apôtres. En cas de fautes graves, de scandale patent de
l'un de ses membres indigne, c'est la communauté des fidèles qui
décide, en dernier ressort, des mesures à prendre.
Cette décision est irrévocable. Elle porte loin.
Elle porte, nous a dit Jésus, aussi haut que le ciel.
Ainsi, lorsqu'un chrétien a commis une faute contre
son frère, et qu'il est repris par sa conscience, sollicité par elle
au repentir, il doit aller s'humilier devant celui qu'il a offensé, et
réparer dans la mesure du possible le tort qu'il a causé. - « Si
ton frère a péché contre toi, dit Jésus, reprends-le, et
s'il se repent, pardonne-lui. Et quand il pécherait contre toi sept
fois le jour, s'il revient sept fois te dire : je me repens, tu
lui pardonneras » (St
Luc XVII, 4)
On le voit, aucun intermédiaire humain entre
l'offensé et l'offenseur.
« Confessez vos péchés les uns aux autres »,
recommande expressément l'apôtre St Jacques (Épître
St Jacques V. 16).
C'est bien là, au reste, le sens qu'attribue à ces
paroles l'apôtre Paul quand il dit : Ceux qui pèchent (1),
reprends-les devant tous, afin d'inspirer aux autres de la crainte
(1 Timot.
V. 20).
Par conséquent, une absolution humaine vaut pour le
dommage humain, nous dit l'Écriture. Mais pour le dommage fait à
Dieu ? - Pour le dommage fait à Dieu, il faut l'absolution de
Dieu.
Et comment l'obtenir, cette absolution ?
L'apôtre St Jean nous répond : « Si quelqu'un a péché,
nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ, le juste. Et si
nous confessons nos péchés, Dieu est fidèle et juste pour nous les
pardonner et pour nous purifier de toute iniquité » (I
Jean I. 9).
Ainsi, pour l'offense faite à Dieu, comme pour
l'offense faite à l'homme, aucun intermédiaire entre Dieu et le
pécheur. La prière d'humiliation monte de l'homme à Dieu, et le pardon
et la purification descendent de Dieu à l'homme, directement, et par
la Croix seule, par la propitiation du sang de Jésus-Christ. Et ce
pardon est assuré, et cette purification est certaine pour quiconque
est sincère et croit.
La garantie divine de cette charte si précieuse est
écrite avec le sang de notre Sauveur : « Le sang de
Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché » (I
Jean I. 7).
Dans le ministère de l'apôtre Pierre ne
trouverons-nous pas quelque confirmation bien caractérisée de tout
ceci ?
- Interrogeons l'Écriture :
Le Livre des Actes rapporte qu'un certain Simon de
Samarie, magicien, s'était converti, à la prédication apostolique.
Témoin des miracles accomplis par Philippe, il s'imagina qu'il
pourrait acquérir à prix d'argent le don du Saint-Esprit. Il en fit la
proposition aux apôtres. La faute était très grave : elle
constituait ce que l'on a, depuis, appelé la « Simonie », ou
trafic des choses saintes.
Comment l'apôtre Pierre va-t-il résoudre le
cas ? S'il a véritablement reçu le pouvoir discrétionnaire de lier
ou de délier, c'est l'heure de le démontrer. Que dit-il donc à
Simon ?
Il lui commande une chose qui est justement la
négation du mode et du pouvoir d'absolution sacerdotale. Publiquement,
non dans le secret d'un confessionnal, il l'adjure en ces
termes : « Repens-toi de ton iniquité et prie le Seigneur
pour que la pensée de ton coeur te soit pardonnée, s'il est possible ».
L'exemple est typique autant que concluant :
Loin de se reconnaître le droit d'absoudre ou de condamner, St Pierre
engage cet homme à prier le Seigneur directement afin
d'obtenir, si possible, son pardon. Si possible, Dieu, par
conséquent, seul juge, unique et suprême détenteur du pouvoir
absolutoire (Actes
VIII. 18-24)
Certains nous ont dit, avec une arrière-pensée
évidente de dédain : C'est bien facile de se confesser à
Dieu !
Oh ! la parole légère, oh ! la parole
blessante pour le Saint-Esprit ! Facile de se confesser à
Dieu ? Ceux qui jugent ainsi n'ont-ils donc jamais
lu la parabole de l'enfant prodigue ? Et s'ils l'ont lue, est-il
possible qu'ils l'aient comprise avec leur coeur ? Pour parler de
la sorte, il faut n'avoir jamais éprouvé la douleur d'avoir offensé
l'amour si tendre du Père céleste, l'angoisse de la confrontation avec
le Souverain juge.
Que craint le plus le coeur naturel de l'homme,
sinon de se trouver seul à seul avec Dieu ? et que désire-t-il
tant que d'abandonner à un intermédiaire garanti, par un acte qui
n'engage pas, nécessairement, la conscience, et encore bien moins le
coeur, le fardeau de son âme ? Toute la fascination du sacrement
de la pénitence, avec la confession auriculaire et l'absolution
sacerdotale, nous la trouvons expliquée ici.
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