« Qui veut régénérer une société en décadence,
on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. »
Léon XIII.
Tout homme vaut, non point par la légende que lui a tissé une ardente
ou pieuse imagination, mais par ce qu'il a dit, parce qu'il a fait.
Grandir un homme aux dépens de la vérité, c'est lui
faire au moins autant de tort que de le diminuer injustement.
Les faiblesses, les défauts tout humains, d'un
personnage illustre, loin de l'amoindrir, ajoutent, au contraire, un
nouveau lustre à sa gloire : C'est le mérite d'en avoir triomphé.
En effet, idéaliser un héros, au point de lui
prêter, sans souci de sa véritable personnalité, figure surhumaine et
tempérament d'archange, c'est le dépouiller, pour le plus grand
dommage de tous, de ce qu'il y a de plus attachant
dans sa personne, de ce qui constitue, en vérité, son plus beau titre
à notre admiration, à notre vénération. Tandis qu'en s'attachant à
chercher le véritable visage des personnages marquants de l'Écriture,
puisque c'est d'eux qu'il s'agit, au travers du masque conventionnel
dont ils ont pu être recouverts on découvre avec autant de soulagement
que de joie que ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont souffert, en un mot
ce qu'ils étaient, ne sort pas des limites de la taille et de la force
humaines soutenues par le bras divin.
C'est ainsi, par exemple, que parlant d'Elie,
l'Écriture nous dit qu'à sa voix une sécheresse de trois ans désola la
terre ; et elle ajoute : « Il pria, et le ciel donna de
la pluie, et la terre fit germer ses fruits ».
Cela prouve la faveur dont le prophète jouissait
auprès de Dieu.
Mais ces paroles sont précédées de la
remarque : « Elie était un homme
soumis aux mêmes misères que nous... ! »
ou aux mêmes passions (grec : omoiopathès) (Épître
de St Jacques V. 17). -
Et les disciples immédiats du Christ, les apôtres,
les pionniers de l'Évangile, furent-ils des hommes
différents des patriarches, ou des prophètes de l'Ancien
Testament ? Absolument pas ; ils leur étaient bien
semblables affirme l'Écriture. Eux-mêmes n'eurent du reste jamais la
pensée qu'ils étaient composés autrement que le commun des hommes.
Ainsi, il nous est rapporté qu'à Lystre, petite
ville de l'Asie Mineure, où les apôtres Paul et Barnabé venaient
d'accomplir un grand miracle, comme la foule païenne s'apprêtait à
leur offrir des sacrifices, ainsi qu'à des dieux, les apôtres,
scandalisés, l'arrêtent par ces mots : « O
hommes, pourquoi faites-vous cela ? Nous sommes des hommes
sujets aux mêmes faiblesses que vous... ! » (Actes
des Apôtres XIV. 14). Même expression que dans l'épître de St
Jacques, au sujet d'Elie : omoiopathès.
Au surplus, l'Écriture se garde bien de nous cacher
les défauts des apôtres ; elle ne se croit pas humiliée de nous
donner sans estompe, ni retouche aucune, leur profil « d'après
nature », si dur parfois, si. loin, toujours, de ressembler au
divin Modèle. Et c'est compréhensible. Quelle valeur, en effet, aurait
pour nous une exhortation comme celle-ci, de St
Paul, « soyez tous mes imitateurs » si l'apôtre, différent
de nous par une nature spéciale, ou par grâce d'apôtre, n'avait rien
eu de commun avec notre pauvre chair de péché ? Pouvons-nous
oublier que s'il a pu dire : « Je
puis tout par Celui qui me fortifie » (Philip.
IV. 13) il a également déclaré : « Je
vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de ma
raison et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes
membres. Malheureux que je suis ! qui me délivrera de ce
corps de mort ? Grâces soient rendues à Dieu, par
Jésus-Christ » (Rom.
VII. 23)
Parmi tous les exemples que l'on peut examiner, il
en est un qui les domine tous par le fait qu'il représente à la fois
le caractère le plus chargé en contrastes et la plus extraordinaire
déformation qu'une piété mal inspirée ait fait subir à un esprit
chrétien. C'est celui de St Pierre. Mais toucher au masque légendaire
du grand apôtre est tâche difficile, car la piété admiratrice des
fidèles de tous temps a élevé les saints - l'apôtre Pierre en
particulier - sur un piédestal tel qu'essayer de les ramener aux
justes proportions où nous les présente l'Écriture, c'est soulever, à
coup sûr, d'innombrables protestations, indignées
autant que sincères.
Et pourtant, on l'a vu, cela est nécessaire.
Comme elle est sage, l'Écriture, et comme elle a
souci de la vérité, pour nous parler comme elle le fait ! Comme
elle est pitoyable, aussi, à notre pauvre nature humaine, en nous
affirmant que ses plus grands saints sont faits de la même chair que
nous tous ! Cessant de nous apparaître dans l'éblouissement des
légendes, ces hommes, redevenus vraiment nos semblables, nous sont
comme restitués. Nous les sentons éprouver nos mêmes tentations et nos
mêmes douleurs. Leur exemple sera d'autant plus bienfaisant, d'autant
plus contagieux.
Il nous aidera, aussi, à nous débarrasser des
mauvaises excuses, que nous invoquions jusqu'ici - elles nous
paraissaient justifiées - pour demeurer dans notre paresse et notre
égoïsme : « C'est trop grand pour moi ; c'est trop
au-dessus de mes forces... »
Nous pourrons oser marcher dans leurs empreintes,
essayer de vivre comme ils ont vécu !
L'intention de l'auteur n'est point de présenter,
minutieusement détaillée, l'histoire de l'apôtre que Jésus s'est plu à
attacher si étroitement à toutes les circonstances de son ministère
terrestre.
Ce n'était pas utile. N'avons-nous pas les quatre
Évangiles, les Actes des Apôtres, les deux épîtres de St Pierre,
plusieurs épîtres de St Paul ?...
Ne trouvons-nous pas là l'histoire la plus
complète, la plus parfaite de l'Apôtre ? Peut-il être une note
plus juste et plus vraie ?
Notre but est différent. Tout en rappelant les
principales et les plus frappantes scènes de la vie de St Pierre, nous
désirons nous attacher, surtout, à dégager des textes sacrés des
enseignements insuffisamment connus ou mal interprétés, et à rétablir
ce qui a été dénaturé dans cette vie si riche en avertissements
solennels, en leçons spirituelles de toutes sortes.
Mais la leçon, qui a pour nous la plus haute
importance dans cette étude, est celle qui nous conduit à reporter sur
l'Écriture toute notre soumission et tout notre respect ; c'est
celle qui va nous contraindre à replacer le « Il est écrit »
sur le niveau même où l'a placé Jésus-Christ à
reconnaître enfin que, seule, la Parole de Dieu a droit à la
prérogative de l'autorité absolue, infaillible et divine. Qu'il faille
une autorité suprême, en matière religieuse, une autorité tangible,
cela est de toute évidence. Mais qui parle avec l'autorité de Dieu,
aux hommes et à l'Eglise sur la terre, depuis que Jésus a repris sa
place dans le ciel ? Prenons garde avant de répondre. Car, se
tromper, ici, c'est aller aux abîmes.
L'Écriture nous rapporte qu'un jour la question,
identique, se posa pour des hommes pieux, israélites fidèles,
qu'avaient émus les ardents et pathétiques appels de St Paul. Leur
coeur troublé se sentait attiré par la nouvelle doctrine, par
l'Évangile, qu'avec toute son âme leur prêchait l'apôtre. Mais leur
raison, mais les traditions séculaires de leur foi judaïque,
résistaient. Et s'ils allaient s'engager dans une fausse voie ?
Que faire ? Voici ce qu'ils firent, nous dit le livre des Actes
des apôtres : « Quand Paul et Silas
furent arrivés dans la ville de Bérée ils se rendirent à la
synagogue des juifs. Ces derniers avaient des sentiments plus
nobles que ceux de Thessalonique ; ils reçurent la parole
avec beaucoup d'empressement, examinant chaque
jour les Écritures, pour voir si ce qu'on leur enseignait était
exact » (Actes
XVII. 11).
Est-ce que, pour les chrétiens de ce siècle, les
Saintes Écritures contenues dans le Nouveau Testament auraient moins
d'autorité que, pour les juifs du temps de St Paul, les Saintes
Écritures de l'Ancien Testament ? Le Saint-Esprit loue fort ces
juifs, et qualifie de nobles leurs sentiments. Comment
qualifierait-Il aujourd'hui les sentiments de chrétiens qui,
uniquement par crainte des hommes, refuseraient d'examiner les
Écritures pour voir si ce qu'on leur enseigne est exact ?
Celui qui devait devenir plus tard l'apôtre St Pierre, c'est-à-dire
la plus frappante, et l'une des plus attachantes figures parmi les
disciples du Christ, naquit à Bethsaïda, en Galilée ; il était
probablement plus âgé que Jésus.
Il avait un frère, appelé André, qui fut également
apôtre du Seigneur.
Pêcheur de profession sur les bords du lac de
Génésareth, à l'époque où l'Évangile nous le présente, on le désignait
ordinairement sous le nom de Simon Barjona, ou fils de Jona.
Les Textes nous apprennent qu'il était marié, qu'il
habitait Capernaüm, et que sa belle-mère, avec laquelle il vivait, fut
un jour guérie par Jésus d'une forte fièvre.
Nous nous trouvons donc en présence d'un homme du
peuple, à la rude nature, sans instruction, et, vraisemblablement, de
niveau d'éducation ni plus ni moins élevé que celui de la moyenne de
sa classe. Nous allons en trouver la preuve dans ses gestes
ultérieurs.
Jésus, au début de son ministère, le rencontre, lit
au fond de l'âme du futur apôtre, lui donne un nom nouveau et lui
annonce à quel avenir il est destiné. Toutefois, Il ne l'appelle pas
encore à le suivre, et Simon retourne à ses filets.
Un jour, sur les bords du lac, le Sauveur, pressé
par la foule, demande à Simon le secours de sa barque ; Il
s'éloigne un peu du rivage, et, de là, Il enseigne le peuple.
Veut-Il rendre Simon témoin de ses oeuvres, ou
simplement éprouver sa bonne volonté ? toujours est-il qu'Il
l'engage à jeter ses filets dans le lac.
Or, la pèche de la nuit n'avait rien rapporté.
Simon le fait remarquer à Jésus ; mais, par déférence, il obéit.
Quand on ramène les filets, ils rompent sous le poids des poissons.
Ce miracle fait tomber tous les doutes de Simon
qui, se jetant aux pieds de Jésus, s'écrie :
- Seigneur, éloignez-vous
de moi parce que je suis un pêcheur !
Et Jésus se l'attache alors pour toujours, en lui
annonçant que la pêche qu'il vient de faire n'est que l'emblème de sa
vocation : « Désormais, ce sont des
hommes que tu prendras ».
Dès lors, il se trouve mêlé à l'histoire entière du
Sauveur dont il est l'un des plus fervents et des plus intelligents
disciples. Très prompt à saisir les choses, nous le voyons fréquemment
intervenir dans les conversations, mais avec plus ou moins de bonheur.
Ses réflexions ne sont pas toujours marquées au coin de la charité,
ni, surtout, de l'humilité. Il ira même jusqu'à se croire autorisé à
donner des conseils à son Maître...
Après le premier miracle de la multiplication des
pains, nous le trouvons, en pleine tempête, sur la mer de Galilée,
avec les disciples, réunis dans la même barque.
Jésus, qui est resté seul sur le rivage, leur
apparaît soudain, marchant sur la mer. Épouvantés, les disciples le
prennent pour un fantôme.
Simon Pierre se ressaisit le premier : « Si
c'est vous, Seigneur, dit-il, ordonnez que
j'aille à vous sur les eaux ».
- Viens,
répond Jésus. Bravement, il s'élance. Mais le vent souffle avec
violence et au bout de quelques moments Pierre a peur. Il enfonce, il
appelle Jésus à son secours.
- Homme de peu de foi,
pourquoi as-tu douté ? lui dit son Maître, en le
relevant (St
Matthieu XIV. 31).
En une autre occasion, Pierre obéissant à sa nature
impulsive et irréfléchie, s'interpose follement entre la Croix et le
Rédempteur... Aussi s'attire-t-il la foudroyante apostrophe :
- Arrière de moi, Satan,
tu m'es en scandale !
Ou encore, nous l'entendrons poser à Jésus une
question qui semble sortie d'un coeur bien sec et bien froid :
« Seigneur, si mon frère pèche contre
moi, combien de fois lui pardonnerai-je, sept fois ? »
Un jour de la semaine de la Passion, comme Jésus
parle ouvertement aux Douze de son supplice qui approche, Pierre
l'interrompt pour dire : « Quand
vous seriez pour tous une occasion de chute, vous ne le serez
jamais pour moi ! » Paroles bien imprudentes,
bien présomptueuses, et combien désobligeantes,
aussi, pour les autres apôtres ! Pierre est sûr de lui. Il se
sent le plus fort ; serait-ce parce qu'il tient une arme dans sa
main ?...
« Veillez, priez,
dit le Maître qui sait à quoi s'en tenir sur ses protestations, l'esprit
est prompt, mais la chair est faible » (St
Matthieu XXVI. 40).
Et enfin, la nuit douloureuse entre toutes, lorsque
son Maître, accablé de fatigue et d'angoisse, lui demande en grâce,
ainsi qu'à deux autres disciples, de veiller une heure avec lui,
l'affreuse nuit de Gethsémané, il s'endort et le laisse seul, quelques
heures à peine avant le supplice...
Nous arrivons à la faute la plus grave de sa
vie : son triple reniement. Il est difficile d'imaginer une
lâcheté plus caractérisée. Jésus, son Maître, est arrêté : Pierre
se sauve d'abord, puis suit Jésus à distance et lorsque, à trois
reprises différentes, quelqu'un dit : Toi aussi tu étais avec
Jésus, le Galiléen, il répond avec des imprécations et en
jurant : je ne connais pas cet homme !
Ah ! oui, la chair de Pierre est faible. Et
cependant, il est depuis trois ans disciple du Christ ;
depuis trois ans, il a subi son influence... Et quand nous pousserons
encore plus loin dans la vie de St Pierre, nous y verrons que même
après avoir été confirmé par son Maître, après avoir reçu le St
Esprit, il lui arriva d'interpréter, un jour, l'Évangile d'une façon
telle que St Paul est obligé de le fustiger durement en public, lui
reprochant de ne pas marcher droit selon la vérité... (Galates
Il. 11-14).
Tous ces traits dépeignent admirablement
l'homme : Très impulsif, se reprenant aussi vite qu'il s'est
donné, prompt à croire comme à douter, tour à tour téméraire et
peureux, timide et résolu, bouillant et lâche... Au fond, ne
trouvons-nous pas là, par bien des points, notre portrait à
tous ?
Et si Jésus témoigne à Pierre tant d'affection et
de confiance, ne veut-Il pas indiquer que connaissant les
imperfections de son apôtre, Il attache surtout du prix à la droiture
de coeur et à la franche volonté ?
Mais notre premier mouvement est de trouver étrange
que Jésus ait appelé à être apôtre, le distinguant même des autres, un
homme n'ayant pas plus de courage, pas plus de constance
naturelle. Oui, mais, chez ses compagnons, que de choses aussi qui
surprennent ! Chez Thomas, que l'on serait tenté d'appeler le
modèle des incrédules ; chez Jacques et chez Jean, dits
« les fils du tonnerre », qui demandent, un jour, que Jésus
fasse tomber le feu du ciel sur un bourg des Samaritains, où l'on n'a
pas voulu les recevoir ; ou qui intriguent auprès du Maître pour
être assis l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, quand Il sera venu
dans sa gloire ; et tous, quand, par exemple, ils repoussent
durement de petits enfants que l'on amène à Jésus pour qu'Il les
bénisse (St
Jean XX. 27 ; St
Luc IX. 54 ; St
Marc X. 13 ; 35-37),
ou enfin quand ils sont l'objet de la douloureuse exclamation du
Sauveur, en une circonstance bien connue : ô race incrédule,
jusques à quand vous supporterai-je ? (St
Matthieu XVII. 17 ; St
Marc IX. 19).
Ah ! ne nous y méprenons pas. Ce n'est point
parce que ces hommes sont parfaits que Jésus les appelle à le suivre,
mais c'est pour les placer sur le chemin de la perfection. C'est
surtout pour notre propre instruction qu'Il les prend tels qu'ils
sont, afin de nous montrer ce que, par sa grâce, ils vont ensuite
devenir, et, en définitive, ce que par la même
grâce, nous pourrions nous aussi devenir.
Sans doute, ils ont tout quitté, tout vendu pour
suivre le Maître, tout ce qui est à eux. Mais ce qu'il va leur falloir
faire, maintenant, pour devenir des colonnes dans l'édifice, dans
cette Église dont Jésus reste toujours la pierre angulaire, c'est
renoncer, c'est mourir à tout ce qui est en eux-mêmes.
Donc, dans le caractère de ces hommes, dans leur
tempérament, dans leurs défauts, dans leurs inconséquences, dans leurs
faiblesses, nous nous retrouvons. Ils ont été et que nous
sommes : sujets aux mêmes faiblesses...
C'est ici que se manifeste, dans toute sa
merveilleuse beauté, l'action bénie du Saint-Esprit qui va déposer en
« ces vases de terre », « les richesses
incompréhensibles de Christ ».
Une transformation inouïe commence chez chacun
d'eux, après la Pentecôte, à mesure que Dieu prend pleinement
possession de leur être.
Et si, par l'Esprit, et par le précieux sang du
Calvaire, ils ont, eux, pu faire mourir, la concupiscence
de la chair, la concupiscence des yeux et l'orgueil de la vie,
s'ils en ont été purifiés, s'ils en ont triomphé, n'est-il pas vrai
que nous pourrons en triompher aussi, par la même grâce de notre
Dieu ?
Revenons maintenant à St Pierre.
Tous ces fléchissements, toutes ces faiblesses,
relevés chez l'apôtre, chez celui qui devait, par la suite, glorifier
si hautement son Maître, sceller de son sang sa fidélité à la Croix,
ne furent, que comme des ombres rapides et passagères sur sa belle et
noble vie.
Nous avons vu ses graves défauts, ses flottements
douloureux, mais aussi, quel esprit vif, original, quels élans
merveilleux !
Lorsque Jésus, marchant sur la mer au milieu de la
tempête, est pris pour un fantôme par les Douze, qui donc s'est
ressaisi le premier parmi les disciples épouvantés ?
Pierre !
Qui s'est élancé sur l'eau pour répondre à
l'invitation du Maître ? Pierre !
Lorsque le Christ interroge ses disciples : Et
vous, qui dites-vous que je suis ? Qui lance sans hésiter la
parole du coeur, la parole de foi ? Pierre, toujours Pierre.
N'est-ce pas lui qui, en une heure critique,
lorsque Jésus demande aux Douze, émus par l'abandon de
plusieurs : « Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous en
aller ? » n'est-ce pas Pierre, au nom de tous, qui
prononce la décisive déclaration : « À qui irions-nous,
Seigneur, vous avez les paroles de la Vie éternelle ! Et nous
avons cru et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Saint de
Dieu ».
Sans doute, il y a les heures affreuses du
reniement, mais aussi quels remords, quelles larmes, quel
repentir !
Et quand il s'est attiré quelque réprimande,
quelque juste reproche, quelle humilité, quelle loyauté de coeur pour
le reconnaître !
Voilà pourquoi St Pierre est, malgré tout, avec St
Jean, le disciple favori, le disciple bien-aimé du Maître. Car, il
l'est bien, disciple favori.
N'est-ce pas lui que Jésus choisit, avec Jacques et
Jean, pour être témoin de sa transfiguration ?
N'est-ce pas à lui, le premier des apôtres,
qu'apparaît Jésus ressuscité ? (I
Corinth. XV. 5)
N'est-ce pas lui qui est le porte-parole du
Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte ?
N'est-ce pas lui, encore, qui accomplit le premier
miracle relaté dans les Actes des apôtres ?
N'est-ce pas lui, qui est, dans un sens imagé, le
premier à ouvrir toute grande la porte du Royaume des cieux aux
hommes, en leur annonçant la bonne nouvelle du salut gratuit et
parfait par Jésus-Christ ? N'est-ce pas lui, l'apôtre
Pierre ?
Et qui moissonne les prémices de la
gentilité ? N'est-ce pas encore le même apôtre, en la personne du
centenier Corneille ?
On pourrait citer de nombreux autres exemples.
Nous sommes donc d'accord avec J.-A. Bost lorsqu'il
dit que les Protestants semblent avoir un peu trop méconnu, par une
réaction qui s'explique, d'ailleurs, le rôle très spécial, le rôle du
« primus inter pares », le premier entre ses égaux, attribué
à Simon Pierre par le Seigneur, d'abord, et aussi par les Évangiles,
qui le placent toujours en tête des apôtres, dans l'énumération de
leurs noms (1).
Et il est bien compréhensible qu'à l'heure où
l'Eglise, oubliant les recommandations de son divin fondateur, se mit
inconsciemment à calquer son organisation sur les principes des
autocraties politiques, il ait pu apparaître comme l'homme tout
indiqué pour servir de première pierre au colossal édifice romain.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |