MARTYRS
ÉPISODE DES
PERSÉCUTIONS RELIGIEUSES
sous
RANAVANOLA 1
ère REINE DE MADAGASCAR
TANANARIVE (vue prise de
l'ouest).
Falaises du haut desquelles furent
précipités un grand nombre de Martyrs
chrétiens sous Ranavalona
1ère.
À Monsieur...
G.
Cher Monsieur et
Ami,
Vous avez bien voulu
vous intéresser à ces pages
écrites sur la « Terre
Rouge », pendant les heures de loisirs,
dans une petite case indienne, à Marovoay.
Je vous en suis reconnaissant. Mais en les laissant
aller, selon votre désir, afin que d'autres
puissent en prendre connaissance, je ne suis pas
sans appréhensions.
Il n'a pas
été question, ai-je besoin de le
dire, de faire oeuvre littéraire. Je n'en ai
point eu le temps, et le talent m'aurait
manqué. Simplement, j'ai voulu fixer
quelques données éparses ici et
là, leur fournir un cadre, en restant aussi
près que possible de la
vérité. L'histoire de l'Eglise
Malgache, à peine vieille d'un
siècle, est d'une grande richesse. À
vrai dire, on en pourrait tirer, non un simple
épisode, mais un véritable grand
oeuvre.
C'est beaucoup
d'audace aussi que d'avoir voulu faire un
récit dialogué, Comment bien rendre
en français une langue aussi difficile que
le malgache, toute chargée d'images
inattendues, de proverbes nombreux et d'idiotismes
les plus divers ? L'essayer, n'est-ce pas
courir le risque de n'être compris qu'il
demi. et donner une idée imprécise de
ce langage où, si souvent, la phrase sonore
se balance avec souplesse, gracieuse et subtile,
s'avance lentement sans s'inquiéter de la
longueur du discours ?
Bien des expressions
que vous avez lues cachent une attitude qu'il faut
connaître pour en saisir toute la
portée. Telles qu'il a été
possible de les transcrire, elles me paraissent
donner, cependant, une idée assez juste du
caractère de ceux qui les emploient. En
outre, la plupart des longs discours du
récit sont, comme le Kabary et plusieurs
réponses des Martyrs, des traductions
essayant de rendre la tradition malgache. Les
longues formules et tournures étranges,
mises sur les lèvres des sorciers, sont
celles qu'on peut encore entendre aujourd'hui dans
les régions de l'Île non
christianisées. À ce litre. leur
intérêt est réel.
Si, avec toutes ses
imperfections, ce récit doit
intéresser, surtout, s'il doit encourager
quelque lecteur à faire effort pour en
savoir davantage sur cette magnifique
épopée de l'Eglise malgache, je
m'estimerai heureux, et vous aurez travaillé
vous-même, cher monsieur, à augmenter
la sympathie pour un peuple qui mérite
d'être connu, et au milieu duquel Dieu a fait
de grandes choses.
À vous de tout
coeur,
Henry
RUSILLON
Mai
1912.
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